Les Fourberies de Scapin.

The Impostures of Scapin

Molière

by Molière

(1671)
(1671)

Translated by Charles Heron Wall (1877)

Cette pièce fut représentée pour la première fois sur le théâtre du Palais-Royal, le 24 mai 1671. C’est une imitation de la comédie antique à laquelle s’ajoutent un grand nombre d’emprunts faits à diverses comédies d’intrigue italiennes ou françaises.

Acted on May 24, 1671, at the Palais Royal, 'Les Fourberies de Scapin' had great success. It is nothing, however, but a farce, taken partly from classical, partly from Italian or from French sources.

PERSONNAGES

 
ARGANTE, père d’Octave et de Zerbinette.
GÉRONTE, père de Léandre et d’Hyacinte.
OCTAVE, fils d’Argante, et amant d’Hyacinte.
LÉANDRE, fils de Géronte, et amant de Zerbinette.
ZERBINETTE, crue Égyptienne, et reconnue fille d’Argante et amante de Léandre.
HYACINTE, fille de Géronte et amante d’Octave.
SCAPIN, valet de Léandre, et fourbe.
SYLVESTRE, valet d’Octave.
NÉRINE, nourrice d’Hyacinte.
CARLE, fourbe.
DEUX PORTEURS.

PERSONS REPRESENTED.

 
ARGANTE, father to OCTAVE and ZERBINETTE.
GÉRONTE, father to LÉANDRE and HYACINTHA.
OCTAVE, son to ARGANTE, and lover to HYACINTHA.
LÉANDRE, son to GÉRONTE, and lover to ZERBINETTE.
ZERBINETTE, daughter to ARGANTE, believed to be a gypsy girl.
HYACINTHA, daughter to GÉRONTE.
SCAPIN, servant to LÉANDRE.
SILVESTRE, servant to OCTAVE.
NÉRINE, nurse to HYACINTHA.
CARLE.
TWO PORTERS.

The scene is at NAPLES.

Acte I

ACT I.

Scène I.

Scene I.

OCTAVE, SYLVESTRE.

OCTAVE, SILVESTRE.

Octave.

Ah ! fâcheuses nouvelles pour un cœur amoureux ! Dures extrémités où je me vois réduit ! Tu viens, Sylvestre, d’apprendre au port, que mon père revient ?

Octave.

Ah! what sad news for one in love! What a hard fate to be reduced to! So, Silvestre, you have just heard at the harbour that my father is coming back?

Sylvestre.

Oui.

Silvestre.

Yes.

Octave.

Qu’il arrive ce matin même ?

Octave.

That he returns this very morning?

Sylvestre.

Ce matin même.

Silvestre.

This very morning.

Octave.

Et qu’il revient dans la résolution de me marier ?

Octave.

With the intention of marrying me?

Sylvestre.

Oui.

Silvestre.

Of marrying you.

Octave.

Avec une fille du seigneur Géronte ?

Octave.

To a daughter of Mr. Géronte?

Sylvestre.

Du seigneur Géronte.

Silvestre.

Of Mr. Géronte.

Octave.

Et que cette fille est mandée de Tarente ici pour cela ?

Octave.

And that this daughter is on her way from Tarentum for that purpose?

Sylvestre.

Oui.

Silvestre.

For that purpose.

Octave.

Et tu tiens ces nouvelles de mon oncle ?

Octave.

And you have this news from my uncle?

Sylvestre.

De votre oncle.

Silvestre.

From your uncle.

Octave.

À qui mon père les a mandées par une lettre ?

Octave.

To whom my father has given all these particulars in a letter?

Sylvestre.

Par une lettre.

Silvestre.

In a letter.

Octave.

Et cet oncle, dis-tu, sait toutes nos affaires ?

Octave.

And this uncle, you say, knows all about our doings?

Sylvestre.

Toutes nos affaires^[1].

Silvestre.

All our doings.

Octave.

Ah ! parle, si tu veux, et ne te fais point, de la sorte, arracher les mots de la bouche.

Octave.

Oh! speak, I pray you; don't go on in such a way as that, and force me to wrench everything from you, word by word.

Sylvestre.

Qu’ai-je à parler davantage ? vous n’oubliez aucune circonstance, et vous dites les choses tout justement comme elles sont.

Silvestre.

But what is the use of my speaking? You don't forget one single detail, but state everything exactly as it is.

Octave.

Conseille-moi, du moins, et me dis ce que je dois faire dans ces cruelles conjonctures.

Octave.

At least advise me, and tell me what I ought to do in this wretched business.

Sylvestre.

Ma foi, je m’y trouve autant embarrassé que vous ; et j’aurois bon besoin que l’on me conseillât moi-même.

Silvestre.

I really feel as much perplexed as you, and I myself need the advice of some one to guide me.

Octave.

Je suis assassiné par ce maudit retour.

Octave.

I am undone by this unforeseen return.

Sylvestre.

Je ne le suis pas moins.

Silvestre.

And I no less.

Octave.

Lorsque mon père apprendra les choses, je vais voir fondre sur moi un orage soudain d’impétueuses réprimandes.

Octave.

When my father hears what has taken place, a storm of reprimands will burst upon me.

Sylvestre.

Les réprimandes ne sont rien ; et plût au ciel que j’en fusse quitte à ce prix ! mais j’ai bien la mine, pour moi, de payer plus cher vos folies ; et je vois se former, de loin un nuage de coups de bâton qui crèvera sur mes épaules^[2].

Silvestre.

Reprimands are not very heavy to bear; would to heaven I were free at that price! But I am very likely to pay dearly for all your wild doings, and I see a storm of blows ready to burst upon my shoulders.

Octave.

Ô Ciel ! par où sortir de l’embarras où je me trouve ?

Octave.

Heavens! how am I to get clear of all the difficulties that beset my path!

Sylvestre.

C’est à quoi vous deviez songer avant que de vous y jeter.

Silvestre.

You should have thought of that before entering upon it.

Octave.

Ah ! tu me fais mourir par tes leçons hors de saison.

Octave.

Oh, don't come and plague me to death with your unreasonable lectures.

Sylvestre.

Vous me faites bien plus mourir par vos actions étourdies.

Silvestre.

You plague me much more by your foolish deeds.

Octave.

Que dois-je faire ? Quelle résolution prendre ? À quel remède recourir ?

Octave.

What am I to do? What steps must I take? To what course of action have recourse?

Scène II.

Scene II.

OCTAVE, SCAPIN, SYLVESTRE.

OCTAVE, SCAPIN, SILVESTRE.

Scapin.

Qu’est-ce, Seigneur Octave ? Qu’avez-vous ? Qu’y a-t-il ? Quel désordre est-ce là ? Je vous vois tout troublé.

Scapin.

How now, Mr. Octave? What is the matter with you? What is it? What trouble are you in? You are all upset, I see.

Octave.

Ah ! mon pauvre Scapin, je suis perdu ; je suis désespéré ; je suis le plus infortuné de tous les hommes.

Octave.

Ah! my dear Scapin, I am in despair; I am lost; I am the most unfortunate of mortals.

Scapin.

Comment ?

Scapin.

How is that?

Octave.

N’as-tu rien appris de ce qui me regarde ?

Octave.

Don't you know anything of what has happened to me?

Scapin.

Non.

Scapin.

No.

Octave.

Mon père arrive avec le seigneur Géronte, et ils me veulent marier.

Octave.

My father is just returning with Mr. Géronte, and they want to marry me.

Scapin.

Hé bien ! qu’y a-t-il là de si funeste ?

Scapin.

Well, what is there so dreadful about that?

Octave.

Hélas ! tu ne sais pas la cause de mon inquiétude.

Octave.

Alas! you don't know what cause I have to be anxious.

Scapin.

Non ; mais il ne tiendra qu’à vous que je la sache bientôt ; et je suis homme consolatif^[3], homme à m’intéresser aux affaires des jeunes gens.

Scapin.

No; but it only depends on you that I should soon know; and I am a man of consolation, a man who can interest himself in the troubles of young people.

Octave.

Ah ! Scapin, si tu pouvais trouver quelque invention, forger quelque machine, pour me tirer de la peine où je suis, je croirois t’être redevable de plus que de la vie.

Octave.

Ah! Scapin, if you could find some scheme, invent some plot, to get me out of the trouble I am in, I should think myself indebted to you for more than life.

Scapin.

À vous dire la vérité, il y a peu de choses qui me soient impossibles, quand je m’en veux mêler. J’ai sans doute reçu du ciel un génie assez beau pour toutes les fabriques de ces gentillesses d’esprit, de ces galanteries ingénieuses à qui le vulgaire ignorant donne le nom de fourberies ; et je puis dire, sans vanité, qu’on n’a guère vu d’homme qui fût plus habile ouvrier de ressorts et d’intrigues, qui ait acquis plus de gloire que moi dans ce noble métier. Mais, ma foi, le mérite est trop maltraité aujourd’hui ; et j’ai renoncé à toutes choses depuis certain chagrin d’une affaire qui m’arriva.

Scapin.

To tell you the truth, there are few things impossible to me when I once set about them. Heaven has bestowed on me a fair enough share of genius for the making up of all those neat strokes of mother wit, for all those ingenious gallantries to which the ignorant and vulgar give the name of impostures; and I can boast, without vanity, that there have been very few men more skilful than I in expedients and intrigues, and who have acquired a greater reputation in the noble profession. But, to tell the truth, merit is too ill rewarded nowadays, and I have given up everything of the kind since the trouble I had through a certain affair which happened to me.

Octave.

Comment ? Quelle affaire, Scapin ?

Octave.

How? What affair, Scapin?

Scapin.

Une aventure où je me brouillai avec la justice.

Scapin.

An adventure in which justice and I fell out.

Octave.

La justice ?

Octave.

Justice and you?

Scapin.

Oui, nous eûmes un petit démêlé ensemble.

Scapin.

Yes; we had a trifling quarrel.

Sylvestre.

Toi et la justice ?

Silvestre.

You and justice?

Scapin.

Oui. Elle en usa fort mal avec moi ; et je me dépitai de telle sorte contre l’ingratitude du siècle, que je résolus de ne plus rien faire. Baste ! Ne laissez pas de me conter votre aventure.

Scapin.

Yes. She used me very badly; and I felt so enraged against the ingratitude of our age that I determined never to do anything for anybody. But never mind; tell me about yourself all the same.

Octave.

Tu sais, Scapin, qu’il y a deux mois que le seigneur Géronte et mon père s’embarquèrent ensemble pour un voyage qui regarde certain commerce où leurs intérêts sont mêlés^[4].

Octave.

You know, Scapin, that two months ago Mr. Géronte and my father set out together on a voyage, about a certain business in which they are both interested.

Scapin.

Je sais cela.

Scapin.

Yes, I know that.

Octave.

Et que Léandre et moi nous fûmes laissés par nos pères, moi sous la conduite de Sylvestre, et Léandre sous ta direction.

Octave.

And that both Léandre and I were left by our respective fathers, I under the management of Silvestre, and Léandre under your management.

Scapin.

Oui. Je me suis fort bien acquitté de ma charge.

Scapin.

Yes; I have acquitted myself very well of my charge.

Octave.

Quelque temps après, Léandre fit rencontre d’une jeune Égyptienne dont il devint amoureux.

Octave.

Some time afterwards Léandre met with a young gipsy girl, with whom he fell in love.

Scapin.

Je sais cela encore.

Scapin.

I know that too.

Octave.

Comme nous sommes grands amis, il me fit aussitôt confidence de son amour, et me mena voir cette fille, que je trouvai belle, à la vérité, mais non pas tant qu’il vouloit que je la trouvasse. Il ne m’entretenoit que d’elle chaque jour, m’exagéroit à tous moments sa beauté et sa grâce ; me louoit son esprit, et me parloit avec transport des charmes de son entretien, dont il me rapportoit jusqu’aux moindres paroles, qu’il s’efforçoit toujours de me faire trouver les plus spirituelles du monde. Il me querelloit quelquefois de n’être pas assez sensible aux choses qu’il me venoit dire, et me blâmoit sans cesse de l’indifférence où j’étois pour les feux de l’amour.

Octave.

As we are great friends, he told me at once of his love, and took me to see this young girl, whom I thought good-looking, it is true, but not so beautiful as he would have had me believe. He never spoke of anything but her; at every opportunity he exaggerated her grace and her beauty, extolled her intelligence, spoke to me with transport of the charms of her conversation, and related to me her most insignificant saying, which he always wanted me to think the cleverest thing in the world. He often found fault with me for not thinking as highly as he imagined I ought to do of the things he related to me, and blamed me again and again for being so insensible to the power of love.

Scapin.

Je ne vois pas encore où ceci veut aller.

Scapin.

I do not see what you are aiming at in all this.

Octave.

Un jour que je l’accompagnois pour aller chez les gens qui gardent l’objet de ses vœux, nous entendîmes dans une petite maison d’une rue écartée, quelques plaintes mêlées de beaucoup de sanglots. Nous demandons ce que c’est ; une femme nous dit en soupirant, que nous pouvions voir là quelque chose de pitoyable en des personnes étrangères, et qu’à moins que d’être insensibles, nous en serions touchés.

Octave.

One day, as I was going with him to the people who have charge of the girl with whom he is in love, we heard in a small house on a by-street, lamentations mixed with a good deal of sobbing. We inquired what it was, and were told by a woman that we might see there a most piteous sight, in the persons of two strangers, and that unless we were quite insensible to pity, we should be sure to be touched with it.

Scapin.

Où est-ce que cela nous mène ?

Scapin.

Where will this lead to?

Octave.

La curiosité me fit presser Léandre de voir ce que c’étoit. Nous entrons dans une salle, où nous voyons une vieille femme mourante, assistée d’une servante qui faisoit des regrets, et d’une jeune fille toute fondante en larmes, la plus belle et la plus touchante qu’on puisse jamais voir.

Octave.

Curiosity made me urge Léandre to come in with me. We went into a low room, where we saw an old woman dying, and with her a servant who was uttering lamentations, and a young girl dissolved in tears, the most beautiful, the most touching sight that you ever saw.

Scapin.

Ah, ah !

Scapin.

Oh! oh!

Octave.

Une autre auroit paru effroyable en l’état où elle étoit ; car elle n’avoit pour habillement qu’une méchante petite jupe, avec des brassières de nuit qui étaient de simple futaine ; et sa coiffure étoit une cornette jaune, retroussée au haut de sa tête, qui laissoit tomber en désordre ses cheveux sur ses épaules ; et cependant, faite comme cela, elle brilloit de mille attraits, et ce n’étoit qu’agréments et que charmes que toute sa personne.

Octave.

Any other person would have seemed frightful in the condition she was in, for all the dress she had on was a scanty old petticoat, with a night jacket of plain fustian, and turned back at the top of her head a yellow cap, which let her hair fall in disorder on her shoulders; and yet dressed even thus she shone with a thousand attractions, and all her person was most charming and pleasant.

Scapin.

Je sens venir les choses.

Scapin.

I begin to understand.

Octave.

Si tu l’avois vue, Scapin, en l’état que je dis, tu l’aurois trouvée admirable.

Octave.

Had you but seen her, Scapin, as I did, you would have thought her admirable.

Scapin.

Oh ! je n’en doute point ; et sans l’avoir vue, je vois bien qu’elle étoit tout à fait charmante.

Scapin.

Oh! I have no doubt about it; and without seeing her, I plainly perceive that she must have been altogether charming.

Octave.

Ses larmes n’étoient point de ces larmes désagréables qui défigurent un visage ; elle avoit à pleurer une grâce touchante, et sa douleur étoit la plus belle du monde.

Octave.

Her tears were none of those unpleasant tears which spoil the face; she had a most touching grace in weeping, and her sorrow was a most beautiful thing to witness.

Scapin.

Je vois tout cela.

Scapin.

I can see all that.

Octave.

Elle faisoit fondre chacun en larmes, en se jetant amoureusement sur le corps de cette mourante, qu’elle appeloit sa chère mère ; et il n’y avoit personne qui n’eût l’âme percée de voir un si bon naturel.

Octave.

All who approached her burst into tears whilst she threw herself, in her loving way, on the body of the dying woman, whom she called her dear mother; and nobody could help being moved to the depths of the heart to see a girl with such a loving disposition.

Scapin.

En effet, cela est touchant ; et je vois bien que ce bon naturel-là vous la fit aimer.

Scapin.

Yes, all that is very touching; and I understand that this loving disposition made you love her.

Octave.

Ah ! Scapin, un barbare l’auroit aimée.

Octave.

Ah! Scapin, a savage would have loved her.

Scapin.

Assurément. Le moyen de s’en empêcher ?

Scapin.

Certainly; how could anyone help doing so?

Octave.

Après quelques paroles, dont je tâchai d’adoucir la douleur de cette charmante affligée, nous sortîmes de là ; et demandant à Léandre ce qu’il lui sembloit de cette personne, il me répondit froidement qu’il la trouvoit assez jolie. Je fus piqué de la froideur avec laquelle il m’en parloit, et je ne voulus point lui découvrir l’effet que ses beautés avoient fait sur mon âme.

Octave.

After a few words, with which I tried to soothe her grief, we left her; and when I asked Léandre what he thought of her, he answered coldly that she was rather pretty! I was wounded to find how unfeelingly he spoke to me of her, and I would not tell him the effect her beauty had had on my heart.

Sylvestre, à Octave.

Si vous n’abrégez ce récit, nous en voilà pour jusqu’à demain. Laissez-le-moi finir en deux mots^[5]. (À Scapin.) Son cœur prend feu dès ce moment : il ne sauroit plus vivre, qu’il n’aille consoler son aimable affligée. Ses fréquentes visites sont rejetées de la servante, devenue la gouvernante par le trépas de la mère. Voilà mon homme au désespoir ; il presse, supplie, conjure : point d’affaire. On lui dit que la fille, quoique sans bien et sans appui, est de famille honnête, et qu’à moins que de l’épouser, on ne peut souffrir ses poursuites. Voilà son amour augmenté par les difficultés. Il consulte dans sa tête, agite, raisonne, balance, prend sa résolution : le voilà marié avec elle depuis trois jours.

Silvestre.

(to OCTAVE). If you do not abridge your story, we shall have to stop here till to-morrow. Leave it to me to finish it in a few words. (To SCAPIN) His heart takes fire from that moment. He cannot live without going to comfort the amiable and sorrowful girl. His frequent visits are forbidden by the servant, who has become her guardian by the death of the mother. Our young man is in despair; he presses, begs, beseeches--all in vain. He is told that the young girl, although without friends and without fortune, is of an honourable family, and that, unless he marries her, he must cease his visits. His love increases with the difficulties. He racks his brains; debates, reasons, ponders, and makes up his mind. And, to cut a long story short, he has been married these three days.

Scapin.

J’entends.

Scapin.

I see.

Sylvestre.

Maintenant, mets avec cela le retour imprévu du père, qu’on n’attendoit que dans deux mois ; la découverte que l’oncle a faite du secret de notre mariage, et l’autre mariage qu’on veut faire de lui avec la fille que le seigneur Géronte a eue d’une seconde femme qu’on dit qu’il a épousée à Tarente.

Silvestre.

Now, add to this the unforeseen return of the father, who was not to be back before two whole months; the discovery which the uncle has made of the marriage; and that other marriage projected between him and a daughter which Mr. Géronte had by a second wife, whom, they say, he married at Tarentum.

Octave.

Et par-dessus tout cela, mets encore l’indigence où se trouve cette aimable personne, et l’impuissance où je me vois d’avoir de quoi la secourir.

Octave.

And, above all, add also the poverty of my beloved, and the impossibility there is for me to do anything for her relief.

Scapin.

Est-ce là tout ? Vous voilà bien embarrassés tous deux pour une bagatelle ! C’est bien là de quoi se tant alarmer ! N’as-tu point de honte, toi, de demeurer court à si peu de chose ? Que diable ! te voilà grand et gros comme père et mère, et tu ne saurois trouver dans ta tête, forger dans ton esprit quelque ruse galante, quelque honnête petit stratagème, pour ajuster vos affaires ! Fi ! peste soit du butor ! Je voudrais bien que l’on m’eût donné autrefois nos vieillards à duper ; je les aurois joués tous deux par-dessous la jambe ; et je n’étois pas plus grand que cela, que je me signalois déjà par cent tours d’adresse jolis.

Scapin.

Is that all? You are both of you at a great loss about nothing. Is there any reason to be alarmed? Are you not ashamed, you, Silvestre, to fall short in such a small matter? Deuce take it all! You, big and stout as father and mother put together, you can't find any expedient in your noddle? you can't plan any stratagem, invent any gallant intrigue to put matters straight? Fie! Plague on the booby! I wish I had had the two old fellows to bamboozle in former times; I should not have thought much of it; and I was no bigger than that, when I had given a hundred delicate proofs of my skill.

Sylvestre.

J’avoue que le ciel ne m’a pas donné tes talents, et que je n’ai pas l’esprit, comme toi, de me brouiller avec la justice.

Silvestre.

I acknowledge that Heaven has not given me your talent, and that I have not the brains like you to embroil myself with justice.

Octave.

Voici mon aimable Hyacinte.

Octave.

Here is my lovely Hyacintha!

Scène III.

Scene III.

HYACINTE, OCTAVE, SCAPIN, SILVESTRE.

HYACINTHA, OCTAVE, SCAPIN, SILVESTRE.

Hyacinte.

Ah ! Octave, est-il vrai ce que Silvestre vient de dire à Nérine, que votre père est de retour, et qu’il veut vous marier ?

Hyacintha.

Ah! Octave, is what Silvestre has just told Nérine really true? Is your father back, and is he bent upon marrying you?

Octave.

Oui, belle Hyacinte ; et ces nouvelles m’ont donné une atteinte cruelle. Mais que vois-je ? vous pleurez ! Pourquoi ces larmes ? Me soupçonnez-vous, dites-moi, de quelque infidélité ? et n’êtes-vous pas assurée de l’amour que j’ai pour vous ?

Octave.

Yes, it is so, dear Hyacintha; and these tidings have given me a cruel shock. But what do I see? You are weeping? Why those tears? Do you suspect me of unfaithfulness, and have you no assurance of the love I feel for you?

Hyacinte.

Oui, Octave, je suis sûre que vous m’aimez ; mais je ne le suis pas que vous m’aimiez toujours.

Hyacintha.

Yes, Octave, I am sure that you love me now; but can I be sure that you will love me always?

Octave.

Hé ! peut-on vous aimer qu’on ne vous aime toute sa vie ?

Octave.

Ah! could anyone love you once without loving you for ever?

Hyacinte.

J’ai ouï dire, Octave, que votre sexe aime moins longtemps que le nôtre, et que les ardeurs que les hommes font voir sont des feux qui s’éteignent aussi facilement qu’ils naissent.

Hyacintha.

I have heard say, Octave, that your sex does not love so long as ours, and that the ardour men show is a fire which dies out as easily as it is kindled.

Octave.

Ah ! ma chère Hyacinte, mon cœur n’est donc pas fait comme celui des autres hommes ; et je sens bien, pour moi, que je vous aimerai jusqu’au tombeau.

Octave.

Then, my dear Hyacintha, my heart is not like that of other men, and I feel certain that I shall love you till I die.

Hyacinte.

Je veux croire que vous sentez ce que vous dites, et je ne doute point que vos paroles ne soient sincères ; mais je crains un pouvoir qui combattra dans votre cœur les tendres sentiments que vous pouvez avoir pour moi. Vous dépendez d’un père, qui veut vous marier à une autre personne ; et je suis sûre que je mourrai si ce malheur m’arrive.

Hyacintha.

I want to believe what you say, and I have no doubt that you are sincere; but I fear a power which will oppose in your heart the tender feelings you have for me. You depend on a father who would marry you to another, and I am sure it would kill me if such a thing happened.

Octave.

Non, belle Hyacinte, il n’y a point de père qui puisse me contraindre à vous manquer de foi ; et je me résoudrai à quitter mon pays, et le jour même, s’il est besoin, plutôt qu’à vous quitter. J’ai déjà pris, sans l’avoir vue, une aversion effroyable pour celle que l’on me destine ; et, sans être cruel, je souhaiterois que la mer l’écartât d’ici pour jamais. Ne pleurez donc point, je vous prie, mon aimable Hyacinte ; car vos larmes me tuent, et je ne les puis voir sans me sentir percer le cœur.

Octave.

No, lovely Hyacintha, there is no father who can force me to break my faith to you, and I could resolve to leave my country, and even to die, rather than be separated from you. Without having seen her, I have already conceived a horrible aversion to her whom they want me to marry; and although I am not cruel, I wish the sea would swallow her up, or drive her hence forever. Do not weep, then, dear Hyacintha, for your tears kill me, and I cannot see them without feeling pierced to the heart.

Hyacinte.

Puisque vous le voulez, je veux bien essuyer mes pleurs, et j’attendrai d’un œil constant ce qu’il plaira au ciel de résoudre de moi.

Hyacintha.

Since you wish it, I will dry my tears, and I will wait without fear for what Heaven shall decide.

Octave.

Le ciel nous sera favorable.

Octave.

Heaven will be favourable to us.

Hyacinte.

Il ne sauroit m’être contraire, si vous m’êtes fidèle.

Hyacintha.

It cannot be against us if you are faithful.

Octave.

Je le serai, assurément.

Octave.

I certainly shall be so.

Hyacinte.

Je serai donc heureuse.

Hyacintha.

Then I shall be happy.

Scapin, à part.

Elle n’est point tant sotte, ma foi ; et je la trouve assez passable.

Scapin. (aside).

She is not so bad, after all, and I think her pretty enough.

Octave, montrant Scapin.

Voici un homme qui pourrait bien, s’il le vouloit, nous être, dans tous nos besoins, d’un secours merveilleux.

Octave. (showing Scapin).

Here is a man who, if he would, could be of the greatest help to us in all our trouble.

Scapin.

J’ai fait de grands serments de ne me mêler plus du monde ; mais, si vous m’en priez bien fort tous deux, peut-être…

Scapin.

I have sworn with many oaths never more to meddle with anything. But if you both entreat me very much, I might....

Octave.

Ah ! s’il ne tient qu’à te prier bien fort pour obtenir ton aide, je te conjure de tout mon cœur de prendre la conduite de notre barque.

Octave.

Ah! if entreaties will obtain your help, I beseech you with all my heart to steer our bark.

Scapin.

Et vous, ne me dites-vous rien ?

Scapin. (to Hyacintha).

And you, have you anything to say?

Hyacinte.

Je vous conjure, à son exemple, par tout ce qui vous est le plus cher au monde, de vouloir servir notre amour.

Hyacintha.

Like him, I beseech you, by all that is most dear to you upon earth, to assist us in our love.

Scapin.

Il faut se laisser vaincre, et avoir de l’humanité. Allez, je veux m’employer pour vous.

Scapin.

I must have a little humanity, and give way. There, don't be afraid; I will do all I can for you.

Octave.

Crois que…

Octave.

Be sure that....

Scapin.

Chut ! (À Hyacinte.) Allez-vous-en, vous, et soyez en repos.

Scapin. (to Octave).

Hush! (To Hyacintha) Go, and make yourself easy.

Scène IV.

Scene IV.

OCTAVE, SCAPIN, SYLVESTRE.

OCTAVE, SCAPIN, SILVESTRE.

Scapin, à Octave.

Et vous, préparez-vous à soutenir avec fermeté l’abord de votre père.

Scapin. (to Octave).

You must prepare yourself to receive your father with firmness.

Octave.

Je t’avoue que cet abord me fait trembler par avance ; et j’ai une timidité naturelle que je ne saurois vaincre.

Octave.

I confess that this meeting frightens me before hand, for with him I have a natural shyness that I cannot conquer.

Scapin.

Il faut pourtant paraître ferme au premier choc, de peur que, sur votre foiblesse, il ne prenne le pied de vous mener comme un enfant. Là, tâchez de vous composer par étude un peu de hardiesse, et songez à répondre résolument sur tout ce qu’il pourra vous dire.

Scapin.

Yes; you must be firm from the first, for fear that he should take advantage of your weakness, and lead you like a child. Now, come, try to school yourself into some amount of firmness, and be ready to answer boldly all he can say to you.

Octave.

Je ferai du mieux que je pourrai.

Octave.

I will do the best I can.

Scapin.

Çà, essayons un peu, pour vous accoutumer. Répétons un peu votre rôle et voyons si vous ferez bien. Allons ; la mine résolue, la tête haute, les regards assurés.

Scapin.

Well! let us try a little, just to see. Rehearse your part, and let us see how you will manage. Come, a look of decision, your head erect, a bold face.

Octave.

Comme cela ?

Octave.

Like this.

Scapin.

Encore un peu davantage.

Scapin.

A little more.

Octave.

Ainsi ?

Octave.

So?

Scapin.

Bon. Imaginez-vous que je suis votre père qui arrive, et répondez-moi fermement comme si c’étoit à lui-même. Comment ! pendard, vaurien, infâme, fils indigne d’un père comme moi, oses-tu bien paroître devant mes yeux après tes bons déportements, après le lâche tour que tu m’as joué pendant mon absence ? Est-ce là le fruit de mes soins, maraud ? est-ce là le fruit de mes soins ? le respect qui m’est dû ? le respect que tu me conserves ? (Allons donc.) Tu as l’insolence, fripon, de t’engager sans le consentement de ton père, de contracter un mariage clandestin ! Réponds-moi, coquin, réponds-moi. Voyons un peu tes belles raisons… Oh ! que diable, vous demeurez interdit !

Scapin.

That will do. Now, fancy that I am your father, just arrived; answer me boldly as if it were he himself.--"What! you scoundrel, you good-for-nothing fellow, you infamous rascal, unworthy son of such a father as I, dare you appear before me after what you have done, and after the infamous trick you have played me during my absence? Is this, you rascal, the reward of all my care? Is this the fruit of all my devotion? Is this the respect due to me? Is this the respect you retain for me?"--Now then, now then.--"You are insolent enough, scoundrel, to go and engage yourself without the consent of your father, and contract a clandestine marriage! Answer me, you villain! Answer me. Let me hear your fine reasons"....--Why, the deuce, you seem quite lost.

Octave.

C’est que je m’imagine que c’est mon père que j’entends.

Octave.

It is because I imagine I hear my father speaking.

Scapin.

Eh ! oui ; c’est par cette raison qu’il ne faut pas être comme un innocent.

Scapin.

Why, yes; and it is for this reason that you must try not to look like an idiot.

Octave.

Je m’en vais prendre plus de résolution, et je répondrai fermement.

Octave.

I will be more resolute, and will answer more firmly.

Scapin.

Assurément ?

Scapin.

Quite sure?

Octave.

Assurément.

Silvestre.

Voilà votre père qui vient.

Silvestre.

Here is your father coming.

Octave.

Ô ciel ! je suis perdu.

Octave.

Oh heavens! I am lost.

Scène V.

Scene V.

SCAPIN, SYLVESTRE.

SCAPIN, SILVESTRE.

Scapin.

Holà ! Octave, demeurez, Octave. Le voilà enfui. Quelle pauvre espèce d’homme ! Ne laissons pas d’attendre le vieillard.

Scapin.

Stop, Octave; stop. He's off. What a poor specimen it is! Let's wait for the old man all the same.

Silvestre.

Que lui dirai-je ?

Silvestre.

What shall I tell him?

Scapin.

Laisse-moi dire, moi, et ne fais que me suivre.

Scapin.

Leave him to me; only follow me.

Scène VI.

Scene VI.

ARGANTE ; SCAPIN et SYLVESTRE, dans le fond du théâtre.

ARGANTE, SCAPIN, SILVESTRE (at the further part of the stage).

Argante, se croyant seul.

A-t-on jamais ouï parler d’une action pareille à celle-là ?

Argante. (thinking himself alone).

Did anyone ever hear of such an action?

Scapin, à Silvestre.

Il a déjà appris l’affaire, et elle lui tient si fort en tête que, tout seul, il en parle haut.

Scapin. (to Silvestre).

He has already heard of the affair, and is so struck by it that, although alone, he speaks aloud about it.

Argante, se croyant seul.

Voilà une témérité bien grande !

Argante. (thinking himself alone).

Such a bold thing to do.

Scapin, à Sylvestre.

Écoutons-le un peu.

Scapin. (to Silvestre).

Let us listen to him.

Argante, se croyant seul.

Je voudrais bien savoir ce qu’ils me pourront dire sur ce beau mariage.

Argante. (thinking himself alone).

I should like to know what they can say to me about this fine marriage.

Scapin, à part.

Nous y avons songé.

Scapin. (aside).

We have it all ready.

Argante, se croyant seul.

Tâcheront-ils de me nier la chose ?

Argante. (thinking himself alone).

Will they try to deny it?

Scapin, à part.

Non, nous n’y pensons pas.

Scapin. (aside).

No: we have no thought of doing so.

Argante, se croyant seul.

Ou s’ils entreprendront de l’excuser ?

Argante. (thinking himself alone).

Or will they undertake to excuse it?

Scapin, à part.

Celui-là se pourra faire.

Scapin. (aside).

That may be.

Argante, se croyant seul.

Prétendront-ils m’amuser par des contes en l’air ?

Argante. (thinking himself alone).

Do they intend to deceive me with impertinent stories?

Scapin, à part.

Peut-être.

Scapin. (aside).

May be.

Argante, se croyant seul.

Tous leurs discours seront inutiles.

Argante. (thinking himself alone).

All they can say will be useless.

Scapin, à part.

Nous allons voir.

Scapin.

We shall see.

Argante, se croyant seul.

Ils ne m’en donneront point à garder.

Argante. (thinking himself alone).

They will not take me in.

Scapin, à part.

Ne jurons de rien.

Scapin. (aside).

I don't know that.

Argante, se croyant seul.

Je saurai mettre mon pendard de fils en lieu de sûreté.

Argante. (thinking himself alone).

I shall know how to put my rascal of a son in a safe place.

Scapin, à part.

Nous y pourvoirons.

Scapin. (aside).

We shall see about that.

Argante, se croyant seul.

Et pour le coquin de Silvestre, je le rouerai de coups.

Argante. (thinking himself alone).

And as for that rascal Silvestre, I will cudgel him soundly.

Silvestre, à Scapin.

J’étois bien étonné s’il m’oublioit.

Silvestre. (to Scapin).

I should have been very much astonished if he had forgotten me.

Argante, apercevant Silvestre.

Ah ! ah ! vous voilà donc, sage gouverneur de famille, beau directeur de jeunes gens !

Argante. (seeing Silvestre).

Ah, ah! here you are, most wise governor of a family, fine director of young people!

Scapin.

Monsieur, je suis ravi de vous voir de retour.

Scapin.

Sir, I am delighted to see you back.

Argante.

Bonjour, Scapin. (À Silvestre.) Vous avez suivi mes ordres vraiment d’une belle manière ! et mon fils s’est comporté fort sagement pendant mon absence !

Argante.

Good morning, Scapin. (to Silvestre) You have really followed my orders in a fine manner, and my son has behaved splendidly.

Scapin.

Vous vous portez bien, à ce que je vois ?

Scapin.

You are quite well, I see.

Argante.

Assez bien. (À Silvestre.) Tu ne dis mot, coquin, tu ne dis mot.

Argante.

Pretty well. (to Silvestre) You don't say a word, you rascal!

Scapin.

Votre voyage a-t-il été bon ?

Scapin.

Have you had a pleasant journey?

Argante.

Mon Dieu ! fort bon. Laisse-moi un peu quereller en repos.

Argante.

Yes, yes, very good. Leave me alone a little to scold this villain!

Scapin.

Vous voulez quereller ?

Scapin.

You want to scold?

Argante.

Oui, je veux quereller.

Argante.

Yes, I wish to scold.

Scapin.

Hé ! qui, Monsieur ?

Scapin.

But whom, Sir?

Argante.

Ce maraud-là.

Argante. (Pointing to Silvestre).

This scoundrel!

Scapin.

Pourquoi ?

Scapin.

Why?

Argante.

Tu n’as pas ouï parler de ce qui s’est passé dans mon absence ?

Argante.

Have you not heard what has taken place during my absence?

Scapin.

J’ai bien ouï parler de quelque petite chose.

Scapin.

Yes, I have heard some trifling thing.

Argante.

Comment quelque petite chose ! Une action de cette nature !

Argante.

How! Some trifling thing! Such an action as this?

Scapin.

Vous avez quelque raison.

Scapin.

You are about right.

Argante.

Une hardiesse pareille à celle-là !

Argante.

Such a daring thing to do!

Scapin.

Cela est vrai.

Scapin.

That's quite true.

Argante.

Un fils qui se marie sans le consentement de son père !

Argante.

To marry without his father's consent!

Scapin.

Oui, il y a quelque chose à dire à cela. Mais je serois d’avis que vous ne fissiez point de bruit.

Scapin.

Yes, there is something to be said against it, but my opinion is that you should make no fuss about it.

Argante.

Je ne suis pas de cet avis, moi ; et je veux faire du bruit tout mon soûl. Quoi ! tu ne trouves pas que j’aie tous les sujets du monde d’être en colère ?

Argante.

This is your opinion, but not mine; and I will make as much fuss as I please. What! do you not think that I have every reason to be angry?

Scapin.

Si fait, j’y ai d’abord été, moi, lorsque j’ai su la chose ; et je me suis intéressé pour vous, jusqu’à quereller votre fils. Demandez-lui un peu quelles belles réprimandes je lui ai faites, et comme je l’ai chapitré sur le peu de respect qu’il gardoit à un père dont il devoit baiser les pas. On ne peut pas lui mieux parler, quand ce seroit vous-même. Mais quoi ! je me suis rendu à la raison, et j’ai considéré que, dans le fond, il n’a pas tant de tort qu’on pourrait croire.

Scapin.

Quite so. I was angry myself when I first heard it; and I so far felt interested in your behalf that I rated your son well. Just ask him the fine sermons I gave him, and how I lectured him about the little respect he showed his father, whose very footsteps he ought to kiss. You could not yourself talk better to him. But what of that? I submitted to reason, and considered that, after all, he had done nothing so dreadful.

Argante.

Que me viens-tu conter ? Il n’a pas tant de tort de s’aller marier de but en blanc avec une inconnue ?

Argante.

What are you telling me? He has done nothing so dreadful? When he goes and marries straight off a perfect stranger?

Scapin.

Que voulez-vous ? Il y a été poussé par sa destinée.

Scapin.

What can one do? he was urged to it by his destiny.

Argante.

Ah ! ah ! Voici une raison la plus belle du monde. On n’a plus qu’à commettre tous les crimes imaginables, tromper, voler, assassiner, et dire, pour excuse, qu’on y a été poussé par sa destinée.

Argante.

Oh, oh! You give me there a fine reason. One has nothing better to do now than to commit the greatest crime imaginable--to cheat, steal, and murder--and give for an excuse that we were urged to it by destiny.

Scapin.

Mon Dieu ! vous prenez mes paroles trop en philosophe. Je veux dire qu’il s’est trouvé fatalement engagé dans cette affaire.

Scapin.

Ah me! You take my words too much like a philosopher. I mean to say that he was fatally engaged in this affair.

Argante.

Et pourquoi s’y engageait-il ?

Argante.

And why did he engage in it?

Scapin.

Voulez-vous qu’il soit aussi sage que vous ? Les jeunes gens sont jeunes, et n’ont pas toute la prudence qu’il leur faudroit pour ne rien faire que de raisonnable : témoin notre Léandre, qui malgré toutes mes leçons, malgré toutes mes remontrances, est allé faire, de son côté, pis encore que votre fils. Je voudrois bien savoir si vous-même n’avez pas été jeune, et n’avez pas, dans votre temps, fait des fredaines comme les autres. J’ai ouï dire, moi, que vous avez été autrefois un compagnon parmi les femmes, que vous faisiez de votre drôle avec les plus galantes de ce temps-là, et que vous n’en approchiez point que vous ne poussassiez à bout.

Scapin.

Do you expect him to be as wise as you are? Can you put an old head on young shoulders, and expect young people to have all the prudence necessary to do nothing but what is reasonable? Just look at our Léandre, who, in spite of all my lessons, has done even worse than that. I should like to know whether you yourself were not young once, and have not played as many pranks as others? I have heard say that you were a sad fellow in your time, that you played the gallant among the most gallant of those days, and that you never gave in until you had gained your point.

Argante.

Cela est vrai, j’en demeure d’accord ; mais je m’en suis toujours tenu à la galanterie, et je n’ai point été jusqu’à faire ce qu’il a fait.

Argante.

It is true, I grant it; but I always confined myself to gallantry, and never went so far as to do what he has done.

Scapin.

Que vouliez-vous qu’il fît ? Il voit une jeune personne qui lui veut du bien (car il tient de vous, d’être aimé de toutes les femmes) ; il la trouve charmante, il lui rend des visites, lui conte des douceurs, soupire galamment, fait le passionné. Elle se rend à sa poursuite ; il pousse sa fortune. Le voilà surpris avec elle par ses parents, qui, la force à la main, le contraignent de l’épouser^[6].

Scapin.

But what was he to do? He sees a young person who wishes him well; for he inherits it from you that all women love him. He thinks her charming, goes to see her, makes love to her, sighs as lovers sigh, and does the passionate swain. She yields to his pressing visits; he pushes his fortune. But her relations catch him with her, and oblige him to marry her by main force.

Silvestre, à part.

L’habile fourbe que voilà !

Silvestre. (aside).

What a clever cheat!

Scapin.

Eussiez-vous voulu qu’il se fût laissé tuer ? Il vaut mieux encore être marié qu’être mort.

Scapin.

Would you have him suffer them to murder him? It is still better to be married than to be dead.

Argante.

On ne m’a pas dit que l’affaire se soit ainsi passée.

Argante.

I was not told that the thing had happened in that way.

Scapin.

Demandez-lui plutôt : Il ne vous dira pas le contraire.

Scapin. (showing Silvestre).

Ask him, if you like; he will tell you the same thing.

Argante.

C’est par force qu’il a été marié ?

Argante. (to Silvestre).

Was he married against his wish?

Silvestre.

Oui, Monsieur.

Silvestre.

Yes, Sir.

Scapin.

Voudrois-je vous mentir ?

Scapin.

Do you think I would tell you an untruth?

Argante.

Il devait donc aller tout aussitôt protester de violence chez un notaire.

Argante.

Then he should have gone at once to a lawyer to protest against the violence.

Scapin.

C’est ce qu’il n’a pas voulu faire.

Scapin.

It is the very thing he would not do.

Argante.

Cela m’aurait donné plus de facilité à rompre ce mariage.

Argante.

It would have made it easier for me to break off the marriage.

Scapin.

Rompre ce mariage ?

Scapin.

Break off the marriage?

Argante.

Oui.

Argante.

Yes

Scapin.

Vous ne le romprez point.

Scapin.

You will not break it off.

Argante.

Je ne le romprai point ?

Argante.

I shall not break it off?

Scapin.

Non.

Scapin.

No.

Argante.

Quoi ! je n’aurai pas pour moi les droits de père, et la raison de la violence qu’on a faite à mon fils ?

Argante.

What! Have I not on my side the rights of a father, and can I not have satisfaction for the violence done to my son?

Scapin.

C’est une chose dont il ne demeurera pas d’accord.

Scapin.

This is a thing he will not consent to.

Argante.

Il n’en demeurera pas d’accord ?

Argante.

He will not consent to it?

Scapin.

Non.

Scapin.

No.

Argante.

Mon fils ?

Argante.

My son?

Scapin.

Votre fils. Voulez-vous qu’il confesse qu’il ait été capable de crainte, et que ce soit par force qu’on lui ait fait faire les choses ? Il n’a garde d’aller avouer cela ; ce seroit se faire tort, et se montrer indigne d’un père comme vous.

Scapin.

Your son. Would you have him acknowledge that he was frightened, and that he yielded by force to what was wanted of him? He will take care not to confess that; it would be to wrong himself, and show himself unworthy of a father like you.

Argante.

Je me moque de cela.

Argante.

I don't care for all that.

Scapin.

Il faut, pour son honneur et pour le vôtre, qu’il dise dans le monde que c’est de bon gré qu’il l’a épousée.

Scapin.

He must, for his own honour and yours, say that he married of his own free will.

Argante.

Et je veux moi, pour mon honneur et pour le sien, qu’il dise le contraire.

Argante.

And I wish for my own honour, and for his, that he should say the contrary.

Scapin.

Non, je suis sûr qu’il ne le fera pas.

Scapin.

I am sure he will not do that.

Argante.

Je l’y forcerai bien.

Argante.

I shall soon make him do it.

Scapin.

Il ne le fera pas, vous dis-je.

Scapin.

He will not acknowledge it, I tell you.

Argante.

Il le fera, ou je le déshériterai.

Argante.

He shall do it, or I will disinherit him.

Scapin.

Vous ?

Scapin.

You?

Argante.

Moi.

Argante.

I.

Scapin.

Bon !

Scapin.

Nonsense!

Argante.

Comment, bon ?

Argante.

How nonsense?

Scapin.

Vous ne le déshériterez point.

Scapin.

You will not disinherit him.

Argante.

Je ne le déshériterai point ?

Argante.

I shall not disinherit him?

Scapin.

Non.

Scapin.

No.

Argante.

Non ?

Argante.

No?

Scapin.

Non.

Scapin.

No.

Argante.

Ouais ! Voici qui est plaisant ! Je ne déshériterai pas mon fils.

Argante.

Well! This is really too much! I shall not disinherit my son!

Scapin.

Non, vous dis-je.

Scapin.

No, I tell you.

Argante.

Qui m’en empêchera ?

Argante.

Who will hinder me?

Scapin.

Vous-même.

Scapin.

You yourself.

Argante.

Moi ?

Argante.

I?

Scapin.

Oui. Vous n’aurez pas ce cœur-là.

Scapin.

Yes; you will never have the heart to do it.

Argante.

Je l’aurai.

Argante.

I shall have the heart.

Scapin.

Vous vous moquez.

Scapin.

You are joking.

Argante.

Je ne me moque point.

Argante.

I am not joking.

Scapin.

La tendresse paternelle fera son office.

Scapin.

Paternal love will carry the day.

Argante.

Elle ne fera rien.

Argante.

No, it will not.

Scapin.

Oui, oui.

Scapin.

Yes, yes.

Argante.

Je vous dis que cela sera.

Argante.

I tell you that I will disinherit him.

Scapin.

Bagatelles.

Scapin.

Rubbish.

Argante.

Il ne faut point dire, Bagatelles.

Argante.

You may say rubbish; but I will.

Scapin.

Mon Dieu ! je vous connois, vous êtes bon naturellement.

Scapin.

Gracious me, I know that you are naturally a kind-hearted man.

Argante.

Je ne suis point bon, et je suis méchant quand je veux^[7]. Finissons ce discours qui m’échauffe la bile. (À Silvestre.) Va-t’en, pendard ; va-t’en me chercher mon fripon, tandis que j’irai rejoindre le seigneur Géronte, pour lui conter ma disgrâce.

Argante.

No, I am not kind-hearted; I can be angry when I choose. Leave off talking; you put me out of all patience. (To Silvestre) Go, you rascal, run and fetch my son, while I go to Mr. Géronte and tell him of my misfortune.

Scapin.

Monsieur, si je vous puis être utile en quelque chose, vous n’avez qu’à me commander.

Scapin.

Sir, if I can be useful to you in any way, you have but to order me.

Argante.

Je vous remercie. (À part) Ah ! pourquoi faut-il qu’il soit fils unique ! et que n’ai-je à cette heure la fille que le ciel m’a ôtée, pour la faire mon héritière !

Argante.

I thank you. (Aside) Ah! Why is he my only son? Oh! that I had with me the daughter that Heaven has taken away from me, so that I might make her my heir.

Scène VII.

Scene VII.

SCAPIN, SYLVESTRE.

SCAPIN, SILVESTRE.

Silvestre.

J’avoue que tu es un grand homme, et voilà l’affaire en bon train ; mais l’argent, d’autre part, nous presse pour notre subsistance, et nous avons de tous côtés des gens qui aboient après nous.

Silvestre.

You are a great man, I must confess; and things are in a fair way to succeed. But, on the other hand, we are greatly pressed for money, and we have people dunning us.

Scapin.

Laisse-moi faire, la machine est trouvée. Je cherche seulement dans ma tête un homme qui nous soit affidé, pour jouer un personnage dont j’ai besoin. Attends. Tiens-toi un peu. Enfonce ton bonnet en méchant garçon. Campe-toi sur un pied. Mets la main au côté. Fais les yeux furibonds. Marche un peu en roi de théâtre. Voilà qui est bien. Suis-moi. J’ai des secrets pour déguiser ton visage et ta voix.

Scapin.

Leave it to me; the plan is all ready. I am only puzzling my brains to find out a fellow to act along with us, in order to play a personage I want. But let me see; just look at me a little. Stick your cap rather rakishly on one side. Put on a furious look. Put your hand on your side. Walk about like a king on the stage.

[Footnote: Compare the 'Impromptu of Versailles'.] That will do. Follow me. I possess some means of changing your face and voice.

Silvestre.

Je te conjure, au moins, de ne m’aller point brouiller avec la justice.

Silvestre.

I pray you, Scapin, don't go and embroil me with justice.

Scapin.

Va, va, nous partagerons les périls en frères ; et trois ans de galère de plus ou de moins, ne sont pas pour arrêter un noble cœur.

Scapin.

Never mind, we will share our perils like brothers, and three years more or less on the galleys are not sufficient to check a noble heart.

Fin du premier acte.


1. ↑ Cette forme de dialogue en écho était fort goûtée au dix-septième siècle. Molière semble ici avoir fait quelques emprunts à la Sœur de Rotrou, acte I, scène i

2. ↑ Dans le Médecin volant, Sganarelle dit : « Le nuage est fort épais, et j’ai bien peur que, s’il vient à crever, il ne grêle sur mon dos force coups de bâtons.

3. ↑ Pascal a dit consolatif à… et consolatif pour… : « Discours bien consolatif à ceux qui ont assez de liberté d’esprit…, etc. » — « Un beau mot de saint Augustin est bien consolatif pour de certaines personnes. »
(F. Génin.)

4. ↑ Tout le récit qui va suivre est tiré du Phormion de Térence.

5. ↑ Ce trait est emprunté à Rotrou, dans la Sœur. Comme ici le valet dit au maître :
Si de ce long récit vous n’abréger le cours, Le jour achèvera plus tôt que ce discours. Laissez-moi le finir avec une parole.

6. ↑ Ce récit est imité du Phormion. Mais Scapin est loin de l’éloquente précision de Géta : … Factum est, ventum est, vincimur, duxit… ; et, comme l’a traduit si heureusement le Monnier : Assignation, plaidoirie, procès perdu, mariage.
(Bret.)

7. ↑ Molière a emprunté au Tartuffe le motif d’une partie de cette scène, qui se trouve aussi mot à mot dans le Malade Imaginaire.
(Aimé Martin)

Acte II

ACT II.

Scène I.

Scene I.

GÉRONTE, ARGANTE.

GÉRONTE, ARGANTE.

Géronte.

Oui, sans doute, par le temps qu’il fait, nous aurons ici nos gens aujourd’hui ; et un matelot qui vient de Tarente m’a assuré qu’il avoit vu mon homme qui étoit près de s’embarquer. Mais l’arrivée de ma fille trouvera les choses mal disposées à ce que nous nous proposions ; et ce que vous venez de m’apprendre de votre fils rompt étrangement les mesures que nous avions prises ensemble.

Géronte.

Yes, there is no doubt but that with this weather we shall have our people with us to-day; and a sailor who has arrived from Tarentum told me just now that he had seen our man about to start with the ship. But my daughter's arrival will find things strangely altered from what we thought they would be, and what you have just told me of your son has put an end to all the plans we had made together.

Argante.

Ne vous mettez pas en peine ; je vous réponds de renverser tout cet obstacle, et j’y vais travailler de ce pas.

Argante.

Don't be anxious about that; I give you my word that I shall remove that obstacle, and I am going to see about it this moment.

Géronte.

Ma foi, seigneur Argante, voulez-vous que je vous dise ? l’éducation des enfants est une chose à quoi il faut s’attacher fortement.

Géronte.

In all good faith, Mr. Argante, shall I tell you what? The education of children is a thing that one could never be too careful about.

Argante.

Sans doute. À quel propos cela ?

Argante.

You are right; but why do you say that?

Géronte.

À propos de ce que les mauvais déportements des jeunes gens viennent le plus souvent de la mauvaise éducation que leurs pères leur donnent.

Géronte.

Because most of the follies of young men come from the way they have been brought up by their fathers.

Argante.

Cela arrive parfois. Mais que voulez-vous dire par là ?

Argante.

It is so sometimes, certainly; but what do you mean by saying that to me?

Géronte.

Ce que je veux dire par là ?

Géronte.

Why do I say that to you?

Argante.

Oui.

Argante.

Yes.

Géronte.

Que si vous aviez en brave père, bien morigéné votre fils, il ne vous auroit pas joué le tour qu’il vous a fait.

Géronte.

Because, if, like a courageous father, you had corrected your son when he was young, he would not have played you such a trick.

Argante.

Fort bien. De sorte donc que vous avez bien mieux morigéné le vôtre ?

Argante.

I see. So that you have corrected your own much better?

Géronte.

Sans doute, et je serais bien fâché qu’il m’eût rien fait approchant de cela.

Géronte.

Certainly; and I should be very sorry if he had done anything at all like what yours has done.

Argante.

Et si ce fils, que vous avez, en brave père, si bien morigéné, avait fait pis encore que le mien ? Hé ?

Argante.

And if that son, so well brought up, had done worse even than mine, what would you say?

Géronte.

Comment ?

Géronte.

What?

Argante.

Comment ?

Argante.

What?

Géronte.

Qu’est-ce que cela veut dire ?

Géronte.

What do you mean?

Argante.

Cela veut dire, Seigneur Géronte, qu’il ne faut pas être si prompt à condamner la conduite des autres ; et que ceux qui veulent gloser doivent bien regarder chez eux s’il n’y a rien qui cloche.

Argante.

I mean, Mr. Géronte, that we should never be so ready to blame the conduct of others, and that those who live in glass houses should not throw stones.

Géronte.

Je n’entends point cette énigme.

Géronte.

I really do not understand you.

Argante.

On vous l’expliquera.

Argante.

I will explain myself.

Géronte.

Est-ce que vous auriez ouï dire quelque chose de mon fils ?

Géronte.

Have you heard anything about my son?

Argante.

Cela se peut faire.

Argante.

Perhaps I have.

Géronte.

Et quoi encore ?

Géronte.

But what?

Argante.

Votre Scapin, dans mon dépit, ne m’a dit la chose qu’en gros, et vous pourrez de lui, ou de quelque autre, être instruit du détail. Pour moi, je vais vite consulter un avocat, et aviser des biais que j’ai à prendre. Jusqu’au revoir.

Argante.

Your servant Scapin, in his vexation, only told me the thing roughly, and you can learn all the particulars from him or from some one else. For my part, I will at once go to my solicitor, and see what steps I can take in the matter. Good-bye.

Scène II.

Scene II.

GÉRONTE, seul.

GÉRONTE (alone).

Géronte.

Que pourrait-ce être que cette affaire-ci ? Pis encore que le sien ? Pour moi, je ne vois pas ce que l’on peut faire de pis ; et je trouve que se marier sans le consentement de son père est une action qui passe tout ce qu’on peut s’imaginer.

Géronte.

What can it be? Worse than what his son has done! I am sure I don't know what anyone can do more wrong than that; and to marry without the consent of one's father is the worst thing that I can possibly imagine.

[Footnote: No exaggeration, if we consider that this was said two hundred years ago, and by a French father.]

Scène III.

Scene III.

GÉRONTE, LÉANDRE.

GÉRONTE, LÉANDRE.

Géronte.

Ah ! vous voilà.

Géronte.

Ah, here you are!

Léandre, en courant à lui pour l’embrasser.

Ah ! mon père, que j’ai de joie de vous voir de retour !

Léandre. (going quickly towards his father to embrace him).

Ah! father, how glad I am to see you!

Géronte, refusant de l’embrasser.

Doucement. Parlons un peu d’affaire.

Géronte. (refusing to embrace him).

Stay, I have to speak to you first.

Léandre.

Souffrez que je vous embrasse, et que…

Léandre.

Allow me to embrace you, and....

Géronte, le repoussant encore.

Doucement, vous dis-je.

Géronte. (refusing him again).

Gently, I tell you.

Léandre.

Quoi : vous me refusez, mon père, de vous exprimer mon transport par mes embrassements ?

Léandre.

How! father, you deprive me of the pleasure of showing you my joy at your return?

Géronte.

Oui, nous avons quelque chose à démêler ensemble.

Géronte.

Certainly; we have something to settle first of all.

Léandre.

Et quoi ?

Léandre.

But what?

Géronte.

Tenez-vous, que je vous voie en face.

Géronte.

Just stand there before me, and let me look at you.

Léandre.

Comment ?

Léandre.

What for?

Géronte.

Regardez-moi entre deux yeux.

Géronte.

Look me straight in the face.

Léandre.

Hé bien ?

Léandre.

Well?

Géronte.

Qu’est-ce donc qui s’est passé ici ?

Géronte.

Will you tell me what has taken place here in my absence?

Léandre.

Ce qui s’est passé ?

Léandre.

What has taken place?

Géronte.

Oui. Qu’avez-vous fait pendant mon absence ?

Géronte.

Yes; what did you do while I was away?

Léandre.

Que voulez-vous, mon père, que j’aie fait ?

Léandre.

What would you have me do, father?

Géronte.

Ce n’est pas moi qui veux que vous ayez fait, mais qui demande ce que c’est que vous avez fait.

Géronte.

It is not I who wanted you to do anything, but who ask you now what it is you did?

Léandre.

Moi ? Je n’ai fait aucune chose dont vous ayez lieu de vous plaindre.

Léandre.

I have done nothing to give you reason to complain.

Géronte.

Aucune chose ?

Géronte.

Nothing at all?

Léandre.

Non.

Léandre.

No.

Géronte.

Vous êtes bien résolu !

Géronte.

You speak in a very decided tone.

Léandre.

C’est que je suis sûr de mon innocence.

Léandre.

It is because I am innocent.

Géronte.

Scapin pourtant a dit de vos nouvelles.

Géronte.

And yet Scapin has told me all about you.

Léandre.

Scapin ?

Léandre.

Scapin!

Géronte.

Ah ! ah ! ce mot vous fait rougir.

Géronte.

Oh! oh! that name makes you change colour.

Léandre.

Il vous a dit quelque chose de moi ?

Léandre.

He has told you something about me?

Géronte.

Ce lieu n’est pas tout à fait propre à vider cette affaire, et nous allons l’examiner ailleurs. Qu’on se rende au logis ; j’y vais revenir tout à l’heure. Ah ! traître, s’il faut que tu me déshonores, je te renonce pour mon fils, et tu peux bien, pour jamais, te résoudre à fuir de ma présence.

Géronte.

He has. But this is not the place to talk about the business, and we must go elsewhere to see to it. Go home at once; I will be there presently. Ah! scoundrel, if you mean to bring dishonour upon me, I will renounce you for my son, and you will have to avoid my presence for ever!

Scène IV.

Scene IV.

LÉANDRE, seul.

LÉANDRE (alone).

Léandre.

Me trahir de cette manière ! Un coquin qui doit, par cent raisons, être le premier à cacher les choses que je lui confie, est le premier à les aller découvrir à mon père. Ah ! je jure le ciel que cette trahison ne demeurera pas impunie.

Léandre.

To betray me after that fashion! A rascal who for so many reasons should be the first to keep secret what I trust him with! To go and tell everything to my father! Ah! I swear by all that is dear to me not to let such villainy go unpunished.

Scène V.

Scene V.

OCTAVE, LÉANDRE, SCAPIN.

OCTAVE, LÉANDRE, SCAPIN.

Octave.

Mon cher Scapin, que ne dois-je point à tes soins ! Que tu es un homme admirable ! et que le ciel m’est favorable de t’envoyer à mon secours !

Octave.

My dear Scapin, what do I not owe to you? What a wonderful man you are, and how kind of Heaven to send you to my help!

Léandre.

Ah ! ah ! vous voilà ! Je suis ravi de vous trouver, monsieur le coquin.

Léandre.

Ah, ah! here you are, you rascal!

Scapin.

Monsieur, votre serviteur. C’est trop d’honneur que vous me faites.

Scapin.

Sir, your servant; you do me too much honour.

Léandre, en mettant l’épée à la main.

Vous faites le méchant plaisant… Ah ! je vous apprendrai…

Léandre.

(drawing his sword). You are setting me at defiance, I believe.... Ah! I will teach you how....

Scapin, se mettant à genoux.

Monsieur.

Scapin.

(falling on his knees). Sir!

Octave, se mettant entre deux pour empêcher Léandre de frapper Scapin.

Ah ! Léandre.

Octave.

(stepping between them). Ah! Léandre.

Léandre.

Non, Octave, ne me retenez point, je vous prie.

Léandre.

No, Octave, do not keep me back.

Scapin, à Léandre

Hé ! Monsieur !

Scapin. (to Léandre).

Eh! Sir.

Octave, retenant Léandre.

De grâce !

Octave. (keeping back Léandre).

For mercy's sake!

Léandre, voulant frapper Scapin.

Laissez-moi contenter mon ressentiment.

Léandre. (trying to strike).

Leave me to wreak my anger upon him.

Octave.

Au nom de l’amitié, Léandre, ne le maltraitez point.

Octave.

In the name of our friendship, Léandre, do not strike him.

Scapin.

Monsieur, que vous ai-je fait ?

Scapin.

What have I done to you, Sir?

Léandre, voulant frapper Scapin.

Ce que tu m’as fait, traître !

Léandre.

What you have done, you scoundrel!

Octave, retenant encore Léandre.

Hé ! doucement.

Octave.

(still keeping back Léandre). Gently, gently.

Léandre.

Non, Octave, je veux qu’il me confesse lui-même, tout à l’heure, la perfidie qu’il m’a faite. Oui, coquin, je sais le trait que tu m’as joué ; on vient de me l’apprendre, et tu ne croyais pas peut-être que l’on me dût révéler ce secret ; mais je veux en avoir la confession de ta propre bouche, ou je vais te passer cette épée au travers du corps.

Léandre.

No, Octave, I will have him confess here on the spot the perfidy of which he is guilty. Yes, scoundrel, I know the trick you have played me; I have just been told of it. You did not think the secret would be revealed to me, did you? But I will have you confess it with your own lips, or I will run you through and through with my sword.

Scapin.

Ah ! Monsieur, auriez-vous bien ce cœur-là ?

Scapin.

Ah! Sir, could you really be so cruel as that?

Léandre.

Parle donc.

Léandre.

Speak, I say.

Scapin.

Je vous ai fait quelque chose, Monsieur ?

Scapin.

I have done something against you, Sir?

Léandre.

Oui, coquin, et ta conscience ne te dit que trop ce que c’est.

Léandre.

Yes, scoundrel! and your conscience must tell you only too well what it is.

Scapin.

Je vous assure que je l’ignore.

Scapin.

I assure you that I do not know what you mean.

Léandre, s’avançant pour frapper Scapin.

Tu l’ignores !

Léandre.

(going towards Scapin to strike him). You do not know?

Octave, retenant Léandre.

Léandre !

Octave.

(keeping back Léandre). Léandre!

Scapin.

Hé bien ! Monsieur, puisque vous le voulez, je vous confesse que j’ai bu avec mes amis ce petit quartaut de vin d’Espagne dont on vous fit présent il y a quelques jours, et que c’est moi qui fis une fente au tonneau, et répandis de l’eau autour, pour faire croire que le vin s’était échappé.

Scapin.

Well, Sir, since you will have it, I confess that I drank with some of my friends that small cask of Spanish wine you received as a present some days ago, and that it was I who made that opening in the cask, and spilled some water on the ground round it, to make you believe that all the wine had leaked out.

Léandre.

C’est toi, pendard, qui m’as bu mon vin d’Espagne, et qui as été cause que j’ai tant querellé la servante, croyant que c’était elle qui m’avait fait le tour ?

Léandre.

What! scoundrel, it was you who drank my Spanish wine, and who suffered me to scold the servant so much, because I thought it was she who had played me that trick?

Scapin.

Oui, Monsieur ; je vous en demande pardon.

Scapin.

Yes, Sir; I am very sorry, Sir.

Léandre.

Je suis bien aise d’apprendre cela. Mais ce n’est pas l’affaire dont il est question maintenant.

Léandre.

I am glad to know this. But this is not what I am about now.

Scapin.

Ce n’est pas cela, Monsieur ?

Scapin.

It is not that, Sir?

Léandre.

Non : c’est une autre affaire qui me touche bien plus, et je veux que tu me la dises.

Léandre.

No; it is something else, for which I care much more, and I will have you tell it me.

Scapin.

Monsieur, je ne me souviens pas d’avoir fait autre chose.

Scapin.

I do not remember, Sir, that I ever did anything else.

Léandre, voulant frapper Scapin.

Tu ne veux pas parler ?

Léandre.

(trying to strike Scapin). Will you speak?

Scapin.

Hé !

Scapin.

Ah!

Octave.

Tout doux !

Octave.

(keeping back Léandre). Gently.

Scapin.

Oui, Monsieur ; il est vrai qu’il y a trois semaines que vous m’envoyâtes porter, le soir, une petite montre à la jeune Égyptienne que vous aimez. Je revins au logis mes habits tout couverts de boue, et le visage plein de sang, et vous dis que j’avais trouvé des voleurs qui m’avoient bien battu, et m’avoient dérobé la montre. C’étoit moi, Monsieur, qui l’avois retenue.

Scapin.

Yes, Sir; it is true that three weeks ago, when you sent me in the evening to take a small watch to the gypsy [Footnote: Égyptienne. Compare act v. scene ii. Bohémienne is a more usual name.] girl you love, and I came back, my clothes spattered with mud and my face covered with blood, I told you that I had been attacked by robbers who had beaten me soundly and had stolen the watch from me. It is true that I told a lie. It was I who kept the watch, Sir.

Léandre.

C’est toi qui as retenu ma montre ?

Léandre.

It was you who stole the watch?

Scapin.

Oui, Monsieur, afin de voir quelle heure il est.

Scapin.

Yes, Sir, in order to know the time.

Léandre.

Ah ! ah ! j’apprends ici de jolies choses, et j’ai un serviteur fort fidèle, vraiment ! Mais ce n’est pas encore cela que je demande.

Léandre.

Ah! you are telling me fine things; I have indeed a very faithful servant! But it is not this that I want to know of you.

Scapin.

Ce n’est pas cela ?

Scapin.

It is not this?

Léandre.

Non, infâme ; c’est autre chose encore que je veux que tu me confesses.

Léandre.

No, infamous wretch! it is something else that I want you to confess.

Scapin, à part

Peste !

Scapin. (aside).

Mercy on me!

Léandre.

Parle vite, j’ai hâte.

Léandre.

Speak at once; I will not be put off.

Scapin.

Monsieur, voilà tout ce que j’ai fait.

Scapin.

Sir, I have done nothing else.

Léandre, voulant frapper Scapin.

Voilà tout ?

Léandre. (trying to strike Scapin).

Nothing else?

Octave.

Hé !

Octave. (stepping between them).

Ah! I beg....

Scapin.

Hé bien ! oui, monsieur. Vous vous souvenez de ce loup-garou, il y a six mois, qui vous donna tant de coups de bâton la nuit, et vous pensa faire rompre le cou dans une cave où vous tombâtes en fuyant.

Scapin.

Well, Sir, you remember that ghost that six months ago cudgelled you soundly, and almost made you break your neck down a cellar, where you fell whilst running away?

Léandre.

Hé bien !

Léandre.

Well?

Scapin.

C’étoit moi, Monsieur, qui faisois le loup-garou.

Scapin.

It was I, Sir, who was playing the ghost.

Léandre.

C’étoit toi, traître, qui faisois le loup-garou ?

Léandre.

It was you, wretch! who were playing the ghost?

Scapin.

Oui, monsieur ; seulement pour vous faire peur, et vous ôter l’envie de nous faire courir toutes les nuits comme vous aviez de coutume.

Scapin.

Only to frighten you a little, and to cure you of the habit of making us go out every night as you did.

Léandre.

Je saurai me souvenir, en temps et lieu, de tout ce que je viens d’apprendre. Mais je veux venir au fait, et que tu me confesses ce que tu as dit à mon père.

Léandre.

I will remember in proper time and place all I have just heard. But I'll have you speak about the present matter, and tell me what it is you said to my father.

Scapin.

À votre père ?

Scapin.

What I said to your father?

Léandre.

Oui, fripon, à mon père.

Léandre.

Yes, scoundrel! to my father.

Scapin.

Je ne l’ai pas seulement vu depuis son retour.

Scapin.

Why, I have not seen him since his return!

Léandre.

Tu ne l’as pas vu ?

Léandre.

You have not seen him?

Scapin.

Non, Monsieur.

Scapin.

No, Sir.

Léandre.

Assurément ?

Léandre.

Is that the truth?

Scapin.

Assurément. C’est une chose que je vais vous faire dire par lui-même.

Scapin.

The perfect truth; and he shall tell you so himself.

Léandre.

C’est de sa bouche que je le tiens pourtant.

Léandre.

And yet it was he himself who told me.

Scapin.

Avec votre permission, il n’a pas dit la vérité.

Scapin.

With your leave, Sir, he did not tell you the truth.

Scène VI.

Scene VI.

LÉANDRE, OCTAVE, CARLE, SCAPIN.

LÉANDRE, OCTAVE, CARLE, SCAPIN.

Carle.

Monsieur, je vous apporte une nouvelle qui est fâcheuse pour votre amour.

Carle.

Sir, I bring you very bad news concerning your love affair.

Léandre.

Comment ?

Léandre.

What is it now?

Carle.

Vos Égyptiens sont sur le point de vous enlever Zerbinette ; et elle-même, les larmes aux yeux, m’a chargé de venir promptement vous dire que, si dans deux heures vous ne songez à leur porter l’argent qu’ils vous ont demandé pour elle, vous l’allez perdre pour jamais.

Carle.

The gypsies are on the point of carrying off Zerbinette. She came herself all in tears to ask me to tell you that, unless you take to them, before two hours are over, the money they have asked you for her, she will be lost to you for ever.

Léandre.

Dans deux heures ?

Léandre.

Two hours?

Carle.

Dans deux heures.

Carle.

Two hours.

Scène VII.

Scene VII.

LÉANDRE, OCTAVE, SCAPIN.

LÉANDRE, OCTAVE, SCAPIN.

Léandre.

Ah ! mon pauvre Scapin, j’implore ton secours.

Léandre.

Ah! my dear Scapin, I pray you to help me.

Scapin.

Ah ! mon pauvre Scapin. Je suis mon pauvre Scapin à cette heure qu’on a besoin de moi^[1].

Scapin.

(rising and passing proudly before Léandre). Ah! my dear Scapin! I am my dear Scapin, now that I am wanted.

Léandre.

Va, je te pardonne tout ce que tu viens de me dire, et pis encore, si tu me l’as fait.

Léandre.

I will forgive you all that you confessed just now, and more also.

Scapin.

Non, non ; ne me pardonnez rien ; passez-moi votre épée au travers du corps. Je serai ravi que vous me tuiez.

Scapin.

No, no; forgive me nothing; run your sword through and through my body. I should be perfectly satisfied if you were to kill me.

Léandre.

Non. Je te conjure plutôt de me donner la vie, en servant mon amour.

Léandre.

I beseech you rather to give me life by serving my love.

Scapin.

Point, point ; vous ferez mieux de me tuer.

Scapin.

Nay, nay; better kill me.

Léandre.

Tu m’es trop précieux ; et je te prie de vouloir employer pour moi ce génie admirable qui vient à bout de toute chose.

Léandre.

You are too dear to me for that. I beg of you to make use for me of that wonderful genius of yours which can conquer everything.

Scapin.

Non. Tuez-moi, vous dis-je.

Scapin.

Certainly not. Kill me, I tell you.

Léandre.

Ah ! de grâce, ne songe plus à tout cela, et pense à me donner le secours que je te demande.

Léandre.

Ah! for mercy's sake, don't think of that now, but try to give me the help I ask.

Octave.

Scapin, il faut faire quelque chose pour lui.

Octave.

Scapin, you must do something to help him.

Scapin.

Le moyen, après une avanie de la sorte ?

Scapin.

How can I after such abuse?

Léandre.

Je te conjure d’oublier mon emportement et de me prêter ton adresse.

Léandre.

I beseech you to forget my outburst of temper, and to make use of your skill for me.

Octave.

Je joins mes prières aux siennes.

Octave.

I add my entreaties to his.

Scapin.

J’ai cette insulte-là sur le cœur.

Scapin.

I cannot forget such an insult.

Octave.

Il faut quitter ton ressentiment.

Octave.

You must not give way to resentment, Scapin.

Léandre.

Voudrois-tu m’abandonner, Scapin, dans la cruelle extrémité où se voit mon amour ?

Léandre.

Could you forsake me, Scapin, in this cruel extremity?

Scapin.

Me venir faire à l’improviste un affront comme celui-là !

Scapin.

To come all of a sudden and insult me like that.

Léandre.

J’ai tort, je le confesse.

Léandre.

I was wrong, I acknowledge.

Scapin.

Me traiter de coquin, de fripon, de pendard, d’infâme !

Scapin.

To call me scoundrel, knave, infamous wretch!

Léandre.

J’en ai tous les regrets du monde.

Léandre.

I am really very sorry.

Scapin.

Me vouloir passer son épée au travers du corps !

Scapin.

To wish to send your sword through my body!

Léandre.

Je t’en demande pardon de tout mon cœur ; et s’il ne tient qu’à me jeter à tes genoux, tu m’y vois, Scapin, pour te conjurer encore une fois de ne me point abandonner.

Léandre.

I ask you to forgive me, with all my heart; and if you want to see me at your feet, I beseech you, kneeling, not to give me up.

Octave.

Ah ! ma foi, Scapin, il se faut rendre à cela.

Octave.

Scapin, you cannot resist that?

Scapin.

Levez-vous. Une autre fois, ne soyez point si prompt.

Scapin.

Well, get up, and another time remember not to be so hasty.

Léandre.

Me promets-tu de travailler pour moi ?

Léandre.

Will you try to act for me?

Scapin.

On y songera.

Scapin.

I will see.

Léandre.

Mais tu sais que le temps presse.

Léandre.

But you know that time presses.

Scapin.

Ne vous mettez pas en peine. Combien est-ce qu’il vous faut ?

Scapin.

Don't be anxious. How much is it you want?

Léandre.

Cinq cents écus.

Léandre.

Five hundred crowns.

Scapin.

Et à vous ?

Scapin.

You?

Octave.

Deux cents pistoles.

Octave.

Two hundred pistoles.

Scapin.

Je veux tirer cet argent de vos pères. (À Octave.) Pour ce qui est du vôtre, la machine est déjà toute trouvée. (à Léandre.) Et quant au vôtre, bien qu’avare au dernier degré, il y faudra moins de façon encore ; car vous savez que, pour l’esprit, il n’en a pas, grâces à Dieu, grande provision ; et je le livre pour une espèce d’homme à qui l’on fera toujours croire tout ce que l’on voudra. Cela ne vous offense point ; il ne tombe entre lui et vous aucun soupçon de ressemblance ; et vous savez assez l’opinion de tout le monde, qui veut qu’il ne soit votre père que pour la forme.

Scapin.

I must extract this money from your respective fathers' pockets. (To Octave) As far as yours is concerned, my plan is all ready. (To Léandre) And as for yours, although he is the greatest miser imaginable, we shall find it easier still; for you know that he is not blessed with too much intellect, and I look upon him as a man who will believe anything. This cannot offend you; there is not a suspicion of a resemblance between him and you; and you know what the world thinks, that he is your father only in name.

Léandre.

Tout beau, Scapin !

Léandre.

Gently, Scapin.

Scapin.

Bon, bon, on fait bien scrupule de cela ! Vous moquez-vous ? Mais j’aperçois venir le père d’Octave. Commençons par lui, puisqu’il se présente. Allez-vous-en tous deux. (À Octave.) Et vous, avertissez votre Silvestre de venir vite jouer son rôle.

Scapin.

Besides, what does it matter? But, Mr. Octave, I see your father coming. Let us begin by him, since he is the first to cross our path. Vanish both of you; (to Octave) and you, please, tell Silvestre to come quickly, and take his part in the affair.

Scène VIII.

Scene VIII.

ARGANTE, SCAPIN.

ARGANTE, SCAPIN.

Scapin, à part.

Le voilà qui rumine.

Scapin. (aside).

Here he is, turning it over in his mind.

Argante, se croyant seul.

Avoir si peu de conduite et de considération ! s’aller jeter dans un engagement comme celui-là ! Ah ! ah ! jeunesse impertinente !

Argante. (thinking himself alone).

Such behaviour and such lack of consideration! To entangle himself in an engagement like that! Ah! rash youth.

Scapin.

Monsieur, votre serviteur.

Scapin.

Your servant, Sir.

Argante.

Bonjour, Scapin.

Argante.

Good morning, Scapin.

Scapin.

Vous rêvez à l’affaire de votre fils ?

Scapin.

You are thinking of your son's conduct.

Argante.

Je t’avoue que cela me donne un furieux chagrin.

Argante.

Yes, I acknowledge that it grieves me deeply.

Scapin.

Monsieur, la vie est mêlée de traverses ; il est bon de s’y tenir sans cesse préparé, et j’ai ouï dire, il y a longtemps, une parole d’un ancien que j’ai toujours retenue.

Scapin.

Ah! Sir, life is full of troubles; and we should always be prepared for them. I was told, a long time ago, the saying of an ancient philosopher which I have never forgotten.

Argante.

Quoi ?

Argante.

What was it?

Scapin.

Que, pour peu qu’un père de famille ait été absent de chez lui, il doit promener son esprit sur tous les fâcheux accidents que son retour peut rencontrer, se figurer sa maison brûlée, son argent dérobé, sa femme morte, son fils estropié, sa fille subornée ; et ce qu’il trouve qui ne lui est point arrivé, l’imputer à bonne fortune. Pour moi, j’ai pratiqué toujours cette leçon dans ma petite philosophie ; et je ne suis jamais revenu au logis, que je ne me sois tenu prêt à la colère de mes maîtres, aux réprimandes, aux injures, aux coups de pied au cul, aux bastonnades, aux étrivières ; et ce qui a manqué à m’arriver, j’en ai rendu grâce à mon bon destin^[2].

Scapin.

That if the father of a family has been away from home for ever so short a time, he ought to dwell upon all the sad news that may greet him on his return. He ought to fancy his house burnt down, his money stolen, his wife dead, his son married, his daughter ruined; and be very thankful for whatever falls short of all this. In my small way of philosophy, I have ever taken this lesson to heart; and I never come home but I expect to have to bear with the anger of my masters, their scoldings, insults, kicks, blows, and horse-whipping. And I always thank my destiny for whatever I do not receive.

Argante.

Voilà qui est bien. Mais ce mariage impertinent qui trouble celui que nous voulons faire est une chose que je ne puis souffrir, et je viens de consulter des avocats pour le faire casser.

Argante.

That's all very well; but this rash marriage is more than I can put up with, and it forces me to break off the match I had intended for my son. I have come from my solicitor's to see if we can cancel it.

Scapin.

Ma foi, monsieur, si vous m’en croyez, vous tâcherez, par quelque autre voie, d’accommoder l’affaire. Vous savez ce que c’est que les procès en ce pays-ci, et vous allez vous enfoncer dans d’étranges épines.

Scapin.

Well, Sir, if you will take my advice, you will look to some other way of settling this business. You know what a law-suit means in this country, and you'll find yourself in the midst of a strange bush of thorns.

Argante.

Tu as raison, je le vois bien. Mais quelle autre voie ?

Argante.

I am fully aware that you are quite right; but what else can I do?

Scapin.

Je pense que j’en ai trouvé une^[3]. La compassion que m’a donnée tantôt votre chagrin m’a obligé à chercher dans ma tête quelque moyen pour vous tirer d’inquiétude ; car je ne saurois voir d’honnêtes pères chagrinés par leurs enfants, que cela ne m’émeuve ; et, de tout temps, je me suis senti pour votre personne une inclination particulière.

Scapin.

I think I have found something that will answer much better. The sorrow that I felt for you made me rummage in my head to find some means of getting you out of trouble; for I cannot bear to see kind fathers a prey to grief without feeling sad about it, and, besides, I have at all times had the greatest regard for you.

Argante.

Je te suis obligé.

Argante.

I am much obliged to you.

Scapin.

J’ai donc été trouver le frère de cette fille qui a été épousée. C’est un de ces braves de profession, de ces gens qui sont tous coups d’épée, qui ne parlent que d’échiner, et ne font non plus de conscience de tuer un homme que d’avaler un verre de vin. Je l’ai mis sur ce mariage, lui ai fait voir quelle facilité offroit la raison de la violence pour le faire casser, vos prérogatives du nom de père, et l’appui que vous donneroit auprès de la justice, et votre droit, et votre argent, et vos amis. Enfin je l’ai tant tourné de tous les côtés, qu’il a prêté l’oreille aux propositions que je lui ai faites d’ajuster l’affaire pour quelque somme ; et il donnera son consentement à rompre le mariage, pourvu que vous lui donniez de l’argent.

Scapin.

Then you must know that I went to the brother of the young girl whom your son has married. He is one of those fire-eaters, one of those men all sword-thrusts, who speak of nothing but fighting, and who think no more of killing a man than of swallowing a glass of wine. I got him to speak of this marriage; I showed him how easy it would be to have it broken off, because of the violence used towards your son. I spoke to him of your prerogatives as father, and of the weight which your rights, your money, and your friends would have with justice. I managed him so that at last he lent a ready ear to the propositions I made to him of arranging the matter amicably for a sum of money. In short, he will give his consent to the marriage being cancelled, provided you pay him well.

Argante.

Et qu’a-t-il demandé ?

Argante.

And how much did he ask?

Scapin.

Oh ! d’abord, des choses par-dessus les maisons.

Scapin.

Oh! at first things utterly out of the question.

Argante.

Et quoi ?

Argante.

But what?

Scapin.

Des choses extravagantes.

Scapin.

Things utterly extravagant.

Argante.

Mais encore ?

Argante.

But what?

Scapin.

Il ne parlait pas moins que de cinq ou six cents pistoles.

Scapin.

He spoke of no less than five or six hundred pistoles.

Argante.

Cinq ou six cents fièvres quartaines qui le puissent serrer ! Se moque-t-il des gens ?

Argante.

Five or six hundred agues to choke him withal. Does he think me a fool?

Scapin.

C’est ce que je lui ai dit. J’ai rejeté bien loin de pareilles propositions, et je lui ai bien fait entendre que vous n’étiez point une dupe, pour vous demander des cinq ou six cents pistoles. Enfin, après plusieurs discours, voici où s’est réduit le résultat de notre conférence. Nous voilà au temps, m’a-t-il dit, que je dois partir pour l’armée ; je suis après à m’équiper, et le besoin que j’ai de quelque argent, me fait consentir, malgré moi, à ce qu’on me propose. Il me faut un cheval de service, et je n’en saurois avoir un qui soit tant soit peu raisonnable, à moins de soixante pistoles.

Scapin.

Just what I told him. I laughed his proposal to scorn, and made him understand that you were not a man to be duped in that fashion, and of whom anyone can ask five or six hundred pistoles! However, after much talking, this is what we decided upon. "The time is now come," he said, "when I must go and rejoin the army. I am buying my equipments, and the want of money I am in forces me to listen to what you propose. I must have a horse, and I cannot obtain one at all fit for the service under sixty pistoles."

Argante.

Hé bien ! pour soixante pistoles, je les donne.

Argante.

Well, yes; I am willing to give sixty pistoles.

Scapin.

Il faudra le harnais, et les pistolets ; et cela ira bien à vingt pistoles encore.

Scapin.

He must have the harness and pistols, and that will cost very nearly twenty pistoles more.

Argante.

Vingt pistoles, et soixante, ce seroit quatre-vingts.

Argante.

Twenty and sixty make eighty.

Scapin.

Justement.

Scapin.

Exactly.

Argante.

C’est beaucoup ; mais, soit ; je consens à cela.

Argante.

It's a great deal; still, I consent to that.

Scapin.

Il me faut aussi un cheval pour monter mon valet, qui coûtera bien trente pistoles.

Scapin.

He must also have a horse for his servant, which, we may expect, will cost at least thirty pistoles.

Argante.

Comment diantre ! Qu’il se promène, il n’aura rien du tout.

Argante.

How, the deuce! Let him go to Jericho. He shall have nothing at all.

Scapin.

Monsieur !

Scapin.

Sir!

Argante.

Non, c’est un impertinent.

Argante.

No; he's an insolent fellow.

Scapin.

Voulez-vous que son valet aille à pied ?

Scapin.

Would you have his servant walk?

Argante.

Qu’il aille comme il lui plaira, et le maître aussi.

Argante.

Let him get along as he pleases, and the master too.

Scapin.

Mon Dieu, monsieur, ne vous arrêtez point à peu de chose. N’allez point plaider, je vous prie ; et donnez tout pour vous sauver des mains de la justice.

Scapin.

Now, Sir, really don't go and hesitate for so little. Don't have recourse to law, I beg of you, but rather give all that is asked of you, and save yourself from the clutches of justice.

Argante.

Hé bien ! soit ; je me résous à donner encore ces trente pistoles.

Argante.

Well, well! I will bring myself to give these thirty pistoles also.

Scapin.

Il me faut encore, a-t-il dit, un mulet pour porter…

Scapin.

"I must also have," he said, "a mule to carry...."

Argante.

Oh ! qu’il aille au diable avec son mulet ! C’en est trop ; et nous irons devant les juges.

Argante.

Let him go to the devil with his mule! This is asking too much. We will go before the judges.

Scapin.

De grâce, Monsieur !

Scapin.

I beg of you, Sir!

Argante.

Non, je n’en ferai rien.

Argante.

No, I will not give in.

Scapin.

Monsieur, un petit mulet.

Scapin.

Sir, only one small mule.

Argante.

Je ne lui donnerais pas seulement un âne.

Argante.

No; not even an ass.

Scapin.

Considérez…

Scapin.

Consider....

Argante.

Non, j’aime mieux plaider.

Argante.

No, I tell you; I prefer going to law.

Scapin.

Eh ! Monsieur, de quoi parlez-vous là, et à quoi vous résolvez-vous ? Jetez les yeux sur les détours de la justice. Voyez combien d’appels et de degrés de juridiction, combien de procédures embarrassantes ; combien d’animaux ravissants, par les griffes desquels il vous faudra passer : sergents, procureurs, avocats, greffiers, substituts, rapporteurs, juges, et leurs clercs. Il n’y a pas un de tous ces gens-là qui, pour la moindre chose, ne soit capable de donner un soufflet au meilleur droit du monde. Un sergent baillera de faux exploits, sur quoi vous serez condamné sans que vous le sachiez. Votre procureur s’entendra avec votre partie, et vous vendra à beaux deniers comptants. Votre avocat, gagné de même, ne se trouvera point lorsqu’on plaidera votre cause, ou dira des raisons qui ne feront que battre la campagne, et n’iront point au fait. Le greffier délivrera par contumace des sentences et arrêts contre vous. Le clerc du rapporteur soustraira des pièces, ou le rapporteur même ne dira pas ce qu’il a vu ; et quand, par les plus grandes précautions du monde, vous aurez paré tout cela, vous serez ébahi que vos juges auront été sollicités contre vous, ou par des gens dévots, ou par des femmes qu’ils aimeront. Eh ! monsieur, si vous le pouvez, sauvez-vous de cet enfer-là. C’est être damné dès ce monde que d’avoir à plaider ; et la seule pensée d’un procès serait capable de me faire fuir jusqu’aux Indes.

Scapin.

Ah! Sir, what are you talking about, and what a resolution you are going to take. Just cast a glance on the ins and outs of justice, look at the number of appeals, of stages of jurisdiction; how many embarrassing procedures; how many ravening wolves through whose claws you will have to pass; serjeants, solicitors, counsel, registrars, substitutes, recorders, judges and their clerks. There is not one of these who, for the merest trifle, couldn't knock over the best case in the world. A serjeant will issue false writs without your knowing anything of it. Your solicitor will act in concert with your adversary, and sell you for ready money. Your counsel, bribed in the same way, will be nowhere to be found when your case comes on, or else will bring forward arguments which are the merest shooting in the air, and will never come to the point. The registrar will issue writs and decrees against you for contumacy. The recorder's clerk will make away with some of your papers, or the instructing officer himself will not say what he has seen, and when, by dint of the wariest possible precautions, you have escaped all these traps, you will be amazed that your judges have been set against you either by bigots or by the women they love. Ah! Sir, save yourself from such a hell, if you can. 'Tis damnation in this world to have to go to law; and the mere thought of a lawsuit is quite enough to drive me to the other end of the world.

Argante.

À combien est-ce qu’il fait monter le mulet ?

Argante.

How much does he want for the mule?

Scapin.

Monsieur, pour le mulet, pour son cheval, et celui de son homme, pour le harnois et les pistolets, et pour payer quelque petite chose qu’il doit à son hôtesse, il demande en tout deux cents pistoles.

Scapin.

For the mule, for his horse and that of his servant, for the harness and pistols, and to pay a little something he owes at the hotel, he asks altogether two hundred pistoles, Sir.

Argante.

Deux cents pistoles ?

Argante.

Two hundred pistoles?

Scapin.

Oui.

Scapin.

Yes.

Argante, se promenant en colère.

Allons, allons ; nous plaiderons.

Argante. (walking about angrily).

No, no; we will go to law.

Scapin.

Faites réflexion.

Scapin.

Recollect what you are doing.

Argante.

Je plaiderai.

Argante.

I shall go to law.

Scapin.

Ne vous allez pas jeter…

Scapin.

Don't go and expose yourself to....

Argante.

Je veux plaider.

Argante.

I will go to law.

Scapin.

Mais pour plaider, il vous faudra de l’argent. Il vous en faudra pour l’exploit ; il vous en faudra pour le contrôle ; il vous en faudra pour la procuration, pour la présentation, les conseils, productions, et journées du procureur. Il vous en faudra pour les consultations et plaidoiries des avocats, pour le droit de retirer le sac, et pour les grosses d’écritures. Il vous en faudra pour le rapport des substituts, pour les épices de conclusion^[4], pour l’enregistrement du greffier, façon d’appointements, sentences et arrêts, contrôles, signatures, et expéditions de leurs clercs, sans parler de tous les présents qu’il vous faudra faire. Donnez cet argent-là à cet homme-ci, vous voilà hors d’affaire.

Scapin.

But to go to law you need money. You must have money for the summons, you must have money for the rolls, for prosecution, attorney's introduction, solicitor's advice, evidence, and his days in court. You must have money for the consultations and pleadings of the counsel, for the right of withdrawing the briefs, and for engrossed copies of the documents. You must have money for the reports of the substitutes, for the court fees [1] at the conclusion, for registrar's enrolment, drawing up of deeds, sentences, decrees, rolls, signings, and clerks' despatches; letting alone all the presents you will have to make. Give this money to the man, and there you are well out of the whole thing.

[1] Épices, "spices," in ancient times, equalled sweetmeats, and were given to the judge by the side which gained the suit, as a mark of gratitude. These épices had long been changed into a compulsory payment of money when Molière wrote. In Racine's Plaideurs, act ii. scene vii., Petit Jean takes literally the demand of the judge for épices, and fetches the pepper-box to satisfy him.

Argante.

Comment, deux cents pistoles !

Argante.

Two hundred pistoles!

Scapin.

Oui, vous y gagnerez. J’ai fait un petit calcul en moi-même, de tous les frais de la justice ; et j’ai trouvé qu’en donnant deux cents pistoles à votre homme, vous en aurez de reste, pour le moins, cent cinquante, sans compter les soins, les pas et les chagrins que vous épargnerez. Quand il n’y auroit à essuyer que les sottises que disent devant tout le monde de méchants plaisants d’avocats, j’aimerais mieux donner trois cents pistoles, que de plaider.

Scapin.

Yes, and you will save by it. I have made a small calculation in my head of all that justice costs, and I find that by giving two hundred pistoles to your man you will have a large margin left--say, at least a hundred and fifty pistoles--without taking into consideration the cares, troubles, and anxieties, which you will spare yourself. For were it only to avoid being before everybody the butt of some facetious counsel, I had rather give three hundred pistoles than go to law.

[Footnote: What would Molière have said if he had been living now!]

Argante.

Je me moque de cela, et je défie les avocats de rien dire de moi.

Argante.

I don't care for that, and I challenge all the lawyers to say anything against me.

Scapin.

Vous ferez ce qu’il vous plaira, mais si j’étois que de vous, je fuirois les procès.

Scapin.

You will do as you please, but in your place I would avoid a lawsuit.

Argante.

Je ne donnerai point deux cents pistoles.

Argante.

I will never give two hundred pistoles.

Scapin.

Voici l’homme dont il s’agit^[5].

Scapin.

Ah! here is our man.

Scène IX.

Scene IX.

ARGANTE, SCAPIN, SYLVESTRE, déguisé en spadassin.

ARGANTE, SCAPIN, SILVESTRE, dressed out as a bravo.

Sylvestre.

Scapin, faites-moi connoître un peu cet Argante qui est père d’Octave.

Silvestre.

Scapin, show me that Argante who is the father of Octave.

Scapin.

Pourquoi, Monsieur ?

Scapin.

What for, Sir?

Silvestre.

Je viens d’apprendre qu’il veut me mettre en procès, et faire rompre par justice le mariage de ma sœur.

Silvestre.

I have just been told that he wants to go to law with me, and to have my sister's marriage annulled.

Scapin.

Je ne sais pas s’il a cette pensée ; mais il ne veut point consentir aux deux cents pistoles que vous voulez ; et il dit que c’est trop.

Scapin.

I don't know if such is his intention, but he won't consent to give the two hundred pistoles you asked; he says it's too much.

Silvestre.

Par la mort ! par la tête ! par le ventre ! si je le trouve, je le veux échiner, dussé-je être roué tout vif.

Silvestre.

S'death! s'blood! If I can but find him, I'll make mince-meat of him, were I to be broken alive on the wheel afterwards.

(Argante, pour n’être point vu, se tient en tremblant derrière Scapin.)

(Argante hides, trembling, behind Scapin.)

Scapin.

Monsieur, ce père d’Octave a du cœur, et peut-être ne vous craindra-t-il point.

Scapin.

Sir, the father of Octave is a brave man, and perhaps he will not be afraid of you.

Silvestre.

Lui, lui ? Par le sang ! par la tête ! s’il était là, je lui donnerais tout à l’heure de l’épée dans le ventre. (Apercevant Argante.) Qui est cet homme-là ?

Silvestre.

Ah! will he not? S'blood! s'death! If he were here, I would in a moment run my sword through his body. (Seeing Argante.) Who is that man?

Scapin.

Ce n’est pas lui, monsieur ; ce n’est pas lui.

Scapin.

He's not the man, Sir; he's not the man.

Silvestre.

N’est-ce point quelqu’un de ses amis ?

Silvestre.

Is he one of his friends?

Scapin.

Non, monsieur ; au contraire, c’est son ennemi capital.

Scapin.

No, Sir; on the contrary, he's his greatest enemy.

Silvestre.

Son ennemi capital ?

Silvestre.

His greatest enemy?

Scapin.

Oui.

Scapin.

Yes.

Silvestre.

Ah ! parbleu, j’en suis ravi. (À Argante.) Vous êtes ennemi, Monsieur, de ce faquin d’Argante ? Hé ?

Silvestre.

Ah! zounds! I am delighted at it. (To Argante) You are an enemy of that scoundrel Argante, are you?

Scapin.

Oui, oui ; je vous en réponds.

Scapin.

Yes, yes; I assure you that it is so.

Silvestre, secouant rudement la main d’Argante.

Touchez là, touchez. Je vous donne ma parole, et vous jure sur mon honneur, par l’épée que je porte, par tous les serments que je saurois faire, qu’avant la fin du jour je vous déferai de ce maraud fieffé, de ce faquin d’Argante. Reposez-vous sur moi.

Silvestre. (shaking Argante'S hand roughly).

Shake hands, shake hands. I give you my word, I swear upon my honour, by the sword I wear, by all the oaths I can take, that, before the day is over, I shall have delivered you of that rascally knave, of that scoundrel Argante. Trust me.

Scapin.

Monsieur, les violences en ce pays-ci ne sont guère souffertes.

Scapin.

But, Sir, violent deeds are not allowed in this country.

Silvestre.

Je me moque de tout, et je n’ai rien à perdre.

Silvestre.

I don't care, and I have nothing to lose.

Scapin.

Il se tiendra sur ses gardes assurément ; et il a des parents, des amis et des domestiques, dont il se fera un secours contre votre ressentiment.

Scapin.

He will certainly take his precautions; he has relations, friends, servants, who will take his part against you.

Silvestre.

C’est ce que je demande, morbleu ! c’est ce que je demande. (Mettant l’épée à la main.) Ah, tête ! ah, ventre ! Que ne le trouvé-je à cette heure avec tout son secours ! Que ne paroît-il à mes yeux au milieu de trente personnes ! Que ne les vois-je fondre sur moi les armes à la main ! Comment ! marauds, vous avez la hardiesse de vous attaquer à moi ! Allons, morbleu, tue ! (Poussant de tous les côtés, comme s’il avoit plusieurs personnes à combattre.) Point de quartier. Donnons. Ferme. Poussons. Bon pied, bon œil. Ah ! coquins ! ah ! canaille ! vous en voulez par là ! je vous en ferai tâter votre soûl. Soutenez, marauds ; soutenez. Allons. À cette botte. À cette autre. (Se tournant du côté d’Argante et de Scapin.) À celle-ci. À celle-là. Comment, vous reculez ! Pied ferme, morbleu ; pied ferme !

Silvestre.

Blood and thunder! It is all I ask, all I ask. (Drawing his sword.) Ah! s'death! ah! s'blood! Why can I not meet him at this very moment, with all these relations and friends of his? If he would only appear before me, surrounded by a score of them! Why do they not fall upon me, arms in hand? (Standing upon his guard.) What! you villains! you dare to attack me? Now, s'death! Kill and slay! (He lunges out on all sides; as if he were fighting many people at once.) No quarter; lay on. Thrust. Firm. Again. Eye and foot. Ah! knaves! ah! rascals! ah! you shall have a taste of it. I'll give you your fill. Come on, you rabble! come on. That's what you want, you there. You shall have your fill of it, I say. Stick to it, you brutes; stick to it. Now, then, parry; now, then, you. (Turning towards ARGANTE and SCAPIN.) Parry this; parry. You draw back? Stand firm, man! S'death! What! Never flinch, I say.

Scapin.

Hé, hé, hé ! Monsieur, nous n’en sommes pas.

Scapin.

Sir, we have nothing to do with it.

Silvestre.

Voilà qui vous apprendra à vous oser jouer à moi.

Silvestre.

That will teach you to trifle with me.

Scène X.

Scene X.

ARGANTE, SCAPIN.

ARGANTE, SCAPIN.

Scapin.

Hé bien ! vous voyez combien de personnes tuées pour deux cents pistoles. Or sus, je vous souhaite une bonne fortune.

Scapin.

Well, Sir, you see how many people are killed for two hundred pistoles. Now I wish you a good morning.

Argante, tout tremblant.

Scapin.

Argante. (all trembling).

Scapin.

Scapin.

Plaît-il ?

Scapin.

What do you say?

Argante.

Je me résous à donner les deux cents pistoles.

Argante.

I will give the two hundred pistoles.

Scapin.

J’en suis ravi, pour l’amour de vous.

Scapin.

I am very glad of it, for your sake.

Argante.

Allons le trouver ; je les ai sur moi.

Argante.

Let us go to him; I have them with me.

Scapin.

Vous n’avez qu’à me les donner. Il ne faut pas pour votre honneur, que vous paroissiez là, après avoir passé ici pour autre que ce que vous êtes ; et, de plus, je craindrois qu’en vous faisant connoître, il n’allât s’aviser de vous demander davantage.

Scapin.

Better give them to me. You must not, for your honour, appear in this business, now that you have passed for another; and, besides, I should be afraid that he would ask you for more, if he knew who you are.

Argante.

Oui ; mais j’aurois été bien aise de voir comme je donne mon argent.

Argante.

True; still I should be glad to see to whom I give my money.

Scapin.

Est-ce que vous vous défiez de moi ?

Scapin.

Do you mistrust me then?

Argante.

Non pas ; mais…

Argante.

Oh no; but....

Scapin.

Parbleu ! monsieur, je suis un fourbe, ou je suis honnête homme ; c’est l’un des deux. Est-ce que je voudrois vous tromper, et que, dans tout ceci, j’ai d’autre intérêt que le vôtre et celui de mon maître, à qui vous voulez vous allier ? Si je vous suis suspect, je ne me mêle plus de rien, et vous n’avez qu’à chercher, dès cette heure qui accommodera vos affaires.

Scapin.

Zounds! Sir; either I am a thief or an honest man; one or the other. Do you think I would deceive you, and that in all this I have any other interest at heart than yours and that of my master, whom you want to take into your family? If I have not all your confidence, I will have no more to do with all this, and you can look out for somebody else to get you out of the mess.

Argante.

Tiens donc.

Argante.

Here then.

Scapin.

Non, Monsieur, ne me confiez point votre argent. Je serai bien aise que vous vous serviez de quelque autre^[6].

Scapin.

No, Sir; do not trust your money to me. I would rather you trusted another with your message.

Argante.

Mon Dieu ! tiens.

Argante.

Ah me! here, take it.

Scapin.

Non, vous dis-je, ne vous fiez point à moi. Que sait-on si je ne veux point vous attraper votre argent ?

Scapin.

No, no, I tell you; do not trust me. Who knows if I do not want to steal your money from you?

Argante.

Tiens, te dis-je ; ne me fais point contester davantage. Mais songe à bien prendre tes sûretés avec lui.

Argante.

Take it, I tell you, and don't force me to ask you again. However, mind you have an acknowledgment from him.

Scapin.

Laissez-moi faire ; il n’a pas affaire à un sot.

Scapin.

Trust me; he hasn't to do with an idiot.

Argante.

Je vais t’attendre chez moi.

Argante.

I will go home and wait for you.

Scapin.

Je ne manquerai pas d’y aller. (Seul.) Et un. Je n’ai qu’à chercher l’autre. Ah ! ma foi, le voici. Il semble que le ciel, l’un après l’autre, les amène dans mes filets.

Scapin.

I shall be sure to go. (Alone.) That one's all right; now for the other. Ah! here he is. They are sent one after the other to fall into my net.

Scène XI.

Scene XI.

GÉRONTE, SCAPIN.

GÉRONTE, SCAPIN.

Scapin, faisant semblant de ne point voir Géronte.

Ô ciel ! ô disgrâce imprévue ! ô misérable père ! Pauvre Géronte, que feras-tu ?

Scapin. (affecting not to see Géronte).

O Heaven! O unforeseen misfortune! O unfortunate father! Poor Géronte, what will you do?

Géronte, à part.

Que dit-il là de moi, avec ce visage affligé ?

Géronte. (aside).

What is he saying there with that doleful face?

Scapin.

N’y a-t-il personne qui puisse me dire où est le seigneur Géronte ?

Scapin.

Can no one tell me whereto find Mr. Géronte?

Géronte.

Qu’y a-t-il, Scapin ?

Géronte.

What is the matter, Scapin?

Scapin, courant sur le théâtre sans vouloir entendre ni voir Géronte.

Où pourrai-je le rencontrer, pour lui dire cette infortune ?

Scapin.

(running about on the stage, and still affecting not to see or hear Géronte). Where could I meet him, to tell him of this misfortune?

Géronte, arrêtant Scapin.

Qu’est-ce que c’est donc ?

Géronte. (stopping Scapin).

What is the matter?

Scapin.

En vain je cours de tous côtés pour le pouvoir trouver.

Scapin. (as before).

In vain I run everywhere to meet him. I cannot find him.

Géronte.

Me voici.

Géronte.

Here I am.

Scapin.

Il faut qu’il soit caché en quelque endroit qu’on ne puisse point deviner.

Scapin. (as before).

He must have hidden himself in some place which nobody can guess.

Géronte.

Holà ! es-tu aveugle, que tu ne me vois pas ?

Géronte. (stopping Scapin again).

Ho! I say, are you blind? Can't you see me?

Scapin.

Ah ! monsieur, il n’y a pas moyen de vous rencontrer.

Scapin.

Ah! Sir, it is impossible to find you.

Géronte.

Il y a une heure que je suis devant toi. Qu’est-ce que c’est donc qu’il y a ?

Géronte.

I have been near you for the last half-hour. What is it all about?

Scapin.

Monsieur…

Scapin.

Sir....

Géronte.

Quoi ?

Géronte.

Well!

Scapin.

Monsieur votre fils…

Scapin.

Your son, Sir....

Géronte.

Hé bien ! mon fils…

Géronte.

Well! My son....

Scapin.

Est tombé dans une disgrâce la plus étrange du monde.

Scapin.

Has met with the strangest misfortune you ever heard of.

Géronte.

Et quelle ?

Géronte.

What is it?

Scapin.

Je l’ai trouvé tantôt tout triste, de je ne sais quoi que vous lui avez dit, où vous m’avez mêlé assez mal à propos ; et cherchant à divertir cette tristesse, nous nous sommes allés promener sur le port. Là, entre autres plusieurs choses, nous avons arrêté nos yeux sur une galère turque assez bien équipée. Un jeune Turc de bonne mine nous a invités d’y entrer, et nous a présenté la main. Nous y avons passé. Il nous a fait mille civilités, nous a donné la collation, où nous avons mangé des fruits les plus excellents qui se puissent voir, et bu du vin que nous avons trouvé le meilleur du monde.

Scapin.

This afternoon I found him looking very sad about something which you had said to him, and in which you had very improperly mixed my name. While trying: to dissipate his sorrow, we went and walked about in the harbour. There, among other things, was to be seen a Turkish galley. A young Turk, with a gentlemanly look about him, invited us to go in, and held out his hand to us. We went in. He was most civil to us; gave us some lunch, with the most excellent fruit and the best wine you have ever seen.

Géronte.

Qu’y a-t-il de si affligeant en tout cela ?

Géronte.

What is there so sad about all this?

Scapin.

Attendez, monsieur, nous y voici. Pendant que nous mangions, il a fait mettre la galère en mer, et, se voyant éloigné du port, il m’a fait mettre dans un esquif, et m’envoie vous dire que si vous ne lui envoyez par moi, tout à l’heure, cinq cents écus, il va vous emmener votre fils en Alger.

Scapin.

Wait a little; it is coming. Whilst we were eating, the galley left the harbour, and when in the open sea, the Turk made me go down into a boat, and sent me to tell you that unless you sent by me five hundred crowns, he would take your son prisoner to Algiers.

Géronte.

Comment, diantre ! cinq cents écus !

Géronte.

What! five hundred crowns!

Scapin.

Oui, monsieur ; et, de plus, il ne m’a donné pour cela que deux heures.

Scapin.

Yes, Sir; and, moreover, he only gave me two hours to find them in.

Géronte.

Ah ! le pendard de Turc ! m’assassiner de la façon !

Géronte.

Ah! the scoundrel of a Turk to murder me in that fashion!

Scapin.

C’est à vous, monsieur, d’aviser promptement aux moyens de sauver des fers un fils que vous aimez avec tant de tendresse.

Scapin.

It is for you, Sir, to see quickly about the means of saving from slavery a son whom you love so tenderly.

Géronte.

Que diable alloit-il faire dans cette galère^[7] ?

Géronte.

What the deuce did he want to go in that galley for?

[Footnote: Que diable allait-il faire dans cette galère? This sentence has become established in the language with the meaning, "Whatever business had he there?"]

Scapin.

Il ne songeoit pas à ce qui est arrivé.

Scapin.

He had no idea of what would happen.

Géronte.

Va-t’en, Scapin, va-t’en vite dire à ce Turc que je vais envoyer la justice après lui.

Géronte.

Go, Scapin, go quickly, and tell that Turk that I shall send the police after him.

Scapin.

La justice en pleine mer ! Vous moquez-vous des gens ?

Scapin.

The police in the open sea! Are you joking?

Géronte.

Que diable alloit-il faire dans cette galère ?

Géronte.

What the deuce did he want to go in that galley for?

Scapin.

Une méchante destinée conduit quelquefois les personnes.

Scapin.

A cruel destiny will sometimes lead people.

Géronte.

Il faut, Scapin, il faut que tu fasses ici l’action d’un serviteur fidèle.

Géronte.

Listen, Scapin; you must act in this the part of a faithful servant.

Scapin.

Quoi, Monsieur ?

Scapin.

How, Sir?

Géronte.

Que tu ailles dire à ce Turc qu’il me renvoie mon fils, et que tu te mettes à sa place jusqu’à ce que j’aie amassé la somme qu’il demande.

Géronte.

You must go and tell that Turk that he must send me back my son, and that you will take his place until I have found the sum he asks.

Scapin.

Hé ! Monsieur, songez-vous à ce que vous dites ? et vous figurez-vous que ce Turc ait si peu de sens que d’aller recevoir un misérable comme moi à la place de votre fils ?

Scapin.

Ah! Sir; do you know what you are saying? and do you fancy that that Turk will be foolish enough to receive a poor wretch like me in your son's stead?

Géronte.

Que diable alloit-il faire dans cette galère ?

Géronte.

What the deuce did he want to go in that galley for?

Scapin.

Il ne devinoit pas ce malheur. Songez, monsieur, qu’il ne m’a donné que deux heures.

Scapin.

He could not foresee his misfortune. However, Sir, remember that he has given me only two hours.

Géronte.

Tu dis qu’il demande…

Géronte.

You say that he asks....

Scapin.

Cinq cents écus.

Scapin.

Five hundred crowns.

Géronte.

Cinq cents écus ! N’a-t-il point de conscience ?

Géronte.

Five hundred crowns! Has he no conscience?

Scapin.

Vraiment oui, de la conscience à un Turc !

Scapin.

Ah! ah! Conscience in a Turk!

Géronte.

Sait-il bien ce que c’est que cinq cents écus ?

Géronte.

Does he understand what five hundred crowns are?

Scapin.

Oui, monsieur ; il sait que c’est mille cinq cents livres.

Scapin.

Yes, Sir, he knows that five hundred crowns are one thousand five hundred francs.

[Footnote: The écu stands usually for petit écu, which equalled three franks. "Crown," employed in a general sense, seems the only translation possible.]

Géronte.

Croit-il, le traître, que mille cinq cents livres se trouvent dans le pas d’un cheval ?

Géronte.

Does the scoundrel think that one thousand five hundred francs are to be found in the gutter?

Scapin.

Ce sont des gens qui n’entendent point de raison.

Scapin.

Such people will never listen to reason.

Géronte.

Mais que diable alloit-il faire à cette galère ?

Géronte.

But what the deuce did he want to go in that galley for?

Scapin.

Il est vrai. Mais quoi ! on ne prévoyoit pas les choses. De grâce, Monsieur, dépêchez !

Géronte.

Tiens, voilà la clef de mon armoire.

Scapin.

Bon.

Géronte.

Tu l’ouvriras.

Scapin.

Fort bien.

Géronte.

Tu trouveras une grosse clef du côté gauche, qui est celle de mon grenier.

Scapin.

Oui.

Géronte.

Tu iras prendre toutes les hardes qui sont dans cette grande manne, et tu les vendras aux fripiers, pour aller racheter mon fils.

Scapin, en lui rendant la clef.

Eh, Monsieur ! rêvez-vous ? Je n’aurois pas cent francs de tout ce que vous dites ; et, de plus, vous savez le peu de temps qu’on m’a donné^[8].

Géronte.

Mais que diable alloit-il faire à cette galère ?

Scapin.

Oh ! que de paroles perdues ! Laissez là cette galère, et songez que le temps presse, et que vous courez risque de perdre votre fils. Hélas ! mon pauvre maître ! peut-être que je ne te verrai de ma vie, et qu’à l’heure que je parle, on t’emmène esclave en Alger. Mais le ciel me sera témoin que j’ai fait pour toi tout ce que j’ai pu ; et que, si tu manques à être racheté, il n’en faut accuser que le peu d’amitié d’un père.

Scapin.

Ah! what a waste of words! Leave the galley alone; remember that time presses, and that you are running the risk of losing your son for ever. Alas! my poor master, perhaps I shall never see you again, and that at this very moment, whilst I am speaking to you, they are taking you away to make a slave of you in Algiers! But Heaven is my witness that I did all I could, and that, if you are not brought back, it is all owing to the want of love of your father.

Géronte.

Attends, Scapin, je m’en vais quérir cette somme.

Géronte.

Wait a minute, Scapin; I will go and fetch that sum of money.

Scapin.

Dépêchez donc vite, monsieur ; je tremble que l’heure ne sonne.

Scapin.

Be quick, then, for I am afraid of not being in time.

Géronte.

N’est-ce pas quatre cents écus que tu dis ?

Géronte.

You said four hundred crowns; did you not?

Scapin.

Non : cinq cents écus.

Scapin.

No, five hundred crowns.

Géronte.

Cinq cents écus !

Géronte.

Five hundred crowns!

Scapin.

Oui.

Scapin.

Yes.

Géronte.

Que diable alloit-il faire à cette galère ?

Géronte.

What the deuce did he want to go in that galley for?

Scapin.

Vous avez raison ; mais hâtez-vous.

Scapin.

Quite right, but be quick.

Géronte.

N’y avoit-il point d’autre promenade ?

Géronte.

Could he not have chosen another walk?

Scapin.

Cela est vrai ; mais faites promptement.

Scapin.

It is true; but act promptly.

Géronte.

Ah ! maudite galère !

Géronte.

Cursed galley!

Scapin.

Cette galère lui tient au cœur.

Scapin. (aside).

That galley sticks in his throat.

Géronte.

Tiens, Scapin, je ne me souvenois pas que je viens justement de recevoir cette somme en or, et je ne croyois pas qu’elle dût m’être si tôt ravie. (Tirant sa bourse de sa poche, et la présentant à Scapin.) Tiens, va-t’en racheter mon fils.

Géronte.

Here, Scapin; I had forgotten that I have just received this sum in gold, and I had no idea it would so soon be wrenched from me. (Taking his purse out of his pocket, and making as if he were giving it to Scapin.) But mind you tell that Turk that he is a scoundrel.

Scapin, tendant la main.

Oui, Monsieur.

Scapin. (holding out his hand).

Yes.

Géronte, retenant sa bourse, qu’il fait semblant de vouloir donner à Scapin.

Mais dis à ce Turc que c’est un scélérat.

Scapin, tendant encore la main.

Oui.

Géronte, recommençant la même action.

Un infâme.

Géronte. (as above).

An infamous wretch.

Scapin, tendant toujours la main.

Oui.

Scapin. (still holding out his hand).

Yes.

Géronte, de même.

Un homme sans foi, un voleur.

Géronte. (as above).

A man without conscience, a thief.

Scapin.

Laissez-moi faire.

Scapin.

Leave that to me.

Géronte, de même.

Qu’il me tire cinq cents écus contre toute sorte de droit.

Géronte. (as above).

That....

Scapin.

Oui.

Géronte, de même.

Que je ne les lui donne ni à la mort, ni à la vie.

Scapin.

Fort bien.

Scapin.

All right.

Géronte, de même.

Et que si jamais je l’attrape, je saurai me venger de lui.

Géronte. (as above).

And that, if ever I catch him, he will pay for it.

Scapin.

Oui.

Scapin.

Yes.

Géronte, remettant la bourse dans sa poche et s’en allant.

Va, va vite requérir mon fils.

Géronte.

(putting back the purse in his pocket). Go, go quickly, and fetch my son.

Scapin, courant après Géronte.

Holà, Monsieur.

Scapin. (running after him).

Hallo! Sir.

Géronte.

Quoi ?

Géronte.

Well?

Scapin.

Où est donc cet argent ?

Scapin.

And the money?

Géronte.

Ne te l’ai-je pas donné ?

Géronte.

Did I not give it to you?

Scapin.

Non vraiment ; vous l’avez remis dans votre poche.

Scapin.

No, indeed, you put it back in your pocket.

Géronte.

Ah ! c’est la douleur qui me trouble l’esprit.

Géronte.

Ah! it is grief which troubles my mind.

Scapin.

Je le vois bien.

Scapin.

So I see.

Géronte.

Que diable alloit-il faire dans cette galère ? Ah ! maudite galère ! traître de Turc ! à tous les diables^[9].

Géronte.

What the deuce did he want to go in that galley for? Ah! cursed galley! Scoundrel of a Turk! May the devil take you!

Scapin, seul.

Il ne peut digérer les cinq cents écus que je lui arrache ; mais il n’est pas quitte envers moi ; et je veux qu’il me paye en une autre monnoie l’imposture qu’il m’a faite auprès de son fils.

Scapin (alone).

He can't get over the five hundred crowns I wrench from him; but he has not yet done with me, and I will make him pay in a different money his imposture about me to his son.

Scène XII.

Scene XII.

OCTAVE, LÉANDRE, SCAPIN.

OCTAVE, LÉANDRE, SCAPIN.

Octave.

Hé bien ! Scapin, as-tu réussi pour moi dans ton entreprise ?

Octave.

Well, Scapin, have your plans been successful?

Léandre.

As-tu fait quelque chose pour tirer mon amour de la peine où il est ?

Léandre.

Have you done anything towards alleviating my sorrow?

Scapin, à Octave.

Voilà deux cents pistoles que j’ai tirées de votre père.

Scapin. (to Octave).

Here are two hundred pistoles I have got from your father.

Octave.

Ah ! que tu me donnes de joie !

Octave.

Ah! how happy you make me.

Scapin, à Léandre.

Pour vous, je n’ai pu faire rien.

Scapin. (to Léandre).

But I could do nothing for you.

Léandre, voulant s’en aller.

Il faut donc que j’aille mourir ; et je n’ai que faire de vivre, si Zerbinette m’est ôtée.

Léandre. (going away).

Then I must die, Sir, for I could not live without Zerbinette.

Scapin.

Holà ! holà ! tout doucement. Comme diantre vous allez vite !

Scapin.

Hallo! stop, stop; my goodness, how quick you are!

Léandre, se retournant.

Que veux-tu que je devienne ?

Léandre.

What can become of me?

Scapin.

Allez, j’ai votre affaire ici.

Scapin.

There, there, I have all you want.

Léandre.

Ah ! tu me redonnes la vie.

Léandre.

Ah! you bring me back to life again.

Scapin.

Mais à condition que vous me permettrez, à moi, une petite vengeance contre votre père, pour le tour qu’il m’a fait.

Scapin.

But I give it you only on one condition, which is that you will allow me to revenge myself a little on your father for the trick he has played me.

Léandre.

Tout ce que tu voudras.

Léandre.

You may do as you please.

Scapin.

Vous me le promettez devant témoin ?

Scapin.

You promise it to me before witnesses?

Léandre.

Oui.

Léandre.

Yes.

Scapin.

Tenez, voilà cinq cents écus.

Scapin.

There, take these five hundred crowns.

Léandre.

Allons en promptement acheter celle que j’adore.

Léandre.

Ah! I will go at once and buy her whom I adore.

Fin du second acte.


1. ↑ George Dandin dit à sa femme qui le cajole pour rentrer dans sa maison, et qui l’appelle son pauvre petit mari : « Je suis votre petit mari, maintenant parceque vous vous sentez prise.

2. ↑ Dans Térence, Démiphon cherche à se consoler de son malheur par ce tableau philosophique :
« Un père de famille, qui revient de voyage, devrait s’attendre à trouver son fils dérangé, sa femme morte, sa fille malade ; se dire que ces accidents sont communs, qu’ils ont pu lui arriver. Avec cette prévoyance, rien ne l’étonnerait. Les malheurs dont il serait exempt contre son attente, il les regarderait comme autant de gagné. »
Et Géta, parodiant le discours du vieillard, dit :
« J’ai déjà passé en revue toutes les infortunes dont je suis menacé. Au retour de mon maître, me suis-je dit, on m’enverra, pour le reste des mes jours, tourner la meule du moulin ; je recevrai les étrivières ; je serai chargé de chaînes ; je serai condamné à travailler aux champs. Aucun de ces malheurs ne m’étonnera. Ceux dont je serai exempt contre mon attente, je les regarderai comme autant de gagné. »
(Petitot.)

3. ↑ Dans Térence, Géta dit de même à Chrèmes : « En réfléchissant avec attention à votre malheur, je crois en vérité avoir trouvé le moyen d’y remédier. »

4. ↑ Anciennement, les plaideurs donnaient aux juges des dragées et des confitures, pour les remercier du gain d’un procès ; et cela s’appelait des épices, parce qu’avant la découverte des Indes on employait, dans ces friandises, les épices au lieu de sucre ; les épices du palais, qui n’étaient d’abord qu’un présent volontaire, devinrent par la suite une véritable taxe qui se payait en argent, et n’en conservait pas moins le nom d’épices. (Augers.)

5. ↑ Le fond de cette scène appartient à Térence. Dans sa pièce, le parasite faisant le calcul de ce qu’il lui fallait d’argent, a demandé d’abord dix mines pour dégager une petite terre, puis dix autres mines pour dégager une petite maison, puis encore dix autres mines pour acheter une petite esclave à sa femme, pour se procurer quelques petits meubles, et pour payer les frais de la noce. On reconnaît tout le sujet, toute la marche de la scène française. (Auger.)

6. ↑ On trouve dans Plaute une scène presque semblable à celle de Scapin. Molière lui a emprunté le refus si naturel et si adroit de Scapin ; mais il a eu soin de motiver ce refus par la défiance du vieillard, ce que n’avais pas fait le poëte latin.
« Prends cet argent, Chrysale, et va le porter à mon fils. — Je ne le prendrai point, monsieur ; chargez un autre de cette commission ; je ne veux pas qu’on me confie d’argent. — Prends, tu me désobliges. — Je n’en ferai rien, je vous jure. — Mais je t’en prie. — N’importe. — Ah ! tu me fais enrager. — Donnez donc puisqu’il le faut, etc. » (Bacchides, acte IV, scène IX.)
(Aimé Martin.)

7. ↑ Ce mot, qui est devenu un dicton populaire, est emprunté au Pédant joué de Cyrano de Bergerac, acte II, scènes IV et V. Dans une situation à peu près analogue, Granger, qui joue dans le Pédant le même rôle que Géronte, dans les Fourberies, répète à plusieurs reprises : — Que diable aller faire aussi dans la galère d’un Turc ? d’un Turc ! — Et quoi faire, de par tous les diables, dans la galère d’un Turc ? Ô galère ! galère ! tu mets bien ma bourse aux galères.

8. ↑ Dans le Pédant joué, le vieillard dit à Corbinelli : « Va prendre dans mes armoires ce pourpoint découpé que quitta feu mon père l’année du grand hiver. » Ce trait est du meilleur comique, et Molière l’a embelli en le mettant en action. La colère de Géronte contre les Turcs, qui n’ont pas de conscience, la distraction qui lui fait remettre la bourse dans sa poche, tout ce qui suit enfin, appartien à Molière. (Aimé Martin.)

9. ↑ La scène de Cyrano de Bergerac et celle de Molière ont le même but, et sont tracées sur le même plan. Cependant elles diffèrent par les détails, qui placent l’imitateur fort au-dessus de son modèle. (Aimé Martin.) Cette scène de la galère, qui molière a rendue fameuse, a donné lieu à un mot plaisant de la célèbre Lecouvreur. Le compte de Saxe avait imaginé une galère sans rames et sans voiles, qui, à l’aide d’un certain mécanisme, devait remonter la Seine de Rouen à Paris en vingt-quatre heures. Il obtint un privilège d’après le certificat de deux savants qui attestaient la bonté de sa machine ; il se ruina en frais pour la faire construire et la mettre en état d’aller ; jamais il ne put en venir à bout… Mademoiselle Lecouvreur, sa maîtresse, apprenant le mauvais succès de tant de dépenses, s’écria : Que diable allait-il faire dans cette galère ? (Geoffroy.)

Acte III

ACT III.

Scène I.

Scene I.

ZERBINETTE, HYACINTE, SCAPIN, SYLVESTRE.

ZERBINETTE, HYACINTHA, SCAPIN, SILVESTRE.

Silvestre.

Oui, vos amants ont arrêté entre eux que vous fussiez ensemble ; et nous nous acquittons de l’ordre qu’ils nous ont donné.

Silvestre.

Yes; your lovers have decided that you should be together, and we are acting according to their orders.

Hyacinte, à Zerbinette.

Un tel ordre n’a rien qui ne me soit fort agréable. Je reçois avec joie une compagne de la sorte ; et il ne tiendra pas à moi que l’amitié qui est entre les personnes que nous aimons ne se répande entre nous deux.

Hyacintha. (to Zerbinette).

Such an order has nothing in it but what is pleasant to me. I receive such a companion with joy, and it will not be my fault if the friendship which exists between those we love does not exist also between us two.

Zerbinette.

J’accepte la proposition, et ne suis point personne à reculer, lorsqu’on m’attaque d’amitié.

Zerbinette.

I accept the offer, and I am not one to draw back when friendship is asked of me.

Scapin.

Et lorsque c’est d’amour qu’on vous attaque ?

Scapin.

And when it is love that is asked of you?

Zerbinette.

Pour l’amour, c’est une autre chose ; on y court un peu plus de risque, et je n’y suis pas si hardie.

Zerbinette.

Ah! love is a different thing. One runs more risk, and I feel less determined.

Scapin.

Vous l’êtes, que je crois, contre mon maître maintenant ; et ce qu’il vient de faire pour vous doit vous donner du cœur pour répondre comme il faut à sa passion.

Scapin.

You are determined enough against my master, and yet what he has just done for you ought to give you confidence enough to respond to his love as you should.

Zerbinette.

Je ne m’y fie encore que de la bonne sorte ; et ce n’est pas assez pour m’assurer^[1] entièrement, que ce qu’il vient de faire. J’ai l’humeur enjouée, et sans cesse je ris ; mais, tout en riant, je suis sérieuse sur de certains chapitres ; et ton maître s’abusera, s’il croit qu’il lui suffise de m’avoir achetée, pour me voir toute à lui. Il doit lui en coûter autre chose que de l’argent ; et, pour répondre à son amour de la manière qu’il souhaite, il me faut un don de sa foi, qui soit assaisonné de certaines cérémonies qu’on trouve nécessaires.

Zerbinette.

As yet I only half trust him, and what he has just done is not sufficient to reassure me. I am of a happy disposition, and am very fond of fun, it is true. But though I laugh, I am serious about many things; and your master will find himself deceived if he thinks that it is sufficient for him to have bought me, for me to be altogether his. He will have to give something else besides money, and for me to answer to his love as he wishes me, he must give me his word, with an accompaniment of certain little ceremonies which are thought indispensable.

Scapin.

C’est là aussi comme il l’entend. Il ne prétend à vous qu’en tout bien et en tout honneur ; et je n’aurois pas été homme à me mêler de cette affaire, s’il avait une autre pensée.

Scapin.

It is so he understands this matter. He only wants you as his wife, and I am not a man to have mixed in this business if he had meant anything else.

Zerbinette.

C’est ce que je veux croire, puisque vous me le dites ; mais, du côté du père, j’y prévois des empêchements.

Zerbinette.

I believe it since you say so; but I foresee certain difficulties with the father.

Scapin.

Nous trouverons moyen d’accommoder les choses.

Scapin.

We shall find a way of settling that.

Hyacinte, à Zerbinette.

La ressemblance de nos destins doit contribuer encore à faire naître notre amitié ; et nous nous voyons toutes deux dans les mêmes alarmes, toutes deux exposées à la même infortune.

Hyacintha. (to Zerbinette).

The similarity of our fate ought to strengthen the tie of friendship between us. We are both subject to the same fears, both exposed to the same misfortune.

Zerbinette.

Vous avez cet avantage au moins, que vous savez de qui vous êtes née, et que l’appui de vos parents, que vous pouvez faire connoître, est capable d’ajuster tout, peut assurer votre bonheur, et faire donner un consentement au mariage qu’on trouve fait. Mais, pour moi, je ne rencontre aucun secours dans ce que je puis être ; et l’on me voit dans un état qui n’adoucira pas les volontés d’un père qui ne regarde que le bien.

Zerbinette.

You have this advantage at least that you know who your parents are, and that, sure of their help, when you wish to make them known, you can secure your happiness by obtaining a consent to the marriage you have contracted. But I, on the contrary, have no such hope to fall back upon, and the position I am in is little calculated to satisfy the wishes of a father whose whole care is money.

Hyacinte.

Mais aussi avez-vous cet avantage, que l’on ne tente point, par un autre parti, celui que vous aimez.

Hyacintha.

That is true; but you have this in your favour, that the one you love is under no temptation of contracting another marriage.

Zerbinette.

Le changement du cœur d’un amant n’est pas ce qu’on peut le plus craindre. On se peut naturellement croire assez de mérite pour garder sa conquête ; et ce que je vois de plus redoutable dans ces sortes d’affaires, c’est la puissance paternelle, auprès de qui tout le mérite ne sert de rien.

Zerbinette.

A change in a lover's heart is not what we should fear the most. We may justly rely on our own power to keep the conquest we have made; but what I particularly dread is the power of the fathers; for we cannot expect to see them moved by our merit.

Hyacinte.

Hélas ! pourquoi faut-il que de justes inclinations se trouvent traversées ? La douce chose que d’aimer, lorsque l’on ne voit point d’obstacle à ces aimables chaînes dont deux cœurs se lient ensemble !

Hyacintha.

Alas! Why must the course of true love never run smooth? How sweet it would be to love with no link wanting in those chains which unite two hearts.

Scapin.

Vous vous moquez ! la tranquillité en amour est un calme désagréable. Un bonheur tout uni nous devient ennuyeux ; il faut du haut et du bas dans la vie ; et les difficultés qui se mêlent aux choses réveillent les ardeurs, augmentent les plaisirs.

Scapin.

How mistaken you are about this! Security in love forms a very unpleasant calm. Constant happiness becomes wearisome. We want ups and downs in life; and the difficulties which generally beset our path in this world revive us, and increase our sense of pleasure.

Zerbinette.

Mon Dieu, Scapin, fais-nous un peu ce récit, qu’on m’a dit qui est si plaisant, du stratagème dont tu t’es avisé pour tirer de l’argent de ton vieillard avare. Tu sais qu’on ne perd point sa peine lorsqu’on me fait un conte, et que je le paye assez bien par la joie qu’on m’y voit prendre.

Zerbinette.

Do tell us, Scapin, all about that stratagem of yours, which, I was told, is so very amusing; and how you managed to get some money out of your old miser. You know that the trouble of telling me something amusing is not lost upon me, and that I well repay those who take that trouble by the pleasure it gives me.

Scapin.

Voilà Silvestre, qui s’en acquittera aussi bien que moi. J’ai dans la tête certaine petite vengeance dont je vais goûter le plaisir.

Scapin.

Silvestre here will do that as well as I. I am nursing in my heart a certain little scheme of revenge which I mean to enjoy thoroughly.

Silvestre.

Pourquoi, de gaieté de cœur, veux-tu chercher à t’attirer de méchantes affaires ?

Silvestre.

Why do you recklessly engage in enterprises that may bring you into trouble?

Scapin.

Je me plais à tenter des entreprises hasardeuses.

Scapin.

I delight in dangerous enterprises.

Silvestre.

Je te l’ai déjà dit, tu quitterois le dessein que tu as, si tu m’en voulais croire.

Silvestre.

As I told you already, you would give up the idea you have if you would listen to me.

Scapin.

Oui ; mais c’est moi que j’en croirai.

Scapin.

I prefer listening to myself.

Silvestre.

À quoi diable te vas-tu amuser ?

Silvestre.

Why the deuce do you engage in such a business?

Scapin.

De quoi diable te mets-tu en peine ?

Scapin.

Why the deuce do you trouble yourself about it?

Silvestre.

C’est que je vois que, sans nécessité, tu vas courir risque de t’attirer une venue de coups de bâton^[2].

Silvestre.

It is because I can see that you will without necessity bring a storm of blows upon yourself.

Scapin.

Hé bien ! c’est aux dépens de mon dos, et non pas du tien.

Scapin.

Ah, well, it will be on my shoulders, and not on yours.

Silvestre.

Il est vrai que tu es maître de tes épaules, et tu en disposeras comme il te plaira.

Silvestre.

It is true that you are master of your own shoulders, and at liberty to dispose of them as you please.

Scapin.

Ces sortes de périls ne m’ont jamais arrêté ; et je hais ces cœurs pusillanimes qui, pour trop prévoir les suites des choses, n’osent rien entreprendre.

Scapin.

Such dangers never stop me, and I hate those fearful hearts which, by dint of thinking of what may happen, never undertake anything.

Zerbinette, à Scapin.

Nous aurons besoin de tes soins.

Zerbinette. (to Scapin).

But we shall want you.

Scapin.

Allez. Je vous irai bientôt rejoindre. Il ne sera pas dit qu’impunément on m’ait mis en état de me trahir moi-même, et de découvrir des secrets qu’il étoit bon qu’on ne sût pas.

Scapin.

Oh, yes! but I shall soon be with you again. It shall never be said that a man has with impunity put me into a position of betraying myself, and of revealing secrets which it were better should not be known.

Scène II.

Scene II.

GÉRONTE, SCAPIN.

GÉRONTE, SCAPIN.

Géronte.

Hé bien ! Scapin, comment va l’affaire de mon fils ?

Géronte.

Well! Scapin, and how have we succeeded about my son's mischance?

Scapin.

Votre fils, Monsieur, est en lieu de sûreté ; mais vous courez maintenant, vous, le péril le plus grand du monde, et je voudrois, pour beaucoup, que vous fussiez dans votre logis.

Scapin.

Your son is safe, Sir; but you now run the greatest danger imaginable, and I sincerely wish you were safe in your house.

Géronte.

Comment donc ?

Géronte.

How is that?

Scapin.

À l’heure que je parle, on vous cherche de toutes parts pour vous tuer.

Scapin.

While I am speaking to you, there are people who are looking out for you everywhere.

Géronte.

Moi ?

Géronte.

For me?

Scapin.

Oui.

Scapin.

Yes.

Géronte.

Et qui ?

Géronte.

But who?

Scapin.

Le frère de cette personne qu’Octave a épousée. Il croit que le dessein que vous avez de mettre votre fille à la place que tient sa sœur est ce qui pousse le plus fort à faire rompre leur mariage ; et, dans cette pensée, il a résolu hautement de décharger son désespoir sur vous, et de vous ôter la vie pour venger son honneur. Tous ses amis, gens d’épée comme lui, vous cherchent de tous les côtés, et demandent de vos nouvelles. J’ai vu même, deçà et delà, des soldats de sa compagnie qui interrogent ceux qu’ils trouvent, et occupent par pelotons toutes les avenues de votre maison : de sorte que vous ne sauriez aller chez vous, vous ne sauriez faire un pas, ni à droit, ni à gauche, que vous ne tombiez dans leurs mains.

Scapin.

The brother of that young girl whom Octave has married. He thinks that you are trying to break off that match, because you intend to give to your daughter the place she occupies in the heart of Octave; and he has resolved to wreak his vengeance upon you. All his friends, men of the sword like himself, are looking out for you, and are seeking you everywhere. I have met with scores here and there, soldiers of his company, who question every one they meet, and occupy in companies all the thoroughfares leading to your house, so that you cannot go home either to the right or the left without falling into their hands.

Géronte.

Que ferai-je, mon pauvre Scapin ?

Géronte.

What can I do, my dear Scapin?

Scapin.

Je ne sais pas, monsieur ; et voici une étrange affaire. Je tremble pour vous depuis les pieds jusqu’à la tête, et… Attendez.

Scapin.

I am sure I don't know, Sir; it is an unpleasant business. I tremble for you from head to foot and.... Wait a moment.

(Scapin fait semblant d’aller voir au fond du théâtre s’il n’y a personne.)

(Scapin goes to see in the back of the stage if there is anybody coming.)

Géronte, en tremblant.

Hé ?

Géronte. (trembling).

Well?

Scapin, revenant.

Non, non, non, ce n’est rien.

Scapin. (coming back).

No, no; 'tis nothing.

Géronte.

Ne saurois-tu trouver quelque moyen pour me tirer de peine ?

Géronte.

Could you not find out some means of saving me?

Scapin.

J’en imagine bien un ; mais je courrois risque moi, de me faire assommer.

Scapin.

I can indeed think of one, but I should run the risk of a sound beating.

Géronte.

Hé ! Scapin, montre-toi serviteur zélé. Ne m’abandonne pas, je te prie.

Géronte.

Ah! Scapin, show yourself a devoted servant. Do not forsake me, I pray you.

Scapin.

Je le veux bien. J’ai une tendresse pour vous qui ne sauroit souffrir que je vous laisse sans secours.

Scapin.

I will do what I can. I feel for you a tenderness which renders it impossible for me to leave you without help.

Géronte.

Tu en seras récompensé, je t’assure ; et je te promets cet habit-ci quand je l’aurai un peu usé.

Géronte.

Be sure that I will reward you for it, Scapin, and I promise you this coat of mine when it is a little more worn.

Scapin.

Attendez. Voici une affaire que je me suis trouvée fort à propos pour vous sauver. Il faut que vous vous mettiez dans ce sac et que…

Scapin.

Wait a minute. I have just thought, at the proper moment, of the very thing to save you. You must get into this sack, and I....

Géronte.

Ah !

Géronte. (thinking he sees somebody).

Ah!

Scapin.

Non, non, non, non, ce n’est personne. Il faut, dis-je, que vous vous mettiez là dedans, et que vous gardiez de remuer en aucune façon. Je vous chargerai sur mon dos, comme un paquet de quelque chose, et je vous porterai ainsi au travers de vos ennemis, jusque dans votre maison, où, quand nous serons une fois, nous pourrons nous barricader, et envoyer quérir main-forte contre la violence.

Scapin.

No, no, no, no; 'tis nobody. As I was saying, you must get in here, and must be very careful not to stir. I will put you on my shoulders, and carry you like a bundle of something or other. I shall thus be able to take you through your enemies, and see you safe into your house. When there, we will barricade the door and send for help.

Géronte.

L’invention est bonne.

Géronte.

A very good idea.

Scapin.

La meilleure du monde. Vous allez voir. (À part.) Tu me payeras l’imposture.

Scapin.

The best possible. You will see. (Aside) Ah! you shall pay me for that lie.

Géronte.

Hé ?

Géronte.

What?

Scapin.

Je dis que vos ennemis seront bien attrapés. Mettez-vous bien jusqu’au fond ; et surtout prenez garde de ne vous point montrer^[3] et de ne branler pas, quelque chose qui puisse arriver.

Scapin.

I only say that your enemies will be finely caught. Get in right to the bottom, and, above all things, be careful not to show yourself and not to move, whatever may happen.

Géronte.

Laisse-moi faire. Je saurai me tenir…

Géronte.

You may trust me to keep still.

Scapin.

Cachez-vous ; voici un spadassin qui vous cherche. (En contrefaisant sa voix.) « Quoi ! jé n’aurai pas l’abantage dé tuer cé Géronte, et quelqu’un, par charité, né m’enseignera pas où il est ! » (À Géronte avec sa voix ordinaire.) Ne branlez pas. « Cadédis, jé lé trouberai, sé cachât-il au centre dé la terre. » (À Géronte avec son ton naturel.) Ne vous montrez pas. (Tout le langage gascon est supposé de celui qu’il contrefait, et le reste de lui.) « Oh ! l’homme au sac. » Monsieur. « Jé té vaille un louis, et m’enseigne où put être Géronte. » Vous cherchez le seigneur Géronte ? « Oui, mordi, jé lé cherche. » Et pour quelle affaire, monsieur ? « Pour quelle affaire ? » Oui. « Jé beux, cadédis, lé faire mourir sous les coups de vaton. » Oh ! monsieur, les coups de bâton ne se donnent point à des gens comme lui, et ce n’est pas un homme à être traité de la sorte. « Qui ? cé fat dé Géronte, cé maraud, cé velître ? » Le seigneur Géronte, monsieur, n’est ni fat, ni maraud, ni belître ; et vous devriez, s’il vous plaît, parler d’autre façon. « Comment, tu mé traites, à moi, avec cette hautur ? » Je défends, comme je dois, un homme d’honneur qu’on offense. « Est-ce que tu es des amis dé cé Geronte ? » Oui, monsieur, j’en suis. « Ah ! cadédis, tu es de ses amis, à la vonne hure. » (Donnant plusieurs coups de bâton sur le sac.) « Tiens boilà cé que jé té vaille pour lui. » Ah, ah, ah, ah, monsieur. Ah, ah, monsieur, tout beau. Ah, doucement. Ah, ah, ah. « Va, porte-lui cela de ma part. Adiusias. » Ah ! diable soit le Gascon ! Ah^[4] !

Scapin.

Hide yourself; here comes one of the bullies! He is looking for you. (Altering his voice.)

[Footnote: All the parts within inverted commas are supposed to be spoken by the man Scapin is personating; the rest by himself.] "Vat! I shall not hab de pleasure to kill dis Géronte, and one vill not in sharity show me vere is he?" (To GÉRONTE, in his ordinary tone) Do not stir. "Pardi! I vill find him if he lied in de mittle ob de eart" (To GÉRONTE, in his natural tone) Do not show yourself. "Ho! you man vid a sack!" Sir! "I will give thee a pound if thou vilt tell me where dis Géronte is." You are looking for Mr. Géronte? "Yes, dat I am." And on what business, Sir? "For vat pusiness?" Yes. "I vill, pardi! trash him vid one stick to dead." Oh! Sir, people like him are not thrashed with sticks, and he is not a man to be treated so. "Vat! dis fob of a Géronte, dis prute, dis cat." Mr. Géronte, Sir, is neither a fop, a brute, nor a cad; and you ought, if you please, to speak differently. "Vat! you speak so mighty vit me?" I am defending, as I ought, an honourable man who is maligned. "Are you one friend of dis Géronte?" Yes, Sir, I am. "Ah, ah! You are one friend of him, dat is goot luck!" (Beating the sack several times with the stick.) "Here is vat I give you for him." (Calling out as if he received the beating) Ah! ah! ah! ah! Sir. Ah! ah! Sir, gently! Ah! pray. Ah! ah! ah! "Dere, bear him dat from me. Goot-pye." Ah! the wretch. Ah!... ah!

Géronte.

Ah ! Scapin, je n’en puis plus !

Géronte. (looking out).

Ah! Scapin, I can bear it no longer.

Scapin.

Ah ! Monsieur, je suis tout moulu, et les épaules me font un mal épouvantable.

Scapin.

Ah! Sir, I am bruised all over, and my shoulders are as sore as can be.

Géronte.

Comment ! c’est sur les miennes qu’il a frappé.

Géronte.

How! It was on mine he laid his stick.

Scapin.

Nenni, Monsieur, c’étoit sur mon dos qu’il frappoit.

Scapin.

I beg your pardon, Sir, it was on my back.

Géronte.

Que veux-tu dire ? J’ai bien senti les coups, et les sens bien encore.

Géronte.

What do you mean? I am sure I felt the blows, and feel them still.

Scapin.

Non, vous dis-je, ce n’est que le bout du bâton qui a été jusque sur vos épaules.

Scapin.

No, I tell you; it was only the end of his stick that reached your shoulders.

Géronte.

Tu devois donc te retirer un peu plus loin, pour m’épargner…

Géronte.

You should have gone a little farther back, then, to spare me, and....

Scapin.

Prenez garde. En voici un autre qui a la mine d’un étranger. (Cet endroit est le même que celui du Gascon, pour le changement de langage, et le jeu de théâtre.) « Parti, moi courir comme une Basque, et moi ne pouvre point troufair de tout le jour sti diable de Gironte. » Cachez-vous bien. « Dites-moi un peu, fous, montsir l’homme, s’il ve plaît, fous, safoir point où l’est sti Gironte que moi cherchair ? » Non, monsieur, je ne sais point où est Géronte. « Dites-moi-le vous frenchemente ; moi li fouloir pas grande chose à lui. L’est seulemente pour li donnair un petite régale sur le dos d’un douzaine de coups de bâtonne, et de trois ou quatre petites coups d’épée au trafers de son poitrine. » Je vous assure, monsieur, que je ne sais pas où il est. « Il me semble que j’y foi remuair quelque chose dans sti sac. » Pardonnez-moi, monsieur. « Li est assurément quelque histoire là-tetans. » Point du tout, monsieur. « Moi l’avoir enfie de tonner ain coup d’épée dans sti sac. » Ah ! monsieur, gardez-vous-en bien. « Montre-le-moi un peu, fous, ce que c’être là. » Tout beau, monsieur. « Quement, tout beau ! » Vous n’avez que faire de vouloir voir ce que je porte. « Et moi, je le fouloir foir, moi. » Vous ne le verrez point. « Ah que de badinemente. » Ce sont hardes qui m’appartiennent. « Montre-moi, fous, te dis-je. » Je n’en ferai rien. « Toi ne faire rien ? » Non. « Moi pailler de ste bâtonne dessus les épaules de toi. » Je me moque de cela. « Ah ! toi faire le trôle ! » Ahi, ahi, ahi ! Ah ! monsieur, ah, ah, ah, ah. « Jusqu’au refoir : l’être là un petit leçon pour li apprendre à toi à parler insolentemente. » Ah ! peste soit du baragouineux ! Ah.

Scapin.

(pushing Géronte's head back into the sack). Take care, here is another man who looks like a foreigner. "Frient, me run like one Dutchman, and me not fint all de tay dis treatful Géronte." Hide yourself well. "Tell me, you, Sir gentleman, if you please, know you not vere is dis Géronte, vat me look for?" No, Sir, I do not know where Géronte is. "Tell me, trutful, me not vant much vit him. Only to gife him one tosen plows vid a stick, and two or tree runs vid a swort tro' his shest." I assure you, Sir, I do not know where he is. "It seems me I see sometink shake in dat sack." Excuse me, Sir. "I pe shure dere is sometink or oder in dat sack." Not at all, Sir. "Me should like to gife one plow of de swort in dat sack." Ah! Sir, beware, pray you, of doing so. "Put, show me ten vat to be dere?" Gently, Sir. "Why chently?" You have nothing to do with what I am carrying. "And I, put I vill see." You shall not see. "Ah! vat trifling." It is some clothes of mine. "Show me tem, I tell you." I will not. "You vill not?" No. "I make you feel this shtick upon de sholders." I don't care. "Ah! you vill poast!" (Striking the sack, and calling out as if he were beaten) Oh! oh! oh! Oh! Sir. Oh! oh! "Goot-bye, dat is one littel lesson teach you to speak so insolent." Ah! plague the crazy jabberer! Oh!

Géronte, sortant sa tête du sac.

Ah ! je suis roué.

Géronte. (looking out of the sack).

Ah! all my bones are broken.

Scapin.

Ah ! je suis mort.

Scapin.

Ah! I am dying.

Géronte.

Pourquoi diantre faut-il qu’ils frappent sur mon dos ?

Géronte.

Why the deuce do they strike on my back?

Scapin.

Prenez garde, voici une demi-douzaine de soldats tout ensemble. (Contrefaisant plusieurs personnes ensemble.) « Allons, tâchons à trouver ce Géronte, cherchons partout. N’épargnons point nos pas. Courons toute la ville. N’oublions aucun lieu. Visitons tout. Furetons de tous les côtés. Par où irons-nous ? Tournons par là. Non, par ici. À gauche. À droit. Nenni. Si fait. » (À Géronte, avec sa voiex ordinaire.) Cachez-vous bien. « Ah ! camarades, voici son valet. Allons, coquin, il faut que tu nous enseignes où est ton maître. » Hé ! messieurs, ne me maltraitez point. « Allons, dis-nous où il est. Parle. Hâte-toi. Expédions. Dépêche vite. Tôt. » Hé ! messieurs, doucement. (Géronte met doucement la tête hors du sac, et aperçoit la fourberie de Scapin.) « Si tu ne nous fais trouver ton maître tout à l’heure, nous allons faire pleuvoir sur toi une ondée de coups de bâton. » J’aime mieux souffrir toute chose que de vous découvrir mon maître. « Nous allons t’assommer. » Faites tout ce qu’il vous plaira. « Tu as envie d’être battu ? » Je ne trahirai point mon maître. « Ah ! tu veux en tâter ? » Oh !

Scapin.

(pushing his head back into the bag). Take care; I see half a dozen soldiers coming together. (Imitating the voices of several people.) "Now, we must discover Géronte; let us look everywhere carefully. We must spare no trouble, scour the town, and not forget one single spot Let us search on all sides. Which way shall we go? Let us go that way. No, this. On the left. On the right. No; yes." (To Géronte in his ordinary voice) Hide yourself well. "Ah! here is his servant. I say, you rascal, you must tell us where your master is. Speak. Be quick. At once. Make haste. Now." Ah! gentlemen, one moment. (Géronte looks quietly out of the bag, and sees Scapin'S trick.) "If you do not tell us at once where your master is, we will shower a rain of blows on your back." I had rather suffer anything than tell you where my master is. "Very well, we will cudgel you soundly." Do as you please. "You want to be beaten, then?" I will never betray my master. "Ah! you will have it--there." Oh!

(Comme il est prêt de frapper, Géronte sort du sac, et Scapin s’enfuit.)

(As he is going to strike, Géronte gets out of the bag, and Scapin runs away.)

Géronte, seul.

Ah ! infâme ! ah ! traître ! ah ! scélérat ! C’est ainsi que tu m’assassines ?

Géronte. (alone).

Ah! infamous wretch! ah! rascal! ah! scoundrel! It is thus that you murder me?

Scène III.

Scene III.

ZERBINETTE, GÉRONTE.

ZERBINETTE, GÉRONTE.

Zerbinette, riant, sans voir Géronte.

Ah, ah. Je veux prendre un peu l’air^[5].

Zerbinette. (laughing, without seeing Géronte).

Ah, ah! I must really come and breathe a little.

Géronte, à part, sans voir Zerbinette.

Tu me le paieras, je te jure.

Géronte. (aside, not seeing Zerbinette).

Ah! I will make you pay for it.

Zerbinette, sans voir Géronte.

Ah, ah, ah, ah ! La plaisante histoire ! et la bonne dupe que ce vieillard !

Zerbinette. (not seeing Géronte).

Ah, ah, ah, ah! What an amusing story! What a good dupe that old man is!

Géronte.

Il n’y a rien de plaisant à cela ; et vous n’avez que faire d’en rire.

Géronte.

This is no matter for laughter; and you have no business to laugh at it.

Zerbinette.

Quoi ? que voulez-vous dire, Monsieur ?

Zerbinette.

Why? What do you mean, Sir?

Géronte.

Je veux dire que vous ne devez pas vous moquer de moi.

Géronte.

I mean to say that you ought not to laugh at me.

Zerbinette.

De vous ?

Zerbinette.

Laugh at you?

Géronte.

Oui.

Géronte.

Yes.

Zerbinette.

Comment ! qui songe à se moquer de vous ?

Zerbinette.

How! Who is thinking of laughing at you?

Géronte.

Pourquoi venez-vous ici me rire au nez ?

Géronte.

Why do you come and laugh in my face?

Zerbinette.

Cela ne vous regarde point, et je ris toute seule d’un conte qu’on vient de me faire, le plus plaisant qu’on puisse entendre. Je ne sais pas si c’est parce que je suis intéressée dans la chose ; mais je n’ai jamais trouvé rien de si drôle qu’un tour qui vient d’être joué par un fils à son père, pour en attraper de l’argent.

Zerbinette.

This has nothing to do with you. I am only laughing with myself at the remembrance of a story which has just been told me. The most amusing story in the world. I don't know if it is because I am interested in the matter, but I never heard anything so absurd as the trick that has just been played by a son to his father to get some money out of him.

Géronte.

Par un fils à son père, pour en attraper de l’argent ?

Géronte.

By a son to his father to get some money out of him?

Zerbinette.

Oui. Pour peu que vous me pressiez, vous me trouverez assez disposée à vous dire l’affaire ; et j’ai une démangeaison naturelle à faire part des contes que je sais.

Zerbinette.

Yes; and if you are at all desirous of hearing how it was done, I will tell you the whole affair. I have a natural longing for imparting to others the funny things I know.

Géronte.

Je vous prie de me dire cette histoire.

Géronte.

Pray, tell me that story.

Zerbinette.

Je le veux bien. Je ne risquerai pas grand’chose à vous la dire, et c’est une aventure qui n’est pas pour être longtemps secrète. La destinée a voulu que je me trouvasse parmi une bande de ces personnes qu’on appelle Égyptiens, et qui, rôdant de province en province, se mêlent de dire la bonne fortune, et quelquefois de beaucoup d’autres choses. En arrivant dans cette ville, un jeune homme me vit et conçut pour moi de l’amour. Dès ce moment, il s’attache à mes pas ; et le voilà d’abord comme tous les jeunes gens, qui croient qu’il n’y a qu’à parler, et qu’au moindre mot qu’ils nous disent, leurs affaires sont faites ; mais il trouva une fierté qui lui fit un peu corriger ses premières pensées. Il fit connoître sa passion aux gens qui me tenoient, et il les trouva disposés à me laisser à lui, moyennant quelque somme. Mais le mal de l’affaire étoit que mon amant se trouvoit dans l’état où l’on voit très souvent la plupart des fils de famille, c’est-à-dire qu’il étoit un peu dénué d’argent. Il a un père qui, quoique riche, est un avaricieux fieffé, le plus vilain homme du monde. Attendez. Ne me saurais-je souvenir de son nom ? Haie. Aidez-moi un peu. Ne pouvez-vous me nommer quelqu’un de cette ville qui soit connu pour être avare au dernier point ?

Zerbinette.

Willingly. I shall not risk much by telling it you, for it is an adventure which is not likely to remain secret long. Fate placed me among one of those bands of people who are called gypsies, and who, tramping from province to province, tell you your fortune, and do many other things besides. When we came to this town, I met a young man, who, on seeing me, fell in love with me. From that moment he followed me everywhere; and, like all young men, he imagined that he had but to speak and things would go on as he liked; but he met with a pride which forced him to think twice. He spoke of his love to the people in whose power I was, and found them ready to give me up for a certain sum of money. But the sad part of the business was that my lover found himself exactly in the same condition as most young men of good family, that is, without any money at all. His father, although rich, is the veriest old skinflint and greatest miser you ever heard of. Wait a moment--what is his name? I don't remember it--can't you help me? Can't you name some one in this town who is known to be the most hard-fisted old miser in the place?

Géronte.

Non.

Géronte.

No.

Zerbinette.

Il y a à son nom du ron… ronte… Or… Oronte… Non. Gé… Géronte. Oui, Géronte, justement ; voilà mon vilain ; je l’ai trouvé, c’est ce ladre-là que je dis. Pour venir à notre conte, nos gens ont voulu aujourd’hui partir de cette ville ; et mon amant m’alloit perdre, faute d’argent, si, pour en tirer de son père, il n’avoit trouvé du secours dans l’industrie d’un serviteur qu’il a. Pour le nom du serviteur, je le sais à merveille. Il s’appelle Scapin ; c’est un homme incomparable, et il mérite toutes les louanges qu’on peut donner.

Zerbinette.

There is in his name some Ron...Ronte... Or...Oronte... No. Gé...Géronte. Yes, Géronte, that's my miser's name. I have it now; it is the old churl I mean. Well, to come back to our story. Our people wished to leave this town to-day, and my lover would have lost me through his lack of money if, in order to wrench some out of his father, he had not made use of a clever servant he has. As for that servant's name, I remember it very well. His name is Scapin. He is a most wonderful man, and deserves the highest praise.

Géronte.

Ah ! coquin que tu es !

Géronte. (aside).

Ah, the wretch!

Zerbinette.

Voici le stratagème dont il s’est servi pour attraper sa dupe. Ah, ah, ah, ah. Je ne saurois m’en souvenir, que je ne rie de tout mon cœur. Ah, ah, ah. Il est allé trouver ce chien d’avare… ah, ah ah ; et lui a dit, qu’en se promenant sur le port avec son fils, hi, hi, ils avoient vu une galère turque où on les avait invités d’entrer ; qu’un jeune Turc leur y avoit donné la collation, ah ; que, tandis qu’ils mangeoient, on avoit mis la galère en mer ; et que le Turc l’avoit renvoyé lui seul à terre dans un esquif, avec ordre de dire au père de son maître qu’il emmenoit son fils en Alger, s’il ne lui envoyait tout à l’heure cinq cents écus. Ah, ah, ah. Voilà mon ladre, mon vilain dans de furieuses angoisses ; et la tendresse qu’il a pour son fils fait un combat étrange avec son avarice. Cinq cents écus qu’on lui demande sont justement cinq cents coups de poignard qu’on lui donne. Ah, ah, ah. Il ne peut se résoudre à tirer cette somme de ses entrailles ; et la peine qu’il souffre lui fait trouver cent moyens ridicules pour ravoir son fils. Ah, ah, ah ! Il veut envoyer la justice en mer après la galère du Turc. Ah, ah, ah ! Il sollicite son valet de s’aller offrir à tenir la place de son fils, jusqu’à ce qu’il ait amassé l’argent qu’il n’a pas envie de donner. Ah, ah, ah. Il abandonne, pour faire les cinq cents écus, quatre ou cinq vieux habits qui n’en valent pas trente. Ah, ah, ah. Le valet lui fait comprendre à tous coups l’impertinence de ses propositions ; et chaque réflexion est douloureusement accompagnée d’un : Mais que diable alloit-il faire à cette galère ? Ah ! maudite galère ! Traître de Turc ! Enfin, après plusieurs détours, après avoir longtemps gémi et soupiré… Mais il me semble que vous ne riez point de mon conte ; qu’en dites-vous ?

Zerbinette.

But just listen to the plan he adopted to take in his dupe--ah! ah! ah! ah! I can't think of it without laughing heartily--ah! ah! ah! He went to that old screw--ah! ah! ah!--and told him that while he was walking about the harbour with his son--ah! ah!--they noticed a Turkish galley; that a young Turk had invited them to come in and see it; that he had given them some lunch--ah! ah!--and that, while they were at table, the galley had gone into the open sea; that the Turk had sent him alone back, with the express order to say to him that, unless he sent him five hundred crowns, he would take his son to be a slave in Algiers--ah, ah, ah! You may imagine our miser, our stingy old curmudgeon, in the greatest anguish, struggling between his love for his son and his love for his money. Those five hundred crowns that are asked of him are five hundred dagger-thrusts--ah! ah! ah! ah! He can't bring his mind to tear out, as it were, this sum from his heart, and his anguish makes him think of the most ridiculous means to find money for his son's ransom--ah! ah! ah! He wants to send the police into the open sea after the Turk's galley-- ah! ah! ah! He asks his servant to take the place of his son till he has found the money to pay for him--money he has no intention of giving--ah! ah! ah! He yields up, to make the five hundred crowns, three or four old suits which are not worth thirty--ah! ah! ah! The servant shows him each time how absurd is what he proposes, and each reflection of the old fellow is accompanied by an agonising, "But what the deuce did he want to go in that galley for? Ah! cursed galley. Ah! scoundrel of a Turk!" At last, after many hesitations, after having sighed and groaned for a long time.... But it seems to me that my story does not make you laugh; what do you say to it?

Géronte.

Je dis que le jeune homme est un pendard, un insolent, qui sera puni par son père du tour qu’il lui a fait ; que l’Égyptienne est une malavisée, une impertinente, de dire des injures à un homme d’honneur, qui saura lui apprendre à venir ici débaucher les enfants de famille ; et que le valet est un scélérat, qui sera par Géronte envoyé au gibet avant qu’il soit demain.

Géronte.

What I say? That the young man is a scoundrel--a good-for-nothing fellow--who will be punished by his father for the trick he has played him; that the gypsy girl is a bold, impudent hussy to come and insult a man of honour, who will give her what she deserves for coming here to debauch the sons of good families; and that the servant is an infamous wretch, whom Géronte will take care to have hung before to-morrow is over.

Scène IV.

Scene IV.

ZERBINETTE, SYLVESTRE.

ZERBINETTE, SILVESTRE.

Silvestre.

Où est-ce donc que vous vous échappez ? Savez-vous bien que vous venez de parler là au père de votre amant ?

Silvestre.

Where are you running away to? Do you know that the man you were speaking to is your lover's father?

Zerbinette.

Je viens de m’en douter, et je me suis adressée à lui-même sans y penser, pour lui conter son histoire.

Zerbinette.

I have just begun to suspect that it was so; and I related to him his own story without knowing who he was.

Silvestre.

Comment, son histoire ?

Silvestre.

What do you mean by his story?

Zerbinette.

Oui, j’étois toute remplie du conte, et je brûlois de le redire. Mais qu’importe ? Tant pis pour lui. Je ne vois pas que les choses, pour nous, en puissent être ni pis ni mieux.

Zerbinette.

Yes; I was so full of that story that I longed to tell it to somebody. But what does it matter? So much the worse for him. I do not see that things can be made either better or worse.

Silvestre.

Vous aviez grande envie de babiller ; et c’est avoir bien de la langue que de ne pouvoir se taire de ses propres affaires.

Silvestre.

You must have been in a great hurry to chatter; and it is indiscretion, indeed, not to keep silent on your own affairs.

Zerbinette.

N’aurait-il pas appris cela de quelque autre ?

Zerbinette.

Oh! he would have heard it from somebody else.

Scène V.

Scene V.

ARGANTE, ZERBINETTE, SYLVESTRE.

ARGANTE, ZERBINETTE, SILVESTRE.

Argante, derrière le théâtre.

Holà ! Silvestre.

Argante.

(behind the scenes). Hullo! Silvestre.

Silvestre, à Zerbinette.

Rentrez dans la maison. Voilà mon maître qui m’appelle.

Silvestre.

(to ZERBINETTE). Go in there; my master is calling me.

Scène VI.

Scene VI.

ARGANTE, SYLVESTRE.

ARGANTE, SILVESTRE.

Argante.

Vous vous êtes donc accordés, coquin, vous vous êtes accordés, Scapin, vous et mon fils, pour me fourber ; et vous croyez que je l’endure ?

Argante.

So you agreed, you rascals; you agreed--Scapin, you, and my son --to cheat me out of my money; and you think that I am going to bear it patiently?

Silvestre.

Ma foi, monsieur, si Scapin vous fourbe, je m’en lave les mains, et vous assure que je n’y trempe en aucune façon.

Silvestre.

Upon my word, Sir, if Scapin is deceiving you, it is none of my doing. I assure you that I have nothing whatever to do with it.

Argante.

Nous verrons cette affaire, pendard, nous verrons cette affaire, et je ne prétends pas qu’on me fasse passer la plume par le bec^[6].

Argante.

We shall see, you rascal! we shall see; and I am not going to be made a fool of for nothing.

Scène VII.

Scene VII.

GÉRONTE, ARGANTE, SYLVESTRE.

GÉRONTE, ARGANTE, SILVESTRE.

Géronte.

Ah ! seigneur Argante, vous me voyez accablé de disgrâce.

Géronte.

Ah! Mr. Argante, you see me in the greatest trouble.

Argante.

Vous me voyez aussi dans un accablement horrible.

Argante.

And I am in the greatest sorrow.

Géronte.

Le pendard de Scapin, par une fourberie, m’a attrapé cinq cents écus.

Géronte.

This rascal, Scapin, has got five hundred crowns out of me.

Argante.

Le même pendard de Scapin, par une fourberie aussi, m’a attrapé deux cents pistoles.

Argante.

Yes, and this same rascal, Scapin, two hundred pistoles out of me.

Géronte.

Il ne s’est pas contenté de m’attraper cinq cents écus ; il m’a traité d’une manière que j’ai honte de dire. Mais il me la paiera.

Géronte.

He was not satisfied with getting those five hundred crowns, but treated me besides in a manner I am ashamed to speak of. But he-- shall pay me for it.

Argante.

Je veux qu’il me fasse raison de la pièce qu’il m’a jouée.

Argante.

I shall have him punished for the trick he has played me.

Géronte.

Et je prétends faire de lui une vengeance exemplaire.

Géronte.

And I mean to make an example of him.

Silvestre, à part.

Plaise au ciel que, dans tout ceci, je n’aie point ma part !

Silvestre. (aside).

May Heaven grant that I do not catch my share of all this!

Géronte.

Mais ce n’est pas encore tout, seigneur Argante ; et un malheur nous est toujours l’avant-coureur d’un autre. Je me réjouissais aujourd’hui de l’espérance d’avoir ma fille, dont je faisois toute ma consolation ; et je viens d’apprendre de mon homme qu’elle est partie il y a longtemps de Tarente, et qu’on y croit qu’elle a péri dans le vaisseau où elle s’embarqua.

Géronte.

But, Mr. Argante, this is not all; and misfortunes, as you know, never come alone. I was looking forward to the happiness of to-day seeing my daughter, who was everything to me; and I have just heard that she left Tarentum a long while since; and there is every reason to suppose that the ship was wrecked, and that she is lost to me for ever.

Argante.

Mais pourquoi, s’il vous plaît, la tenir à Tarente, et ne vous être pas donné la joie de l’avoir avec vous ?

Argante.

But why did you keep her in Tarentum, instead of enjoying the happiness of having her with you?

Géronte.

J’ai eu mes raisons pour cela ; et des intérêts de famille m’ont obligé jusques ici à tenir fort secret ce second mariage. Mais que vois-je ?

Géronte.

I had my reasons for it; some family interests forced me till now to keep my second marriage secret. But what do I see?

Scène VIII.

Scene VIII.

ARGANTE, GÉRONTE, NÉRINE, SYLVESTRE.

ARGANTE, GÉRONTE, NÉRINE, SILVESTRE.

Géronte.

Ah ! te voilà, nourrice ?

Géronte.

What! you here, Nérine?

Nérine, se jetant aux genoux de Géronte.

Ah ! seigneur Pandolphe, que…

Nérine. (on her knees before Géronte).

Ah! Mr. Pandolphe, how....

Géronte.

Appelle-moi Géronte, et ne te sers plus de ce nom. Les raisons ont cessé qui m’avaient obligé à le prendre parmi vous à Tarente.

Géronte.

Call me Géronte, and do not use the other name any more. The reasons which forced me to take it at Tarentum exist no longer.

Nérine.

Las ! que ce changement de nom nous a causé de troubles et d’inquiétudes dans les soins que nous avons pris de vous venir chercher ici !

Nérine.

Alas! what sorrow that change of name has caused us; what troubles and difficulties in trying to find you out!

Géronte.

Où est ma fille, et sa mère ?

Géronte.

And where are my daughter and her mother?

Nérine.

Votre fille, Monsieur, n’est pas loin d’ici, mais, avant que de vous la faire voir, il faut que je vous demande pardon de l’avoir mariée, dans l’abandonnement où, faute de vous rencontrer, je me suis trouvée avec elle.

Nérine.

Your daughter, Sir, is not far from here; but before I go to fetch her, I must ask you to forgive me for having married her, because of the forsaken state we found ourselves in, when we had no longer any hope of meeting you.

Géronte.

Ma fille mariée ?

Géronte.

My daughter is married?

Nérine.

Oui, Monsieur.

Nérine.

Yes, Sir.

Géronte.

Et avec qui ?

Géronte.

And to whom?

Nérine.

Avec un jeune homme nommé Octave, fils d’un certain seigneur Argante.

Nérine.

To a young man, called Octave, the son of a certain Mr. Argante.

Géronte.

Ô ciel !

Géronte.

O Heaven!

Argante.

Quelle rencontre !

Argante.

What an extraordinary coincidence.

Géronte.

Mène-nous, mène-nous promptement où elle est.

Géronte.

Take us quickly where she is.

Nérine.

Vous n’avez qu’à entrer dans ce logis.

Nérine.

You have but to come into this house.

Géronte.

Passe devant. Suivez-moi, suivez-moi, seigneur Argante.

Géronte.

Go in first; follow me, follow me, Mr. Argante.

Silvestre, seul.

Voilà une aventure qui est tout à fait surprenante^[7].

Silvestre. (alone).

Well, this is a strange affair.

Scène IX.

Scene IX.

SCAPIN, SYLVESTRE.

SCAPIN, SILVESTRE.

Scapin.

Hé bien ! Silvestre, que font nos gens ?

Scapin.

Well, Silvestre, what are our people doing?

Silvestre.

J’ai deux avis à te donner. L’un, que l’affaire d’Octave est accommodée. Notre Hyacinte s’est trouvée la fille du seigneur Géronte ; et le hasard a fait ce que la prudence des pères avoit délibéré. L’autre avis, c’est que les deux vieillards font contre toi des menaces épouvantables, et surtout le seigneur Géronte.

Silvestre.

I have two things to tell you. One is that Octave is all right; our Hyacintha is, it seems, the daughter of Géronte, and chance has brought to pass what the wisdom of the fathers had decided. The other, that the old men threaten you with the greatest punishments-- particularly Mr. Géronte.

Scapin.

Cela n’est rien. Les menaces ne m’ont jamais fait mal ; et ce sont des nuées qui passent bien loin sur nos têtes.

Scapin.

Oh, that's nothing. Threats have never done me any harm as yet; they are but clouds which pass away far above our heads.

Silvestre.

Prends garde à toi. Les fils se pourroient bien raccommoder avec les pères, et toi demeurer dans la nasse.

Silvestre.

You had better take care. The sons may get reconciled to their fathers, and leave you in the lurch.

Scapin.

Laisse-moi faire, je trouverai moyen d’apaiser leur courroux, et…

Scapin.

Leave that to me. I shall find the means of soothing their anger, and....

Silvestre.

Retire-toi, les voilà qui sortent.

Silvestre.

Go away; I see them coming.

Scène X.

Scene X.

GÉRONTE, ARGANTE, HYACINTE, ZERBINETTE, NÉRINE, SYLVESTRE.

GÉRONTE, ARGANTE, HYACINTHA, ZERBINETTE, NÉRINE, SILVESTRE.

Géronte.

Allons, ma fille, venez chez moi. Ma joie auroit été parfaite, si j’y avois pu voir votre mère avec vous.

Géronte.

Come, my daughter; come to my house. My happiness would be perfect if your mother had been with you.

Argante.

Voici Octave tout à propos.

Argante.

Here is Octave coming just at the right time.

Scène XI.

Scene XI.

ARGANTE, GÉRONTE, OCTAVE, HYACINTE, ZERBIETTE, NÉRINE, SYLVESTRE.

ARGANTE, GÉRONTE, OCTAVE, HYACINTHA, ZERBINETTE, NÉRINE, SILVESTRE.

Argante.

Venez, mon fils, venez vous réjouir avec nous de l’heureuse aventure de votre mariage. Le ciel…

Argante.

Come, my son, come and rejoice with us about the happiness of your marriage. Heaven....

Octave, sans voir Hyacinte.

Non, mon père, toutes vos propositions de mariage ne serviront de rien. Je dois lever le masque avec vous, et l’on vous a dit mon engagement.

Octave.

No, father, all your proposals for marriage are useless. I must be open with you, and you have been told how I am engaged.

Argante.

Oui. Mais tu ne sais pas…

Argante.

Yes; but what you do not know....

Octave.

Je sais tout ce qu’il faut savoir.

Octave.

I know all I care to know.

Argante.

Je veux te dire que la fille du seigneur Géronte…

Argante.

I mean to say that the daughter of Mr. Géronte....

Octave.

La fille du seigneur Géronte ne me sera jamais de rien.

Octave.

The daughter of Mr. Géronte will never be anything to me.

Géronte.

C’est elle…

Géronte.

It is she who....

Octave, à Géronte.

Non, Monsieur, je vous demande pardon, mes résolutions sont prises.

Octave. (to Géronte).

You need not go on, Sir; I hope you will forgive me, but I shall abide by my resolution.

Silvestre, à Octave.

Écoutez…

Silvestre. (to Octave).

Listen....

Octave.

Non. Tais-toi. Je n’écoute rien.

Octave.

Be silent; I will listen to nothing.

Argante, à Octave.

Ta femme…

Argante. (to Octave).

Your wife....

Octave.

Non, vous dis-je, mon père ; je mourrai plutôt que de quitter mon aimable Hyacinte. (Traversant le théâtre pour se mettre à côté d’Hyacinte.) Oui. Vous avez beau faire ; la voilà, celle à qui ma foi est engagée. Je l’aimerai toute ma vie, et je ne veux point d’autre femme.

Octave.

No, father, I would rather die than lose my dear Hyacintha (crossing the theatre, and placing himself by Hyacintha). Yes, all you would do is useless; this is the one to whom my heart is engaged. I will have no other wife.

Argante.

Hé bien ! c’est elle qu’on te donne. Quel diable d’étourdi, qui suit toujours sa pointe !

Argante.

Well! she it is whom we give you. What a madcap you are never to listen to anything but your own foolish whim.

Hyacinte, montrant Géronte.

Oui, Octave, voilà mon père que j’ai trouvé ; et nous nous voyons hors de peine.

Hyacintha. (showing Géronte).

Yes, Octave, this is my father whom I have found again, and all our troubles are over.

Géronte.

Allons chez moi ; nous serons mieux qu’ici pour nous entretenir.

Géronte.

Let us go home; we shall talk more comfortably at home.

Hyacinte, montrant Zerbinette.

Ah ! mon père, je vous demande, par grâce, que je ne sois point séparée de l’aimable personne que vous voyez. Elle a un mérite qui vous fera concevoir de l’estime pour elle, quand il sera connu de vous.

Hyacintha. (showing Zerbinette).

Ah! father, I beg of you the favour not to part me from this charming young lady. She has noble qualities, which will be sure to make you like her when you know her.

Géronte.

Tu veux que je tienne chez moi une personne qui est aimée de ton frère, et qui m’a dit tantôt au nez mille sottises de moi-même !

Géronte.

What! do you wish me to take to my house a girl with whom your brother is in love, and who told me to my face so many insulting things?

Zerbinette.

Monsieur, je vous prie de m’excuser. Je n’aurois pas parlé de la sorte, si j’avais su que c’était vous, et je ne vous connoissois que de réputation.

Zerbinette.

Pray forgive me, Sir; I should not have spoken in that way if I had known who you were, and I only knew you by reputation.

Géronte.

Comment ! que de réputation ?

Géronte.

By reputation; what do you mean?

Hyacinte.

Mon père, la passion que mon frère a pour elle n’a rien de criminel, et je réponds de sa vertu.

Hyacintha.

Father, I can answer for it that she is most virtuous, and that the love my brother has for her is pure.

Géronte.

Voilà qui est fort bien. Ne voudrait-on point que je mariasse mon fils avec elle ? Une fille inconnue, qui fait le métier de coureuse !

Géronte.

It is all very well. You would try now to persuade me to marry my son to her, a stranger, a street-girl!

Scène XII.

Scene XII.

ARGANTE, GÉRONTE, LÉANDRE, OCTAVE, HYACINTE, ZERBINETTE, NÉRINE, SYLVESTRE.

ARGANTE, GÉRONTE, LÉANDRE, OCTAVE, HYACINTHA, ZERBINETTE, NÉRINE, SILVESTRE.

Léandre.

Mon père, ne vous plaignez point que j’aime une inconnue, sans naissance et sans bien. Ceux de qui je l’ai rachetée viennent de me découvrir qu’elle est de cette ville, et d’honnête famille ; que ce sont eux qui l’y ont dérobée à l’âge de quatre ans ; et voici un bracelet qu’ils m’ont donné, qui pourra nous aider à trouver ses parents.

Léandre.

My father, you must no longer say that I love a stranger without birth or wealth. Those from whom I bought her have just told me that she belongs to an honest family in this town. They stole her away when she was four years old, and here is a bracelet which they gave me, and which will help me to discover her family.

Argante.

Hélas ! à voir ce bracelet, c’est ma fille que je perdis à l’âge que vous dites.

Argante.

Ah! To judge by this bracelet, this is my daughter whom I lost when she was four years old.

Géronte.

Votre fille ?

Géronte.

Your daughter?

Argante.

Oui, ce l’est ; et j’y vois tous les traits qui m’en peuvent rendre assuré. Ma chère fille !…

Argante.

Yes, I see she is my daughter. I know all her features again. My dear child!

Hyacinte.

Ô ciel ! que d’aventures extraordinaires !

Géronte.

Oh! what wonderful events!

Scène XIII.

Scene XIII.

ARGANTE, GÉRONTE, LÉANDRE, OCTAVE, HYACINTE, ZERBINETTE, NÉRINE, SYLVESTRE, CARLE.

ARGANTE, GÉRONTE, LÉANDRE, OCTAVE, HYACINTHA, ZERBINETTE, NÉRINE, SILVESTRE, CARLE.

Carle.

Ah ! Messieurs, il vient d’arriver un accident étrange.

Carle.

Ah! gentlemen, a most sad accident has just taken place.

Géronte.

Quoi ?

Géronte.

What is it?

Carle.

Le pauvre Scapin…

Carle.

Poor Scapin....

Géronte.

C’est un coquin que je veux faire pendre.

Géronte.

Is a rascal whom I shall see hung.

Carle.

Hélas ! monsieur, vous ne serez pas en peine de cela. En passant contre un bâtiment, il lui est tombé sur la tête un marteau de tailleur de pierre, qui lui a brisé l’os, et découvert toute la cervelle. Il se meurt, et il a prié qu’on l’apportât ici pour vous pouvoir parler avant que de mourir.

Carle.

Alas! Sir, you will not have that trouble. As he was passing near a building, a bricklayer's hammer fell on his head and broke his skull, leaving his brain exposed. He is dying, and he has asked to be brought in here to speak to you before he dies.

Argante.

Où est-il ?

Carle.

Le voilà.

Scène XIV.

Scene XIV.

ARGANTE, GÉRONTE, LÉANDRE, OCTAVE, HYACINTE, ZERBINETTE, NÉRINE, SCAPIN, SYLVESTRE, CARLE.

ARGANTE, GÉRONTE, LÉANDRE, OCTAVE, HYACINTHA, ZERBINETTE, NÉRINE. SILVESTRE, CARLE, SCAPIN.

Scapin.

Ahi, ahi. Messieurs, vous me voyez… ahi, vous me voyez dans un étrange état. Ahi. Je n’ai pas voulu mourir sans venir demander pardon à toutes les personnes que je puis avoir offensées. Ahi. Oui, messieurs, avant que de rendre le dernier soupir, je vous conjure de tout mon cœur de vouloir me pardonner tout ce que je puis vous avoir fait, et principalement le seigneur Argante et le seigneur Géronte. Ahi.

Scapin.

(brought in by some men, his head wrapped up, as if he were wounded). Oh, oh! gentlemen, you see me.... Oh! You see me in a sad state. Oh! I would not die without coming to ask forgiveness of all those I may have offended. Oh! Yes, gentlemen, before I give up the ghost, I beseech you to forgive me all I have done amiss, and particularly Mr. Argante and Mr. Géronte. Oh!

Argante.

Pour moi, je te pardonne ; va, meurs en repos.

Argante.

I forgive you; die in peace, Scapin.

Scapin.

C’est vous, Monsieur, que j’ai le plus offensé, par les coups de bâton que…

Scapin. (to Géronte).

It is you, Sir, I have offended the most, because of the beating with the cudgel which I....

Géronte.

Ne parle point davantage, je te pardonne aussi.

Scapin.

Ç’a été une témérité bien grande à moi, que les coups de bâton que je…

Géronte.

Laissons cela.

Géronte.

Leave that alone.

Scapin.

J’ai, en mourant, une douleur inconcevable des coups de bâton que…

Scapin.

I feel in dying an inconceivable grief for the beating which I....

Géronte.

Mon Dieu ! tais-toi.

Géronte.

Ah me! be silent.

Scapin.

Les malheureux coups de bâton que je vous…

Scapin.

That unfortunate beating that I gave....

Géronte.

Tais-toi, te dis-je ; j’oublie tout.

Géronte.

Be silent, I tell you; I forgive you everything.

Scapin.

Hélas ! quelle bonté ! Mais est-ce de bon cœur, monsieur, que vous me pardonnez ces coups de bâton que…

Scapin.

Alas! how good you are. But is it really with all your heart that you forgive me the beating which I...?

Géronte.

Hé ! oui. Ne parlons plus de rien ; je te pardonne tout : voilà qui est fait.

Géronte.

Yes, yes; don't mention it. I forgive you everything. You are punished.

Scapin.

Ah ! Monsieur, je me sens tout soulagé depuis cette parole.

Scapin.

Ah! Sir, how much better I feel for your kind words.

Géronte.

Oui ; mais je te pardonne, à la charge que tu mourras.

Géronte.

Yes, I forgive you; but on one condition, that you die.

Scapin.

Comment ! Monsieur ?

Scapin.

How! Sir?

Géronte.

Je me dédis de ma parole, si tu réchappes.

Géronte.

I retract my words if you recover.

Scapin.

Ahi, ahi. Voilà mes faiblesses qui me reprennent.

Scapin.

Oh! oh! all my pains are coming hack.

Argante.

Seigneur Géronte, en faveur de notre joie, il faut lui pardonner sans condition.

Argante.

Mr. Géronte, let us forgive him without any condition, for we are all so happy.

Géronte.

Soit.

Géronte.

Well, be it so.

Argante.

Allons souper ensemble, pour mieux goûter notre plaisir.

Argante.

Let us go to supper, and talk of our happiness.

Scapin.

Et moi, qu’on me porte au bout de la table, en attendant que je meure.

Scapin.

And you, take me to the end of the table; it is there I will await death.

Fin des Fourberies de Scapin.

THE END.


1. ↑ Pour rassurer.

2. ↑ Venue, dans le sens de récolte, bonne récolte, parce que le grain de l’année est bien venu. Nicot, au mot Venir, donne pour exemple : « Grande venue de brebis et abondante, bonus proventus. » (F. Génin.)

3. ↑ Boileau a eu raison s’il n’a regardé comme indigne de Molière que le sac où Géronte s’enveloppe. Boileau a eu tort s’il n’a pas reconnu l’auteur du Misanthrope dans l’éloquence de Scapin avec le père de son maître ; dans l’avarice de ce vieillard ; dans la scène des deux pères ; dans l’amour des deux fils, tableaux dignes de Térence ; dans la confession de Scapin, qui se croit convaincu ; dans son insolence, dès qu’il sent que son maître a besoin de lui. (Marmontel.)

4. ↑ Molière a pris l’idée de cette scène dans Tabarin, comme l’indique la critique de Boileau. On peut voir le passage qui lui a servi de modèle, dans le recueil général des œuvres et fantaisies de Tabarie, seconde partie, page 131, édition de Rouen ; 1629.

5. ↑ Dans le Pédant joué, Génevote arrive sur la scène en poussant de grands éclats de rire, et elle raconte à Nicolas Granger le tour dont il vient d’être la dupe. Molière doit donc encore l’idée de cette scène à Cyrano de Bergerac ; mais dans cette nouvelle imitation il s’éloigne encore plus de son modèle que dans la première. Voyez le Pédant joué, acte III, scène II. (Aimé Martin.)

6. ↑ Faire passer à quelqu’un la plume par le bec, l’attraper, le duper, sans qu’il puisse se plaindre. (F. Génin.)

7. ↑ Molière emprunte à Térence ce dénoûment, comme il lui avait emprunté déjà le fond de sa pièce. Cette scène est en partie traduite de la dernière scène du Phormion.