ACTE I.
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ACT I
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SCÈNE PREMIÈRE.
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SCENE I.
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Une place publique.
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A public place.
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Entrent SAMSON et GRÉGOIRE, armés d’épées et de
boucliers.
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Enter Sampson and
Gregory armed with swords and bucklers.
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SAMSON. — Grégoire, sur ma parole, ils ne nous monteront pas ainsi sur le dos.
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SAMPSON.
Gregory, on my word, we’ll not carry coals.
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GRÉGOIRE. — Non, car autrement nous serions des portefaix.
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GREGORY.
No, for then we should be colliers.
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SAMSON. — Je veux dire que s’ils nous échauffent la bile, nous saurons tenir
bon.
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SAMPSON.
I mean, if we be in choler, we’ll draw.
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GRÉGOIRE. — Oui, tant que tu vivras, fais en sorte que ta tête tienne bon sur tes
épaules.
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GREGORY.
Ay, while you live, draw your neck out o’ the collar.
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SAMSON. — Je frappe vivement une fois ému.
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SAMPSON.
I strike quickly, being moved.
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GRÉGOIRE. — Oui, mais tu n’es pas aisément ému à frapper.
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GREGORY.
But thou art not quickly moved to strike.
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SAMSON. — Un chien de la maison de Montaigu suffit pour m’émouvoir.
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SAMPSON.
A dog of the house of Montague moves me.
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GRÉGOIRE. — Se mouvoir, c’est se remuer ; être vaillant, c’est tenir ferme
sans bouger : par conséquent, si tu es ému, tu t’enfuis.
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GREGORY.
To move is to stir; and to be valiant is to stand:
therefore, if thou art moved, thou runn’st away.
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SAMSON. — Un chien de cette maison m’émeut à me faire tenir ferme : je
garderai la muraille contre n’importe quel garçon ou quelle fille de la maison de
Montaigu.
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SAMPSON.
A dog of that house shall move me to stand.
I will take the wall of any man or maid of Montague’s.
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GRÉGOIRE. — Cela montre que tu es un faible esclave : car c’est le plus faible
qui va du côté du mur.
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GREGORY.
That shows thee a weak slave, for the weakest goes to the wall.
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SAMSON. — C’est juste, par conséquent les femmes
étant les vases les plus faibles, sont toujours poussées contre le mur : par conséquent,
je pousserai loin du mur les valets de Montaigu, et je pousserai ses servantes contre le
mur.
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SAMPSON.
True, and therefore women, being the weaker vessels,
are ever thrust to the wall: therefore I will push Montague’s men
from the wall, and thrust his maids to the wall.
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GRÉGOIRE. — La querelle est entre nos maîtres, et entre nous leurs serviteurs.
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GREGORY.
The quarrel is between our masters and us their men.
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SAMSON. — C’est tout un ; je veux me montrer tyran : quand j’aurai
combattu avec les hommes, je serai cruel avec les filles, je leur secouerai les puces.
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SAMPSON.
’Tis all one, I will show myself a tyrant: when I have fought
with the men I will be civil with the maids, I will cut off their heads.
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GRÉGOIRE. — Secouer les puces aux filles !
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GREGORY.
The heads of the maids?
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SAMSON. — Oui, leur secouer leurs puces, ou bien leurs pucelages ; arrange cela
dans le sens que tu voudras.
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SAMPSON.
Ay, the heads of the maids, or their maidenheads; take it in what sense
thou wilt.
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GRÉGOIRE. — Non, c’est à celles qui le sentiront à s’en arranger.
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GREGORY.
They must take it in sense that feel it.
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SAMSON. — C’est moi qu’elles sentiront, tant qu’il me restera un atome de force,
et l’on sait si je suis un morceau de chair à tenir bon.
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SAMPSON.
Me they shall feel while I am able to stand:
and ’tis known I am a pretty piece of flesh.
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GRÉGOIRE. — Cela est vrai, tu n’es pas un poisson ; si tu l’avais été, tu
aurais été un maquereau de deux sous. Tire ton outil, en voici venir deux de la maison de
Montaigu.
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GREGORY.
’Tis well thou art not fish; if thou hadst, thou hadst been poor
John. Draw thy tool; here comes of the house of Montagues.
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Enter Abram and
Balthasar.
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SAMSON. — Mon arme est tirée ; cherche-leur querelle, je viendrai par derrière
toi.
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SAMPSON.
My naked weapon is out: quarrel, I will back thee.
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GRÉGOIRE. — Comment, ça, en tournant ton derrière et en t’enfuyant ?
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GREGORY.
How? Turn thy back and run?
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SAMSON. — N’aie pas peur de moi.
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SAMPSON.
Fear me not.
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GRÉGOIRE. — Avoir peur de toi, non certes ; mais c’est de ta peur que j’ai
peur.
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GREGORY.
No, marry; I fear thee!
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SAMSON. — Faisons en sorte d’avoir la loi de notre côté ; laissons-les
commencer.
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SAMPSON.
Let us take the law of our sides; let them begin.
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GRÉGOIRE. — Je froncerai le sourcil en passant, près d’eux ; qu’ils le
prennent comme ils l’entendront.
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GREGORY.
I will frown as I pass by, and let them take it as they
list.
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SAMSON. — Certes, et comme ils l’oseront, Je vais mordre mon pouce devant eux, ce
qui est une honte, s’ils le supportent.
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SAMPSON.
Nay, as they dare. I will bite my thumb at them, which is
disgrace to them if they bear it.
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Entrent ABRAHAM et BALTHAZAR.
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ABRAHAM. — Est-ce pour nous que vous mordez votre pouce, Monsieur ?
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ABRAM.
Do you bite your thumb at us, sir?
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SAMSON. — Je mords mon pouce, Monsieur.
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SAMPSON.
I do bite my thumb, sir.
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ABRAHAM. — Est-ce pour nous que vous mordez votre pouce, Monsieur ?
|
ABRAM.
Do you bite your thumb at us, sir?
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SAMSON, à part à Grégoire. — La loi serait-elle pour nous si je dis
oui ?
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SAMPSON.
Is the law of our side if I say ay?
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GRÉGOIRE, à part, à Samson. — Non.
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GREGORY.
No.
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SAMSON. — Non, Monsieur ; je ne mords pas mon pouce pour vous, Monsieur, mais je
mords mon pouce, Monsieur.
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SAMPSON.
No sir, I do not bite my thumb at you, sir; but I bite my
thumb, sir.
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GRÉGOIRE. — Est-ce une querelle que vous cherchez, Monsieur ?
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GREGORY.
Do you quarrel, sir?
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ABRAHAM. — Une querelle, Monsieur ! non, Monsieur.
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ABRAM.
Quarrel, sir? No, sir.
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SAMSON. — Si c’est là ce que vous cherchez, Monsieur, je suis votre homme: je sers
un maître qui vaut le vôtre.
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SAMPSON.
But if you do, sir, am for you. I serve as good a man as
you.
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ABRAHAM. — Il ne vaut pas mieux.
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ABRAM.
No better.
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SAMSON. — Bien, Monsieur.
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SAMPSON.
Well, sir.
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Entre BENVOLIO.
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Enter Benvolio.
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GRÉGOIRE, à part, à Samson. — Dis qu’il vaut mieux ; voici venir un
des parents de mon maître.
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GREGORY.
Say better; here comes one of my master’s kinsmen.
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SAMSON. — Oui, Monsieur, qui vaut mieux.
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SAMPSON.
Yes, better, sir.
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ABRAHAM. — Vous mentez.
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ABRAM.
You lie.
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SAMSON. — Dégainez, si vous êtes des hommes. — Grégoire, rappelle-toi ton coup
qui fait tapage. (Ils combattent.)
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SAMPSON.
Draw, if you be men. Gregory, remember thy washing blow.
[They fight.]
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BENVOLIO. — Séparez-vous, insensés ; rengainez vos épées ; vous ne savez
pas ce que vous faites. (Il les force à baisser leurs épées.)
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BENVOLIO.
Part, fools! put up your swords, you know not what you do.
[Beats down their swords.]
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Entre TEBALDO.
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Enter Tybalt.
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TEBALDO. — Comment, tu as dégainé parmi ces valets sans courage ? retourne-toi,
Benvolio, et regarde ta mort en face.
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TYBALT.
What, art thou drawn among these heartless hinds?
Turn thee Benvolio, look upon thy death.
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BENVOLIO. — Je m’efforçais seulement de rétablir la paix ; rengaine ton
épée, ou sers-t’en pour m’aider à séparer ces hommes.
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BENVOLIO.
I do but keep the peace, put up thy sword,
Or manage it to part these men with me.
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TEBALDO. — Comment ! tu as dégainé, et tu parles de
paix ! Je hais ce mot, comme je hais, l’enfer, tous les Montaigus, et toi : en
garde, lâche ! (Ils se battent.)
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TYBALT.
What, drawn, and talk of peace? I hate the word
As I hate hell, all Montagues, and thee:
Have at thee, coward.
[They fight.]
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Entrent divers clients des deux maisons qui se joignent à la mêlée ; puis entrent
des citoyens avec des bâtons et de pertuisanes.
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Enter three or four Citizens
with clubs.
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LES CITOYENS. — Des bâtons ! des cannes ! des pertuisanes !
Frappez ! Rossez-les ! A bas les Capulets ! A bas les Montaigus !
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FIRST CITIZEN.
Clubs, bills and partisans! Strike! Beat them down!
Down with the Capulets! Down with the Montagues!
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Entrent CAPULET dans sa robe de chambre et MADONNA
CAPULET.
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Enter Capulet in his gown,
and Lady Capulet.
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CAPULET. — Qu’est-ce que ce tapage ? — Holà ! donnez-moi ma grande
épée!
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CAPULET.
What noise is this? Give me my long sword, ho!
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MADONNA CAPULET. — Une béquille ! Une béquille ! Pourquoi demandez-vous
une épée ?
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LADY CAPULET.
A crutch, a crutch! Why call you for a sword?
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CAPULET. — Mon épée, dis-je ! — Le vieux Montaigu est accouru, et brandit sa
lame pour me défier.
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CAPULET.
My sword, I say! Old Montague is come,
And flourishes his blade in spite of me.
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Entrent MONTAIGU et MADONNA MONTAIGU.
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Enter Montague and his
Lady Montague.
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MONTAIGU. — Scélérat de Capulet ! — Ne me retiens pas, laisse-moi aller.
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MONTAGUE.
Thou villain Capulet! Hold me not, let me go.
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MADONNA MONTAIGU. — Tu ne bougeras pas d’une semelle pour aller chercher un
ennemi.
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LADY MONTAGUE.
Thou shalt not stir one foot to seek a foe.
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Entre LE PRINCE, avec sa suite.
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Enter Prince Escalus, with
Attendants.
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LE PRINCE. — Sujets rebelles, ennemis de la paix, qui abusez de cet acier souillé du
sang de vos voisins.... Eh bien, est-ce qu’ils ne vont pas m’écouter ? — Holà,
qu’est-ce à dire ? Hommes, bêtes, qui éteignez le feu de votre rage pernicieuse avec
les fontaines de pourpre jaillissant de vos veines, sous peine de la torture, que vos mains
sanglantes jettent à terre ces armes mal gouvernées, et écoutez la sentence de votre prince
irrité : par ton fait, vieux Capulet, et par ton fait, Montaigu, trois rixes civiles,
sorties d’un mot dit en l’air, ont trois fois troublé le repos de nos rues, et forcé les
anciens citoyens de Vérone à dépouiller leurs graves et décents costumes, pour brandir dans
des mains vieilles comme elles de vieilles
pertuisanes rongées par la rouille de la paix, afin de séparer la haine qui vous ronge. Si
jamais vous troublez encore nos rues, vos vies payeront le dommage fait à la paix. Pour le
moment, que tout le monde s’en aille : vous, Capulet, vous, allez venir avec moi ;
vous, Montaigu, vous viendrez cette après-midi, pour connaître sur cette affaire notre
décision ultérieure, au vieil hôtel de ville, le lieu ordinaire de nos jugements. Une fois
encore, sous peine de mort, que tout le monde parte. (Sortent le Prince et les gens de sa
suite, Capulet, Madonna Capulet, Tebaldo, les citoyens et les serviteurs.)
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PRINCE.
Rebellious subjects, enemies to peace,
Profaners of this neighbour-stained steel,—
Will they not hear? What, ho! You men, you beasts,
That quench the fire of your pernicious rage
With purple fountains issuing from your veins,
On pain of torture, from those bloody hands
Throw your mistemper’d weapons to the ground
And hear the sentence of your moved prince.
Three civil brawls, bred of an airy word,
By thee, old Capulet, and Montague,
Have thrice disturb’d the quiet of our streets,
And made Verona’s ancient citizens
Cast by their grave beseeming ornaments,
To wield old partisans, in hands as old,
Canker’d with peace, to part your canker’d hate.
If ever you disturb our streets again,
Your lives shall pay the forfeit of the peace.
For this time all the rest depart away:
You, Capulet, shall go along with me,
And Montague, come you this afternoon,
To know our farther pleasure in this case,
To old Free-town, our common judgement-place.
Once more, on pain of death, all men depart.
[Exeunt Prince and
Attendants; Capulet, Lady Capulet, Tybalt,
Citizens and Servants.]
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MONTAIGU. — Qui a déterminé cette nouvelle explosion d’une antique querelle ?
Parlez, neveu, étiez-vous là quand elle a commencé ?
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MONTAGUE.
Who set this ancient quarrel new abroach?
Speak, nephew, were you by when it began?
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BENVOLIO. — Les domestiques de votre ennemi, et les vôtres, s’étaient pris aux
cheveux avant mon arrivée : j’ai dégainé pour les séparer ; à ce moment est
venu le furieux Tebaldo, son épée toute prête, avec laquelle, pendant qu’il carillonnait
des défis à mes oreilles, il exécutait des moulinets autour de sa tête, lui faisant couper
le vent, qui, ne se sentant blessé en aucune façon, payait sa colère en sifflets de
mépris : pendant que nous échangions bottes et coups, d’autres, puis d’autres sont
venus, et ils se sont mis à se battre mutuellement, jusqu’au moment où le prince est
arrivé et a séparé les deux partis.
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BENVOLIO.
Here were the servants of your adversary
And yours, close fighting ere I did approach.
I drew to part them, in the instant came
The fiery Tybalt, with his sword prepar’d,
Which, as he breath’d defiance to my ears,
He swung about his head, and cut the winds,
Who nothing hurt withal, hiss’d him in scorn.
While we were interchanging thrusts and blows
Came more and more, and fought on part and part,
Till the Prince came, who parted either part.
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MADONNA MONTAIGU. — Ô où est Roméo ? L’avez-vous vu aujourd’hui ? Je
suis bien joyeuse qu’il ne se soit pas trouvé dans cette rixe.
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LADY MONTAGUE.
O where is Romeo, saw you him today?
Right glad I am he was not at this fray.
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BENVOLIO. — Madame, une heure avant que le bienaimé soleil eût montré sa tête à
la fenêtre d’or de l’orient, une inquiétude d’esprit m’a poussé à sortir, et sous
le bosquet de sycomores planté à l’ouest de ce côté-ci de la ville, j’ai vu votre fils,
tout aussi matinal que moi, qui se promenait : je me suis dirigé vers lui, mais il
m’avait aperçu, et il s’est esquivé sous le couvert du bois : moi,
mesurant ses sentiments sur les miens, qui sont d’autant plus occupés qu’ils sont plus
solitaires, j’ai poursuivi ma fantaisie, sans poursuivre la sienne, et j’ai évité avec
plaisir celui qui avait plaisir à m’éviter.
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BENVOLIO.
Madam, an hour before the worshipp’d sun
Peer’d forth the golden window of the east,
A troubled mind drave me to walk abroad,
Where underneath the grove of sycamore
That westward rooteth from this city side,
So early walking did I see your son.
Towards him I made, but he was ware of me,
And stole into the covert of the wood.
I, measuring his affections by my own,
Which then most sought where most might not be found,
Being one too many by my weary self,
Pursu’d my humour, not pursuing his,
And gladly shunn’d who gladly fled from me.
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MONTAIGU. — On l’a vu bien des matinées déjà en cet endroit, augmentant par ses
larmes la fraîche rosée du matin, ajoutant par ses profonds soupirs des nuages aux
nuages ; mais tout aussitôt que le soleil qui porte la joie à tout l’univers, commence
au plus lointain de l’orient à ouvrir les rideaux d’ombres du lit de l’Aurore, mon fils
mélancolique se sauve au logis pour éviter la lumière, et là s’enfermant tout seul dans
sa chambre, clôt ses fenêtres, tire le verrou à la belle lumière du jour, et se compose une
nuit artificielle pour son usage : cette humeur-là peut avoir et présage de mauvais
résultats, à moins que de bons conseils ne parviennent à en écarter la cause.
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MONTAGUE.
Many a morning hath he there been seen,
With tears augmenting the fresh morning’s dew,
Adding to clouds more clouds with his deep sighs;
But all so soon as the all-cheering sun
Should in the farthest east begin to draw
The shady curtains from Aurora’s bed,
Away from light steals home my heavy son,
And private in his chamber pens himself,
Shuts up his windows, locks fair daylight out
And makes himself an artificial night.
Black and portentous must this humour prove,
Unless good counsel may the cause remove.
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BENVOLIO. — Mon noble oncle, en connaissez-vous la cause ?
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BENVOLIO.
My noble uncle, do you know the cause?
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MONTAIGU. — Je ne la connais pas, et je n’ai pu l’apprendre de lui.
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MONTAGUE.
I neither know it nor can learn of him.
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BENVOLIO. — Avez-vous employé quelques moyens pour le presser de vous la
dire ?
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BENVOLIO.
Have you importun’d him by any means?
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MONTAIGU. — Je l’en ai pressé moi-même, et je l’en ai fait presser par de
nombreux amis ; mais il reste l’unique conseiller de ses sentiments, et il est pour
lui-même, — prudent jusqu’à quel point, je n’oserais le dire, — mais aussi discret,
aussi caché, aussi difficile à sonder et à pénétrer que l’est le bouton piqué par un
ver envieux, avant qu’il puisse étendre ses douces feuilles à l’air et exposer sa beauté
au soleil. Si nous pouvions seulement apprendre d’où viennent ses chagrins, nous serions
aussi heureux de les guérir que de les connaître.
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MONTAGUE.
Both by myself and many other friends;
But he, his own affections’ counsellor,
Is to himself—I will not say how true—
But to himself so secret and so close,
So far from sounding and discovery,
As is the bud bit with an envious worm
Ere he can spread his sweet leaves to the air,
Or dedicate his beauty to the sun.
Could we but learn from whence his sorrows grow,
We would as willingly give cure as know.
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Entre ROMÉO.
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Enter Romeo.
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BENVOLIO. — Voyez, le voici qui vient ; retirez-vous, je vous prie ; je
connaîtrai son chagrin, ou il faudra qu’il me refuse plus d’une fois.
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BENVOLIO.
See, where he comes. So please you step aside;
I’ll know his grievance or be much denied.
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MONTAIGU. — Je désire, puisque tu consens à rester, que tu sois assez heureux pour
lui arracher une confession sincère. — Venez, Madame, partons. (Sortent Montaigu et
Madonna Montaigu.)
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MONTAGUE.
I would thou wert so happy by thy stay
To hear true shrift. Come, madam, let’s away,
[Exeunt Montague and
Lady Montague.]
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BENVOLIO. — Bonne matinée, cousin.
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BENVOLIO.
Good morrow, cousin.
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ROMÉO. — Le jour est-il donc si jeune ?
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ROMEO.
Is the day so young?
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BENVOLIO. — Il vient de sonner neuf heures.
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BENVOLIO.
But new struck nine.
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ROMÉO. — Hélas pauvre moi ! les heures tristes semblent longues. N’est-ce pas
mon père qui vient de s’éloigner à si grands pas ?
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ROMEO.
Ay me, sad hours seem long.
Was that my father that went hence so fast?
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BENVOLIO. — Oui. — Quel est le chagrin qui allonge les heures de Roméo ?
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BENVOLIO.
It was. What sadness lengthens Romeo’s hours?
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ROMÉO. — Le chagrin de ne pas posséder la chose dont la possession rendrait les
heures courtes.
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ROMEO.
Not having that which, having, makes them short.
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BENVOLIO. — Nous sommes en amour.
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BENVOLIO.
In love?
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ROMÉO. — Hors....
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ROMEO.
Out.
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BENVOLIO. — Hors d’amour ?
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BENVOLIO.
Of love?
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ROMÉO. — Hors de la faveur de celle pour qui je suis en amour,
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ROMEO.
Out of her favour where I am in love.
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BENVOLIO. — Hélas ! pourquoi faut-il que l’amour, qui est si doux d’aspect,
mis à l’épreuve, soit si tyrannique et si brutal ?
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BENVOLIO.
Alas that love so gentle in his view,
Should be so tyrannous and rough in proof.
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ROMÉO. — Hélas ! pourquoi faut-il que l’amour, dont la vue est toujours
couverte d’un bandeau, puisse sans yeux trouver le chemin qui mène à ses caprices ?
— Où allons-nous dîner ? — Hélas de moi ! — Quelle querelle aviez-vous ici
tout à l’heure ? mais non, ne me la racontez pas ; car j’ai tout appris. — On
peut faire beaucoup avec la haine, mais encore plus avec l’amour. Ô amour querelleur !
Ô haine aimante ! Ô toute chose d’abord créée de rien ! Ô lourde
légèreté ! sérieuse vanité\ chaos informe de formes harmonieuses au regard !
plume de plomb ! fumée brillante ! feu de glace ! santé malade ! sommeil
toujours éveillé qui n’est pas ce qu’il est ! voilà l’amour que je ressens, et
pourtant je n’y sens pas d’amour. Est-ce que tu ne ris pas ?
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ROMEO.
Alas that love, whose view is muffled still,
Should, without eyes, see pathways to his will!
Where shall we dine? O me! What fray was here?
Yet tell me not, for I have heard it all.
Here’s much to do with hate, but more with love:
Why, then, O brawling love! O loving hate!
O anything, of nothing first create!
O heavy lightness! serious vanity!
Misshapen chaos of well-seeming forms!
Feather of lead, bright smoke, cold fire, sick health!
Still-waking sleep, that is not what it is!
This love feel I, that feel no love in this.
Dost thou not laugh?
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BENVOLIO. — Non, cousin, je pleure plutôt.
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BENVOLIO.
No coz, I rather weep.
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ROMÉO. — Bon cœur ! et de quoi ?
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ROMEO.
Good heart, at what?
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BENVOLIO. — De l’oppression de ton bon cœur.
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BENVOLIO.
At thy good heart’s oppression.
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ROMÉO. — Hé c’est là le méfait de l’amour. — Mes
lourds chagrins gonflent mon sein, tu les forces à déborder si tu verses en moi les
tiens ; cette affection que tu m’as montrée ajoute encore à ma douleur déjà trop
grande un surcroît de douleur. L’amour est une fumée faite de la vapeur des soupirs ;
satisfait, c’est un feu qui brille dans les yeux de l’amant ; contrarié, c’est une
mer nourrie des larmes de l’amant : qu’est-ce encore ? une folie très-discrète,
une amertume qui étouffe, une douceur qui soutient. Adieu, mon cousin. (Il fait un
mouvement pour partir.)
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ROMEO.
Why such is love’s transgression.
Griefs of mine own lie heavy in my breast,
Which thou wilt propagate to have it prest
With more of thine. This love that thou hast shown
Doth add more grief to too much of mine own.
Love is a smoke made with the fume of sighs;
Being purg’d, a fire sparkling in lovers’ eyes;
Being vex’d, a sea nourish’d with lovers’ tears:
What is it else? A madness most discreet,
A choking gall, and a preserving sweet.
Farewell, my coz.
[Going.]
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BENVOLIO. — Doucement ! j’irai avec vous ; si vous me laissez ainsi, vous
me faites injure.
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BENVOLIO.
Soft! I will go along:
And if you leave me so, you do me wrong.
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ROMÉO. — Bah, je me suis perdu moi-même ; je ne suis pas ici ; cet
homme-ci n’est pas Roméo, il est quelque autre part.
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ROMEO.
Tut! I have lost myself; I am not here.
This is not Romeo, he’s some other where.
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BENVOLIO. — Dites-le-moi sérieusement, qui est-ce que vous aimez ?
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BENVOLIO.
Tell me in sadness who is that you love?
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ROMÉO. — Quoi ! vais-je soupirer et le dire ?
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ROMEO.
What, shall I groan and tell thee?
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BENVOLIO. — Soupirer ! oh non ; mais dites-moi sérieusement qui vous
aimez.
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BENVOLIO.
Groan! Why, no; but sadly tell me who.
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ROMÉO. — Ordonne à un homme malade de faire sérieusement son testament. Oh, qu’il
est mal d’importuner de ce mot un homme qui est si malade ! Sérieusement,
cousin, j’aime une femme.
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ROMEO.
Bid a sick man in sadness make his will,
A word ill urg’d to one that is so ill.
In sadness, cousin, I do love a woman.
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BENVOLIO. — J’avais à peu près touché aussi juste, lorsque j’ai supposé que
vous aimiez.
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BENVOLIO.
I aim’d so near when I suppos’d you lov’d.
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ROMÉO. — Un très-bon tireur ! — Et celle que j’aime est belle.
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ROMEO.
A right good markman, and she’s fair I love.
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BENVOLIO. — Une belle marque bien visible est la plus vite touchée, beau cousin.
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BENVOLIO.
A right fair mark, fair coz, is soonest hit.
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ROMÉO. — Bon, pour cette marque-ci vous visez de travers : elle ne peut être
touchée avec l’arc de Cupidon, elle a l’âme de Diane ; et bien armée de la ferme
cuirasse de Chasteté, elle vit à l’abri des faibles et enfantines flèches de l’Amour.
Elle ne veut ni soutenir le siège des paroles d’amour, ni accepter le défi des yeux
assaillants, soi ouvrir son corsage, à l’or qui séduit les saints : oh ! elle est
riche en beauté, et n’est pauvre qu’en ceci, que lorsqu’elle mourra, avec sa beauté
mourra son trésor.
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ROMEO.
Well, in that hit you miss: she’ll not be hit
With Cupid’s arrow, she hath Dian’s wit;
And in strong proof of chastity well arm’d,
From love’s weak childish bow she lives uncharm’d.
She will not stay the siege of loving terms
Nor bide th’encounter of assailing eyes,
Nor ope her lap to saint-seducing gold:
O she’s rich in beauty, only poor
That when she dies, with beauty dies her store.
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BENVOLIO. — Alors elle a juré qu’elle vivrait toujours chaste ?
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BENVOLIO.
Then she hath sworn that she will still live chaste?
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ROMÉO. — Elle l’a juré, et par cette économie, elle fait, un grand gaspillage de
biens, car la beauté, affamée par sa sévérité, ruine la beauté de toute postérité. Elle
est trop belle, trop sage ; trop sagement belle pour mériter son salut en me
désespérant : elle a juré de ne pas aimer, et grâce à ce vœu, je meurs au sein de la
vie, moi qui vis pour le dire en ce moment.
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ROMEO.
She hath, and in that sparing makes huge waste;
For beauty starv’d with her severity,
Cuts beauty off from all posterity.
She is too fair, too wise; wisely too fair,
To merit bliss by making me despair.
She hath forsworn to love, and in that vow
Do I live dead, that live to tell it now.
|
BENVOLIO. — Suis mon conseil, oublie de penser à elle.
|
BENVOLIO.
Be rul’d by me, forget to think of her.
|
ROMÉO. — Oh ! apprends-moi comment je pourrais oublier de penser.
|
ROMEO.
O teach me how I should forget to think.
|
BENVOLIO. — En accordant la liberté à tes yeux ; regarde d’autres
beautés.
|
BENVOLIO.
By giving liberty unto thine eyes;
Examine other beauties.
|
ROMÉO. — C’est le moyen d’appeler la sienne exquise, que de passer l’examen des
autres : les heureux masques qui baisent les joues des belles Dames, grâce à leur
couleur noire, ne servent qu’à nous rappeler qu’ils cachent la beauté ; celui qui
est frappé de cécité ne peut oublier pour cela le précieux trésor perdu de sa vue.
Montrez-moi une maîtresse d’une beauté plus qu’ordinaire, que sera pour moi sa
beauté ! rien qu’une note où je lirai un commentaire explicatif de cette autre beauté
qui dépasse la beauté plus qu’ordinaire. Adieu : tu ne peux m’apprendre à
oublier.
|
ROMEO.
’Tis the way
To call hers, exquisite, in question more.
These happy masks that kiss fair ladies’ brows,
Being black, puts us in mind they hide the fair;
He that is strucken blind cannot forget
The precious treasure of his eyesight lost.
Show me a mistress that is passing fair,
What doth her beauty serve but as a note
Where I may read who pass’d that passing fair?
Farewell, thou canst not teach me to forget.
|
BENVOLIO. — Je te payerai cette science-là, ou je mourrai endetté. (Ils
sortent.)
|
BENVOLIO.
I’ll pay that doctrine, or else die in debt.
[Exeunt.]
|
SCÈNE II
|
SCENE II.
|
Une rue.
|
A Street.
|
Entrent CAPULET, PARIS et un VALET.
|
Enter Capulet, Paris and
Servant.
|
CAPULET. — Mais Montaigu est condamné aussi bien que moi, et à la même peine ;
et je ne pense pas qu'il soit bien dur à des hommes aussi vieux que nous le sommes de garder
la paix.
|
CAPULET.
But Montague is bound as well as I,
In penalty alike; and ’tis not hard, I think,
For men so old as we to keep the peace.
|
PARIS. — Vous êtes tous deux très-estimés, et c’est pitié
que vous ayez vécu si longtemps en querelle. Mais, Monseigneur,
dites-moi maintenant, que répondez-vous à mon
ouverture ?
|
PARIS.
Of honourable reckoning are you both,
And pity ’tis you liv’d at odds so long.
But now my lord, what say you to my suit?
|
CAPULET. — Je ne puis vous répondre qu’en vous répétant
ce que je vous ai déjà dit : mon enfant est encore
nouvelle venue dans le monde ; elle n’a pas accompli sa
quatorzième année ; il faut encore que deux étés se flétrissent
dans leur orgueil avant que nous la jugions mûre
pour le mariage.
|
CAPULET.
But saying o’er what I have said before.
My child is yet a stranger in the world,
She hath not seen the change of fourteen years;
Let two more summers wither in their pride
Ere we may think her ripe to be a bride.
|
PARIS. — De plus jeunes qu’elles sont d’heureuses mères.
|
PARIS.
Younger than she are happy mothers made.
|
CAPULET. — Oui, mais celles qui sont mères si tôt sont
trop vite abîmées. La terre a englouti toutes mes espérances ;
il ne me reste qu’elle, et elle est la Dame qui espère
ma terre, à moi 11. Mais faites-lui la cour, gentil
Paris, gagnez son cœur ; ma volonté ne dépend que de son
consentement ; si elle vous accepte, son choix dictera
ma décision et je vous accorderai ma voix avec bonheur. Ce
soir je donne la fête que j’ai depuis si longues années
habitude de donner ; j’y ai invité beaucoup des personnes
que j’aime ; soyez un des convives, et non le moins bien
venu ; accroissez leur nombre. Venez contempler ce soir,
à nia pauvre maison, ces étoiles marchant sur terre, qui
font paraître noir le ciel brillant : ce même bien-être
que ressentent les gaillards jeunes gens, lorsque Avril
au joli costume arrive sur les talons du boiteux hiver,
ce plaisir-là même vous le goûterez ce soir, chez moi,
parmi toutes ces fraîches femmes en boutons. Écoutez-les,
regardez-les toutes, et aimez celle dont le mérite vous
paraîtra le plus grand : la mienne sera parmi celles
que vous verrez en si grand nombre, et si elle ne. compte
pas pour sa valeur, elle comptera toujours comme chiffre.
Allons, venez avec moi. — (Au valet.) Allez, vous
maraud ; arpentez-moi les rues de Vérone, allez trouver les
personnes dont les noms sont inscrits là-dessus (il lui
donne un papier), et dites-leur que ma maison et mon accueil
attendent leur bon plaisir. (Sortent Capulet et Pâris.)
|
CAPULET.
And too soon marr’d are those so early made.
The earth hath swallowed all my hopes but she,
She is the hopeful lady of my earth:
But woo her, gentle Paris, get her heart,
My will to her consent is but a part;
And she agree, within her scope of choice
Lies my consent and fair according voice.
This night I hold an old accustom’d feast,
Whereto I have invited many a guest,
Such as I love, and you among the store,
One more, most welcome, makes my number more.
At my poor house look to behold this night
Earth-treading stars that make dark heaven light:
Such comfort as do lusty young men feel
When well apparell’d April on the heel
Of limping winter treads, even such delight
Among fresh female buds shall you this night
Inherit at my house. Hear all, all see,
And like her most whose merit most shall be:
Which, on more view of many, mine, being one,
May stand in number, though in reckoning none.
Come, go with me. Go, sirrah, trudge about
Through fair Verona; find those persons out
Whose names are written there, [gives a paper] and to them say,
My house and welcome on their pleasure stay.
[Exeunt Capulet and
Paris.]
|
LE VALET. — « Allez trouver les personnes dont les noms
sont inscrits là-dessus ! » Il est écrit que le cordonnier,
doit se servir de son a une, et le tailleur de son alêne ;
le peintre de ses filets, et le pêcheur de son pinceau ;
mais on m’envoie trouver les personnes dont les noms sont
écrits ici, et je suis à tout jamais incapable de trouver
quels noms la personne qui a écrit a écrits ici. Je vais m’adresser
à des gens instruits : — ah ! en voici fort à propos.
|
SERVANT.
Find them out whose names are written here!
It is written that the shoemaker should meddle with
his yard and the tailor with his last, the fisher with
his pencil, and the painter with his nets; but I am
sent to find those persons whose names are here writ,
and can never find what names the writing person
hath here writ. I must to the learned. In good time!
|
Entrent BENVOLIO et ROMÉO.
|
Enter Benvolio and
Romeo.
|
BENVOLIO. — Bah, l’ami, un feu qui brûle en éteint un
autre ; une douleur est amoindrie par la vivacité d’une
autre douleur ; tournez à vous étourdir, vous vous remettez
en tournant de l’autre côté ; un chagrin désespéré ?
se guérit par les gémissements d’un autre chagrin : fais
boire à ton œil un nouveau poison, et le poison invétéré
de l’amour ancien perdra sa force.
|
BENVOLIO.
Tut, man, one fire burns out another’s burning,
One pain is lessen’d by another’s anguish;
Turn giddy, and be holp by backward turning;
One desperate grief cures with another’s languish:
Take thou some new infection to thy eye,
And the rank poison of the old will die.
|
ROMÉO. — Votre feuille de plantain est excellente pour
cela.
|
ROMEO.
Your plantain leaf is excellent for that.
|
BENVOLIO. — Pour quelle chose, je te prie ?
|
BENVOLIO.
For what, I pray thee?
|
ROMÉO. — Pour votre jambe brisée.
|
ROMEO.
For your broken shin.
|
BENVOLIO. — Eh bien, Roméo, est-ce que tu es fou ?
|
BENVOLIO.
Why, Romeo, art thou mad?
|
ROMÉO. — Non pas fou, mais plus enchaîné que ne
l’est un fou ; enfermé dans une prison, tenu sans nourriture,
fouetté et tourmenté, et... — Bonjour, mon
bon garçon.
|
ROMEO.
Not mad, but bound more than a madman is:
Shut up in prison, kept without my food,
Whipp’d and tormented and—God-den, good fellow.
|
LE VALET. — Dieu vous donne bien bon jour. Savez-vous
lire, Messire, je vous prie ?
|
SERVANT.
God gi’ go-den. I pray, sir, can you read?
|
ROMÉO. — Oui, ma propre fortune dans ma misère.
|
ROMEO.
Ay, mine own fortune in my misery.
|
LE VALET. — Peut-être avez-vous appris cela sans
livres : mais, je vous prie, pouvez-vous lire tout ce que
Vous voyez écrit ?
|
SERVANT.
Perhaps you have learned it without book.
But I pray, can you read anything you see?
|
ROMÉO. — Oui, si j’en connais les lettres et le langage.
|
ROMEO.
Ay, If I know the letters and the language.
|
LE VALET. — Vous parlez honnêtement ; Dieu vous
tienne en joie ! (Il fait un mouvement pour s’en aller.)
|
SERVANT.
Ye say honestly, rest you merry!
|
ROMÉO. — Arrête, mon garçon, je sais lire. (Il lit.)
« Le signior Martino, sa femme et sa fille ; le comte
Anselme et ses gracieuses sœurs ; la veuve de Vitruvio ;
le signior Placentio et ses aimables nièces ; Mercutio et
son frère Valentin ; mon oncle Capulet, sa femme et ses
filles ; ma belle nièce Rosaline ; Livra ; le signior Valentio
et son cousin Tebaldo ; Lucie et la vive Héléna. » (Il lui
remet le papier.) Une belle réunion. Où toutes ces personnes
doivent-elles se rendre ?
|
ROMEO.
Stay, fellow; I can read.
[He reads the letter.]
Signior Martino and his wife and daughters;
County Anselmo and his beauteous sisters;
The lady widow of Utruvio;
Signior Placentio and his lovely nieces;
Mercutio and his brother Valentine;
Mine uncle Capulet, his wife, and daughters;
My fair niece Rosaline and Livia;
Signior Valentio and his cousin Tybalt;
Lucio and the lively Helena.
A fair assembly. [Gives back the paper] Whither should they
come?
|
LE VALET. — En haut.
|
SERVANT.
Up.
|
ROMÉO. — Où ça, pour souper ?
|
ROMEO.
Whither to supper?
|
LE VALET. — A notre maison.
|
SERVANT.
To our house.
|
ROMÉO. — La maison de qui ?
|
ROMEO.
Whose house?
|
LE VALET. — Celle de mon maître.
|
SERVANT.
My master’s.
|
ROMÉO. — En effet, j’aurais dû commencer par te demander
qui est ton maître.
|
ROMEO.
Indeed I should have ask’d you that before.
|
LE VALET. — Maintenant, je vais vous le dire sans que
vous me le demandiez : mon maître est le riche et puissant
Capulet ; si vous n’êtes pas de la maison des Montaigu,
venez., je vous prie, avaler un verre de vin. Dieu
vous tienne en joie. (Il sort.)
|
SERVANT.
Now I’ll tell you without asking. My master is the great rich Capulet,
and if you be not of the house of Montagues, I pray come and crush a cup of
wine. Rest you merry.
[Exit.]
|
BENVOLIO. — À cette même ancienne fête des Capulets,
la belle Rosaline que tu aimes tant, soupe avec toutes
les beautés admirées de Vérone : vas-y, et d’un œil sans
préjugés compare son visage avec quelques-uns de ceux
que je te montrerai, et : je te ferai convenir que ton
cygne est un corbeau.
|
BENVOLIO.
At this same ancient feast of Capulet’s
Sups the fair Rosaline whom thou so lov’st;
With all the admired beauties of Verona.
Go thither and with unattainted eye,
Compare her face with some that I shall show,
And I will make thee think thy swan a crow.
|
ROMÉO. — Si mes yeux oublient leur religion au point
de soutenir une telle fausseté, que les larmes se changent
en feu, et que dans leurs flammes ils soient brûlés comme
menteurs, ces transparents hérétiques, qui ont été si
souvent noyés sans mourir ! Quelqu’une de plus belle,
que ma bien-aimée ! Le soleil qui voit tout ne vit jamais
sa pareille depuis le commencement du monde.
|
ROMEO.
When the devout religion of mine eye
Maintains such falsehood, then turn tears to fire;
And these who, often drown’d, could never die,
Transparent heretics, be burnt for liars.
One fairer than my love? The all-seeing sun
Ne’er saw her match since first the world begun.
|
BENVOLIO. — Bah ! vous l’avez vue belle parce, que personne
n’était à côté d’elle ; c’est elle qui se pesait contre
elle-même dans la balance de vos yeux : mais placez
dans cette balancé de.cristal la beauté de votre Dame
contre celle de quelque autre jeune fille que je vous
montrerai brillant à cette fête, et celle qui vous paraît maintenant,
si belle paraîtra presque médiocre.
|
BENVOLIO.
Tut, you saw her fair, none else being by,
Herself pois’d with herself in either eye:
But in that crystal scales let there be weigh’d
Your lady’s love against some other maid
That I will show you shining at this feast,
And she shall scant show well that now shows best.
|
ROMÉO. — J’irai, non pour qu’on me montre une telle
beauté, mais afin de jouir de la splendeur de celle que
j’adore. (Ils sortent.)
|
ROMEO.
I’ll go along, no such sight to be shown,
But to rejoice in splendour of my own.
[Exeunt.]
|
SCÈNE III.
|
SCENE III.
|
Un appartement dans la maison de CAPULET.
|
Room in Capulet’s House.
|
Entrent MADONNA CAPULET et LA NOURRICE.
|
Enter Lady Capulet and
Nurse.
|
MADONNA CAPULET. — Nourrice, où est ma fille ? dis-lui
de venir me trouver.
|
LADY CAPULET.
Nurse, where’s my daughter? Call her forth to me.
|
LA NOURRICE. — Vraiment, sur mon pucelage, — quand
j’avais douze ans, — je lui ai ordonné de venir — Hé,
mon agneau ! Hé, mademoiselle papillon ! — Qu’est-ce
que je dis là ? Dieu veuille qu’elle ne le soit pas, Demoiselle
papillon ! Où est cette fillette ? — Hé ! Juliette.
|
NURSE.
Now, by my maidenhead, at twelve year old,
I bade her come. What, lamb! What ladybird!
God forbid! Where’s this girl? What, Juliet!
|
Entre JULIETTE.
|
Enter Juliet.
|
JULIETTE. — Qu’y a-t-il ? Qui m’appelle ?
|
JULIET.
How now, who calls?
|
LA NOURRICE. — Votre mère.
|
NURSE.
Your mother.
|
JULIETTE. — Me voici, Madame. Quelle est votre volonté ?
|
JULIET.
Madam, I am here. What is your will?
|
MADONNA CAPULET. — Voici l’affaire : — nourrice, laisse nous
un instant ; nous avons besoin de parler en secret.
— Nourrice, reviens ; je me ravise, tu prendras part à
notre entretien. Tu sais que ma fille commence à être
d’un âge raisonnable.
|
LADY CAPULET.
This is the matter. Nurse, give leave awhile,
We must talk in secret. Nurse, come back again,
I have remember’d me, thou’s hear our counsel.
Thou knowest my daughter’s of a pretty age.
|
LA NOURRICE. — Ma foi, je puis dire son âge à uné
heure près.
|
NURSE.
Faith, I can tell her age unto an hour.
|
MADONNA CAPULET. — Elle n’a pas quatorze ans.
|
LADY CAPULET.
She’s not fourteen.
|
LA NOURRICE. — J’engagerais quatorze de mes dents,
— et cependant, pour le dire à mon regret, je n’en ai
que quatre, — qu’elle n’a pas quatorze ans : combien y
a-t-il de temps d’aujourd’hui à la Saint-Pierre-aux-Liens ?
|
NURSE.
I’ll lay fourteen of my teeth,
And yet, to my teen be it spoken, I have but four,
She is not fourteen. How long is it now
To Lammas-tide?
|
MADONNA CAPULET. — Une quinzaine et quelques jours.
|
LADY CAPULET.
A fortnight and odd days.
|
LA NOURRICE. — Soit plus, soit moins, vienne la Saint-Pierre-aux-Liens,
le soir de ce jour elle aura juste quatorze
ans. Suzanne et elle, — Dieu tienne en paix toutes
les âmes chrétiennes !, — étaient du même âge : bien,
Suzanne est avec Dieu ; elle était trop bonne pour moi :
— mais comme je le disais, le soir de la Saint-Pierre-aux-Liens
elle aura quatorze ans ; elle les aura ce jour-là,
pardi, je me le rappelle bien. C’est depuis le tremblement
de terre d’il y a maintenant onze ans, et elle fut sevrée,
précisément ce jour-là ; je ne l’oublierai jamais : car
j’avais alors mis de l’absinthe à mon teton, et je m’étais
placée au soleil, adossée au mur, sous le pigeonnier.
Monseigneur et vous, vous étiez alors, à Mantoue : oh !
j’ai-bonne mémoire : :— mais, comme je disais, quand
elle eut goûté l’absinthe au bout de mon teton et qu’elle
eut senti que c’était amer, la petite folle ! il fallait voir
quelle, grimace elle fit, et comme elle quitta le teton. A
ce moment voilà que le pigeonnier se met à trembler :
ah ! on n’eut pas besoin de me dire de décamper, je vous
en réponds. Depuis cette époque, il y a eu onze ans ;
car alors elle pouvait marcher toute seule ; oui, parle
crucifix, elle aurait pu courir et. trottiner de tous côtés.
Et le jour d’auparavant même, elle s’était fait une
bosse au front ; et alors mon mari, — Dieu ait son âme !
—c’était un homme qui aimait à rire —releva la petite :
« Eh bien, dit-il, c’est comme cela que tu tombes sur
ta face ? tu tomberas sur le dos quand tu auras plus d’esprit,
n’est-ce pas, Julou ? Et par Notre Dame, la petite
coquine s’arrêta de pleurer tout net, et dit, oui : voyez
un peu, comme une plaisanterie peut amener de drôles
de choses. Je vivrais mille ans que je ne l’oublierais jamais,
j’en réponds : « N’est-ce pas, Julou ? » dit-il ; et
la gentille petite folle s’arrêta court, et dit : Oui.
|
NURSE.
Even or odd, of all days in the year,
Come Lammas Eve at night shall she be fourteen.
Susan and she,—God rest all Christian souls!—
Were of an age. Well, Susan is with God;
She was too good for me. But as I said,
On Lammas Eve at night shall she be fourteen;
That shall she, marry; I remember it well.
’Tis since the earthquake now eleven years;
And she was wean’d,—I never shall forget it—,
Of all the days of the year, upon that day:
For I had then laid wormwood to my dug,
Sitting in the sun under the dovehouse wall;
My lord and you were then at Mantua:
Nay, I do bear a brain. But as I said,
When it did taste the wormwood on the nipple
Of my dug and felt it bitter, pretty fool,
To see it tetchy, and fall out with the dug!
Shake, quoth the dovehouse: ’twas no need, I trow,
To bid me trudge.
And since that time it is eleven years;
For then she could stand alone; nay, by th’rood
She could have run and waddled all about;
For even the day before she broke her brow,
And then my husband,—God be with his soul!
A was a merry man,—took up the child:
‘Yea,’ quoth he, ‘dost thou fall upon thy face?
Thou wilt fall backward when thou hast more wit;
Wilt thou not, Jule?’ and, by my holidame,
The pretty wretch left crying, and said ‘Ay’.
To see now how a jest shall come about.
I warrant, and I should live a thousand years,
I never should forget it. ‘Wilt thou not, Jule?’ quoth he;
And, pretty fool, it stinted, and said ‘Ay.’
|
MADONNA CAPULET. — Assez de cela ; je t’en prie,
garde la paix.
|
LADY CAPULET.
Enough of this; I pray thee hold thy peace.
|
LA NOURRICE. — Oui, Madame ; cependant je ne puis
m’empêcher de rire, en me rappelant comment elle
s’arrêta de pleurer, et dit oui : et cependant, je vous le
garantis, le petit être avait sur le front une bosse aussi
grosse qu’un œuf de jeune poule : c’était un coup très-fort,
et elle pleurait à chaudes larmes. « Oui-da, dit
mon, mari, c’est comme cela que tu tombes sur ta face ?
Tu tomberas sur le dos quand tu seras plus âgée ; n’est-ce
pas, Julou ? s elle s’arrêta, et dit oui.
|
NURSE.
Yes, madam, yet I cannot choose but laugh,
To think it should leave crying, and say ‘Ay’;
And yet I warrant it had upon it brow
A bump as big as a young cockerel’s stone;
A perilous knock, and it cried bitterly.
‘Yea,’ quoth my husband, ‘fall’st upon thy face?
Thou wilt fall backward when thou comest to age;
Wilt thou not, Jule?’ it stinted, and said ‘Ay’.
|
JULIETTE. — Et-arrête-toi aussi, je t’en prie, nourrice.
|
JULIET.
And stint thou too, I pray thee, Nurse, say I.
|
LA NOURRICE. — Paix, j’ai fini. Dieu te marque pour son
paradis ! Tu étais le plus joli bébé que j’aie jamais nourri :
si je pouvais vivre assez pour te voir mariée, j’aurais tout
ce que je souhaite.
|
NURSE.
Peace, I have done. God mark thee to his grace
Thou wast the prettiest babe that e’er I nurs’d:
And I might live to see thee married once, I have my wish.
|
MADONNA CAPULET. — Pardi, le mariage est le sujet
même dont j’allais parler ; dites-moi, ma fille Juliette,
vous sentiriez-vous en disposition d’être mariée ?
|
LADY CAPULET.
Marry, that marry is the very theme
I came to talk of. Tell me, daughter Juliet,
How stands your disposition to be married?
|
JULIETTE. — C’est un honneur auquel je n’ai jamais songé.
|
JULIET.
It is an honour that I dream not of.
|
LA NOURRICE. — Un honneur ! si je n’étais pas ta seule
nourrice, je dirais que tu as sucé la sagesse à la mamelle.
|
NURSE.
An honour! Were not I thine only nurse,
I would say thou hadst suck’d wisdom from thy teat.
|
MADONNA CAPULET. — Bon, pensez au mariage maintenant :
de plus jeunes que vous, ici dans Vérone, sont
déjà Dames considérées et mères : si je fais bien mon
compte, je vous mis au monde à cet âge même où vous
êtes encore fille. Bref, voici ce qui en est : le vaillant
Paris vous recherche pour sa femme.
|
LADY CAPULET.
Well, think of marriage now: younger than you,
Here in Verona, ladies of esteem,
Are made already mothers. By my count
I was your mother much upon these years
That you are now a maid. Thus, then, in brief;
The valiant Paris seeks you for his love.
|
LA NOURRICE. — Voilà un homme, jeune Dame ! jeune
Dame, un homme tel que le monde entier… un homme
de cire, quoi!
|
NURSE.
A man, young lady! Lady, such a man
As all the world—why he’s a man of wax.
|
MADONNA CAPULET. — L’été de Vérone ne possède pas
une plus belle fleur.
|
LADY CAPULET.
Verona’s summer hath not such a flower.
|
LA NOURRICE. — Certes, c’est une fleur ; oui, ma foi,
une vraie fleur.
|
NURSE.
Nay, he’s a flower, in faith a very flower.
|
MADONNA CAPULET. — Qu’en dites-vous ? pouvez-vous
aimer le gentilhomme ? Ce soir vous le contemplerez à
notre fête ; lisez et relisez le volume du visage du jeune
Pâlis, et découvrez -y le bonheur écrit par la plume de
la beauté ; examinez ses traits l’un après l’autre, et voyez
comme ils se correspondent, et comme chacun se marié
à l’autre avec accord ; quant à ce qui pourra vous paraître
obscur dans ce beau volume, cherchez-en
l’explication dans le commentaire de ses yeux. Ce précieux livre
d’amour, cet amant non relié, n’attend qu’une couverture
pour compléter sa beauté : le poisson vit dans la mer,
et c’est un grand honneur pour la beauté extérieure de
pouvoir envelopper la beauté intérieure. Aux yeux de
beaucoup, le livre qui sous ses agrafes d’or renferme une
légende dorée en partage la gloire, et c’est ainsi qu’en
l’épousant vous partagerez tout ce qu’il possède sans être
en rien diminuée vous-même.
|
LADY CAPULET.
What say you, can you love the gentleman?
This night you shall behold him at our feast;
Read o’er the volume of young Paris’ face,
And find delight writ there with beauty’s pen.
Examine every married lineament,
And see how one another lends content;
And what obscur’d in this fair volume lies,
Find written in the margent of his eyes.
This precious book of love, this unbound lover,
To beautify him, only lacks a cover:
The fish lives in the sea; and ’tis much pride
For fair without the fair within to hide.
That book in many’s eyes doth share the glory,
That in gold clasps locks in the golden story;
So shall you share all that he doth possess,
By having him, making yourself no less.
|
LA NOURRICE. — Sans être diminuée ! dites plutôt en
étant augmentée. Les femmes grossissent par le fait des
hommes.
|
NURSE.
No less, nay bigger. Women grow by men.
|
MADONNA CAPULET. — Parlez brièvement ; l’amour de
Paris peut-il vous plaire ?
|
LADY CAPULET.
Speak briefly, can you like of Paris’ love?
|
JULIETTE. — Je le regarderai à cette fin, si toutefois
regarder suffit pour faire naître la sympathie ; mais mon
œil ne s’enhardira que dans la mesure où votre volonté
le lui permettra.
|
JULIET.
I’ll look to like, if looking liking move:
But no more deep will I endart mine eye
Than your consent gives strength to make it fly.
|
Entre UN VALET.
|
Enter a Servant.
|
LE VALET. — Madame, les convives sont arrivés, le
souper est servi, on vous appelle, on demande ma jeune
Dame, on maudit la nourrice dans l’office, et tout est
très-pressé. Il faut que je coure vite servir ; je vous en
conjure, venez immédiatement.
|
SERVANT.
Madam, the guests are come, supper served up, you
called, my young lady asked for, the Nurse cursed
in the pantry, and everything in extremity. I must
hence to wait, I beseech you follow straight.
|
MADONNA CAPULET. — Nous te suivons. — Juliette, le
comte attend.
|
LADY CAPULET.
We follow thee.
[Exit Servant.]
Juliet, the County stays.
|
LA NOURRICE. — Allons, fillette, va chercher d’heureuses
nuits pour les joindre à tes heureux jours. (Elles
sortent.)
|
NURSE.
Go, girl, seek happy nights to happy days.
[Exeunt.]
|
SCÈNE IV.
|
SCENE IV.
|
Une rue.
|
A Street.
|
Entrent ROMÉO, MERCUTIO, BENVOLIO, avec cinq
ou six masques et porteurs de torches.
|
Enter Romeo, Mercutio, Benvolio,
with five or six Maskers; Torch-bearers and others.
|
ROMÉO. — Eh bien, ferons-nous ce discours pour
nous excuser, ou bien entrerons-nous sans plus de façons ?
|
ROMEO.
What, shall this speech be spoke for our excuse?
Or shall we on without apology?
|
BENVOLIO. — La mode de ces cérémonies prolixes est
passée. Nous n’enverrons devant eux aucun Cupidon,
les yeux bandés d’une écharpe, portant un arc de Tartare
en bois blanc peint, écartant les Dames devant lui
commemn gamin chargé d’effaroucher les corneilles ; pas
davantage de prologue récité sans copie, en ânonnant,
avec l’aide du souffleur, pour faire notre entrée. Qu’ils
nous jugent avec la mesure qu’il leur plaira, nous leur
mesurerons une mesure de danse, et puis nous partirons.
|
BENVOLIO.
The date is out of such prolixity:
We’ll have no Cupid hoodwink’d with a scarf,
Bearing a Tartar’s painted bow of lath,
Scaring the ladies like a crow-keeper;
Nor no without-book prologue, faintly spoke
After the prompter, for our entrance:
But let them measure us by what they will,
We’ll measure them a measure, and be gone.
|
ROMÉO. — Donnez-moi une torche, je ne suis pas d’humeur
à danser comme je suis sombre, il me siéra de
porter la lumière.
|
ROMEO.
Give me a torch, I am not for this ambling;
Being but heavy I will bear the light.
|
MERCUTIO. — Non, gentil Roméo, nous voulons que
vous dansiez.
|
MERCUTIO.
Nay, gentle Romeo, we must have you dance.
|
ROMÉO. — Non, croyez-moi : vous avez, vous, des souliers
de danse et des pieds légers ; moi j’ai une âme de
plomb qui me cloue tellement à terre que je ne puis remuer.
|
ROMEO.
Not I, believe me, you have dancing shoes,
With nimble soles, I have a soul of lead
So stakes me to the ground I cannot move.
|
MERCUTIO. — Vous êtes un amant ; empruntez les ailes
de Cupidon, — et faites par leur moyen un grand saut au
dessus, de ces chagrins.
|
MERCUTIO.
You are a lover, borrow Cupid’s wings,
And soar with them above a common bound.
|
ROMÉO. — Je suis trop follement percé de sa flèche,
pour voler avec ses ailes légères, et tellement lié que je
ne puis sauter plus haut que la sombre douleur ; je succombe
sous le pesant fardeau de l’amour.
|
ROMEO.
I am too sore enpierced with his shaft
To soar with his light feathers, and so bound,
I cannot bound a pitch above dull woe.
Under love’s heavy burden do I sink.
|
MERCUTIO. — Mais en succombant, vous devriez étouffer
l’amour ; vous êtes un poids trop lourd pour un être
si tendre.
|
MERCUTIO.
And, to sink in it, should you burden love;
Too great oppression for a tender thing.
|
ROMÉO. — Est-ce que l’amour est un être-tendre ? il
n’est que trop brutal, trop, cruel, trop querelleur, et il
pique comme l’épine.
|
ROMEO.
Is love a tender thing? It is too rough,
Too rude, too boisterous; and it pricks like thorn.
|
MERCUTIO. — Si l’amour est brutal avec vous, soyez
brutal avec l’amour ; rendez à l’amour piqûre pour piqûre,
et vous vaincrez l’amour. — Donnez-moi un étui
pour y serrer mon visage. (Il met un masque.) Un masque
contre un masque ! Maintenant je n’ai plus souci
qu’un œil trop curieux épie mes difformités ; voici le
front aux sourcils épais qui rougira pour moi.
|
MERCUTIO.
If love be rough with you, be rough with love;
Prick love for pricking, and you beat love down.
Give me a case to put my visage in: [Putting on a mask.]
A visor for a visor. What care I
What curious eye doth quote deformities?
Here are the beetle-brows shall blush for me.
|
BENVOLIO. — Allons, frappons et entrons ; et aussitôt que
nous serons entrés, que chacun fasse mouvoir ses jambes.
|
BENVOLIO.
Come, knock and enter; and no sooner in
But every man betake him to his legs.
|
ROMÉO. — Une torche pour moi : que les folâtres
qui sont gais de cœur chatouillent de leurs talons les nattes
insensibles ; quant à moi, je suis parfaitement défini
par quelqu’un des adages de nos grands-pères : — « je
tiendrai la chandelle et serai spectateur, » — « jamais le
gibier n’a été plus beau et la chassé est finie pour moi. »
|
ROMEO.
A torch for me: let wantons, light of heart,
Tickle the senseless rushes with their heels;
For I am proverb’d with a grandsire phrase,
I’ll be a candle-holder and look on,
The game was ne’er so fair, and I am done.
|
MERCUTIO. — Bah ! comme, dit le sergent de police,
la souris est engluée ; et si tu es englué, nous te tirerons
de ce bourbier, ou de cet amour (sauf votre respect), où tu
t’enfonces jusqu’aux oreilles. Marchons, nous brûlons là
nos flambeaux en plein jour, eh !
|
MERCUTIO.
Tut, dun’s the mouse, the constable’s own word:
If thou art dun, we’ll draw thee from the mire
Or save your reverence love, wherein thou stickest
Up to the ears. Come, we burn daylight, ho.
|
ROMÉO. — Non, il n’en est pas ainsi.
|
ROMEO.
Nay, that’s not so.
|
MERCUTIO. — Je veux dire, Messire, qu’en retardant,
nous dépensons nos lumières en vain, comme des lampes
pendant le jour. Prenez nos paroles dans le sens que leur
donne notre bonne intention, car notre jugement est cinq
fois dans l’intention plutôt qu’une fois dans nos cinq facultés
raisonnables.
|
MERCUTIO.
I mean sir, in delay
We waste our lights in vain, light lights by day.
Take our good meaning, for our judgment sits
Five times in that ere once in our five wits.
|
ROMÉO. — Et nous avons bonne intention en allant à cette
mascarade ; cependant il n’est pas raisonnable d’y aller.
|
ROMEO.
And we mean well in going to this mask;
But ’tis no wit to go.
|
MERCUTIO. — Pourquoi cela ? peut-on le demander ?
|
MERCUTIO.
Why, may one ask?
|
ROMÉO. — J’ai fait un songe cette nuit.
|
ROMEO.
I dreamt a dream tonight.
|
MERCUTIO. — Et moi aussi.
|
MERCUTIO.
And so did I.
|
ROMÉO. — Bon, quel était le vôtre ?
|
ROMEO.
Well what was yours?
|
MERCUTIO. — Que les rêveurs s’enfoncent souvent.
|
MERCUTIO.
That dreamers often lie.
|
ROMÉO. — Au lit, quand ils dorment, et qu’ils rêvent
des choses vraies.
|
ROMEO.
In bed asleep, while they do dream things true.
|
MERCUTIO. — Oh ! en ce cas, je vois que la reine Mab
vous a visité. C’est la sage femme des fées ; elle se présente
sous une forme qui n’est pas plus grosse que l’agate
placée à l’index d’un conseiller municipal, et traînée sur
un char de légers atonies, elle passe sur les nez des gens
endormis. Les rayons des roues de son carrosse sont
faits de longues pattes de faucheux, la capote d’ailes
de sauterelles, les rênes de la plus fine toile de l’araignée,
les harnais des humides rayons du clair de lune : le manche
de son fouet est un os de grillon ; la mèche est un
fil tout menu ; son cocher, un petit moucheron en habit
gris qui n’est pas de moitié aussi gros qu’un petit point
rond enlevé au doigt indolent d’une jeune fille ; la coque
de son char est une noisette vide, creusée par le menuisier
écureuil, ou le vieux ver, de temps immémorial
carrossiers des fées. C’est dans cet équipage que toutes
les nuits elle galope à travers les cervelles des amants qui
alors rêvent d’amour ; sur les genoux des courtisans qui
rêvent soudain de révérences ; sur les doigts des hommes
de loi qui rêvent soudain d’honoraires ; sur les lèvres des
Dames qui soudain rêvent de baisers ; — mais ces lèvres,
Mab courroucée les afflige souvent de gerçures, parce
que leurs haleines sont imprégnées de l’odeur des friandises.
Quelquefois, elle galope sur le nez d’un courtisan,
et alors il rêve qu’il flaire une promotion : d’autres
fois, elle chatouille avec une queue de cochon le nez d’un
bénéficiaire, et alors il rêve d’un nouveau bénéfice : d’autres
fois, elle se promène sur le cou d’un soldat, et alors
il rêve de gorges étrangères coupées, de brèches, d’embuscades,
de lames espagnoles, de toasts qui n’en finissent
plus ; puis, tout à coup, elle tambourine à son
oreille ; alors il tressaille, s’éveille, et dans son effroi, sacre
une prière ou deux, puis se rendort. C’est cette même
Mab qui tresse les crinières des chevaux dans la nuit,
et entortille leurs crins crasseux en nœuds féeriques, qui,
une fois dénoués, présagent de grands malheurs. C’est
la sorcière qui, lorsque les filles sont couchées sur le dos,
presse sur elles, et leur apprend pour la première fois
comment il faut porter, et en fait des femmes de bon tirage.
C’est elle…
|
MERCUTIO.
O, then, I see Queen Mab hath been with you.
She is the fairies’ midwife, and she comes
In shape no bigger than an agate-stone
On the fore-finger of an alderman,
Drawn with a team of little atomies
Over men’s noses as they lie asleep:
Her waggon-spokes made of long spinners’ legs;
The cover, of the wings of grasshoppers;
Her traces, of the smallest spider’s web;
The collars, of the moonshine’s watery beams;
Her whip of cricket’s bone; the lash, of film;
Her waggoner, a small grey-coated gnat,
Not half so big as a round little worm
Prick’d from the lazy finger of a maid:
Her chariot is an empty hazelnut,
Made by the joiner squirrel or old grub,
Time out o’ mind the fairies’ coachmakers.
And in this state she gallops night by night
Through lovers’ brains, and then they dream of love;
O’er courtiers’ knees, that dream on curtsies straight;
O’er lawyers’ fingers, who straight dream on fees;
O’er ladies’ lips, who straight on kisses dream,
Which oft the angry Mab with blisters plagues,
Because their breaths with sweetmeats tainted are:
Sometime she gallops o’er a courtier’s nose,
And then dreams he of smelling out a suit;
And sometime comes she with a tithe-pig’s tail,
Tickling a parson’s nose as a lies asleep,
Then dreams he of another benefice:
Sometime she driveth o’er a soldier’s neck,
And then dreams he of cutting foreign throats,
Of breaches, ambuscados, Spanish blades,
Of healths five fathom deep; and then anon
Drums in his ear, at which he starts and wakes;
And, being thus frighted, swears a prayer or two,
And sleeps again. This is that very Mab
That plats the manes of horses in the night;
And bakes the elf-locks in foul sluttish hairs,
Which, once untangled, much misfortune bodes:
This is the hag, when maids lie on their backs,
That presses them, and learns them first to bear,
Making them women of good carriage:
This is she,—
|
ROMÉO. — Paix, paix, Mercutio, paix ; tu nous dis des
riens.
|
ROMEO.
Peace, peace, Mercutio, peace,
Thou talk’st of nothing.
|
MERCUTIO. — C’est-vrai, car je parle des rêves, -enfants
d’un cerveau oisif, qui ne sont engendrés par rien que
par une vaine fantaisie, d’une substance aussi mince que
l’air, et d’une inconstance plus grande que celle du vent,
qui tout à l’heurécaresse le sein glacé du Nord, puis soudainement
courroucé, part en soufflant et tourne sa face
vers le Sud qui distille la rosée.
|
MERCUTIO.
True, I talk of dreams,
Which are the children of an idle brain,
Begot of nothing but vain fantasy,
Which is as thin of substance as the air,
And more inconstant than the wind, who wooes
Even now the frozen bosom of the north,
And, being anger’d, puffs away from thence,
Turning his side to the dew-dropping south.
|
BENVOLIO. — Le vent, dont vous parlez, nous souffle
nous-mêmes hors de nous-mêmes. Le souper est fini, et
nous arriverons trop tard.
|
BENVOLIO.
This wind you talk of blows us from ourselves:
Supper is done, and we shall come too late.
|
ROMÉO. — Trop tôt, je le crains ; car. mon âme a le
pressentiment que certain événement encore retenu dans
les astres commencera -douloureusement ses redoutables
péripéties avec les réjouissances de cette nuit, et marquera
le terme de cette vie délestée enfermée dans mon
sein, par quelque cruelle sentence de mort prématurée :
mais que celui qui tient le gouvernail de ma vie dirige
mes voiles ! — En avant, gais gentilshommes !
|
ROMEO.
I fear too early: for my mind misgives
Some consequence yet hanging in the stars,
Shall bitterly begin his fearful date
With this night’s revels; and expire the term
Of a despised life, clos’d in my breast
By some vile forfeit of untimely death.
But he that hath the steerage of my course
Direct my suit. On, lusty gentlemen!
|
BENVOLIO. — Bats, tambour. (Ils sortent.)
|
BENVOLIO.
Strike, drum.
[Exeunt.]
|
SCÈNE V.
|
SCENE V.
|
Une salle dans la maison de CAPULET.
|
A Hall in Capulet’s House.
|
Des MUSICIENS sont installés. Entrent des VALETS.
|
Musicians waiting. Enter Servants.
|
PREMIER VALET. — Où est donc Casserole, qu’il ne nous
aide pas à desservir ? lui changer une assiette ! lui essuyer
une table ! ah bien, oui !
|
FIRST SERVANT.
Where’s Potpan, that he helps not to take away?
He shift a trencher! He scrape a trencher!
|
DEUXIÈME VALET. — Lorsque les bonnes manières seront
toutes entre les mains d’un ou deux hommes seulement, et
que ces mains ne seront pas lavées, ce sera une sale affaire.
|
SECOND SERVANT.
When good manners shall lie all in one or two men’s
hands, and they unwash’d too, ’tis a foul thing.
|
PREMIER VALET. — Enlève les tabourets ; recule le buffet,
veille à l’argenterie : — dis-moi, mon brave, tache
de me mettre de côté un morceau de frangipane,
et si tu veux être bien aimable, dis au portier de laisser
entrer Suzanne Lameule et Nella. — Antoine ! Casserole!
|
FIRST SERVANT.
Away with the join-stools, remove the court-cupboard, look
to the plate. Good thou, save me a piece of marchpane; and as
thou loves me, let the porter let in Susan Grindstone and Nell.
Antony and Potpan!
|
TROISIÈME et QUATRIÈME VALETS. — Voilà, l’ami, voila !
|
SECOND SERVANT.
Ay, boy, ready.
|
PREMIER VALET. — On vous demande, on vous appelle,
on vous réclame, et on vous cherche, dans la grande
chambre.
|
FIRST SERVANT.
You are looked for and called for, asked for
and sought for, in the great chamber.
|
TROISIÈME et QUATRIÈME VALETS. — Nous ne pouvons pas
être ici et là en même temps.
SECOND VALET. — Allons, vivement, mes garçons, de
l’entrain, et le dernier vivant héritera des autres.
(Ils se retirent.)
|
SECOND SERVANT.
We cannot be here and there too. Cheerly, boys.
Be brisk awhile, and the longer liver take all.
[Exeunt.]
|
Entrent CAPULET, SES CONVIVES et LES MASQUES.
|
Enter Capulet, &c. with
the Guests and Gentlewomen to the Maskers.
|
CAPULET. — Soyez les bienvenus, Messires ! les Dames
dont les pieds ne sont pas affligés de cors veulent faire un
tour de danse avec vous. Ali, ah, mes luronnes ! laquelle de
vous toutes refusera de danser ? Celle qui fait la mijaurée,
vais jurer qu’elle a des cors ; est-ce là vous attraper,
eh ? Soyez les bienvenus, Messires I J’ai vu le temps où je
savais porter un masque, et chuchoter à l’oreille d’une
belle Dame une histoire qui pouvait lui plaire ; ce temps
est passé, il est passé, il est passé : vous êtes les bienvenus,
Messires ! — Allons, musiciens, jouez. — Place ! place !
laissez le plancher libre, et trémoussez-vous, jeunes Demoiselles.
(La musique joue et les danses commencent.)
Encore plus de lumières, faquins, et enlevez ces tables ;
éteignez le feu, la salle est maintenant trop chaude. —Eh,
maraud, ce divertissement improvisé marche bien. Allons,
allons, asseyez-vous, asseyez-vous, mon bon cousin Capulet,
car vous et moi, nous avons passé nos jours de
danse : combien y a-t-il de temps que vous et moi n’avons
pris part à une-mascarade ?
|
CAPULET.
Welcome, gentlemen, ladies that have their toes
Unplagu’d with corns will have a bout with you.
Ah my mistresses, which of you all
Will now deny to dance? She that makes dainty,
She I’ll swear hath corns. Am I come near ye now?
Welcome, gentlemen! I have seen the day
That I have worn a visor, and could tell
A whispering tale in a fair lady’s ear,
Such as would please; ’tis gone, ’tis gone, ’tis gone,
You are welcome, gentlemen! Come, musicians, play.
A hall, a hall, give room! And foot it, girls.
[Music plays, and they dance.]
More light, you knaves; and turn the tables up,
And quench the fire, the room is grown too hot.
Ah sirrah, this unlook’d-for sport comes well.
Nay sit, nay sit, good cousin Capulet,
For you and I are past our dancing days;
How long is’t now since last yourself and I
Were in a mask?
|
SECOND CAPULET. — Par notre Dame, il va trente ans.
|
CAPULET’S COUSIN.
By’r Lady, thirty years.
|
CAPULET. — Comment ça, mon homme ! il n’y a pas
autant, il n’y a pas autant : c’est depuis la noce de Lucentio,
et il y aura vingt-cinq ans, vienne la Pentecôte
aussi vite qu’elle voudra, et nous nous sommes masqués
à cette occasion.
|
CAPULET.
What, man, ’tis not so much, ’tis not so much:
’Tis since the nuptial of Lucentio,
Come Pentecost as quickly as it will,
Some five and twenty years; and then we mask’d.
|
SECOND CAPULET. — Il y a davantage, il y a
davantage ; son fils est plus âgé, Messire : son fils a trente
ans.
|
CAPULET’S COUSIN.
’Tis more, ’tis more, his son is elder, sir;
His son is thirty.
|
CAPULET. — Pouvez-vous me dire cela ? son fils était
encore en tutelle il y a deux ans.
|
CAPULET.
Will you tell me that?
His son was but a ward two years ago.
|
ROMÉO, à un valet. — Quelle est cette Dame qui enrichit
la-main de ce cavalier là-bas ?
|
ROMEO.
What lady is that, which doth enrich the hand
Of yonder knight?
|
LE VALET. — Je ne sais pas, Messire.
|
SERVANT.
I know not, sir.
|
ROMÉO. — Oh, elle apprend aux torches à briffer avec
éclat ! À la voir ainsi posée sur la joue de la nuit, on dirait
un riche joyau à l’oreille d’un Éthiopien : beauté trop
riche pour qu’on en use, trop précieuse pour la terre ! Ce
qu’est une colombe au plumage de neige parmi des corbeaux
assemblés, cette Dame le paraît parmi ses compagnes.
Lorsque la danse sera finie, je guetterai l’endroit où
elle ira se reposer, et je donnerai à ma main grossière le
bonheur de toucher la sienne. Mon cœur a-t-il aimé jusqu’à
présent ? démentez pareille chose, mes yeux ! car
je n’avais jamais vu la vraie beauté avant ce soir.
|
ROMEO.
O, she doth teach the torches to burn bright!
It seems she hangs upon the cheek of night
As a rich jewel in an Ethiop’s ear;
Beauty too rich for use, for earth too dear!
So shows a snowy dove trooping with crows
As yonder lady o’er her fellows shows.
The measure done, I’ll watch her place of stand,
And touching hers, make blessed my rude hand.
Did my heart love till now? Forswear it, sight!
For I ne’er saw true beauty till this night.
|
TEBALDO. — Si je reconnais bien cette voix, ce doit être
un Montaigu : — va me chercher ma rapière, petit : — comment !
ce manant ose venir ici sous un masque pour se
railler, et se gausser de notre fête ! Vrai, par l’antiquité et
l’honneur de ma race, je n’estime pas péché de l’étendre
roide mort.
|
TYBALT.
This by his voice, should be a Montague.
Fetch me my rapier, boy. What, dares the slave
Come hither, cover’d with an antic face,
To fleer and scorn at our solemnity?
Now by the stock and honour of my kin,
To strike him dead I hold it not a sin.
|
CAPULET. — Eh bien, qu’y a-t-il, mon neveu ? Pourquoi
tempêtez-vous ainsi ?
|
CAPULET.
Why how now, kinsman!
Wherefore storm you so?
|
TEBALDO. — Mon oncle, c’est un Montaigu, un de nos
ennemis, un scélérat, qui est venu ici sans être invité,
pour se moquer de notre fête de cette nuit.
|
TYBALT.
Uncle, this is a Montague, our foe;
A villain that is hither come in spite,
To scorn at our solemnity this night.
|
CAPULET. — Est-ce le jeune Roméo ?
|
CAPULET.
Young Romeo, is it?
|
TEBALDO. — C’est lui, c’est ce scélérat de Roméo.
|
TYBALT.
’Tis he, that villain Romeo.
|
CAPULET. — Calme-toi, mon gentil neveu, et laisse-le tranquille ;
il se comporte comme un gentilhomme bien
élevé, et pour dire la vérité, Vérone se vante de lui comme
d’un jeune homme vertueux et de bonne conduite : je ne
voudrais pas lui faire affront, ici, dans ma maison, pour
toute la richesse de cette ville : par conséquent prends
patience, ne fais pas attention à lui, c’est ma volonté ; si
tu la respectes, tu prendras une physionomie aimable, et
tu donneras congé à ces mines farouches qui sont mal à
leur place au milieu d’une fête.
|
CAPULET.
Content thee, gentle coz, let him alone,
A bears him like a portly gentleman;
And, to say truth, Verona brags of him
To be a virtuous and well-govern’d youth.
I would not for the wealth of all the town
Here in my house do him disparagement.
Therefore be patient, take no note of him,
It is my will; the which if thou respect,
Show a fair presence and put off these frowns,
An ill-beseeming semblance for a feast.
|
TEBALDO. — Elles sont à leur-place, lorsqu’un tel scélérat
est au nombre des convives je ne le souffrirai
pas.
|
TYBALT.
It fits when such a villain is a guest:
I’ll not endure him.
|
CAPULET. — Vous, le souffrirez. Eh-bien, mon petit bonhomme !
je dis qu’il sera toléré ici ; allez. Où est le maître
ici ? est-ce moi, ou vous ? allez donc. Vous ne le souffrirez
pas ! Dieu protège mon âme, vous voudriez faire un tumulte
parmi mes convives ! Ah, vous voulez vous dresser
sur vos ergots, : mon beau coq ! Ah, vous voulez faire le
fier-à-bras !
|
CAPULET.
He shall be endur’d.
What, goodman boy! I say he shall, go to;
Am I the master here, or you? Go to.
You’ll not endure him! God shall mend my soul,
You’ll make a mutiny among my guests!
You will set cock-a-hoop, you’ll be the man!
|
TEBALDO. — Vraiment, mon oncle, c’est une honte.
|
TYBALT.
Why, uncle, ’tis a shame.
|
CAPULET. — Allons donc, allons donc, vous êtes un garçon
impertinent. Eh vraiment, qu’est-ce à dire ? Cette incartade
pourrait vous coûter cher, je vous le déclare.
Vous voulez me contrarier ! parbleu, vous choisissez bien
votre temps. — Bravo, mes enfants ! — Vous êtes un fanfaron ;
allez : tenez-vous tranquille, ou bien.... — D’autres
lumières ! d’autres lumières ! — Fi donc ! je m’en vais
vous faire tenir tranquille ; en bien ! — Allons, mes, enfants,
de l’entrain !
|
CAPULET.
Go to, go to!
You are a saucy boy. Is’t so, indeed?
This trick may chance to scathe you, I know what.
You must contrary me! Marry, ’tis time.
Well said, my hearts!—You are a princox; go:
Be quiet, or—More light, more light!—For shame!
I’ll make you quiet. What, cheerly, my hearts.
|
TEBALDO. — Cette patience à laquelle on m’oblige.et
cette : colère qui me met hors, de moi font trembler ma
chair du choc de leur rencontre contraire : je vais me
retirer ; mais, cette intrusion ci. qui paraît tout à l’heure
un jeu plaisant aura des. conséquences amères. (Il sort.)
|
TYBALT.
Patience perforce with wilful choler meeting
Makes my flesh tremble in their different greeting.
I will withdraw: but this intrusion shall,
Now seeming sweet, convert to bitter gall.
[Exit.]
|
ROMÉO, à Juliette. — Si ma main, indigne de cet honneur,
profane cette sainte chasse, j’ai un moyen d’expiation
charmante : mes lèvres, pèlerines rougissantes, sont
prêtes à. effacer par-un tendre baiser son rude attouchement.
|
ROMEO.
[To Juliet.] If I profane with my unworthiest hand
This holy shrine, the gentle sin is this,
My lips, two blushing pilgrims, ready stand
To smooth that rough touch with a tender kiss.
|
JULIETTE. — Bon pèlerin, vous faites, trop grande injustice
à votre main qui n’a montré en cela qu’une dévotion
conforme aux usages ; car les saints ont des mains
que touchent les mains des pèlerins, et le serrement
de mains est le baiser des pieux porteurs de palmes.
|
JULIET.
Good pilgrim, you do wrong your hand too much,
Which mannerly devotion shows in this;
For saints have hands that pilgrims’ hands do touch,
And palm to palm is holy palmers’ kiss.
|
ROMÉO. — Les saints n’ont-ils pas des lèvres, et les
pieux porteurs de palmes aussi ?
|
ROMEO.
Have not saints lips, and holy palmers too?
|
JULIETTE. — Oui, pèlerin, des lèvres qu’ils doivent, employer
pour la prière.
|
JULIET.
Ay, pilgrim, lips that they must use in prayer.
|
ROMÉO. — Oh, en ce cas, chère sainte, laissez les lèvres
faire ce que font les mains ; elles prient, exaucez
leur prière, de crainte que la foi ne se tourne en désespoir.
|
ROMEO.
O, then, dear saint, let lips do what hands do:
They pray, grant thou, lest faith turn to despair.
|
JULIETTE. — Les saints ne bougent pas, quoiqu’ils exaucent
les prières qui leur sont faites.
|
JULIET.
Saints do not move, though grant for prayers’ sake.
|
ROMÉO. — Alors ne bougez pas, tandis que je vais goûter
le fruit de ma prière. C’est ainsi que tes lèvres purifient
les miennes de leur péché. (Il l’embrasse.)
|
ROMEO.
Then move not while my prayer’s effect I take.
Thus from my lips, by thine my sin is purg’d.
[Kissing her.]
|
JULIETTE. — En. ce cas, mes lèvres ont maintenant le péché
qu’elles ont enlevé.
|
JULIET.
Then have my lips the sin that they have took.
|
ROMÉO. — Le péché de mes lèvres ? Oh ! faute délicieusement
reprochée ! Eh bien, rendez-moi mon péché.
|
ROMEO.
Sin from my lips? O trespass sweetly urg’d!
Give me my sin again.
|
JULIETTE. — Vous embrassez selon les règles…
|
JULIET.
You kiss by the book.
|
LA NOURRICE. — Madame, votre, mère désire vous dire
un mot.
|
NURSE.
Madam, your mother craves a word with you.
|
ROMÉO. — Qui est sa mère ?
|
ROMEO.
What is her mother?
|
LA NOURRICE. — Pardi, jeune homme, sa mère est la
Dame de la maison, une bonne Dame, et une Dame sage
et vertueuse : j’ai nourri sa fille, avec laquelle vous parliez
tout à l’heure ; et je vous le dis, celui qui parviendra
à s’en emparer, aura du sonnant.
|
NURSE.
Marry, bachelor,
Her mother is the lady of the house,
And a good lady, and a wise and virtuous.
I nurs’d her daughter that you talk’d withal.
I tell you, he that can lay hold of her
Shall have the chinks.
|
ROMÉO. — Est-ce une Capulet ! Ô chère créance ! ma
vie est la dette de mon ennemie.
|
ROMEO.
Is she a Capulet?
O dear account! My life is my foe’s debt.
|
BENVOLIO. — Allons, partons, nous avons vu le plus
beau de la fête.
|
BENVOLIO.
Away, be gone; the sport is at the best.
|
ROMÉO. — Oui, je le crains, nous en avons trop vu pour
ma tranquillité.
|
ROMEO.
Ay, so I fear; the more is my unrest.
|
CAPULET. — Eh bien, Messires, ne faites donc pas encore,
vos préparatifs de départ : il y a là une petite collation
de rien du tout qui nous attend. — Vous êtes décidés ?
Allons, soit ; je vous remercie tous ; je vous remercie,
honnêtes Messires : bonne nuit. — D’autres torches ici ! Rentrons
alors, et allons nous coucher. (Au second
Capulet.) Ah, camarade, sur ma foi, il se fait tard ; je vais me
reposer. (Tous sortent, excepté Juliette et la nourrice.)
|
CAPULET.
Nay, gentlemen, prepare not to be gone,
We have a trifling foolish banquet towards.
Is it e’en so? Why then, I thank you all;
I thank you, honest gentlemen; good night.
More torches here! Come on then, let’s to bed.
Ah, sirrah, by my fay, it waxes late,
I’ll to my rest.
[Exeunt all but Juliet and
Nurse.]
|
JULIETTE. — Viens ici, nourrice : quel est ce gentilhomme
là-bas ?
|
JULIET.
Come hither, Nurse. What is yond gentleman?
|
LA NOURRICE. — Le fils et l’héritier du vieux Tiberio.
|
NURSE.
The son and heir of old Tiberio.
|
JULIETTE. — Quel est celui qui passe la porte à présent ?
|
JULIET.
What’s he that now is going out of door?
|
LA NOURRICE. — Pardi, c’est, je crois, le jeune Petruchio.
|
NURSE.
Marry, that I think be young Petruchio.
|
JULIETTE. — Et quel est celui qui suit, et qui n’a pas
voulu danser ?
|
JULIET.
What’s he that follows here, that would not dance?
|
LA NOURRICE. — Je ne sais pas.
|
NURSE.
I know not.
|
JULIETTE. — Va, demande son nom : — s’il est marié,
mon tombeau risque fort de me servir de lit nuptial. (La nourrice sort et revient.)
|
JULIET.
Go ask his name. If he be married,
My grave is like to be my wedding bed.
|
LA NOURRICE. — Son nom est Roméo, et c’est un Montaigu,
le fils unique de votre grand ennemi.
|
NURSE.
His name is Romeo, and a Montague,
The only son of your great enemy.
|
JULIETTE. — Le seul amour que je puisse ressentir, inspiré
par le seul objet que je doive haïr ! toi que j’ai
vu trop tôt sans te connaître, et que j’ai connu trop tard i
Quel amour monstrueux vient de prendre naissance en
moi ! il me faut aimer un ennemi abhorré.
|
JULIET.
My only love sprung from my only hate!
Too early seen unknown, and known too late!
Prodigious birth of love it is to me,
That I must love a loathed enemy.
|
LA NOURRICE. — Que dites-vous ? que dites-vous ?
|
NURSE.
What’s this? What’s this?
|
JULIETTE. — Des vers que je viens d’apprendre, il y a
un instant, de quelqu’un qui dansait avec moi. (On appelle
de l’intérieur : Juliette !)
|
JULIET.
A rhyme I learn’d even now
Of one I danc’d withal.
[One calls within, ‘Juliet’.]
|
LA NOURRICE. — Voilà, voilà ! Allons, rentrons, tous les
étrangers sont partis. (Elles sortent.)
|
NURSE.
Anon, anon!
Come let’s away, the strangers all are gone.
[Exeunt.]
|
SCÈNE II.
|
SCENE II.
|
Le jardin de CAPULET.
|
Capulet’s Garden.
|
Entre ROMÉO.
|
Enter Romeo.
|
ROMÉO. — Celui-là rit des cicatrices, qui n’a jamais, ressenti
la douleur d’une blessure.
(Juliette paraît à sa fenêtre)
Mais, doucement ! quelle est cette lumière, qui perce
là-bas, à travers cette fenêtre ? Cette fenêtre est l’orient,
et Juliette est le soleil ! Lève-toi, bel astre, et tue la lune
envieuse, qui est déjà malade et pâle, de chagrin, parce
que toi, sa suivante, tu es bien plus belle qu’elle : ne sois
pas sa suivante puisqu’elle, est envieuse : sa livrée de vestale
est de couleur plombée et maladive, il n’y a que, les
imbéciles qui la portent ; rejette-la. C’est ma Dame ! oh,
c’est mon amour ! oh, si elle pouvait savoir qu’elle l’est !
Elle parle, cependant elle, ne : dit rien, ; qu’est-ce que cela
signifie ! Son œil parle, je vais, lui répondre Je, suis trop
hardi, ce n’est pas à moi qu’elle parle : deux des plus
belles étoiles du firmament entier, ayant, quelque affaire,
supplient ses yeux de briller à leur place dans leur sphère
jusqu’à leur retour. Et si par hasard, ses yeux étaient à
présent dans leurs sphères, et les étoiles dans, sa tête ?
Mais non, l’éclat de son visage ferait honte à ces étoiles,
coin me le plein jour fait honte à une lampe ; ses yeux,
s’ils, étaient au ciel, perceraient les airs d’un, flot de lumière
si brillant, que les oiseaux chanteraient et croiraient
qu’il ne fait pas nuit Voyez, comme elle appuie sa joue
sur sa main ! Oh ! que ne suis-je un gant à cette main, afin
de pouvoir toucher cette joue !
|
ROMEO.
He jests at scars that never felt a wound.
[Juliet appears above at a window.]
But soft, what light through yonder window breaks?
It is the east, and Juliet is the sun!
Arise fair sun and kill the envious moon,
Who is already sick and pale with grief,
That thou her maid art far more fair than she.
Be not her maid since she is envious;
Her vestal livery is but sick and green,
And none but fools do wear it; cast it off.
It is my lady, O it is my love!
O, that she knew she were!
She speaks, yet she says nothing. What of that?
Her eye discourses, I will answer it.
I am too bold, ’tis not to me she speaks.
Two of the fairest stars in all the heaven,
Having some business, do entreat her eyes
To twinkle in their spheres till they return.
What if her eyes were there, they in her head?
The brightness of her cheek would shame those stars,
As daylight doth a lamp; her eyes in heaven
Would through the airy region stream so bright
That birds would sing and think it were not night.
See how she leans her cheek upon her hand.
O that I were a glove upon that hand,
That I might touch that cheek.
|
JULIETTE. — Hélas de moi !
|
JULIET.
Ay me.
|
ROMÉO. — Elle parle : oh, parle encore, ange brillant !
car là où tu es, au-dessus de ma tête, tu me parais aussi
splendide au sein de cette nuit que l’est un messager ailé
du ciel aux-regards étonnés des mortels ; lorsque rejetant
leurs têtes en arrière, on ne voit plus que le blanc de
leurs yeux, tant leurs prunelles sont dirigées-en haut pour
le contempler, pendant qu’il chevauche sur les nuages à
la marche indolente et navigue sur le sein de l’air.
|
ROMEO.
She speaks.
O speak again bright angel, for thou art
As glorious to this night, being o’er my head,
As is a winged messenger of heaven
Unto the white-upturned wondering eyes
Of mortals that fall back to gaze on him
When he bestrides the lazy-puffing clouds
And sails upon the bosom of the air.
|
JULIETTE. — Ô Roméo, Roméo ! pourquoi es-tu Roméo ?
Renie ton père, ou rejette ton nom ; ou si tu ne veux pas,
lie-toi seulement par serment à mon amour, et je ne
serai pas plus longtemps une Capulet.
|
JULIET.
O Romeo, Romeo, wherefore art thou Romeo?
Deny thy father and refuse thy name.
Or if thou wilt not, be but sworn my love,
And I’ll no longer be a Capulet.
|
ROMÉO, à part. — En entendrai-je davantage, ou répondrai-je
à ce qu’elle rient de dire
|
ROMEO.
[Aside.] Shall I hear more, or shall I speak at this?
|
JULIETTE. — C’est ton nom seul qui est mon ennemi.
Après tout tu es toi-même, et non un Montaigu. Qu’est-ce qu’un Montaigu ?
Ce n’est ni une main, ni un pied, ni
un bras, ni un, visage, ni toute autre partie du corps appartenant
à un homme. Oh ! porte un autre nom ! Qu’y
a-t-il dans un nom ? La fleur que nous nommons la rose,
sentirait tout aussi bon sous un autre nom ; ainsi Roméo,
quand bien même il ne serait pas appelé Roméo, n’en
garderait pas moins la précieuse perfection : qu’il possède.
Renonce à ton nom Roméo, et en place de ce nom qui
ne fait pas partie de toi, prends-moi toute entière.
|
JULIET.
’Tis but thy name that is my enemy;
Thou art thyself, though not a Montague.
What’s Montague? It is nor hand nor foot,
Nor arm, nor face, nor any other part
Belonging to a man. O be some other name.
What’s in a name? That which we call a rose
By any other name would smell as sweet;
So Romeo would, were he not Romeo call’d,
Retain that dear perfection which he owes
Without that title. Romeo, doff thy name,
And for thy name, which is no part of thee,
Take all myself.
|
ROMÉO. — Je te prends au mot : appelle-moi seulement :
ton amour, et je serai rebaptisé, et désormais je ne voudrai
plus être Roméo.
|
ROMEO.
I take thee at thy word.
Call me but love, and I’ll be new baptis’d;
Henceforth I never will be Romeo.
|
JULIETTE. — Qui es-tu, toi qui, protégé par la nuit, viens
ainsi surprendre les secrets de mon âme ?
|
JULIET.
What man art thou that, thus bescreen’d in night
So stumblest on my counsel?
|
ROMÉO. — Je ne sais de quel nom me servir pour te dire
qui je suis : mon nom, chère sainte, m’est odieux à moi-même,
parce qu’il t’est ennemi ; s’il était écrit, je déchirerais
le mot qu’il forme.
|
ROMEO.
By a name
I know not how to tell thee who I am:
My name, dear saint, is hateful to myself,
Because it is an enemy to thee.
Had I it written, I would tear the word.
|
JULIETTE. — Mes oreilles n’ont pas encore bu cent paroles
de cette voix, et cependant j’en reconnais le son
n’es-tu pas Roméo, et un Montaigu ?
|
JULIET.
My ears have yet not drunk a hundred words
Of thy tongue’s utterance, yet I know the sound.
Art thou not Romeo, and a Montague?
|
ROMÉO. — Ni l’un, ni l’autre, belle vierge, si l’un ou
l’autre te déplaît.
|
ROMEO.
Neither, fair maid, if either thee dislike.
|
JULIETTE. — Comment es-tu venu ici, dis-le-moi, et pour quoi ? Les murs du jardin
sont élevés et difficiles à escalader,
et considérant qui tu es, cette place est mortelle pour
toi, si quelqu’un de mes parents t’y trouve.
|
JULIET.
How cam’st thou hither, tell me, and wherefore?
The orchard walls are high and hard to climb,
And the place death, considering who thou art,
If any of my kinsmen find thee here.
|
ROMÉO. — J’ai franchi ces murailles avec les ailes légères
de l’amour, car des limites de pierre ne peuvent
arrêter l’essor de l’amour ; et quelle chose l’amour peut-il
oser qu’il ne puisse aussi exécuter ? tes parents ne me,
sont donc pas un obstacle.
|
ROMEO.
With love’s light wings did I o’erperch these walls,
For stony limits cannot hold love out,
And what love can do, that dares love attempt:
Therefore thy kinsmen are no stop to me.
|
JULIETTE. — S’ils te voient, ils t’assassineront.
|
JULIET.
If they do see thee, they will murder thee.
|
ROMÉO. — Hélas ! il y a plus de périls, dans tes yeux
que dans vingt de leurs épées : veuille seulement abaisser
un doux regard sûr moi, et je suis cuirassé contre leur
inimitié.
|
ROMEO.
Alack, there lies more peril in thine eye
Than twenty of their swords. Look thou but sweet,
And I am proof against their enmity.
|
JULIETTE. — Je ne voudrais pas, pour le monde entier,
qu’ils te vissent ici.
|
JULIET.
I would not for the world they saw thee here.
|
ROMÉO. — J’ai le manteau de la nuit pour me dérober
à leur vue et d’ailleurs, à moins que tu ne m’aimes, ils
peuvent me trouver, s’ils veulent : mieux vaudrait que
leur haine mît fin à ma vie, que si ma mort était retardée,
sans que j’eusse ton amour ;
|
ROMEO.
I have night’s cloak to hide me from their eyes,
And but thou love me, let them find me here.
My life were better ended by their hate
Than death prorogued, wanting of thy love.
|
JULIETTE. — Quel est celui qui t’a enseigné la direction
de cette place ?
|
JULIET.
By whose direction found’st thou out this place?
|
ROMÉO. — C’est l’Amour, qui m’a excité à la découvrir ;
il m’a prêté ses conseils, et je lui ai prêté mes
yeux. Je ne suis pas pilote ; cependant fusses-tu aussi éloignée
que le vaste rivage baigné par la plus lointaine nier,
je m’aventurerais pour une marchandise telle que toi.
|
ROMEO.
By love, that first did prompt me to enquire;
He lent me counsel, and I lent him eyes.
I am no pilot; yet wert thou as far
As that vast shore wash’d with the farthest sea,
I should adventure for such merchandise.
|
JULIETTE. — Le masque de la nuit est sur mon visage,
tu le sais, sans cela une rougeur virginale colorerait mes
joues pour les paroles que tu m’as entendue prononcer ce
soir. Volontiers, je voudrais m’attacher aux convenances ;
volontiers, volontiers, nier ce que j’ai dit : mais adieu,
les cérémonies ! M’aimes-tu ? je sais que tu vas dire, oui,
et je te prendrai au mot : cependant, si tu jures, tu peux
te montrer menteur ; et l’on dit que Jupiter rit des parjures
des amants. Ô gentil Roméo, si tu m’aimes, déclare le
loyalement : cependant, si tu pensais que je suis trop
aisément conquise, eh-bien ! je serai mutine, je froncerai
le sourcil, je dirai non, pour te donner occasion de me
supplier ; autrement, pour rien au monde, je ne le ferais
La vérité, beau Montaigu, est que je suis trop passionnée,
et par conséquent tu pourras trouver ma conduite légère ;
mais crois-moi, gentilhomme je me montrerai plus sincère
que celles qui ont plus d’artifice pour être réservées. J’aurais
été plus réservée cependant je dois l’avouer, si, à
mon insu, tu n’avais pas surpris l’expression passionnée de
mon sincère amour : pardonne-moi donc, et n’impute
bas cette promptitude à la légèreté dé mon amour que
cette nuit, ténébreuse t’a révélé ainsi.
|
JULIET.
Thou knowest the mask of night is on my face,
Else would a maiden blush bepaint my cheek
For that which thou hast heard me speak tonight.
Fain would I dwell on form, fain, fain deny
What I have spoke; but farewell compliment.
Dost thou love me? I know thou wilt say Ay,
And I will take thy word. Yet, if thou swear’st,
Thou mayst prove false. At lovers’ perjuries,
They say Jove laughs. O gentle Romeo,
If thou dost love, pronounce it faithfully.
Or if thou thinkest I am too quickly won,
I’ll frown and be perverse, and say thee nay,
So thou wilt woo. But else, not for the world.
In truth, fair Montague, I am too fond;
And therefore thou mayst think my ’haviour light:
But trust me, gentleman, I’ll prove more true
Than those that have more cunning to be strange.
I should have been more strange, I must confess,
But that thou overheard’st, ere I was ’ware,
My true-love passion; therefore pardon me,
And not impute this yielding to light love,
Which the dark night hath so discovered.
|
ROMÉO. — Dame, je juré par cette lune charmante qui
va-bas pose une pointe d’argent sur les cimes de tous ces
arbres à fruit....
|
ROMEO.
Lady, by yonder blessed moon I vow,
That tips with silver all these fruit-tree tops,—
|
JULIETTE. — Oh ! ne jure pas par la lune, par la lune
inconstante, qui change tous les mois dans l’orbe de sa
sphère, de crainte que ton amour ne se montre à l’épreuve
aussi variable qu’elle.
|
JULIET.
O swear not by the moon, th’inconstant moon,
That monthly changes in her circled orb,
Lest that thy love prove likewise variable.
|
ROMÉO. — Par quoi jurerai-je ?
|
ROMEO.
What shall I swear by?
|
JULIETTE. — Ne jure pas du tout, ou, si tu veux jurer,
jure par ta gracieuse personne, divinité de mon cœur,
idolâtre, et je te croirai.
|
JULIET.
Do not swear at all.
Or if thou wilt, swear by thy gracious self,
Which is the god of my idolatry,
And I’ll believe thee.
|
ROMÉO. — Si le cher amour de mon cœur....
|
ROMEO.
If my heart’s dear love,—
|
JULIETTE. — Bon, ne jure pas. Quoique ma joie vienne
de toi, je ne puis en tire aucune de cet engagement de
ce soir ; il est trop téméraire, trop précipité, trop soudain,
trop pareil à l’éclair qui cessé d’être ayant qu’on
puisse dire : il brille. La douce la bonne nuit ! Ce bourgeon
d’amour, mûri par le souffle ardent de l’été, nous
le retrouverons peut-être, fleur, splendide, à notre prochaine
rencontre. Bonne nuit, bonne nuit ! qu’une paix
et une félicité aussi douces que celles qui remplissent
mon sein ; descendent dans ton cœur !
|
JULIET.
Well, do not swear. Although I joy in thee,
I have no joy of this contract tonight;
It is too rash, too unadvis’d, too sudden,
Too like the lightning, which doth cease to be
Ere one can say It lightens. Sweet, good night.
This bud of love, by summer’s ripening breath,
May prove a beauteous flower when next we meet.
Good night, good night. As sweet repose and rest
Come to thy heart as that within my breast.
|
ROMÉO. — Oh ! vas-tu donc me laisser aussi peu satisfait ?
|
ROMEO.
O wilt thou leave me so unsatisfied?
|
JULIETTE. — Quelle satisfaction pourrais-tu avoir cette
nuit ?
|
JULIET.
What satisfaction canst thou have tonight?
|
ROMÉO. — L’échange de ton vœu de fidèle amour
contre le mien.
|
ROMEO.
Th’exchange of thy love’s faithful vow for mine.
|
JULIETTE. — Je t’ai donné le mien avant que lu l’eusses
demandé, et cependant je voudrais qu’il fût encore à
donner.
|
JULIET.
I gave thee mine before thou didst request it;
And yet I would it were to give again.
|
ROMÉO. — Voudrais-tu donc le retirer ? Pourquoi cela,
mon amour ?
|
ROMEO.
Would’st thou withdraw it? For what purpose, love?
|
JULIETTE. — Simplement pour être libérale et te le
donner encore. Cependant, ce que je souhaite, c’est ce
que je possède : ma générosité est aussi illimitée que la
mer ; mon amour aussi profond ; plus je te donne, plus je
possède, car tous deux sont infinis. (La nourrice appelle de l’intérieur.)
J’entends du bruit là dedans ; adieu, mon
cher amour ! — Tout à l’heure, ma bonne nourrice ! - Aimable
Montaigu, sois fidèle. Attends seulement quelques
minutes, je vais revenir. (Elle se retire de sa fenêtre.)
|
JULIET.
But to be frank and give it thee again.
And yet I wish but for the thing I have;
My bounty is as boundless as the sea,
My love as deep; the more I give to thee,
The more I have, for both are infinite.
I hear some noise within. Dear love, adieu.
[Nurse calls within.]
Anon, good Nurse!—Sweet Montague be true.
Stay but a little, I will come again.
[Exit.]
|
ROMÉO. — Ô heureuse, heureuse nuit ! Je crains, puisqu’il
fait nuit, que tout ceci ne soit qu’un rêve, car c’est
trop délicieux pour être réel.
|
ROMEO.
O blessed, blessed night. I am afeard,
Being in night, all this is but a dream,
Too flattering sweet to be substantial.
|
JULIETTE reparaît à sa fenêtre.
|
Enter Juliet above.
|
JULIETTE. — Trois mots, mon cher Roméo, et puis
bonne nuit, cette fois. Si le caractère de ton amour est
honorable, si ton but est le mariage, fais-moi porter dé-,
main par une personne que je saurai renvoyer un mot
qui m’apprenne où et quand tu veux que la cérémonie
s’accomplisse, et je déposerai à tes pieds toute ma destinée,
et je te suivrai à travers le monde entier comme
mon Seigneur.
|
JULIET.
Three words, dear Romeo, and good night indeed.
If that thy bent of love be honourable,
Thy purpose marriage, send me word tomorrow,
By one that I’ll procure to come to thee,
Where and what time thou wilt perform the rite,
And all my fortunes at thy foot I’ll lay
And follow thee my lord throughout the world.
|
LA NOURRICE, de l’intérieur. — Madame !
|
NURSE.
[Within.] Madam.
|
JULIETTE. — J’y vais ; tout à l’heure. — Mais si tu n’as
pas de bonnes intentions, je te conjure....
|
JULIET.
I come, anon.— But if thou meanest not well,
I do beseech thee,—
|
LA NOURRICE, de l’intérieur. — Madame !
|
NURSE.
[Within.] Madam.
|
JULIETTE. — À l’instant, j’y vais : — je te conjure, en
ce cas, de cesser tes poursuites, et demie laisser à ma
douleur. J’enverrai demain.
|
JULIET.
By and by I come—
To cease thy strife and leave me to my grief.
Tomorrow will I send.
|
ROMÉO. — Comme j’espère le salut de mon âme....
|
ROMEO.
So thrive my soul,—
|
JULIETTE. — Mille fois bonne nuit !
(Elle se relire de la fenêtre.)
|
JULIET.
A thousand times good night.
[Exit.]
|
ROMÉO. — Mille fois mauvaise nuit, puisque ta lumière
me manque. — L’amour accourt vers l’amour comme les
écoliers quittent leurs livres ; mais l’amour quitte l’amour,
au contraire, comme les écoliers vont à l’école, avec une
mine affligée. (Il se retire lentement !)
|
ROMEO.
A thousand times the worse, to want thy light.
Love goes toward love as schoolboys from their books,
But love from love, towards school with heavy looks.
[Retiring slowly.]
|
JULIETTE reparaît à la fenêtre.
|
Re-enter Juliet, above.
|
JULIETTE. — Psst, Roméo, psst ! Oh ! que n’ai-je la voix
d’un fauconnier pour faire revenir à moi ce gentil tiercelet 3 !
L’esclavage a la voix enrouée, et ne peut.parler haut,
sans cela je percerais la caverne où dort Echo, et je
rendrais sa voix aérienne plus enrouée que la mienne, à
force de lui faire répéter le nom de mon Roméo.
|
JULIET.
Hist! Romeo, hist! O for a falconer’s voice
To lure this tassel-gentle back again.
Bondage is hoarse and may not speak aloud,
Else would I tear the cave where Echo lies,
And make her airy tongue more hoarse than mine
With repetition of my Romeo’s name.
|
ROMÉO. — C’est mon âme qui prononce mon nom :
avec, quel doux timbré argentin résonnent les voix des
amants pendant la nuit ! c’est comme la plus douce musique
pour des oreilles attentives.
|
ROMEO.
It is my soul that calls upon my name.
How silver-sweet sound lovers’ tongues by night,
Like softest music to attending ears.
|
JULIETTE. — Roméo !
|
JULIET.
Romeo.
|
ROMÉO. — Ma chérie !
|
ROMEO.
My nyas?
|
JULIETTE. — A quelle heure enverrai-je vers toi, demain ?
|
JULIET.
What o’clock tomorrow
Shall I send to thee?
|
ROMÉO. — À neuf heures.
|
ROMEO.
By the hour of nine.
|
JULIETTE. — Je n’y manquerai pas. D’ici à ce moment,
il va s’écouler vingt ans. J’ai oublié pourquoi je t’avais
rappelé.
|
JULIET.
I will not fail. ’Tis twenty years till then.
I have forgot why I did call thee back.
|
ROMÉO.— Permets-moi de rester ici jusqu’à ce que tu
te le rappelles.
|
ROMEO.
Let me stand here till thou remember it.
|
JULIETTE. — J’oublierai encore, afin de te faire rester,
et ne me souviendrai que de l’amour que j’ai pour ta
compagnie.
|
JULIET.
I shall forget, to have thee still stand there,
Remembering how I love thy company.
|
ROMÉO. — Et moi je resterai, pour te faire oublier encore,
oublieux moi-même que j’ai un autre logis que ce
jardin
|
ROMEO.
And I’ll still stay, to have thee still forget,
Forgetting any other home but this.
|
JULIETTE. — Il est presque matin ; je voudrais que tu
fusses parti, et cependant pas plus loin que l’oiseau d’une
jeune folle qui le laisse s’éloigner un peu de sa main, pareil
à un pauvre prisonnier dans ses entraves, et qui le
ramène avec un fil de soie, tant elle est amoureusement
jalouse de sa liberté.
|
JULIET.
’Tis almost morning; I would have thee gone,
And yet no farther than a wanton’s bird,
That lets it hop a little from her hand,
Like a poor prisoner in his twisted gyves,
And with a silk thread plucks it back again,
So loving-jealous of his liberty.
|
ROMÉO. — Je voudrais être ton oiseau.
|
ROMEO.
I would I were thy bird.
|
JULIETTE. — Chéri, je le voudrais aussi : cependant, je
te tuerais par trop de caresses. Ronne nuit ! bonne nuit !
la séparation est une si délicieuse douleur que je dirais
bonne nuit jusqu’à demain. (Elle, se retire de la fenêtre.)
|
JULIET.
Sweet, so would I:
Yet I should kill thee with much cherishing.
Good night, good night. Parting is such sweet sorrow
That I shall say good night till it be morrow.
[Exit.]
|
ROMÉO. — Que le sommeil descende sur tes yeux et
la paix dans ton sein ! Que ne suis-je le sommeil et la
paix pour goûter un si doux repos ! Je vais d’ici me rentre
à la cellule de mon pieux confesseur, pour implorer
son aide, et lui dire mon heureuse fortune. (Il sort.)
|
ROMEO.
Sleep dwell upon thine eyes, peace in thy breast.
Would I were sleep and peace, so sweet to rest.
The grey-ey’d morn smiles on the frowning night,
Chequering the eastern clouds with streaks of light;
And darkness fleckled like a drunkard reels
From forth day’s pathway, made by Titan’s wheels
Hence will I to my ghostly Sire’s cell,
His help to crave and my dear hap to tell.
[Exit.]
|
SCÈNE III.
|
SCENE III.
|
La cellule du FRÈRE LAURENT.
|
Friar Lawrence’s Cell.
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Entre LE FRÈRE LAURENT avec un panier.
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Enter Friar Lawrence
with a basket.
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LE FRÈRE LAURENT. — Le matin aux yeux gris souriant
à la nuit au front farouche raye de bandes de lumière
les nuages d’orient, et les ténèbres bigarrées des couleurs
de l’aurore, chancellent à reculons comme un ivrogne
devant la marche du jour et les roues enflammées de Titan.
Avant que le soleil ait avancé son œil brûlant pour
souhaiter la bienvenue au jour et sécher l’humide rosée
de la nuit, il me faut remplir cette corbeille d’osier d’herbes
aux propriétés funestes et de fleurs aux sucs précieux.
La terre, qui est la mère de la nature, est aussi sa tombe :
ce qui est son sépulcre est aussi le ventre qui lui donne
naissance ; et nous voyons, sortis de ce ventre, des enfants
de genres divers sucer la vie à ses mamelles ; de ces enfants
beaucoup sont renommés pour leurs vertus multiples,
il n’en est aucun qui soit sans une vertu au moins,
et cependant tous sont différents. Oh ! grande est la puissance
qui réside dans les herbes, les plantes, les pierres,
et dans leurs qualités intrinsèques ; car il n’existe, rien
sur terre de si vil qui ne donne à la terre quelque bien
particulier, et il n’est rien de si bon, qui, détourné de
son légitime usage, ne se révolte contre son essence native
et ne vienne butter contre un abus : la vertu elle-même
devient vice, lorsqu’elle est mal appliquée, et le vice est
quelquefois ennobli par l’action. Sous la tendre pellicule
de cette petite fleur résident un poison et une vertu médicinale ;
car flairée elle réjouit tout le corps de son "parfum,
et goûtée, elle tue tous les sens en même temps que
le cœur. Deux pareils rois ennemis campent dans l’homme
aussi bien que dans les herbes, — la grâce et la brutale
volonté ; et là où la pire de ces puissances prédomine,
le ver de la mort dévore bientôt cette plante.
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FRIAR LAWRENCE.
Now, ere the sun advance his burning eye,
The day to cheer, and night’s dank dew to dry,
I must upfill this osier cage of ours
With baleful weeds and precious-juiced flowers.
The earth that’s nature’s mother, is her tomb;
What is her burying grave, that is her womb:
And from her womb children of divers kind
We sucking on her natural bosom find.
Many for many virtues excellent,
None but for some, and yet all different.
O, mickle is the powerful grace that lies
In plants, herbs, stones, and their true qualities.
For naught so vile that on the earth doth live
But to the earth some special good doth give;
Nor aught so good but, strain’d from that fair use,
Revolts from true birth, stumbling on abuse.
Virtue itself turns vice being misapplied,
And vice sometime’s by action dignified.
Enter Romeo.
Within the infant rind of this weak flower
Poison hath residence, and medicine power:
For this, being smelt, with that part cheers each part;
Being tasted, slays all senses with the heart.
Two such opposed kings encamp them still
In man as well as herbs,—grace and rude will;
And where the worser is predominant,
Full soon the canker death eats up that plant.
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Entre ROMÉO
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ROMÉO. — Bonjour, père !
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ROMEO.
Good morrow, father.
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LE FRÈRE LAURENT. — Benedicite ! Quelle voix matinale
m’envoie ce doux salut ?— Mon jeune fils, c’est la preuve
d’un esprit en proie à l’inquiétude que de dire de si
bonne heure bonjour à ton lit : le souci tient sa veille
dans les yeux de tout vieillard, et là où loge le souci, le
sommeil ne s’abat jamais : mais, au contraire, d’heureux
sommeil règne là où la jeunesse aux forces intactes, au
cerveau inhabité par l’expérience, étend ses membres
pour les reposer : par conséquent, ta visite matinale me
donne l’assurance que quelque agitation d’âme t’a fait
lever ; si ce n’est pas cela, alors je suis bien sûr de toucher
juste, — c’est que notre Roméo ne s’est pas couché
cette nuit.
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FRIAR LAWRENCE.
Benedicite!
What early tongue so sweet saluteth me?
Young son, it argues a distemper’d head
So soon to bid good morrow to thy bed.
Care keeps his watch in every old man’s eye,
And where care lodges sleep will never lie;
But where unbruised youth with unstuff’d brain
Doth couch his limbs, there golden sleep doth reign.
Therefore thy earliness doth me assure
Thou art uprous’d with some distemperature;
Or if not so, then here I hit it right,
Our Romeo hath not been in bed tonight.
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ROMÉO. — Cette dernière supposition est vraie, et mon
repos n’en a été que plus doux.
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ROMEO.
That last is true; the sweeter rest was mine.
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LE FRÈRE LAURENT. — Dieu pardonne au péché ! étais-tu
avec Rosaline ?
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FRIAR LAWRENCE.
God pardon sin. Wast thou with Rosaline?
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ROMÉO. — Avec Rosaline, mon révérend père ? non ;
j’ai oublié ce nom et la douleur que me causait ce nom.
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ROMEO.
With Rosaline, my ghostly father? No.
I have forgot that name, and that name’s woe.
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LE FRÈRE LAURENT. — Voilà bien mon bon fils : mais où
es-tu allé alors ?
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FRIAR LAWRENCE.
That’s my good son. But where hast thou been then?
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ROMÉO. — Je vais te le dire, sans te Je faire redemander.
Je suis, allé à une fête, avec mon ennemi, jet là,
soudainement, j’ai été blessé par quelqu’un qui a été
blessé par moi ; notre guérison à l’un et à l’autre dépend
de ton appui et de ta sainte médecine : je n’ai point de
haine, saint homme ; car, vois, mon intercession s’étend
aussi à mon ennemi.
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ROMEO.
I’ll tell thee ere thou ask it me again.
I have been feasting with mine enemy,
Where on a sudden one hath wounded me
That’s by me wounded. Both our remedies
Within thy help and holy physic lies.
I bear no hatred, blessed man; for lo,
My intercession likewise steads my foe.
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LE FRÈRE LAURENT. — Expose ce que tu as à me dire
en termes simples et ronds, mon bon fils ; une confession
énigmatique ne reçoit qu’une absolution équivoque.
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FRIAR LAWRENCE.
Be plain, good son, and homely in thy drift;
Riddling confession finds but riddling shrift.
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ROMÉO. — Alors sache sans délai que le plus cher
amour de mon cœur s’est fixé sur la belle jeune fille du
riche Capulet : comme le mien s’est fixé sur elle, ainsi le
sien s’est fixé sur moi ; tout est conclu, sauf ce que tu
peux conclure par le saint mariage : quand, où, comment,
nous nous sommes rencontrés et avons échangé des
paroles d’amour et des serments, je te le dirai, en, nous
promenant ; mais je te prie tout de suite de consentir à
nous marier aujourd’hui.
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ROMEO.
Then plainly know my heart’s dear love is set
On the fair daughter of rich Capulet.
As mine on hers, so hers is set on mine;
And all combin’d, save what thou must combine
By holy marriage. When, and where, and how
We met, we woo’d, and made exchange of vow,
I’ll tell thee as we pass; but this I pray,
That thou consent to marry us today.
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LE FRÈRE LAURENT. — Bienheureux saint François, quel
changement est-ce là ? Cette Rosaline que tu aimais si
tendrement a-t-elle donc été oubliée si vite ? en ce cas
l’amour des jeunes hommes n’a pas sa vraie résidence
dans leur cœur, mais dans leurs yeux. Jésus Maria ! de
quel déluge de larmes n’as-tu pas lavé tes joues creusées
par le chagrin pour Rosaline ? Ah ! que d’eau salée dépensée
en vain pour l’assaisonnement d’un amour dont tu
ne goûtés pas ! Le soleil n’a pas encore dissipé le brouillard
de tes soupirs ; tes anciens gémissements résonnent
encore à mes vieilles oreilles ; là, sur ta joue, je vois la
tache d’une ancienne larme qui n’a pas, encore été essuyée :
si jamais tu fus toi-même, et si ces douleurs furent
les tiennes, toi et ces douleurs vous apparteniez,
entièrement à Rosaline ; et c’est ainsi que tu as, changé !
en ce cas, prononce cette sentence-ci les femmes peuvent
bien tomber, quand les hommes ont si peu de force.
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FRIAR LAWRENCE.
Holy Saint Francis! What a change is here!
Is Rosaline, that thou didst love so dear,
So soon forsaken? Young men’s love then lies
Not truly in their hearts, but in their eyes.
Jesu Maria, what a deal of brine
Hath wash’d thy sallow cheeks for Rosaline!
How much salt water thrown away in waste,
To season love, that of it doth not taste.
The sun not yet thy sighs from heaven clears,
Thy old groans yet ring in mine ancient ears.
Lo here upon thy cheek the stain doth sit
Of an old tear that is not wash’d off yet.
If ere thou wast thyself, and these woes thine,
Thou and these woes were all for Rosaline,
And art thou chang’d? Pronounce this sentence then,
Women may fall, when there’s no strength in men.
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ROMÉO. — Tu m’as grondé souvent parce que j’aimais
Rosaline.
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ROMEO.
Thou chidd’st me oft for loving Rosaline.
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LE FRÈRE LAURENT. — Parce que tu en raffolais, non
parce que tu l’aimais, mon jeune pénitent.
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FRIAR LAWRENCE.
For doting, not for loving, pupil mine.
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ROMÉO. — Et tu m’as ordonné d’ensevelir mon amour.
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ROMEO.
And bad’st me bury love.
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LE FRÈRE LAURENT. — Mais non pas dans Une fosse, ou
en enterrant un amour, tu en déterrasses un autre.
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FRIAR LAWRENCE.
Not in a grave
To lay one in, another out to have.
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ROMÉO. — Je t’en prie, ne me gronde pas. celle que
j’aime maintenant me rend grâce pour grâce, et amour
pour amour ; ce n’était pas ce que faisait l’autre.
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ROMEO.
I pray thee chide me not, her I love now
Doth grace for grace and love for love allow.
The other did not so.
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LE FRÈRE LAURENT. — Oh ! elle savait bien que ton
amour récitait sa leçon de mémoire et ne savait pas
épeler ses lettres. Mais allons, jeune inconstant, allons,
viens avec moi, j’ai une raison de l’assister ; car ce mariage
peut tourner assez heureusement pour changer en
pur amour la rancune de vos deux maisons.
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FRIAR LAWRENCE.
O, she knew well
Thy love did read by rote, that could not spell.
But come young waverer, come go with me,
In one respect I’ll thy assistant be;
For this alliance may so happy prove,
To turn your households’ rancour to pure love.
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ROMÉO. — Oh ! partons d’ici, il m’importe beaucoup
de me dépêcher :
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ROMEO.
O let us hence; I stand on sudden haste.
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LE FRÈRE LAURENT. — Prudemment et lentement ; ils
trébuchent, ceux qui courent trop vite. (Ils sortent.)
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FRIAR LAWRENCE.
Wisely and slow; they stumble that run fast.
[Exeunt.]
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SCÈNE IV
|
SCENE IV.
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Une rue.
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A Street.
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Entrent BENVOLIO et MERCUTIO.
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Enter Benvolio and
Mercutio.
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MERCUTIO. — OÙ diable ce Roméo peut-il être ? est-ce
qu’il n’est pas retourné chez lut cette nuit ?
|
MERCUTIO.
Where the devil should this Romeo be? Came he not home tonight?
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BENVOLIO. — Il n’est pas revenu, chez son père ; j’ai
parlé à son valet.
|
BENVOLIO.
Not to his father’s; I spoke with his man.
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MERCUTIO. — Ah ! cette pâle fille au cœur de pierre,
cette Rosaline le tourmente tellement qu’à coup sûr il
deviendra fou.
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MERCUTIO.
Why, that same pale hard-hearted wench, that Rosaline, torments him so that he
will sure run mad.
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BENVOLIO. — Tebaldo, le parent du vieux Capulet, a
dépêché une lettre à la maison de son père.
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BENVOLIO.
Tybalt, the kinsman to old Capulet, hath sent a letter to his father’s
house.
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MERCUTIO. — Un cartel, sur ma vie !
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MERCUTIO.
A challenge, on my life.
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BENVOLIO. — Roméo y répondra.
|
BENVOLIO.
Romeo will answer it.
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MERCUTIO. — Tout homme qui sait écrire peut répondre
à une lettre.
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MERCUTIO.
Any man that can write may answer a letter.
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BENVOLIO. — Certes, il répondra à l’auteur de la lettre
dans son propre style ; étant défié, il défiera.
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BENVOLIO.
Nay, he will answer the letter’s master, how he
dares, being dared.
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MERCUTIO. — Hélas ! pauvre Roméo, il est déjà mort !
poignardé, par l’œil noir d’une fille blanche, fusille à travers
l’oreille par un chant d’amour, percé au centre de
son cœur parla flèche du petit archer aveugle, est-ce là
un homme à affronter Tebaldo ?
|
MERCUTIO.
Alas poor Romeo, he is already dead, stabbed with a white wench’s black
eye; run through the ear with a love song, the very pin of his heart cleft with
the blind bow-boy’s butt-shaft. And is he a man to encounter Tybalt?
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BENVOLIO. — Bah ! qu’est-ce donc que Tebaldo ?
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BENVOLIO.
Why, what is Tybalt?
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MERCUTIO. — Plus que le prince des chats, je vous le
déclare. Oh ! c’est le courageux capitaine
des lois du savoir-vivre :
il se bât comme vous chantez la, musique,garde
ses temps, ses distances, ses mesures ; vous.prend un
repos d’un soupir, — une, deux, et la troisième en pleine
poitrine : c’est le vrai boucher des boutons de soie, un
duelliste, un duelliste ; un gentilhomme de la tout à fait
première catégorie, un maître en première et seconde
causes : ah ! l’immortelle passade ! ah le punto reverso !
ah ! le touché!
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MERCUTIO.
More than Prince of cats. O, he’s the courageous captain of compliments.
He fights as you sing prick-song, keeps time, distance, and proportion. He
rests his minim rest, one, two, and the third in your bosom: the very butcher
of a silk button, a duellist, a duellist; a gentleman of the very first house,
of the first and second cause. Ah, the immortal passado, the punto reverso, the
hay.
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BENVOLIO. — Le quoi ?
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BENVOLIO.
The what?
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MERCUTIO. — La peste de, ces grotesques fantasques
pleins de zézaiements et d’affectations, qui vous ont.de
nouvelles manières de poser les accents ! « Par Jésus, une
excellente lame ! un très-bel homme ! une exquise putain ! »
Parbleu, grand-père, n’est-ce pas une chose lamentable
que nous soyons affligés de la sorte par ces mouches étrangères,
ces débitants de modes nouvelles, ces pardonnez-moi,
qui se mettent des culottes de nouvelle forme si
collantes qu’ils né peuvent plus s’asseoir à l’aise sur les
vieux bancs ? Oh ! leurs bons, leurs bons !
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MERCUTIO.
The pox of such antic lisping, affecting phantasies; these new tuners of
accent. By Jesu, a very good blade, a very tall man, a very good whore. Why, is
not this a lamentable thing, grandsire, that we should be thus afflicted with
these strange flies, these fashion-mongers, these pardon-me’s, who stand
so much on the new form that they cannot sit at ease on the old bench? O their
bones, their bones!
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Entre ROMÉO.
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Enter Romeo.
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BENVOLIO. — Voici venir Roméo ; voici venir Roméo.
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BENVOLIO.
Here comes Romeo, here comes Romeo!
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MERCUTIO. — Jaune et sec comme un hareng saur. Ô
chair, ô chair, comme te voilà poissonnifiée ! Maintenant
il est jusqu’au cou dans le genre de poésie que cultiva
Pétrarque : Laure, comparée à sa Dame, était une marmitonne ;
parbleu, elle avait un plus habile amant pour la
chanter : Didon n’était qu’une dondon ; Cléopâtre, une
gitana d’Égypte ; Hélène et Héro, des coureuses, et des
catins ; Thisbé, un petit œil gris éveillé, ou quelque chose
d’approchant, mais rien avec cela.
MERCUTIO. — Signor Roméo, bonjour ! voilà un salut
français pour votre culotte française, vous nous avez
joliment payé en fausse monnaie la dernière nuit.
|
MERCUTIO.
Without his roe, like a dried herring. O flesh, flesh, how art thou fishified!
Now is he for the numbers that Petrarch flowed in. Laura, to his lady, was but
a kitchen wench,—marry, she had a better love to berhyme her: Dido a
dowdy; Cleopatra a gypsy; Helen and Hero hildings and harlots; Thisbe a grey
eye or so, but not to the purpose. Signior Romeo, bonjour! There’s a
French salutation to your French slop. You gave us the counterfeit fairly last
night.
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ROMÉO. — Bonjour à tous les deux. Comment vous ai-je
payé en fausse monnaie ?
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ROMEO.
Good morrow to you both. What counterfeit did I give you?
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MERCUTIO. — En nous faussant compagnie, Messire,
en nous faussant compagnie ; ne pouvez-vous pas comprendre ?
|
MERCUTIO.
The slip sir, the slip; can you not conceive?
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ROMÉO. — Pardon, mon bon Mercutio, j’avais des affaires
importantes, et un homme dans un cas comme le
mien peut bien faire fléchir la politesse.
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ROMEO.
Pardon, good Mercutio, my business was great, and in such a case as mine a man
may strain courtesy.
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MERCUTIO. — C’est absolument comme si vous disiez,
an cas comme le mien force un homme à fléchir les jarrets.
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MERCUTIO.
That’s as much as to say, such a case as yours constrains a man to bow in
the hams.
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ROMÉO. — Sans doute pour offrir ses politesses
|
ROMEO.
Meaning, to curtsy.
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MERCUTIO. — Tu as très-judicieusement deviné.
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MERCUTIO.
Thou hast most kindly hit it.
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ROMÉO. — Voilà une interprétation très-polie.
|
ROMEO.
A most courteous exposition.
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MERCUTIO. — Parbleu, je suis la rosette même de la
politesse.
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MERCUTIO.
Nay, I am the very pink of courtesy.
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ROMÉO. — Rosette est ici pour fleur ?
|
ROMEO.
Pink for flower.
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MERCUTIO. — Parfaitement.
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MERCUTIO.
Right.
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ROMÉO. — Ah bien, en ce cas, mes escarpins sont très-fleuris.
|
ROMEO.
Why, then is my pump well flowered.
|
MERCUTIO. — Bien dit ; poursuis-moi maintenant, cette
plaisanterie jusqu’à ce que tes escarpins soient usés, afin
que lorsque les uniques semelles de cette paire là seront
hors d’usage, cette plaisanterie reste encore, après
l’user, unique et hors de pair.
|
MERCUTIO.
Sure wit, follow me this jest now, till thou hast worn out thy pump, that when
the single sole of it is worn, the jest may remain after the wearing, solely
singular.
|
ROMÉO. — Ô la plaisanterie à mince semelle, unique
et hors de pair seulement par sa mauvaise qualité !
|
ROMEO.
O single-soled jest, solely singular for the singleness!
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MERCUTIO. — Sépare-nous, mon bon Benvolio ; mon
esprit est rendu.
|
MERCUTIO.
Come between us, good Benvolio; my wits faint.
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ROMÉO. — Donne de la cravache et de l’éperon, de la
cravache et de l’éperon, sinon je crie : un autre rival,
s’il vous plaît !
|
ROMEO.
Swits and spurs, swits and spurs; or I’ll cry a match.
|
MERCUTIO. — Parbleu, si nos esprits veulent entreprendre
la course de l’oie sauvage, je me récuse ; car il y a
plus de l’oie sauvage dans un seul de tes sens, j’en suis
sûr, que dans les miens cinq : m’avez-vous pris pour
l’oie dans cette course d’esprit?
|
MERCUTIO.
Nay, if thy wits run the wild-goose chase, I am done. For thou hast more of the
wild-goose in one of thy wits, than I am sure, I have in my whole five. Was I
with you there for the goose?
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ROMÉO. — Quand par hasard je ne t’ai pas pris pour
l’oie, je ne t’ai pris pour rien du tout.
|
ROMEO.
Thou wast never with me for anything, when thou wast not there for the goose.
|
MERCUTIO. — Je vais te mordre l’oreille pour cette
plaisanterie.
|
MERCUTIO.
I will bite thee by the ear for that jest.
|
ROMÉO. — Voyons, bonne oie, ne mords pas.
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ROMEO.
Nay, good goose, bite not.
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MERCUTIO. — Ton esprit est de saveur très-mordante ;
il fait un très âpre assaisonnement.
|
MERCUTIO.
Thy wit is a very bitter sweeting, it is a most sharp sauce.
|
ROMÉO. — Une marmelade de pommes acides, n’est-elle
pas le, vrai assaisonnement, d’une oie fade ?
|
ROMEO.
And is it not then well served in to a sweet goose?
|
MERCUTIO. — Ah, quel esprit en peau de chevreau !
d’abord étroit d’un pouce, il devient ensuite large d’une
aune.
|
MERCUTIO.
O here’s a wit of cheveril, that stretches from an inch narrow to an ell
broad.
|
ROMÉO. — Je l’étends encore pour ce mot large, qui
ajouté à oie, prouve qu’en long et en large tu es une
grande oie.
|
ROMEO.
I stretch it out for that word broad, which added to the goose, proves thee far
and wide a broad goose.
|
MERCUTIO. — Eh bien, est-ce que cela ne vaut pas
mieux que de gémir d’amour ? maintenant te. voilà sociable,
te voilà redevenu Roméo ; maintenant tu es. ce que : ta
es selon l’art aussi bien que selon la nature ; car ce, radoteur
d’amour ressemble à un grand, dadais, qui se traîne
d’ici de là, tirant la langue, en cherchant.un trou où-carcher
son amusette.
|
MERCUTIO.
Why, is not this better now than groaning for love? Now art thou sociable, now
art thou Romeo; not art thou what thou art, by art as well as by nature. For
this drivelling love is like a great natural, that runs lolling up and down to
hide his bauble in a hole.
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BENVOLIO. — Arrête ici, arrête ici.
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BENVOLIO.
Stop there, stop there.
|
MERCUTIO. — Tu veux que j’arrête ma. description à la
partie la plus intéressante.
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MERCUTIO.
Thou desirest me to stop in my tale against the hair.
|
BENVOLIO. — Sans cela, tu l’aurais faite trop longue.
|
BENVOLIO.
Thou wouldst else have made thy tale large.
|
MERCUTIO. — Oh ! tu te trompes, je l’aurais faite courte :
car j’étais arrivé au fin fond de la chose, et je n’avais pas
l’intention de tenir le dé plus longtemps.
|
MERCUTIO.
O, thou art deceived; I would have made it short, for I was come to the whole
depth of my tale, and meant indeed to occupy the argument no longer.
|
Entrent LA NOURRICE et PIERRE.
|
Enter Nurse and
Peter.
|
ROMÉO. — Ah mais voilà un bel équipement ! (Apercevant
la nourrice.)
MERCUTIO. — Une voile, une voile, une voile!
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ROMEO.
Here’s goodly gear!
A sail, a sail!
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BENVOLIO. — Deux, deux ; une chemise et un jupon.
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MERCUTIO.
Two, two; a shirt and a smock.
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LA NOURRICE. — Pierre ?
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NURSE.
Peter!
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PIERRE. — Voilà !
|
PETER.
Anon.
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LA NOURRICE. — Mon éventail, Pierre.
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NURSE.
My fan, Peter.
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MERCUTIO. — Oui, mon bon Pierre, afin de cacher son
visage ; car son éventail est plus joli que son visage.
|
MERCUTIO.
Good Peter, to hide her face; for her fan’s the fairer face.
|
LA NOURRICE. — Bien le bonjour, Messires.
|
NURSE.
God ye good morrow, gentlemen.
|
MERCUTIO. — Bien le bonsoir, belle Madame.
|
MERCUTIO.
God ye good-den, fair gentlewoman.
|
LA NOURRICE. — Est-ce bonsoir, qu’il faut dire ?
|
NURSE.
Is it good-den?
|
MERCUTIO. — Ni plus, ni moins, je vous le déclare, caria
main de maquerelle de l’horloge dirige son.index vers midi.
|
MERCUTIO.
’Tis no less, I tell ye; for the bawdy hand of the dial is now upon the
prick of noon.
|
LA NOURRICE. — Fi ! quel homme êtes-vous donc ?
|
NURSE.
Out upon you! What a man are you?
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ROMÉO. — Un homme, Madame, que Dieu a fait pour
qu’il se fit tort à lui-même.
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ROMEO.
One, gentlewoman, that God hath made for himself to mar.
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LA NOURRICE. — Par ma foi, voilà qui est bien dit :
« pour qu’il se fît toit à lui-même, » a-t-il dit ? Messires,
quelqu’un de vous peut-il me dire où je trouverai
le jeune Roméo ?
|
NURSE.
By my troth, it is well said; for himself to mar, quoth a? Gentlemen, can any
of you tell me where I may find the young Romeo?
|
ROMÉO. — Je puis vous, le dire ; mais le jeune Roméo
sera plus vieux lorsque vous l’aurez trouvé, que lorsque
vous l’aurez cherche : je suis le plus jeune de ce nom,
faute d’un pire.
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ROMEO.
I can tell you: but young Romeo will be older when you have found him than he
was when you sought him. I am the youngest of that name, for fault of a worse.
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LA NOURRICE. — Vous dites bien.
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NURSE.
You say well.
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MERCUTIO. — Oui-da, est-ce que le pire est bien ? Très
bien riposté, ma foi ; spirituel, très-spirituel.
|
MERCUTIO.
Yea, is the worst well? Very well took, i’faith; wisely, wisely.
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LA NOURRICE. — Si c’est vous, Messire, je désire vous
dire un mot en confidence.
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NURSE.
If you be he, sir, I desire some confidence with you.
|
BENVOLIO. — El !e va l’induire en quelque souper.
|
BENVOLIO.
She will endite him to some supper.
|
MERCUTIO. — Une maquerelle, Une maquerelle, une maquerelle !
taiaut !
|
MERCUTIO.
A bawd, a bawd, a bawd! So ho!
|
ROMÉO. — Qu’est-ce que lu as fait lever ?
|
ROMEO.
What hast thou found?
|
MERCUTIO. — Ce n’est pas un lièvre, Messire, à moins
que ce ne soit un lièvre en pâté de carême, qui a quelque
peu pris la barbe avant qu’on ait eu le temps de le
finir, Messire. (Il chante.)
Un vieux lièvre à barbe,
Un vieux lièvre à barbe,
Est un bon mets en temps de carême ;
Mais un lièvre à barba,
Est trop pour la force de vingt personnes,
S’il prend la barbe avant d’être mangé.
Roméo, venez-vous chez votre père ? nous y allons
dîner.
|
MERCUTIO.
No hare, sir; unless a hare, sir, in a lenten pie, that is something stale
and hoar ere it be spent.
[Sings.]
An old hare hoar,
And an old hare hoar,
Is very good meat in Lent;
But a hare that is hoar
Is too much for a score
When it hoars ere it be spent.
Romeo, will you come to your father’s? We’ll to dinner thither.
|
ROMÉO. — vous suis.
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ROMEO.
I will follow you.
|
MERCUTIO. — Adieu, ancienne Dame, adieu. (Il chante.)
Madame, Madame, Madame (Sortent Mercutio et
Benvolio.)
|
MERCUTIO.
Farewell, ancient lady; farewell, lady, lady, lady.
[Exeunt Mercutio and
Benvolio.]
|
LA NOURRICE. — S’il vous plaît, Messire, quel est ce
marchand impertinent qui tient boutique si bien montée
en sottises ?
|
NURSE.
I pray you, sir, what saucy merchant was this that was so full of his ropery?
|
ROMÉO. — Un gentilhomme qui aime à s’entendre parler,
nourrice, et qui dit plus de paroles en une minute
qu’il n’en écouté en un mois.
|
ROMEO.
A gentleman, Nurse, that loves to hear himself talk, and will speak more in a
minute than he will stand to in a month.
|
LA NOURRICE. — S’il s’avise de dire quelque chose
contre moi, je l’arrangerai de la belle façon, quand il
serait plus railleur qu’il ne l’est, lui et vingt Jacquots de
son espèce ; et si je ne le puis pas par moi-même, je trouverai
qui le pourra. Méchant drôle ! je ne suis pas une de
ses coureuses, moi ; je ne suis pas une de ses associées,
moi. — Et toi, tu es là à rester coi, et tu permets que le
premier drôle venu en use avec moi à son plaisir ?
|
NURSE.
And a speak anything against me, I’ll take him down, and a were lustier
than he is, and twenty such Jacks. And if I cannot, I’ll find those that
shall. Scurvy knave! I am none of his flirt-gills; I am none of his
skains-mates.—And thou must stand by too and suffer every knave to use me
at his pleasure!
|
PIERRE. — Je n’ai vu personne en user avec vous à son
plaisir ; si je l’avais vu, mon arme aurait été bien vite
dehors, je vous en réponds : je dégaine tout aussi vite
qu’un autre, quand j’en vois l’occasion dans une querelle
juste et que j’ai la loi de mon côté.
|
PETER.
I saw no man use you at his pleasure; if I had, my weapon should quickly have
been out. I warrant you, I dare draw as soon as another man, if I see occasion
in a good quarrel, and the law on my side.
|
LA NOURRICE. — Vrai, j’en jure par Dieu, je suis tellement
hors de moi que tout mon corps en tremble.
Méchant drôle ! — Je vous en prie, Messire, un mot
comme je vous le disais, ma jeune maîtresse m’a ordonné
de vous chercher ; ce qu’elle m’a commandé de vous dire,
je le garderai pour moi : mais d’abord, laissez-moi vous
prévenir que si vous la conduisiez dans le paradis des fous,
comme on dit, ce serait une très-méchante, conduite,
comme on dit, car la Dame est jeune et par conséquent,
si vous aviez double jeu avec elle, ce, serait une vilaine.
chose que vous feriez envers une Dame et une façon d’agir
qui ne serait pas bien du tout.
|
NURSE.
Now, afore God, I am so vexed that every part about me quivers. Scurvy knave.
Pray you, sir, a word: and as I told you, my young lady bid me enquire you out;
what she bade me say, I will keep to myself. But first let me tell ye, if ye
should lead her in a fool’s paradise, as they say, it were a very gross
kind of behaviour, as they say; for the gentlewoman is young. And therefore, if
you should deal double with her, truly it were an ill thing to be offered to
any gentlewoman, and very weak dealing.
|
ROMÉO. — Nourrice, recommande- moi à ta Dame et
maîtresse. Je le jure....
|
ROMEO. Nurse, commend me to thy lady and mistress. I protest unto
thee,—
|
LA NOURRICE. — Bon cœur ! Oui, ma foi, je le lui dirai :
Seigneur, Seigneur, qu’elle sera joyeuse.
|
NURSE.
Good heart, and i’faith I will tell her as much. Lord, Lord, she will be
a joyful woman.
|
ROMÉO. — Que lui diras-tu, nourrice ? tu ne m’écoutes
pas.
|
ROMEO.
What wilt thou tell her, Nurse? Thou dost not mark me.
|
LA NOURRICE. — Je lui dirai, Messire, que vous jurez ;
ce qui si je comprends bien, est une promesse de gentilhomme ;
|
NURSE.
I will tell her, sir, that you do protest, which, as I take it, is a
gentlemanlike offer.
|
ROMÉO. — Dis-lui de trouver quelque moyen d’aller
cette après-midi à confesse, et ellé sera confessée et mariée
dans la cellule du frère Laurent. Voici pour tes
peines.
|
ROMEO.
Bid her devise
Some means to come to shrift this afternoon,
And there she shall at Friar Lawrence’ cell
Be shriv’d and married. Here is for thy pains.
|
LA NOURRICE. — Non vraiment, Messire, pas un sou.
|
NURSE.
No truly, sir; not a penny.
|
ROMÉO. — Allons-donc, je te dis de prendre.
|
ROMEO.
Go to; I say you shall.
|
LA NOURRICE. — Cette après-midi, Messire ? bon, elle y
sera.
|
NURSE.
This afternoon, sir? Well, she shall be there.
|
ROMÉO. — Et toi, bonne nourrice ; tiens-toi derrière,
le mur de l’abbaye : mon valet t’y rejoindra à-cette :
même heure, et t’apportera, urne échelle de corde qui
me servira d’escalier pour monter, dans le secret de là
nuit, au faite suprême de mon bonheur. Adieu ! — sois
fidéle, et je récompenserai tes services : adieu!
— recommande-moi à ta maîtresse.
|
ROMEO.
And stay, good Nurse, behind the abbey wall.
Within this hour my man shall be with thee,
And bring thee cords made like a tackled stair,
Which to the high topgallant of my joy
Must be my convoy in the secret night.
Farewell, be trusty, and I’ll quit thy pains;
Farewell; commend me to thy mistress.
|
LA NOURRICE. — Allons, que le Dieu du ciel te bénisse ?
— Écoutez un peu, Messire.
|
NURSE.
Now God in heaven bless thee. Hark you, sir.
|
ROMÉO. — Qu’as-tu à me dire, ma bonne nourrice ?
|
ROMEO.
What say’st thou, my dear Nurse?
|
LA NOURRICE. — Votre valet est-il discret ? N’avez-vous
jamais entendu dire que deux hommes gardent bien leur
secret quand-ils mettent un d’eux de côté ?
|
NURSE.
Is your man secret? Did you ne’er hear say,
Two may keep counsel, putting one away?
|
ROMÉO. — Je te réponds de lui ; mon valet est fidèle
comme l’acier.
|
ROMEO.
I warrant thee my man’s as true as steel.
|
LA NOURRICE. — Bien, Messire ; ma maîtresse est la plus
charmante Dame.... Seigneur ! Seigneur ! quand elle vous
était un petit être babillard.... Oh, il y a dans la ville,
un noble, un certain Paris, qui voudrait bien monter
à l’abordage, armes en avant ; mais elle, la bonne âme,
aimerait pétant voir un crapaud, un vrai crapaud, que
le voir. Je la fais mettre quelquefois en colère, en lui
disant que Paris est l’homme qui lui convient le mieux ;
mais je vous le déclare, quand je lui dis cela, elle devient
pâle comme le linge le plus blanc du monde entier. Est ce
que Romarin et Roméo ne commencent pas ; tous deux
par la même lettre?
|
NURSE.
Well, sir, my mistress is the sweetest lady. Lord, Lord! When ’twas a
little prating thing,—O, there is a nobleman in town, one Paris, that
would fain lay knife aboard; but she, good soul, had as lief see a toad, a very
toad, as see him. I anger her sometimes, and tell her that Paris is the
properer man, but I’ll warrant you, when I say so, she looks as pale as
any clout in the versal world. Doth not rosemary and Romeo begin both with a
letter?
|
ROMÉO. — Oui, nourrice ; qu’est-ce que tu veux en
conclure ? tous deux commencent par un R.
|
ROMEO.
Ay, Nurse; what of that? Both with an R.
|
LA NOURRICE. — Ah, moqueur c’est le nom du chien ;
R commence Roquet. Mais je sais bien moi que ça com,
mence par une autre lettre, et elle tient de si jolis, propos
sur vous et le : romarin que ça vous ferait du bien à entendre.
|
NURSE.
Ah, mocker! That’s the dog’s name. R is for the—no, I know it
begins with some other letter, and she hath the prettiest sententious of it, of
you and rosemary, that it would do you good to hear it.
|
ROMÉO. — Recommande moi à ta Dame.
|
ROMEO.
Commend me to thy lady.
|
LA NOURRICE. — Oui, mille fois. (Sort Roméo) : Pierre !
|
NURSE.
Ay, a thousand times. Peter!
[Exit Romeo.]
|
PIERRE. — Voilà !
|
PETER.
Anon.
|
LA NOURRICE. — Passe devant et marchons vite. (Ils
sortent.)
|
NURSE.
Before and apace.
[Exeunt.]
|
SCÈNE V
|
SCENE V.
|
Le jardin de CAPULET.
|
Capulet’s Garden.
|
Entre JULIETTE.
|
Enter Juliet.
|
JULIETTE. — L’horloge sonnait neuf heures lorsque j’ai
fait partir la nourrice : elle m’avait promis d’être de retour
dans une demi-heure. Peut-être ne peut-elle pas le
trouver : — mais non, cela n’est pas. — Oh ! elle est boiteuse !
les hérauts de l’amour devraient être les pensées qui
courent dix fois plus vite que les rayons du soleil repoussant
les ombres sur les cimes des collines sombres :
c’est pourquoi ce sont des colombes aux ailes agiles que
traînent l’Amour, et c’est pourquoi Cupidon rapide
comme le vent, porte des ailes. Le soleil a maintenant
atteint le point culminant de son, voyage de ce jour : de
neuf heures à midi il ya trois longues heures, et elle n’est,
pas encore revenue. Si elle avait les affections et le sang
chaud de la jeunesse, elle serait dans -ses mouvements
aussi rapide qu’une balle ; mes paroles la lanceraient
droit à mon doux amour, et ses paroles, à lui, la relanceraient
vers moi. Mais ces vieilles gens, on dirait que pour
la plupart ils sont morts ; le plomb n’est pas plus difficile
à remuer, plus lourd, plus lent, plus pâle. Ô Dieu, la
voici !
|
JULIET.
The clock struck nine when I did send the Nurse,
In half an hour she promised to return.
Perchance she cannot meet him. That’s not so.
O, she is lame. Love’s heralds should be thoughts,
Which ten times faster glides than the sun’s beams,
Driving back shadows over lowering hills:
Therefore do nimble-pinion’d doves draw love,
And therefore hath the wind-swift Cupid wings.
Now is the sun upon the highmost hill
Of this day’s journey, and from nine till twelve
Is three long hours, yet she is not come.
Had she affections and warm youthful blood,
She’d be as swift in motion as a ball;
My words would bandy her to my sweet love,
And his to me.
But old folks, many feign as they were dead;
Unwieldy, slow, heavy and pale as lead.
|
Entrent LA NOURRICE et PIERRE.
|
Enter Nurse and
Peter.
|
JULIETTE. — ma douce nourrice, quelles nouvelles ?
l’as-tu rencontré ? renvoie ton valet.
|
O God, she comes. O honey Nurse, what news?
Hast thou met with him? Send thy man away.
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LA NOURRICE. — Pierre, attends à la porte. (Pierre sort.)
|
NURSE.
Peter, stay at the gate.
[Exit Peter.]
|
JULIETTE. — E-h bien, ma bonne et aimable nourrice,
voyons. Seigneur, pourquoi cet air triste ? sites nouvelles
sont tristes, dis-les-moi rondement et avec entrain,
malgré tout : mais si elles sont bonnes, tu fausses la musique
des douces nouvelles, en.me la jouant avec une physionomie
si aigre.
|
JULIET.
Now, good sweet Nurse,—O Lord, why look’st thou sad?
Though news be sad, yet tell them merrily;
If good, thou sham’st the music of sweet news
By playing it to me with so sour a face.
|
LA NOURRICE. — Je n’en puis plus ; donnez-moi quelques
minutes : — ah ! comme mes os sont moulus ! quelle
course il m’a fallu faire !
|
NURSE.
I am aweary, give me leave awhile;
Fie, how my bones ache! What a jaunt have I had!
|
JULIETTE. — Je voudrais, te donner mes os et que tu me
donnasses tes nouvelles : allons, voyons, parle, je t’en
prie ; — bonne, bonne nourrice, parle.
|
JULIET.
I would thou hadst my bones, and I thy news:
Nay come, I pray thee speak; good, good Nurse, speak.
|
LA NOURRICE. — Jésus, quelle hâte ! ne pouvez-vous
attendre un instant ? Ne voyez-vous pas que je suis hors
d’haleine ?
|
NURSE.
Jesu, what haste? Can you not stay a while?
Do you not see that I am out of breath?
|
JULIETTE. — Comment es-tu hors d’haleine, lorsque
tu as assez d’haleine pour me dire que tu es hors d’haleine ?
l’excuse que tu me fais pour ce retard est plus
longue que le rapport que tu t’excuses de ne pas faire.
Tes nouvelles sont-elles bonnes ou mauvaises ? réponds à
cela ; dis quelles elles sont d’un mot, j’attendrai les
détails : voyons, fais-moi ce plaisir : sont-elles bonnes ou
mauvaises ?
|
JULIET.
How art thou out of breath, when thou hast breath
To say to me that thou art out of breath?
The excuse that thou dost make in this delay
Is longer than the tale thou dost excuse.
Is thy news good or bad? Answer to that;
Say either, and I’ll stay the circumstance.
Let me be satisfied, is’t good or bad?
|
LA NOURRICE. — Bon ! vous avez fait un choix ordinaire ;
vous ne savez pas choisir un homme Roméo ! non, non, ce
n’était pas là l’homme. Sa figure, il est vrai, est plus jolie
que celle de n’importe qui, mais ses jambes l’emportent
sur celles de tout le monde ; quant à la main, au pied, à
la taille, quoiqu’il n’y ait pas à en parler, tout cela est
au-dessus de toute comparaison : il n’est pas la fleur de la
courtoisie ; mais je le garantis aussi doux qu’un agneau.
Va ton chemin, fillette ; sers Dieu. — Eh bien, avez-vous
déjà dîné, à la maison ?
|
NURSE.
Well, you have made a simple choice; you know not how to choose a man. Romeo?
No, not he. Though his face be better than any man’s, yet his leg excels
all men’s, and for a hand and a foot, and a body, though they be not to
be talked on, yet they are past compare. He is not the flower of courtesy, but
I’ll warrant him as gentle as a lamb. Go thy ways, wench, serve God.
What, have you dined at home?
|
JULIETTE. — Non, non : mais je savais déjà tout ce que
tu me dis ; que dit— il le notre mariage ? qu’en dit-il ?
|
JULIET.
No, no. But all this did I know before.
What says he of our marriage? What of that?
|
LA NOURRICE. — Seigneur, comme ma tête me fait mal !
quelle tête ai-je donc ? elle bat comme si elle allait se casser
en vingt morceaux. Et mon dos, de l’autre côté : — oh
mon dos, mon dos ! — Diable soit de vous pour m’avoir
envoyée chercher ma mort, en me faisant courir par monts
et par vaux !
|
NURSE.
Lord, how my head aches! What a head have I!
It beats as it would fall in twenty pieces.
My back o’ t’other side,—O my back, my back!
Beshrew your heart for sending me about
To catch my death with jauncing up and down.
|
JULIETTE. — Sur ma foi, je suis désolée que tu ne sois
pas bien : Douce, douce, douce nourrice ; que dit mon
amour ? apprends-le-moi.
|
JULIET.
I’faith, I am sorry that thou art not well.
Sweet, sweet, sweet Nurse, tell me, what says my love?
|
LA NOURRICE. — Votre amour dit, comme un honnête
gentilhomme, comme un courtois, un tendre, un beau, et,
je le garantis, un vertueux.... — Où est votre mère ?
|
NURSE.
Your love says like an honest gentleman,
And a courteous, and a kind, and a handsome,
And I warrant a virtuous,—Where is your mother?
|
JULIETTE. — Où est ma mère ? — Parbleu, elle est dans.,
la maison ; où pourrait-elle être ? Quelle singulière réponse
tu me fais : « Votre amour dit comme un honnête gentilhomme,
— où est votre mère ? »
|
JULIET.
Where is my mother? Why, she is within.
Where should she be? How oddly thou repliest.
‘Your love says, like an honest gentleman,
‘Where is your mother?’
|
LA NOURRICE. — Ah, sainte mère de Dieu ! êtes-vous aussi
bouillante que cela ? parbleu, débordez, alors. Si c’est là
le cataplasme que vous appliquez sur mes os malades, vous
pourrez désormais faire vos messages vous-même.
|
NURSE.
O God’s lady dear,
Are you so hot? Marry, come up, I trow.
Is this the poultice for my aching bones?
Henceforward do your messages yourself.
|
JULIETTE. — En voilà un galimatias ! Voyons que dit
Roméo ?
|
JULIET.
Here’s such a coil. Come, what says Romeo?
|
LA NOURRICE. — Avez-vous obtenu la permission d’aller
à confesse aujourd’hui ?
|
NURSE.
Have you got leave to go to shrift today?
|
JULIETTE. — Oui.
|
JULIET.
I have.
|
LA NOURRICE. — Alors rendez-vous à la cellule du frère
Laurent ; un époux vous y attend pour faire de vous une
femme. Ah bien, voilà ce coquin de sang qui vous monteaux joues. ;
elles vont bientôt devenir écarlates à la moindre
nouvelle. Rendez-vous à l’église j’irai par un autre
chemin chercher une échelle qui doit servir à votre amour
pour grimper jusqu’à un nid d’oiseau aussitôt qu’il fera
nuit : moi, je suis l’esclave, et je travaille pour vos plaisirs ;
mais vous porterez bientôt le fardeau cette nuit. Allons,
je vais aller dîner ; vite à la cellule.
|
NURSE.
Then hie you hence to Friar Lawrence’ cell;
There stays a husband to make you a wife.
Now comes the wanton blood up in your cheeks,
They’ll be in scarlet straight at any news.
Hie you to church. I must another way,
To fetch a ladder by the which your love
Must climb a bird’s nest soon when it is dark.
I am the drudge, and toil in your delight;
But you shall bear the burden soon at night.
Go. I’ll to dinner; hie you to the cell.
|
JULIETTE. — Vite au bonheur suprême ! honnête nourrice,
adieu. (Elles sortent.)
|
JULIET.
Hie to high fortune! Honest Nurse, farewell.
[Exeunt.]
|
ACTE III.
|
ACT III
|
SCÈNE : PREMIÈRE.
|
SCENE I.
|
Une place publique.
|
A public Place.
|
Entrent MERCUTIO, BENVOLIO, UN PAGE,
et DES VALETS.
|
Enter Mercutio, Benvolio, Page and
Servants.
|
BENVOLIO. — Je t’en prie, mon bon Mercutio, retirons
nous : la journée est chaude, les capulets. sont sortis d’ans
la ville, et si nous les rencontrons, nous n’éviterons pas
une querelle car par ces jours de canicule, le sang affolé,
se met vite en mouvement.
|
BENVOLIO.
I pray thee, good Mercutio, let’s retire:
The day is hot, the Capulets abroad,
And if we meet, we shall not scape a brawl,
For now these hot days, is the mad blood stirring.
|
MERCUTIO. — Tu ressembles à un de ces camarades qui,
lorsqu’ils entrent dans une taverne, commencent par dé
poser leur épée sur la table, en disant : « Dieu veuille que
je n’en aie pas besoin ! » et qui, dès que la seconde rasade
opère, la tirent contre le garçon, lorsqu’en effet il n’en
est aucun besoin.
|
MERCUTIO.
Thou art like one of these fellows that, when he enters the confines of a
tavern, claps me his sword upon the table, and says ‘God send me no need
of thee!’ and by the operation of the second cup draws him on the drawer,
when indeed there is no need.
|
BENVOLIO. — Est ce que je suis un de ces hommes
là ?
|
BENVOLIO.
Am I like such a fellow?
|
MERCUTIO. — Allons, allons, tu es dans ton genre un
bonhomme aussi emporté qu’il en soit en Italie, et tu es
aussi facilement excité à là mauvaise humeur, que tu es
facilement de mauvaise humeur d’être excité.
|
MERCUTIO.
Come, come, thou art as hot a Jack in thy mood as any in Italy; and as soon
moved to be moody, and as soon moody to be moved.
|
BENVOLIO. — Et quoi encore ?
|
BENVOLIO.
And what to?
|
MERCUTIO. — Parbleu ! s’il y avait deux personnes telles
que toi, nous n’en aurions, bien tôt. plus aucune des deux,
car-elles se tueraient mutuellement. Toi ! mais parbleu, lu
vas te quereller avec un homme qui a dans sa barbe un
poil de plus, où un poil de moins que toi. Tu vas te quereller
avec un. homme qui casse des noix, sans autre
raison sinon que tu as les yeux couleur de noisette : quel
autre œil, qu’un œil comme celui-là, découvrirait là un
sujet de querelle ? Ta tête est aussi pleine de querelles
qu’un œuf est plein de nourriture ; et cependant, à force
de querelles, ta tète a été cassée comme un œuf qu’on a
vidé. Tu t’es querellé avec un homme qui toussait dans la
rue, parce qu’il avait réveillé ton chien qui dormait étendu
au soleil. N’es-tu pas tombé sur un tailleur, parce qu’il
portait son pourpoint neuf avant Pâques ? sur un autre,
parte qu’il attachait ses souliers neufs avec de vieux rubans ?
Et tu viens me sermonner sur le chapitre des querelles !
|
MERCUTIO.
Nay, an there were two such, we should have none shortly, for one would kill
the other. Thou? Why, thou wilt quarrel with a man that hath a hair more or a
hair less in his beard than thou hast. Thou wilt quarrel with a man for
cracking nuts, having no other reason but because thou hast hazel eyes. What
eye but such an eye would spy out such a quarrel? Thy head is as full of
quarrels as an egg is full of meat, and yet thy head hath been beaten as addle
as an egg for quarrelling. Thou hast quarrelled with a man for coughing in the
street, because he hath wakened thy dog that hath lain asleep in the sun. Didst
thou not fall out with a tailor for wearing his new doublet before Easter? with
another for tying his new shoes with an old riband? And yet thou wilt tutor me
from quarrelling!
|
BENVOLIO. — Si j’étais aussi prompt à me quereller
que toi, je céderais au premier venu la propriété pure
et simple de ma vie pour une heure et quart d’existence.
|
BENVOLIO.
And I were so apt to quarrel as thou art, any man should buy the fee simple of
my life for an hour and a quarter.
|
MERCUTIO. — La propriété pure et simple ? ô homme
simple !
|
MERCUTIO.
The fee simple! O simple!
|
Entrent TEBALDO et autres.
|
Enter Tybalt and others.
|
BENVOLIO. — Par ma tête, voici les Capulets.
|
BENVOLIO.
By my head, here comes the Capulets.
|
MERCUTIO. — Par mes talons, je n’en ai souci.
|
MERCUTIO.
By my heel, I care not.
|
TEBALDO. — Suivez-moi de près, car je vais leur par1er.
— Bonjour, Messires j’ai un mol à dire à l’un de
vous.
|
TYBALT.
Follow me close, for I will speak to them.
Gentlemen, good-den: a word with one of you.
|
MERCUTIO. Bien qu’un mot à dire, et à un seul, de
nous encore ? Ne pourriez-vous accoupler ce mot à
quelque autre chose, et faire de cela un mot et une
botte ?
|
MERCUTIO.
And but one word with one of us? Couple it with something; make it a word and
a blow.
|
TEBALDO. — Vous m’y trouverez facilement disposé,
Messire, si vous m’en donnez occasion.
|
TYBALT.
You shall find me apt enough to that, sir, and you will give me occasion.
|
MERCUTIO. — Ne pourriez-vous pas prendre cette occasion,
sans que je vous la donne ?
|
MERCUTIO.
Could you not take some occasion without giving?
|
TEBALDO. — Mercutio, tu t’accordes avec Roméo....
|
TYBALT.
Mercutio, thou consortest with Romeo.
|
MERCUTIO. — Je m’accorde ! qu’est-ce à dire ? Vas-tu
nous prendre pour des ménétriers ? si tu nous prends
pour des ménétriers, attends-toi à ne rien entendre que
des discordances voici mon archet ; voici qui vous fera
danser. Qu’est-ce à dire, je m’accorde !
|
MERCUTIO.
Consort? What, dost thou make us minstrels? And thou make minstrels of us, look
to hear nothing but discords. Here’s my fiddlestick, here’s that
shall make you dance. Zounds, consort!
|
BENVOLIO. — Nous parlons ici dans un lieu public
et fréquenté : retirons-nous dans quelque endroit particulier,
ou bien expliquez-vous froidement sur vos griefs,
ou bien séparons-nous ; ici tous les yeux nous regardent.
|
BENVOLIO.
We talk here in the public haunt of men.
Either withdraw unto some private place,
And reason coldly of your grievances,
Or else depart; here all eyes gaze on us.
|
MERCUTIO. — Les yeux des gens furent faits pour regarder,
qu’ils regardent donc ; je ne bougerai pas pour
faire plaisir à qui que ce soit, moi.
|
MERCUTIO.
Men’s eyes were made to look, and let them gaze.
I will not budge for no man’s pleasure, I.
|
Entre ROMÉO.
|
Enter Romeo.
|
TEBALDO. — Bien, la paix soit avec vous, Messire ! voici
venir mon homme.
|
TYBALT.
Well, peace be with you, sir, here comes my man.
|
MERCUTIO. — Mais je veux bien être pendu, Messire,
s’il porte votre livrée : parbleu, précédez-le sur le terrain,
il y, sera votre suivant ; dans ce sens-là, Votre Honneur
peut l’appeler son homme.
|
MERCUTIO.
But I’ll be hanged, sir, if he wear your livery.
Marry, go before to field, he’ll be your follower;
Your worship in that sense may call him man.
|
TEBALDO. — Roméo, je t’aime tant que je ne puis te
l’exprimer avec plus de modération qu’en le disant : tu
es un scélérat.
|
TYBALT.
Romeo, the love I bear thee can afford
No better term than this: Thou art a villain.
|
ROMÉO. — Tebaldo, j’ai des raisons de t’aimer qui modèrent
singulièrement la colère qu’un pareil salut devrait
soulever : je ne suis pas un scélérat ; adieu donc, je vois
que tu ne me connais pas.
|
ROMEO.
Tybalt, the reason that I have to love thee
Doth much excuse the appertaining rage
To such a greeting. Villain am I none;
Therefore farewell; I see thou know’st me not.
|
TEBALDO. — Bambin, cela ne peut excuser les injures
que tu m’as faites ; en conséquence, retourne-toi et dégaine.
|
TYBALT.
Boy, this shall not excuse the injuries
That thou hast done me, therefore turn and draw.
|
ROMÉO. — Je déclare que je ne t’ai jamais fait injure,
et je t’aime plus que tu ne peux l’imaginer ; plus tard, tu
connaîtras la raison de mon amour : ainsi, mon bon Capulet,
— et ce nom je le tiens pour aussi cher que le mien
propre, — tiens-toi pour satisfait.
|
ROMEO.
I do protest I never injur’d thee,
But love thee better than thou canst devise
Till thou shalt know the reason of my love.
And so good Capulet, which name I tender
As dearly as mine own, be satisfied.
|
MERCUTIO. — calme, déshonnête, vile soumission !
Messire de l’estocade reste maître du terrain ! (Il dégaine.)
Tebaldo, tueur de. rats, voulez-vous faire un tour ?
|
MERCUTIO.
O calm, dishonourable, vile submission!
[Draws.] Alla stoccata carries it away.
Tybalt, you rat-catcher, will you walk?
|
TEBALDO. — Que yeux-tu de moi ?
|
TYBALT.
What wouldst thou have with me?
|
MERCUTIO. — Rien qu’une de vos neuf existences, mon
bon roi des chats ; voilà ce dont je prétends m’emparer,
et quant aux huit autres, je me réserve, de les rosser à
plate couture, selon votre conduite future à mon égard.
Voulez-vous tirer votre épée de son étui par les oreilles ?
Dépêchez-vous, ou bien la mienne ira caresser vos oreilles,
à vous, avant que la vôtre soit sortie.
|
MERCUTIO.
Good King of Cats, nothing but one of your nine lives; that I mean to make bold
withal, and, as you shall use me hereafter, dry-beat the rest of the eight.
Will you pluck your sword out of his pilcher by the ears? Make haste, lest mine
be about your ears ere it be out.
|
TEBALDO. — Je suis votre homme. (Il dégaine.)
|
TYBALT.
[Drawing.] I am for you.
|
ROMÉO. — Cher Mercutio, remets la rapière au fourreau.
|
ROMEO.
Gentle Mercutio, put thy rapier up.
|
MERCUTIO. — Allons, Messire, vôtre passade. (Ils se
battent.)
|
MERCUTIO.
Come, sir, your passado.
[They fight.]
|
ROMÉO. — Dégaine, Benvolio- ; force-les à baisser leurs
épées. Par pudeur, gentilshommes, évitez ce scandale ! —
Tebaldo, — Mercutio, — le prince a expressément, défendu
les rixes dans les rues de Vérone. — Arrête, Tebaldo !mon
bon Mercutio.... (Sortent Tebaldo et ses partisans.)
|
ROMEO.
Draw, Benvolio; beat down their weapons.
Gentlemen, for shame, forbear this outrage,
Tybalt, Mercutio, the Prince expressly hath
Forbid this bandying in Verona streets.
Hold, Tybalt! Good Mercutio!
[Exeunt Tybalt with his
Partizans.]
|
MERCUTIO. — Je suis blessé. La peste soit de vos deux
maisons ! — J’ai mon compte : — et lui, est-ce qu’il est
parti, et-sans la moindre blessure ?
|
MERCUTIO.
I am hurt.
A plague o’ both your houses. I am sped.
Is he gone, and hath nothing?
|
BENVOLIO. — Comment ! est-ce que tu es blessé ?
|
BENVOLIO.
What, art thou hurt?
|
MERCUTIO. — Oui, oui, une égratignure, une égratignure ;
mais parbleu, elle est suffisante. — Où est ; mon
page ? — Va, maraud, va me chercher un chirurgien.
(Sort le page.)
|
MERCUTIO.
Ay, ay, a scratch, a scratch. Marry, ’tis enough.
Where is my page? Go villain, fetch a surgeon.
[Exit Page.]
|
ROMÉO. — Courage, ami ; la blessure ne peut être dangereuse.
|
ROMEO.
Courage, man; the hurt cannot be much.
|
MERCUTIO. — Non, elle n’est pas aussi profonde qu’un
puits, ni aussi large qu’un portail d’église ; mais c’est égal,
elle suffira. Venez me demander demain, et vous trouverez
en moi un homme sérieux comme un cimetière. Je,
suis poivré pour ce monde-ci, je vous le déclare : — la peste
soit de vos deux maisons — Mordieu, un chien, un rat, une
souris, un chat, pourfendre ainsi un homme à mort ! Un
fanfaron, un coquin, un drôle qui se bat avec la précision
de l’arithmétique! Pourquoi diable vous êtes-vous mis
entre nous deux ? j’ai été blessé sous votre bras.
|
MERCUTIO.
No, ’tis not so deep as a well, nor so wide as a church door, but
’tis enough, ’twill serve. Ask for me tomorrow, and you shall find
me a grave man. I am peppered, I warrant, for this world. A plague o’
both your houses. Zounds, a dog, a rat, a mouse, a cat, to scratch a man to
death. A braggart, a rogue, a villain, that fights by the book of
arithmetic!—Why the devil came you between us? I was hurt under your arm.
|
ROMÉO. — Ce que j’ai fait, je l’ai fait pour le mieux.
|
ROMEO.
I thought all for the best.
|
MERCUTIO. — Aide-moi à me traîner vers quelque maison,
Benvolio, ou je vais m’évanouir : la peste soit de vos
deux maisons ! filles ont fait de moi pâture pour les vers :
j’en tiens, et solidement encore. — Ah ! vos maisons !
(Sortent Mercutio et Benvolio.)
|
MERCUTIO.
Help me into some house, Benvolio,
Or I shall faint. A plague o’ both your houses.
They have made worms’ meat of me.
I have it, and soundly too. Your houses!
[Exeunt Mercutio and
Benvolio.]
|
ROMÉO. — Ce gentilhomme, le proche parent du
prince, mon ami le plus cher, c’est pour moi qu’il a
reçu cette, blessure mortelle ; ma réputation est atteinte
par l’outrage de Tebaldo, Tebaldo qui depuis une
heure, est mon cousin. — Ô douce Juliette, ta beauté
m’a efféminé, et a émoussé en mon âme le tranchant du
courage !
|
ROMEO.
This gentleman, the Prince’s near ally,
My very friend, hath got his mortal hurt
In my behalf; my reputation stain’d
With Tybalt’s slander,—Tybalt, that an hour
Hath been my cousin. O sweet Juliet,
Thy beauty hath made me effeminate
And in my temper soften’d valour’s steel.
|
Entre BENVOLIO.
|
Re-enter Benvolio.
|
BENVOLIO. — Roméo, Roméo, le brave Mercutio est
mort ! Cette âme vaillante qui tout à l’heure méprisait
trop prématurément la terre, vient de s’élancer vers les.
nuages.
|
BENVOLIO.
O Romeo, Romeo, brave Mercutio’s dead,
That gallant spirit hath aspir’d the clouds,
Which too untimely here did scorn the earth.
|
ROMÉO. — La noire fatalité de cette journée s’étendra
sur bien d’autres qui sont à venir : ce jour commence seulement
le malheur, d’autres l’achèveront.
|
ROMEO.
This day’s black fate on mo days doth depend;
This but begins the woe others must end.
|
Rentre TEBALDO,
|
Re-enter Tybalt.
|
BENVOLIO. — Voici le furieux Tebaldo qui revient.
|
BENVOLIO.
Here comes the furious Tybalt back again.
|
ROMÉO. — Vivant et triomphant ! et Mercutio tué !
Remonte au ciel, prudente mansuétude ; et toi, fureur à
l’œil enflammé, sois maintenant mon guide !
ROMÉO. — À cette heure, Tebaldo, reprends le scélérat
que lu m’as donné il y a un instant ; car l’âme de Mercutio
est à peu de distance au-dessus de nos têtes., et attend
que la tienne aille lui tenir compagnie : toi, ou
moi, ou tous les deux : nous devons le rejoindre.
|
ROMEO.
Again in triumph, and Mercutio slain?
Away to heaven respective lenity,
And fire-ey’d fury be my conduct now!
Now, Tybalt, take the ‘villain’ back again
That late thou gav’st me, for Mercutio’s soul
Is but a little way above our heads,
Staying for thine to keep him company.
Either thou or I, or both, must go with him.
|
TEBALDO. — Misérable bambin, qui étais ici-bas son camarade,
c’est toi qui vas aller le rejoindre.
|
TYBALT.
Thou wretched boy, that didst consort him here,
Shalt with him hence.
|
ROMÉO. — Voici qui en décidera. (Ils se battent ; Tebaldo
tombe.)
|
ROMEO.
This shall determine that.
[They fight; Tybalt falls.]
|
BENVOLIO. — Vite, Roméo, décampe ! les citoyens
accourent, et Tebaldo est tué : — ne reste donc pas
ainsi anéanti : — le prince va te condamner à mort, si lu
es pris : — hors d’ici ! — fuis ! — vite, vite !
|
BENVOLIO.
Romeo, away, be gone!
The citizens are up, and Tybalt slain.
Stand not amaz’d. The Prince will doom thee death
If thou art taken. Hence, be gone, away!
|
ROMÉO. — Oh ! je suis le plastron de la fortune !
|
ROMEO.
O, I am fortune’s fool!
|
BENVOLIO. — Pourquoi restes-tu ? (Sort Roméo.)
|
BENVOLIO.
Why dost thou stay?
[Exit Romeo.]
|
Entrent DES CITOYENS.
|
Enter Citizens.
|
PREMIER CITOYEN. — De quel côté s’est-il enfui, celui
qui a tué Mercutio ? Tebaldo, ce meurtrier, de quel côté
s’est-il enfui ?
|
FIRST CITIZEN.
Which way ran he that kill’d Mercutio?
Tybalt, that murderer, which way ran he?
|
BENVOLIO. — Le voici là couché, ce Tebaldo.
|
BENVOLIO.
There lies that Tybalt.
|
PREMIER CITOYEN. — Debout, Messire, venez avec moi ;
je vous l’ordonne au nom du prince, obéissez.
|
FIRST CITIZEN.
Up, sir, go with me.
I charge thee in the Prince’s name obey.
|
Entrent LE PRINCE avec sa suite, MONTAIGU, CAPULET,
LEURS FEMMES, et autres personnes.
|
Enter Prince, attended;
Montague, Capulet, their
Wives and others.
|
LE PRINCE. — Où sont les scélérats qui ont commencé
cette querelle ?
|
PRINCE.
Where are the vile beginners of this fray?
|
BENVOLIO. — Ô noble prince, je puis exposer toutes
les phases malheureuses de cette fatale querelle : voici
couché, tué par le jeune Roméo, l’homme qui avait tué
ton parent, le brave Mercutio.
|
BENVOLIO.
O noble Prince, I can discover all
The unlucky manage of this fatal brawl.
There lies the man, slain by young Romeo,
That slew thy kinsman, brave Mercutio.
|
MADONNA CAPULET. — Tebaldo, mon neveu !— fils
de mon frère ! prince ! neveu ! mari ! le sang de
mon cher neveu a été répandu ! — Prince, si tu es juste,
paye notre sang versé, en faisant couler celui de Montaigu.
— Oh, neveu, neveu !
|
LADY CAPULET.
Tybalt, my cousin! O my brother’s child!
O Prince! O husband! O, the blood is spill’d
Of my dear kinsman! Prince, as thou art true,
For blood of ours shed blood of Montague.
O cousin, cousin.
|
LE PRINCE. — Benvolio, qui a commencé cette sanglante
querelle ?
|
PRINCE.
Benvolio, who began this bloody fray?
|
BENVOLIO. — Tebaldo, ici étendu, tué par la main de
Roméo. Roméo lui a parlé en bons termes, l’a supplié de
réfléchir à l’insignifiance de la querelle, et lui a représenté
quel serait votre haut déplaisir : tout cela exprimé
d’une voix douce, avec de calmes regards, et en
fléchissant humblement le genou, n’a pu amener à composition
l’humeur querelleuse de Tebaldo, qui, souid à la
paix, n’a eu de cesse qu’il n’eût dirigé la pointe de son
épée contre la poitrine du hardi Mercutio ; celui-ci ;
tout aussi chaud que lui, dirige pointe contre pointe
meurtrière, et avec un courageux mépris s’efforce d’une
main de repousser la froide mort, et de l’autre de la
diriger contre Tebaldo dont la dextérité l’évite : Roméo crie
à haute voix : « Arrêtez, amis ! séparez-vous, amis ! » et
plus rapide que sa langue, son bras agile fait baisser leurs
pointes, fatales, en s’interposant entre eux ; par-dessous
son bras, un mauvais coup de Tebaldo va toucher la vie
de l’intrépide Mercutio : Tebaldo s’est alors enfui ; mais
un instant après il est revenu trouver Roméo, chez qui la
soif de la vengeance venait seulement de s’éveiller, et ils
ont tiré leurs épées avec la promptitude de l’éclair ; car
avant que je pusse dégainer pour les séparer, le bouillant
Tebaldo était déjà tué ; dès qu’il fut tombé, Roméo
tourna le dos et prit la fuite : si ce n’est pas là toute la
vérité, que Benvolio meure tout de suite.
|
BENVOLIO.
Tybalt, here slain, whom Romeo’s hand did slay;
Romeo, that spoke him fair, bid him bethink
How nice the quarrel was, and urg’d withal
Your high displeasure. All this uttered
With gentle breath, calm look, knees humbly bow’d
Could not take truce with the unruly spleen
Of Tybalt, deaf to peace, but that he tilts
With piercing steel at bold Mercutio’s breast,
Who, all as hot, turns deadly point to point,
And, with a martial scorn, with one hand beats
Cold death aside, and with the other sends
It back to Tybalt, whose dexterity
Retorts it. Romeo he cries aloud,
‘Hold, friends! Friends, part!’ and swifter than his tongue,
His agile arm beats down their fatal points,
And ’twixt them rushes; underneath whose arm
An envious thrust from Tybalt hit the life
Of stout Mercutio, and then Tybalt fled.
But by and by comes back to Romeo,
Who had but newly entertain’d revenge,
And to’t they go like lightning; for, ere I
Could draw to part them was stout Tybalt slain;
And as he fell did Romeo turn and fly.
This is the truth, or let Benvolio die.
|
MADONNA CAPULET. — C’est un parent de Montaigu ;
l’affection le pousse à mentir, il ne dit pas la vérité ; il
y a eu vingt d’entre eux engagés dans ce sinistre combat,
et il a fallu ces vingt individus pour mettre fin à une
seule existence. Je demande la justice que tu dois accorder,
prince ; Roméo a tué Tebaldo, il ne doit, pas être
permis à Roméo de vivre,
|
LADY CAPULET.
He is a kinsman to the Montague.
Affection makes him false, he speaks not true.
Some twenty of them fought in this black strife,
And all those twenty could but kill one life.
I beg for justice, which thou, Prince, must give;
Romeo slew Tybalt, Romeo must not live.
|
LE PRINCE. — Roméo l’a tué, et lui il avait tué Mercutio ;
qui doit maintenant payer le prix de son sang précieux ?
|
PRINCE.
Romeo slew him, he slew Mercutio.
Who now the price of his dear blood doth owe?
|
MONTAIGU. — Ce n’est pas Roméo, prince, il était
l’ami de Mercutio ; sa faute consiste simplement à avoir
exécuté ce que la loi aurait décidé, la mort de Tebaldo.
|
MONTAGUE.
Not Romeo, Prince, he was Mercutio’s friend;
His fault concludes but what the law should end,
The life of Tybalt.
|
LE PRINCE. — Et pour cette offense, nous l’exilons
immédiatement de cette ville, je me trouve intéressé
dans les faits et : gestes de vos haines, mon sang a coulé
pour vos féroces querelles ; mais je vous condamnerai à
une telle amende que vous vous, repentirez tous de la
perte que j’ai faite : je resterai sourd aux plaidoyers
et aux excuses ; ni larmes, ni prières ne rachèteront les
violations de là loi ; par conséquent, n’usez d’aucun de
ces moyens que Roméo parte d’ici en toute hâte, sinon
l’heure où il sera découvert sera la dernière de sa vie.
Emportez ce corps d’ici, et que notre volonté soit exécutée :
la clémence qui pardonne aux assassins n’est qu’une
meurtrière. (Ils sortent.)
|
PRINCE.
And for that offence
Immediately we do exile him hence.
I have an interest in your hate’s proceeding,
My blood for your rude brawls doth lie a-bleeding.
But I’ll amerce you with so strong a fine
That you shall all repent the loss of mine.
I will be deaf to pleading and excuses;
Nor tears nor prayers shall purchase out abuses.
Therefore use none. Let Romeo hence in haste,
Else, when he is found, that hour is his last.
Bear hence this body, and attend our will.
Mercy but murders, pardoning those that kill.
[Exeunt.]
|
SCÈNE II.
|
SCENE II.
|
Un appartement dans la demeure de CAPULET
|
A Room in Capulet’s House.
|
Entre JULIETTE.
|
Enter Juliet.
|
JULIETTE. — Galopez à pleine course vers le palais
de Phoebus, coursiers aux pieds de flamme ; un cocher
comme Phaéton vous aurait bien vite poussé, vers l’occident.,
et nous ramènerait immédiatement la nuit sombre.
Étends tes épais rideaux, nuit, prêtresse de
l’amour, afin que tout regard errant soit aveugle, et que
Roméo puisse sauter dans ces bras, sans qu’on le voie et
qu’on en parle. Les amants y voient assez pour accomplir
leurs rites amoureux à la lumière de leur propre
beauté d’ailleurs, si l’amour est aveugle, il.s’accorde d’autant
mieux avec la nuit. Viens, nuit complaisante, matrone
aux vêtements sévères, habillée tout de noir, et apprendsmoi
comment on s’y prend pour perdre une partie engagée
sur une paire de virginités immaculées : caché
de ton noir manteau mon sang vierge qui s’effarouche
sur mes joues, jusqu’à ce que le timide amour se soit
assez enhardi pour regarder l’accomplissement du sincère
amour comme un acte de simple pudeur. Viens, nuit !
viens, Roméo ! viens, toi qui seras le jour au sein de la
nuit, car tu reposeras sur les ailes de la nuit plus
blanc que la neige sur le dos d’un corbeau. Viens, nuit
charmante ; viens., aimable nuit au front sombre, donnemoi
mon. Roméo : et lorsqu’il mourra, prends-le, et
coupe-le en petites étoiles, et il rendra la face du ciel
si brillante, que le monde entier s’éprendra de la nuit,
et ne rendra plus aucun culte au gai soleil. Oh, ! j’ai,
acheté le palais d’un amour, mais je n’en ai pas encore
pris possession ; et moi, bien que je sois vendue, je ne
suis pas encore possédée : ce jour est pour moi aussi
ennuyeusement long, qu’est longue la nuit qui précède
une fête pour une impatiente enfant qui a de nouvelles
robes et ne peut encore les porter. — Oh ! voici ma
nourrice, elle m’apporte des nouvelles ; toute voix qui
prononce seulement le. nom de Roméo parle avec une
céleste éloquence.
|
JULIET.
Gallop apace, you fiery-footed steeds,
Towards Phoebus’ lodging. Such a waggoner
As Phaeton would whip you to the west
And bring in cloudy night immediately.
Spread thy close curtain, love-performing night,
That runaway’s eyes may wink, and Romeo
Leap to these arms, untalk’d of and unseen.
Lovers can see to do their amorous rites
By their own beauties: or, if love be blind,
It best agrees with night. Come, civil night,
Thou sober-suited matron, all in black,
And learn me how to lose a winning match,
Play’d for a pair of stainless maidenhoods.
Hood my unmann’d blood, bating in my cheeks,
With thy black mantle, till strange love, grow bold,
Think true love acted simple modesty.
Come, night, come Romeo; come, thou day in night;
For thou wilt lie upon the wings of night
Whiter than new snow upon a raven’s back.
Come gentle night, come loving black-brow’d night,
Give me my Romeo, and when I shall die,
Take him and cut him out in little stars,
And he will make the face of heaven so fine
That all the world will be in love with night,
And pay no worship to the garish sun.
O, I have bought the mansion of a love,
But not possess’d it; and though I am sold,
Not yet enjoy’d. So tedious is this day
As is the night before some festival
To an impatient child that hath new robes
And may not wear them. O, here comes my Nurse,
And she brings news, and every tongue that speaks
But Romeo’s name speaks heavenly eloquence.
|
Entre LA NOURRICE avec une échelle de cordes.
|
Enter Nurse, with cords.
|
JULIETTE. — Eh bien, nourrice, quelles nouvelles ?
Qu’est-ce que tu as là ? les cordes que Roméo t’avait
ordonné d’aller chercher ?
|
Now, Nurse, what news? What hast thou there?
The cords that Romeo bid thee fetch?
|
LA NOURRICE. — Oui, oui, les cordes. (Elle les jette à terre.)
|
NURSE.
Ay, ay, the cords.
[Throws them down.]
|
JULIETTE. — Hélas de moi ! quelles nouvelles m’apportes-tu ?
Qu’est-ce qui te fait tordre ainsi les mains ?
|
JULIET.
Ay me, what news? Why dost thou wring thy hands?
|
LA NOURRICE. — Ah, malheureux jour ! il est mort, il
est mort, il est mort ! Nous sommes perdues, Madame,
nous sommes perdues ! — Ah, malheureux jour ! — Il est
parti, il est mort, il est tué !
|
NURSE.
Ah, well-a-day, he’s dead, he’s dead, he’s dead!
We are undone, lady, we are undone.
Alack the day, he’s gone, he’s kill’d, he’s dead.
|
JULIETTE. — Le ciel peut-il être si envieux ?
|
JULIET.
Can heaven be so envious?
|
LA NOURRICE. — Roméo le peut, si le ciel ne le peut
pas — Roméo, Roméo ! qui jamais aurait pensé pareille
chose ? — Roméo !
|
NURSE.
Romeo can,
Though heaven cannot. O Romeo, Romeo.
Who ever would have thought it? Romeo!
|
JULIETTE. — Quel diable es-tu pour me tourmenter
ainsi ? La torture que tu m’infliges suffirait pour faire
rugir dans l’horrible enfer lui-même ? Est-ce que Roméo
s’est tué lui-même ? dis seulement, oui, et cotte
simple syllabe m’empoisonnera mieux que l’œil meurtrier
du basilic : je n’existe plus, si un tel oui a lieu d’exister,
et s’ils sont fermés au jour ces yeux dont la nuit te fera
me répondre oui. S’il est mort, dis-moi, oui ; s’il ne l’est
pas, dis-moi, non : que de courtes paroles décident de
mon bonheur ou dé mon malheur.
|
JULIET.
What devil art thou, that dost torment me thus?
This torture should be roar’d in dismal hell.
Hath Romeo slain himself? Say thou but Ay,
And that bare vowel I shall poison more
Than the death-darting eye of cockatrice.
I am not I if there be such an I;
Or those eyes shut that make thee answer Ay.
If he be slain, say Ay; or if not, No.
Brief sounds determine of my weal or woe.
|
LA NOURRICE. — J’ai vu la blessure, je l’ai vue de mes
yeux, — ah ! Dieu nous protége ! — là, sur sa robuste
poitrine. Un cadavre à faire pitié, fin cadavre sanglant
à faire pitié ; pâle, pâle comme les cendres, tout taché
de sang, tout souillé de caillots de sang : — je me suis
évanouie à sa vue.
|
NURSE.
I saw the wound, I saw it with mine eyes,
God save the mark!—here on his manly breast.
A piteous corse, a bloody piteous corse;
Pale, pale as ashes, all bedaub’d in blood,
All in gore-blood. I swounded at the sight.
|
JULIETTE. — Oh, brise-toi, mon cœur ! pauvre cœur à
qui la vie fait banqueroute, brise-toi ! Emprisonnez-vous,
mes yeux, et ne regardez plus en liberté ! Vile terre, retourne
à la terre ; cesse aujourd’hui d’être animée, et
qu’une même lourde bière vous enferme, toi et Roméo !
|
JULIET.
O, break, my heart. Poor bankrout, break at once.
To prison, eyes; ne’er look on liberty.
Vile earth to earth resign; end motion here,
And thou and Romeo press one heavy bier.
|
LA NOURRICE. — Ô Tebaldo ! Tebaldo ! le meilleur ami
que j’eusse ! Ô courtois Tebaldo ! honnête gentilhomme !
faut-il que j’aie assez vécu pour te voir mort !
|
NURSE.
O Tybalt, Tybalt, the best friend I had.
O courteous Tybalt, honest gentleman!
That ever I should live to see thee dead.
|
JULIETTE. — Quelle est cette tempête qui souffle en directions
si contraires ? Roméo est-il égorgé ? Tebaldo est-il
mort ? mon bien-aimé cousin, et mon Seigneur plus aimé’
encore ? En ce cas, redoutable trompette, sonne le jugement
dernier ! car qui donc existe, si ces deux-là ne sont plus ?
|
JULIET.
What storm is this that blows so contrary?
Is Romeo slaughter’d and is Tybalt dead?
My dearest cousin, and my dearer lord?
Then dreadful trumpet sound the general doom,
For who is living, if those two are gone?
|
LA NOURRICE. — Tebaldo est mort, et Roméo est
banni ; Roméo qui l’a tué est banni.
|
NURSE.
Tybalt is gone, and Romeo banished,
Romeo that kill’d him, he is banished.
|
JULIETTE. — Ô Dieu ! — est-ce que la main de Roméo
a répandu le sang de Tebaldo ?
|
JULIET.
O God! Did Romeo’s hand shed Tybalt’s blood?
|
LA NOURRICE. — Oui, oui : hélas, malheureux jour !
elle l’a répandu.
|
NURSE.
It did, it did; alas the day, it did.
|
JULIETTE. — Ô cœur de serpent caché sous une face en
fleurs ! jamais dragon habita-t-il une si belle caverne ?
Beau tyran ! angélique démon ! corbeau aux plumes de
colombe ! agneau à la rage de loup ! exécrable réalité
sous la plus divine apparence ! exact contraire de ce que
tu paraissais exactement ! saint damné ! honorable scélérat !
Ô nature, qu’avais-tu donc à démêler avec l’enfer,
lorsque tu as installé une âme de démon dans le paradis mortel
d’une chair si charmante ? Jamais livre contenant
un texte si vil eut-il une si magnifique reliure ? Oh !
pourquoi faut-il que la fourberie habite dans un tel
somptueux palais !
|
JULIET.
O serpent heart, hid with a flowering face!
Did ever dragon keep so fair a cave?
Beautiful tyrant, fiend angelical,
Dove-feather’d raven, wolvish-ravening lamb!
Despised substance of divinest show!
Just opposite to what thou justly seem’st,
A damned saint, an honourable villain!
O nature, what hadst thou to do in hell
When thou didst bower the spirit of a fiend
In mortal paradise of such sweet flesh?
Was ever book containing such vile matter
So fairly bound? O, that deceit should dwell
In such a gorgeous palace.
|
LA NOURRICE. — Il n’y a pas de loyauté, de foi, d’honnêteté
chez les hommes : tous des parjures, tous des
menteurs, tous des rien du tout, tous des hypocrites. —
Ah ! où est mon valet ? Donnez-moi un peu d’eau-de-vie :
— ces chagrins, ces douleurs, ces malheurs me vieillissent.
Que la honte tombe sur Roméo !
|
NURSE.
There’s no trust,
No faith, no honesty in men. All perjur’d,
All forsworn, all naught, all dissemblers.
Ah, where’s my man? Give me some aqua vitae.
These griefs, these woes, these sorrows make me old.
Shame come to Romeo.
|
JULIETTE. — Puisse ta langue se couvrir d’ampoules
pour le souhait que tu formes ! Il ne naquit pas pour la
honte la honte serait honteuse de s’asseoir sur soit
front ; car c’est un trône où l’honneur peut être couronné
monarque unique de la terre entière. Ah ! quelle.bête
j’étais de gronder contre lui !
|
JULIET.
Blister’d be thy tongue
For such a wish! He was not born to shame.
Upon his brow shame is asham’d to sit;
For ’tis a throne where honour may be crown’d
Sole monarch of the universal earth.
O, what a beast was I to chide at him!
|
LA NOURRICE. — Allez-vous bien parler de celui qui a
tué votre cousin ?
|
NURSE.
Will you speak well of him that kill’d your cousin?
|
JULIETTE. — Parlerai-je mal de celui qui est mon
époux ? Ah linon pauvre Seigneur, quelle langue.caressera
ton nom, puisque moi, ton épouse depuis trois heures,
j’ai pu le blesser ? Mais pourquoi, vilain, as-tu tué
mon cousin ? Ce vilain cousin, il est vrai, aurait voulu
tuer mon époux : retournez, folles larmes, retournez à
la source d’où vous êtes sorties ; c’est à la douleur que
vous devez offrir votre tribut liquide, et par méprise,
vous l’offrez à la joie. Il vit mon époux que Tebaldo
aurait voulu tuer ; il est mort, Tebaldo qui aurait voulu
tuer mon époux : tout cela est heureux ; pourquoi donc
est-ce-que je pleure alors ? Il y a eu un mot, pire que la
mort de Tebaldo, qui m’a poignardé : oh, que je voudrais
l’oublier ! Mais, hélas ! il pèse sur ma mémoire d’un
poids aussi lourd qu’un crime damnable sur.la conscience
d’un pécheur : « Tebaldo est mort, et Roméo est banni ;»
ce mot banni, ce seul mot, banni, équivaut à la mort de
dix mille Tebaldos. La mort, de Tebaldo était un assez
grand malheur, la fatalité pouvait s’arrêter là : ou bien,
si l’âpre malheur aime à marcher en compagnie, et veut
absolument être associé à d’autres chagrins, pourquoi,
lorsqu’elle a eu dit : Tebaldo est mort, n’a-t-elle pas fait
suivre cette nouvelle de celle autre : ton père est mort, ou
ta mère est morte, ou tous les deux sont.morts ? cela
m’eût arraché les gémissements ordinaires. Mais cette
nouvelle qui est venue à l’arrière garde de la mort
de Tebaldo : Romeo est banni ! Oh ! dans ce seul mot,
père, mère, Tebaldo, Roméo, Juliette, tous disparaissent ;
par ce seul mot, tous sont égorgés ! Roméo est
banni ! il n’y a pas de fin, de limites, de mesure, de
bornes dans la puissance de mort de ce mot : il n’y a
pas de mots capables de rendre le son de ce malheur. — Où
sont mon père et ma mère, nourrice ?
|
JULIET.
Shall I speak ill of him that is my husband?
Ah, poor my lord, what tongue shall smooth thy name,
When I thy three-hours’ wife have mangled it?
But wherefore, villain, didst thou kill my cousin?
That villain cousin would have kill’d my husband.
Back, foolish tears, back to your native spring,
Your tributary drops belong to woe,
Which you mistaking offer up to joy.
My husband lives, that Tybalt would have slain,
And Tybalt’s dead, that would have slain my husband.
All this is comfort; wherefore weep I then?
Some word there was, worser than Tybalt’s death,
That murder’d me. I would forget it fain,
But O, it presses to my memory
Like damned guilty deeds to sinners’ minds.
Tybalt is dead, and Romeo banished.
That ‘banished,’ that one word ‘banished,’
Hath slain ten thousand Tybalts. Tybalt’s death
Was woe enough, if it had ended there.
Or if sour woe delights in fellowship,
And needly will be rank’d with other griefs,
Why follow’d not, when she said Tybalt’s dead,
Thy father or thy mother, nay or both,
Which modern lamentation might have mov’d?
But with a rear-ward following Tybalt’s death,
‘Romeo is banished’—to speak that word
Is father, mother, Tybalt, Romeo, Juliet,
All slain, all dead. Romeo is banished,
There is no end, no limit, measure, bound,
In that word’s death, no words can that woe sound.
Where is my father and my mother, Nurse?
|
LA NOURRICE. — Pleurant et sanglotant sur le cadavre
de Tebaldo : voulez-vous venir les trouver ? je vais vous
conduire près d'eux.
|
NURSE.
Weeping and wailing over Tybalt’s corse.
Will you go to them? I will bring you thither.
|
JULIETTE. — Qu’ils lavent ses blessures de leurs larmes ;
quand leurs yeux seront secs, mes larmes seront
aussi épuisées, mais c’est pour le bannissement de Roméo
que je les aurai versées. Enlevé ces cordes : — pauvres
cordés, vous êtes trempées ; nous sommes trompées,
vous et moi, car Roméo est exilé : il vous avait prises
comme une route pour monter à mon lit ; mais moi,
vierge, je meurs vierge veuve. Venez, cordes ; viens,
nourrice ; je vais à mon lit nuptial ; que la mort, et non
Roméo, prenne ma virginité !
|
JULIET.
Wash they his wounds with tears. Mine shall be spent,
When theirs are dry, for Romeo’s banishment.
Take up those cords. Poor ropes, you are beguil’d,
Both you and I; for Romeo is exil’d.
He made you for a highway to my bed,
But I, a maid, die maiden-widowed.
Come cords, come Nurse, I’ll to my wedding bed,
And death, not Romeo, take my maidenhead.
|
LA NOURRICE. — Allez dans votre chambre : je vais
aller chercher Roméo pour quai vous console ; je sais
parfaitement où il est. Écoutez-moi, votre Roméo sera ici
cette nuit : je vais aller le trouver ; il est caché dans la
cellule de frère Laurent.
|
NURSE.
Hie to your chamber. I’ll find Romeo
To comfort you. I wot well where he is.
Hark ye, your Romeo will be here at night.
I’ll to him, he is hid at Lawrence’ cell.
|
JULIETTE. — Oh, trouve-le ! donne cet anneau à mon
fidèle chevalier, et recommande-lui de venir prendre
son dernier adieu. (Elles sortent.)
|
JULIET.
O find him, give this ring to my true knight,
And bid him come to take his last farewell.
[Exeunt.]
|
SCÈNE III.
|
SCENE III.
|
La cellule du FRÈRE LAURENT
|
Friar Lawrence’s cell.
|
Entre LE FRÈRE LAURENT.
|
Enter Friar Lawrence.
|
LE FRÈRE LAURENT. — Sors, Roméo viens ici, malheureux
la douleur s’est éprise, de tes perfections, et tu
es marié à la calamité.
|
FRIAR LAWRENCE.
Romeo, come forth; come forth, thou fearful man.
Affliction is enanmour’d of thy parts
And thou art wedded to calamity.
|
Entre ROMÉO.
|
Enter Romeo.
|
ROMÉO. — Père, quelles nouvelles ? quelle est la sentence
du prince ? quelle douleur qui m’est encore inconnue
demande à faire ma connaissance ?
|
ROMEO.
Father, what news? What is the Prince’s doom?
What sorrow craves acquaintance at my hand,
That I yet know not?
|
LE FRÈRE LAURENT. — Ces tristes visites-là ne sont que
trop familières à mon cher fils. Je t’apporte les nouvelles
de la sentence du prince.
|
FRIAR LAWRENCE.
Too familiar
Is my dear son with such sour company.
I bring thee tidings of the Prince’s doom.
|
ROMÉO. — La sentence du prince équivaut à la sentence
de mort, n’est-ce pas ?
|
ROMEO.
What less than doomsday is the Prince’s doom?
|
LE FRÈRE LAURENT. — Ses lèvres ont laissé tomber une
plus douce sentence ; ce n’est pas la mort, du corps, mais
le bannissement du corps.
|
FRIAR LAWRENCE.
A gentler judgment vanish’d from his lips,
Not body’s death, but body’s banishment.
|
ROMÉO. — Ah ! le bannissement ? Sois clément, dis la
mort ; car l’exil est pour moi bien plus terrible à contempler
que la mort : ne dis pas le bannissement.
|
ROMEO.
Ha, banishment? Be merciful, say death;
For exile hath more terror in his look,
Much more than death. Do not say banishment.
|
LE FRÈRE LAURENT. — Tu es banni d’ici, de Vérone :
prends patience, le monde est vaste et grand.
|
FRIAR LAWRENCE.
Hence from Verona art thou banished.
Be patient, for the world is broad and wide.
|
ROMÉO. — En dehors des murs de Vérone, le monde
n’existe pas ; il n’existe que le purgatoire, la torture, l’enfer
lui-même. Être exilé d’ici, c’est être exilé du monde,
et l’exil du monde s’appellera mort : le bannissement est
donc la mort mal nommée : en appelant la mort bannissement,
tu coupes nia tête avec une. hache d’or, et tu souris
au coup qui m’assassine.
|
ROMEO.
There is no world without Verona walls,
But purgatory, torture, hell itself.
Hence banished is banish’d from the world,
And world’s exile is death. Then banished
Is death misterm’d. Calling death banished,
Thou cutt’st my head off with a golden axe,
And smilest upon the stroke that murders me.
|
LE FRÈRE LAURENT. — Ô péché mortel ! Ô grossière ingratitude !
nos lois appellent la mort sur ta faute ; mais
le bon prince, prenant ton parti, a fait rebrousser chemin
à la loi, et changé en exil la mort au nom sinistre : c’est
clémence affectueuse, et tu ne le vois pas,
|
FRIAR LAWRENCE.
O deadly sin, O rude unthankfulness!
Thy fault our law calls death, but the kind Prince,
Taking thy part, hath brush’d aside the law,
And turn’d that black word death to banishment.
This is dear mercy, and thou see’st it not.
|
ROMÉO. — C’est torture, et non clémence : le ciel
est ici où vit Juliette : le moindre chat, le moindre
chien, la plus petite souris, l’être le plus insignifiant,
vivent ici dans le ciel, puisqu’ils peuvent la contempler ;
mais Roméo ne le peut pas. — Les mouches immondes
jouissent de ; plus de biens réels, d’un, sort plus
heureux, de plus de privilèges, que Roméo ; elles peuvent
se poser sur ce miracle de blancheur, la main de ma
chère Juliette, elles peuvent dérober un immortel bonheur
à ses lèvres qui, dans leur pudeur virginale et pure, conservent
une perpétuelle rougeur, comme si elles croyaient
que leurs propres baisers sont péché : voilà les trésors
vers lesquels peuvent voler les mouches, et dont il faut
que je m'envole (a) ; ce qu’elles font, Roméo ne peut le
faire ; il est banni. Et tu me dis encore que l’exil n’est
pas la mort ? N’avais-tu pour me tuer aucune potion
empoisonnée, aucun couteau bien affilé, aucun genre de
mort soudaine, aussi bas fût-il, au lieu de ce mot
banni ! Banni ? frère, les damnés se servent de ce mot
en enfer, les hurlements l’accompagnent : comment as-tu
le cœur, étant un prêtre. Un pieux confesseur, un, homme
qui absout les péchés, et mon ami déclaré, de m’égorger
avec ce mot banni ?
|
ROMEO.
’Tis torture, and not mercy. Heaven is here
Where Juliet lives, and every cat and dog,
And little mouse, every unworthy thing,
Live here in heaven and may look on her,
But Romeo may not. More validity,
More honourable state, more courtship lives
In carrion flies than Romeo. They may seize
On the white wonder of dear Juliet’s hand,
And steal immortal blessing from her lips,
Who, even in pure and vestal modesty
Still blush, as thinking their own kisses sin.
But Romeo may not, he is banished.
This may flies do, when I from this must fly.
They are free men but I am banished.
And say’st thou yet that exile is not death?
Hadst thou no poison mix’d, no sharp-ground knife,
No sudden mean of death, though ne’er so mean,
But banished to kill me? Banished?
O Friar, the damned use that word in hell.
Howlings attends it. How hast thou the heart,
Being a divine, a ghostly confessor,
A sin-absolver, and my friend profess’d,
To mangle me with that word banished?
|
LE FRÈRE LAURENT. — Jeune fou passionné, écoute-moi
un instant.
|
FRIAR LAWRENCE.
Thou fond mad man, hear me speak a little,
|
ROMÉO. — Oh ! tu vas me parler encore de bannissement.
|
ROMEO.
O, thou wilt speak again of banishment.
|
LE FRÈRE LAURENT. — Je te donnerai une armure pour
te garder contre ce mot ; la philosophie, doux lait de
l’adversité, te consolera, quoique banni.
|
FRIAR LAWRENCE.
I’ll give thee armour to keep off that word,
Adversity’s sweet milk, philosophy,
To comfort thee, though thou art banished.
|
ROMÉO. — Encore ce banni ! — Arrière la philosophie !
A moins que la philosophie ne puisse faire une Juliette,
changer de place une ville, casser le jugement d’un prince,
elle ne m’est d’aucun secours, d’aucune, utilité ; ne m’enparle
pas davantage.
|
ROMEO.
Yet banished? Hang up philosophy.
Unless philosophy can make a Juliet,
Displant a town, reverse a Prince’s doom,
It helps not, it prevails not, talk no more.
|
LE FRÈRE LAURENT. — Oh ! je vois bien maintenant que
les fous n’ont pas d’oreilles.
|
FRIAR LAWRENCE.
O, then I see that mad men have no ears.
|
ROMÉO. — Comment en auraient-ils, lorsque les sages
n’ont pas d’yeux ?
|
ROMEO.
How should they, when that wise men have no eyes?
|
LE FRÈRE LAURENT. — Laissé-moi discuter avec toi ta
situation.
|
FRIAR LAWRENCE.
Let me dispute with thee of thy estate.
|
ROMÉO. — Tu ne peux parler de ce que tu ne sens
pas : si tu étais jeune comme moi, si Juliette était ta bienaimée,
si tu n’étais marié que depuis une heure, si Tebaldo
avait été tué par toi, si tu étais éperdu, d’amour.
comme moi, et si tu étais : banni comme moi, alors tu
pourrais parler, alors tu pourrais arracher tes cheveux,
et tomber à terre, comme je le fais en ce moment, pour y
prendre la mesure d’une fosse non encore, creusée. (On
frappe a là porte.)
|
ROMEO.
Thou canst not speak of that thou dost not feel.
Wert thou as young as I, Juliet thy love,
An hour but married, Tybalt murdered,
Doting like me, and like me banished,
Then mightst thou speak, then mightst thou tear thy hair,
And fall upon the ground as I do now,
Taking the measure of an unmade grave.
[Knocking within.]
|
LE FRÈRE LAURENT. — Leve-toi, on frappe ; mon bon
Roméo, cache-toi.
|
FRIAR LAWRENCE.
Arise; one knocks. Good Romeo, hide thyself.
|
ROMÉO. — Moi, non, à moins que la vapeur des sanglots
de mon cœur malade, m’enveloppant comme un
nuage, ne me dérobe à la recherche des yeux. (On frappe
de nouveau.)
|
ROMEO.
Not I, unless the breath of heartsick groans
Mist-like infold me from the search of eyes.
[Knocking.]
|
LE FRÈRE LAURENT. — Écoute comme on frappe !-Qui
est là ? — Lève-toi, Roméo ; tu vas te faire prendre.
— Attendez un instant ! — Relève-toi (on frappe encore) ;
cours à mon cabinet d’étude. — Tout à l’heure. — Volonté
de Dieu ! quel entêtement est-ce là ! — J’y vais, j’y vais !
(On frappe encore.) Qui donc frappe si fort ? d’où venez-vous ?
que voulez-vous ?
|
FRIAR LAWRENCE.
Hark, how they knock!—Who’s there?—Romeo, arise,
Thou wilt be taken.—Stay awhile.—Stand up.
[Knocking.]
Run to my study.—By-and-by.—God’s will,
What simpleness is this.—I come, I come.
[Knocking.]
Who knocks so hard? Whence come you, what’s your will?
|
LA NOURRICE, du dehors. — Laissez-moi entrer, et vous
connaîtrez l’objet de mon message ; je viens de la part de
Madame Juliette.
|
NURSE.
[Within.] Let me come in, and you shall know my errand.
I come from Lady Juliet.
|
LE FRÈRE LAURENT. — En ce cas, soyez la bienvenue.
|
FRIAR LAWRENCE.
Welcome then.
|
Entre LA NOURRICE.
|
Enter Nurse.
|
LA NOURRICE. — révérend frère, oh ! dites moi, révérend
frère, où est le Seigneur de Madame, où est Roméo ?
|
NURSE.
O holy Friar, O, tell me, holy Friar,
Where is my lady’s lord, where’s Romeo?
|
LE FRÈRE LAURENT. — Ici à terre, ivrede ses propres larmes.
|
FRIAR LAWRENCE.
There on the ground, with his own tears made drunk.
|
LA NOURRICE. — C’est juste le cas de ma maîtresse,
juste son cas !
LE FRÈRE LAURENT. — Ô lamentable, sympathie ! douloureuse
conformité de situation !
LA NOURRICE. — C’est justement comme ça qu’elle est
couchée, sanglotant et pleurant, pleurant et sanglotant.
Relevez-vous, relevez-vous ; relevez-vous, si vous êtes un
homme : au nom de Juliette, par amour pour elle, relevez-vous,
et tenez-vous droit ; pourquoi vous laisser tomber
dans un si grand désespoir?
|
NURSE.
O, he is even in my mistress’ case.
Just in her case! O woeful sympathy!
Piteous predicament. Even so lies she,
Blubbering and weeping, weeping and blubbering.
Stand up, stand up; stand, and you be a man.
For Juliet’s sake, for her sake, rise and stand.
Why should you fall into so deep an O?
|
ROMÉO. — Nourrice !
|
ROMEO.
Nurse.
|
LA NOURRICE. — Ah, Messire ! ah, Messire ! — Bon, la
mort est la fin de tout.
|
NURSE.
Ah sir, ah sir, death’s the end of all.
|
ROMÉO. — Parlais-tu de Juliette ? Comment prend-elle
les choses ? Ne me regarde-t-elle pas comme un vieux
meurtrier, maintenant que j’ai souillé l’enfance de notre
amour d’un sang si proche du sien ? Où est-elle ?
que faitelle ? que dit celle qui est mon épouse secrète
en face de notre amour brisé ?
|
ROMEO.
Spakest thou of Juliet? How is it with her?
Doth not she think me an old murderer,
Now I have stain’d the childhood of our joy
With blood remov’d but little from her own?
Where is she? And how doth she? And what says
My conceal’d lady to our cancell’d love?
|
LA NOURRICE. — Ô Messire, elle ne dit lien, mais elle
pleure et pleure ; puis elle tombe sur son lit, .puis elle se
relève en sur saut, et appelle Tebaldo ; puis elle crie après
Roméo, et elle retombe encore.
|
NURSE.
O, she says nothing, sir, but weeps and weeps;
And now falls on her bed, and then starts up,
And Tybalt calls, and then on Romeo cries,
And then down falls again.
|
ROMÉO. — Tout comme si ce nom pareil à une balle
lancée, par le canon mortel d’un fusil l’assassinait, de
même que la main maudite de celui.qui porte ce nom
assassiné son parent.—Oh ! dis-moi, frère, dis-moi, dans
quelle vile partie de cette charpente corporelle mon nom
loge-t-il ? dis-le-moi, afin que je puisse saccager cet odieux
palais de mon être. (Il tire son épée.)
|
ROMEO.
As if that name,
Shot from the deadly level of a gun,
Did murder her, as that name’s cursed hand
Murder’d her kinsman. O, tell me, Friar, tell me,
In what vile part of this anatomy
Doth my name lodge? Tell me, that I may sack
The hateful mansion.
[Drawing his sword.]
|
LE FRÈRE LAURENT. — Retiens ta main désespérée : es-tu
un homme ? Ton aspect crie que tu en es un ; mais tes larmes
sont d’une femme, et tes actes insensés dénotent la
déraisonnable fureur d’une bête. Ô femme déguisée sous
l’apparence d’un homme ! ou, pour mieux dire, bête féroce
sous l’apparence humaine ! Tu m’as épouvanté : par
mon saint ordre, j’aurais cru que. ton âme était mieux
équilibrée. Après avoir tué Tebaldo, vas-tu te tuer toi même ?
vas-tu tuer, aussi cette Dame qui vit de ta vie, en
commettant contre toi-même un acte damné de haine ?
Pourquoi maudis-tu ta naissance, le ciel, et la terre ? naissance,
terre, et ciel, se rencontrent en toi tous les trois, et
tu voudrais les perdre tous trois à la fois. Fi, fi ! tu outrages
ta beauté, ton amour, ton esprit ; ces biens abondent
en toi, et, semblable à un usurier, tu détournes
chacun d’eux du légitime usage qui pourrait le mieux
orner ta beauté, ton amour, ton esprit. Ta noble forme
n’est qu’une image de cire puisqu’elle fait divorce d’avec
la force morale de l’homme : ton cher amour que tu as
juré n’est qu’un creux parjure, puisqu’il veut tuer cette
bien-aimée que tu as fait vœu de chérir : ton esprit, cet
ornement de la beauté et de l’amour, dénaturé par la
conduite des deux autres, pareil à la poudre contenue dans
la giberne d’un soldat inexpérimenté, est enflammé par
ta propre ignorance, et tu te mutiles avec tes propres
moyens de défense. Allons, relève-toi, jeune homme ! elle
vit, cette Juliette, pour l’amour de laquelle tu étais comme
mort il y a peu de temps ; en bien, tu es heureux de
ce côté-là. Tebaldo voulait te tuer, c’est toi qui as tué
Tebaldo ; tu es encore heureux par là. La loi qui te menaçait
de mort, s’est montrée ton amie, et a changé la
mort en exil ; tu es encore heureux en cela. Il té pleut
sur la tête une averse de bénédictions ; le bonheur té fait
la cour dans son plus bel accoutrement ; mais, pareil à
une fillette malapprise et boudeuse, tu fais la moue à ta
fortune et à ton amour. Prends garde, prends garde, car
les hommes qui agissent ainsi meurent misérables. Va,
rends-toi auprès de ta bien-aimée, comme cela avait été
décidé, monte dans sa. chambre, va la consoler ; mais fais
attention à ne pas rester jusqu’à l’heure où l’on apposte la
garde, car alors lu ne pourrais pas sortir pour aller à
Mantoue, où tu dois vivre, jusqu’à ce que nous trouvions
une occasion de révéler votre mariage, de réconcilier vos
parents, d’implorer le pardon du prince, et de te rappeler
deux millions de fois plus heureux que tu ne seras parti
malheureux. — Marche devant, nourrice : porte mes saluts
à ta maîtresse, et recommande-lui d’envoyer de. bonne
heure tout son monde au lit, chose à laquelle le lourd
chagrin ne les dispose que trop : Roméo va se rendre à
votre logis.
|
FRIAR LAWRENCE.
Hold thy desperate hand.
Art thou a man? Thy form cries out thou art.
Thy tears are womanish, thy wild acts denote
The unreasonable fury of a beast.
Unseemly woman in a seeming man,
And ill-beseeming beast in seeming both!
Thou hast amaz’d me. By my holy order,
I thought thy disposition better temper’d.
Hast thou slain Tybalt? Wilt thou slay thyself?
And slay thy lady, that in thy life lives,
By doing damned hate upon thyself?
Why rail’st thou on thy birth, the heaven and earth?
Since birth, and heaven and earth, all three do meet
In thee at once; which thou at once wouldst lose.
Fie, fie, thou sham’st thy shape, thy love, thy wit,
Which, like a usurer, abound’st in all,
And usest none in that true use indeed
Which should bedeck thy shape, thy love, thy wit.
Thy noble shape is but a form of wax,
Digressing from the valour of a man;
Thy dear love sworn but hollow perjury,
Killing that love which thou hast vow’d to cherish;
Thy wit, that ornament to shape and love,
Misshapen in the conduct of them both,
Like powder in a skilless soldier’s flask,
Is set afire by thine own ignorance,
And thou dismember’d with thine own defence.
What, rouse thee, man. Thy Juliet is alive,
For whose dear sake thou wast but lately dead.
There art thou happy. Tybalt would kill thee,
But thou slew’st Tybalt; there art thou happy.
The law that threaten’d death becomes thy friend,
And turns it to exile; there art thou happy.
A pack of blessings light upon thy back;
Happiness courts thee in her best array;
But like a misshaped and sullen wench,
Thou putt’st up thy Fortune and thy love.
Take heed, take heed, for such die miserable.
Go, get thee to thy love as was decreed,
Ascend her chamber, hence and comfort her.
But look thou stay not till the watch be set,
For then thou canst not pass to Mantua;
Where thou shalt live till we can find a time
To blaze your marriage, reconcile your friends,
Beg pardon of the Prince, and call thee back
With twenty hundred thousand times more joy
Than thou went’st forth in lamentation.
Go before, Nurse. Commend me to thy lady,
And bid her hasten all the house to bed,
Which heavy sorrow makes them apt unto.
Romeo is coming.
|
LA NOURRICE. — Ô Seigneur, j’aurais pu passer toute la
nuit à écouter ces bons conseils : oh, quelle chose c’est que
l’instruction ! — Monseigneur, je vais dire à Madame que
vous viendrez.
|
NURSE.
O Lord, I could have stay’d here all the night
To hear good counsel. O, what learning is!
My lord, I’ll tell my lady you will come.
|
ROMÉO. — Fais, et recommande à ma chérie de se préparer
à me gronder.
|
ROMEO.
Do so, and bid my sweet prepare to chide.
|
LA NOURRICE. — Voici, Messire, un anneau qu’elle m’a
recommandé de vous donner, Messire. Dépêchez-vous,
faites hâte, car il commence à se faire vraiment tard. (Sort
la nourrice.)
|
NURSE.
Here sir, a ring she bid me give you, sir.
Hie you, make haste, for it grows very late.
[Exit.]
|
ROMÉO. — Comme mon courage vient d’être ranimé par
ce don !
|
ROMEO.
How well my comfort is reviv’d by this.
|
LE FRÈRE LAURENT. — Pars, bonne nuit, et songe aux
conditions d’où dépend tout votre bonheur ; — ou bien
sauve-toi avant que la garde prenne ses postes, ou bien
pars d’ici déguisé avec le point du jour : réside à Mantoue ;
je saurai dénicher ton domestique ; et, de temps à autre, il
te portera avis de chaque incident heureux qui vous adviendra
ici. Donne-moi ta main, il se fait tard : adieu ;
lionne nuit.
|
FRIAR LAWRENCE.
Go hence, good night, and here stands all your state:
Either be gone before the watch be set,
Or by the break of day disguis’d from hence.
Sojourn in Mantua. I’ll find out your man,
And he shall signify from time to time
Every good hap to you that chances here.
Give me thy hand; ’tis late; farewell; good night.
|
ROMÉO. — Si une joie sans égale ne m’appelait pas, ce
me serait une douleur de me séparer si brusquement de
toi. Adieu. (Ils sortent.)
|
ROMEO.
But that a joy past joy calls out on me,
It were a grief so brief to part with thee.
Farewell.
[Exeunt.]
|
SCÈNE V.
|
SCENE V.
|
La chambre de JULIETTE.
|
An open Gallery to Juliet’s Chamber,
overlooking the Garden.
|
Entrent ROMÉO et JULIETTE.
|
Enter Romeo and
Juliet.
|
JULIETTE. — Veux-tu donc partir ? le jour est loin encore :
c’était le rossignol, et non l’alouette, dont le chant
a percé ton oreille craintive ; il chante la nuit sur ce
grenadier là-bas : crois-moi, mon amour, c’était le rossignol.
|
JULIET.
Wilt thou be gone? It is not yet near day.
It was the nightingale, and not the lark,
That pierc’d the fearful hollow of thine ear;
Nightly she sings on yond pomegranate tree.
Believe me, love, it was the nightingale.
|
ROMÉO. — C’était l’alouette, le héraut du matin, et non
le rossignol : regarde, bien-aimée, ces jalouses bandes de
lumière qui dans le ciel d’orient enlacent les nuages qui
voudraient se séparer : les flambeaux de la nuit sont consumés,
et le jour joyeux pose la pointe de-son pied sur la
crête des montagnes-brumeuses. Il me faut partir et vivre,
ou rester et mourir.
|
ROMEO.
It was the lark, the herald of the morn,
No nightingale. Look, love, what envious streaks
Do lace the severing clouds in yonder east.
Night’s candles are burnt out, and jocund day
Stands tiptoe on the misty mountain tops.
I must be gone and live, or stay and die.
|
JULIETTE. — Cette lumière là-bas n’est pas la lumière
du jour, je le sais bien, moi : c’est quelque météore que
le soleil exhale pour te servir cette nuit de torche, et t’éclairer
pendant ta route vers Mantoue : reste donc encore,
tu n’as pas besoin de partir.
|
JULIET.
Yond light is not daylight, I know it, I.
It is some meteor that the sun exhales
To be to thee this night a torchbearer
And light thee on thy way to Mantua.
Therefore stay yet, thou need’st not to be gone.
|
ROMÉO. — Que je sois pris, que je sois mis à mori, j’en
suis heureux, si tu le yeux ainsi. Je dirai volontiers
que cette lueur grise là-bas n’est pas l’œil du matin, mais’
lé pâle reflet du front de Cynthia ; je dirai que ce n’est
pas l’alouette dont, les notes élevées frappent la voûte du
ciel, si haut au-dessus de nos têtes : j’ai plus désir, de rester
que je n’ai envie de partir. Viens, mort, et sois la bienvenue !
Juliette le veut ainsi. — Qu’en dis-tu, mon âme ?
causons, il n’est pas encore jour.
|
ROMEO.
Let me be ta’en, let me be put to death,
I am content, so thou wilt have it so.
I’ll say yon grey is not the morning’s eye,
’Tis but the pale reflex of Cynthia’s brow.
Nor that is not the lark whose notes do beat
The vaulty heaven so high above our heads.
I have more care to stay than will to go.
Come, death, and welcome. Juliet wills it so.
How is’t, my soul? Let’s talk. It is not day.
|
JULIETTE. — C’est le jour, c’est le jour ; pars, fuis d’ici.,
vile, vite ! C’est l’alouette qui chante ainsi hors de ton
des mélodies âprement discordantes et des notes suraiguës.
Il y a des gens qui disent que l’alouette fait de
beaux accords ; cela n’est pas, puisqu’elle nous sépare :
d’autres disent que l’alouette et l’odieux crapaud
échangent leurs yeux; oh ! que je voudrais qu’ils eussent
aussi échangé leurs voix, puisque cette voix nous arrache
avec frayeur aux bras l’un de l’autre, et te chasse d’ici
par ses fanfares en l’honneur du jour. Oh ! pars maintenant,
la lumière croît de plus en plus.
|
JULIET.
It is, it is! Hie hence, be gone, away.
It is the lark that sings so out of tune,
Straining harsh discords and unpleasing sharps.
Some say the lark makes sweet division;
This doth not so, for she divideth us.
Some say the lark and loathed toad change eyes.
O, now I would they had chang’d voices too,
Since arm from arm that voice doth us affray,
Hunting thee hence with hunt’s-up to the day.
O now be gone, more light and light it grows.
|
ROMÉO. — Plus grandit la lumière, plus s’augmentent
les ténèbres de nos malheurs !
|
ROMEO.
More light and light, more dark and dark our woes.
|
Entre LA NOURRICE.
|
Enter Nurse.
|
LA NOURRICE. — Madame !
|
NURSE.
Madam.
|
JULIETTE. — Nourrice ?
|
JULIET.
Nurse?
|
LA NOURRICE. — Madame votre mère se rend à votre
chambre : le jour s’est levé ; soyez prudente, faites attention.
(Elle sort.)
|
NURSE.
Your lady mother is coming to your chamber.
The day is broke, be wary, look about.
[Exit.]
|
JULIETTE. — Alors, fenêtre, laisse entrer, le jour, et
laisse sortir ma vie.
|
JULIET.
Then, window, let day in, and let life out.
|
ROMÉO. — Adieu, adieu ! Un baiser, et je descends. (Il
descend.)
|
ROMEO.
Farewell, farewell, one kiss, and I’ll descend.
[Descends.]
|
JULIETTE. — Es-tu donc parti ainsi ? mon Seigneur !
mon amour ! mon époux ! mon ami ! Il faut que tu me
fasses savoir de tes nouvelles, chaque jour, à toutes les
heures, car dans une minute il y a bien des jours : oh !
à ce compte, comme je serai vieille avant de revoir mon
Roméo !
|
JULIET.
Art thou gone so? Love, lord, ay husband, friend,
I must hear from thee every day in the hour,
For in a minute there are many days.
O, by this count I shall be much in years
Ere I again behold my Romeo.
|
ROMÉO. — Adieu ! je ne laisserai échapper aucune occasion
qui pourra te porter mes saluts, ma bien-aimée
|
ROMEO.
Farewell!
I will omit no opportunity
That may convey my greetings, love, to thee.
|
JULIETTE. — Oh ! penses-tu que nous nous revoyons jamais ?
|
JULIET.
O thinkest thou we shall ever meet again?
|
ROMÉO. — Je n’en doute pas, et tous ces malheurs serviront
de thèmes à de douces conversations dans nos jours
à venir.
|
ROMEO.
I doubt it not, and all these woes shall serve
For sweet discourses in our time to come.
|
JULIETTE. — Ô Dieu ! mon âme est pleine de pressentiments
de malheur ! Il me semble, maintenant que tu es
si bas, que je te vois comme un mort dans le fond d’une
tombé : ou mes yeux me trompent, ou tu parais pâle.
|
JULIET.
O God! I have an ill-divining soul!
Methinks I see thee, now thou art so low,
As one dead in the bottom of a tomb.
Either my eyesight fails, or thou look’st pale.
|
ROMÉO. — Et crois-moi, mon amour, c’est ainsi que tu
parais à, mes yeux : le chagrin altéré boit notre sang.
Adieu, adieu ! (Il sort.)
|
ROMEO.
And trust me, love, in my eye so do you.
Dry sorrow drinks our blood. Adieu, adieu.
[Exit below.]
|
JULIETTE. — Ô fortune, fortune ! tous les hommes.t’appellent
inconstante : si tu es inconstante, que fais-tu.
donc avec lui, qui est renommé pour sa fidélité ? Sois inconstante,
fortune ; car alors j’espère que tu ne le garderas
pas longtemps, mais que tu me le renverras bien vite.
|
JULIET.
O Fortune, Fortune! All men call thee fickle,
If thou art fickle, what dost thou with him
That is renown’d for faith? Be fickle, Fortune;
For then, I hope thou wilt not keep him long
But send him back.
|
MADONNA CAPULET, de l’intérieur. — Eh, fillette, êtes-vous
levée ?
|
LADY CAPULET.
[Within.] Ho, daughter, are you up?
|
JULIETTE. — Qui appelle ? Est - ce Madame ma mère ?
Comment n’est-elle pas encore couchée si tard, ou comment
est-elle levée si matin ? Quelle cause exceptionnelle
l’amène ici ?
|
JULIET.
Who is’t that calls? Is it my lady mother?
Is she not down so late, or up so early?
What unaccustom’d cause procures her hither?
|
Entre MADONNA CAPULET.
|
Enter Lady Capulet.
|
MADONNA CAPULET. — Eh bien, comment allez-vous,
Juliette ?
|
LADY CAPULET.
Why, how now, Juliet?
|
JULIETTE. — Madame, je ne suis pas bien.
|
JULIET.
Madam, I am not well.
|
MADONNA CAPULET. — Toujours pleurant pour la mort
de votre cousin ? Crois-tu donc que le flot de tes larmes
va l’emporter hors de son tombeau ? et si cela t’était possible,
tu ne pourrais pas néanmoins le faire revivre ; ainsi
console-toi : le chagrin à certaine dose prouve beaucoup
d’affection ; mais à trop forte, dose, il prouve toujours
quelque faiblesse d’esprit.
|
LADY CAPULET.
Evermore weeping for your cousin’s death?
What, wilt thou wash him from his grave with tears?
And if thou couldst, thou couldst not make him live.
Therefore have done: some grief shows much of love,
But much of grief shows still some want of wit.
|
JULIETTE. — Laissez-moi cependant pleurer une perte
si sensible.
|
JULIET.
Yet let me weep for such a feeling loss.
|
MADONNA CAPULET. — Cela vous fera sentir la perté, mais
ne vous rendra pas l’ami que vous pleurez.
|
LADY CAPULET.
So shall you feel the loss, but not the friend
Which you weep for.
|
JULIETTE. — Sentant aussi vivement la perte, je ne puis
point ne pas pleurer éternellement l’ami.
|
JULIET.
Feeling so the loss,
I cannot choose but ever weep the friend.
|
MADONNA CAPULET. — Bon, ma fille, ce qui cause tes
larmes, c’est moins de le savoir mort, que de savoir vivant
le scélérat qui l’a tué.
|
LADY CAPULET.
Well, girl, thou weep’st not so much for his death
As that the villain lives which slaughter’d him.
|
JULIETTE. — Quel scélérat, Madame ?
|
JULIET.
What villain, madam?
|
MADONNA CAPULET. — Ce scélérat de Roméo.
|
LADY CAPULET.
That same villain Romeo.
|
JULIETTE. — Scélérat et lui sont à bien des lieues de distance.
Dieu lui pardonne ! Je lui pardonne de tout mon
cœur, et cependant il n’est pas sur terre un homme qui
afflige plus mon cœur.
|
JULIET.
Villain and he be many miles asunder.
God pardon him. I do, with all my heart.
And yet no man like he doth grieve my heart.
|
MADONNA CAPULET. — C’est parce que ce traître meurtrier
vit toujours.
|
LADY CAPULET.
That is because the traitor murderer lives.
|
JULIETTE. — Oui, Madame, hors de l’atteinte de ces
mains-ci. Oh ! que je voudrais être seule chargée de venger
la mort de mon cousin !
|
JULIET.
Ay madam, from the reach of these my hands.
Would none but I might venge my cousin’s death.
|
MADONNA CAPULET. — Nous en tirerons vengeance, ne
crains rien : par conséquent, ne pleure plus. J’enverrai à
Mantoue, où réside ce proscrit vagabond, quelqu’un qui
lui administrera une potion extraordinaire par le moyen
de laquelle il ira bientôt tenir compagnie à Tebaldo ; j’espère
que tu seras contente alors.
|
LADY CAPULET.
We will have vengeance for it, fear thou not.
Then weep no more. I’ll send to one in Mantua,
Where that same banish’d runagate doth live,
Shall give him such an unaccustom’d dram
That he shall soon keep Tybalt company:
And then I hope thou wilt be satisfied.
|
JULIETTE. — En vérité, je ne serai jamais contente au
sujet de Roméo, avant de le contempler... mort ; — mon
pauvre cœur est-il assez torturé pour un parent?
Madame, si vous pouviez trouver un homme pour porter un poison,
je le préparerais ; si bien que Roméo après l’avoir pris,
sommeillerait bientôt en paix. Oh ! comme mon cœur
abhorre de l’entendre nommer, — et comme j’ai peine de
ne pouvoir m’approcher de lui — pour satisfaire l’amour
que je portais, à mon cousin Tebaldo sur la personne de
son meurtrier !
|
JULIET.
Indeed I never shall be satisfied
With Romeo till I behold him—dead—
Is my poor heart so for a kinsman vex’d.
Madam, if you could find out but a man
To bear a poison, I would temper it,
That Romeo should upon receipt thereof,
Soon sleep in quiet. O, how my heart abhors
To hear him nam’d, and cannot come to him,
To wreak the love I bore my cousin
Upon his body that hath slaughter’d him.
|
MADONNA CAPULET. — Trouve les moyens, et moi je
trouverai l’homme. Mais j’ai à l’apprendre de joyeuses
nouvelles, ma fille.
|
LADY CAPULET.
Find thou the means, and I’ll find such a man.
But now I’ll tell thee joyful tidings, girl.
|
JULIETTE. — La joie vient bien à propos, car nous en
avons grand besoin. Quelles sont ces nouvelles ? Je vous
prie de me les dire, Madame.
|
JULIET.
And joy comes well in such a needy time.
What are they, I beseech your ladyship?
|
MADONNA CAPULET. — Va, va, tu as un père qui t’aime
bien, enfant ; un père qui pour te tirer de ta tristesse,
vient de te ménager soudainement un jour de joie, que
tu n’attendais pas et que je ne prévoyais point.
|
LADY CAPULET.
Well, well, thou hast a careful father, child;
One who to put thee from thy heaviness,
Hath sorted out a sudden day of joy,
That thou expects not, nor I look’d not for.
|
JULIETTE. — Cela tombe bien, Madame ; et qu’est-ce
que ce jour-là ?
|
JULIET.
Madam, in happy time, what day is that?
|
MADONNA CAPULET. — Pardi, mon enfant, jeudi prochain
dans la matinée, ce jeune, brave et noble gentilhomme,
le comte Paris, aura le bonheur de faire de toi,
à l’église de Saint-Pierre, une joyeuse épouse.
|
LADY CAPULET.
Marry, my child, early next Thursday morn
The gallant, young, and noble gentleman,
The County Paris, at Saint Peter’s Church,
Shall happily make thee there a joyful bride.
|
JULIETTE. — Eh bien, par l’église de Saint-Pierre et par
saint Pierre lui-même, il n’y fera nullement de moi une
joyeuse épouse. Je m’étonne de cette précipitation, et
qu’il me faille nie marier, avant que celui qui doit être
mon mari m’ait fait la cour. Je vous en prie, Madame, dites
à mon Seigneur et père que je ne veux pas me marier
encore ; et quand je me marierai, ce sera à Roméo, que
vous savez que je hais, plutôt qu’à Paris, je vous le jure :
— voilà en effet des nouvelles !
|
JULIET.
Now by Saint Peter’s Church, and Peter too,
He shall not make me there a joyful bride.
I wonder at this haste, that I must wed
Ere he that should be husband comes to woo.
I pray you tell my lord and father, madam,
I will not marry yet; and when I do, I swear
It shall be Romeo, whom you know I hate,
Rather than Paris. These are news indeed.
|
MADONNA CAPULET. — Voici venir votre père ; dites-lui
cela vous-même, et vous allez voir comment il va le
prendre.
|
LADY CAPULET.
Here comes your father, tell him so yourself,
And see how he will take it at your hands.
|
Entrent CAPULET et LA NOURRICE
|
Enter Capulet and
Nurse.
|
CAPULET. — Lorsque le soleil se couche, la terre distille de
la rosée ; mais pour le coucher de soleil du fils de mon
frère, il pleut à pleins seaux. — Eh bien, qu’est-ce ? nous
voilà changée en fontaine, fillette ? Comment, toujours,
en larmes ? toujours pleurant par ondées ? Ma foi, dans
ta petite personne, tu représentes à la fois, la barque, la
mer et le Vent ; car dans tes yeux, que je puis, appeler
une hier, monte et descend sans cesse une marée ; de larmes ;
la barque qui navigué au milieu de ce flot salé est
ton, corps, ; les vents sont tes soupirs ; et soupirs et larmes
luttant ensemble de violence, sans un seul moment de
calme, finiront par faire naufrager ton corps, battu de la
tempête Eh bien, femme, lui ayez-vous annoncé ce que
nous ayons décidé !
|
CAPULET.
When the sun sets, the air doth drizzle dew;
But for the sunset of my brother’s son
It rains downright.
How now? A conduit, girl? What, still in tears?
Evermore showering? In one little body
Thou counterfeits a bark, a sea, a wind.
For still thy eyes, which I may call the sea,
Do ebb and flow with tears; the bark thy body is,
Sailing in this salt flood, the winds, thy sighs,
Who raging with thy tears and they with them,
Without a sudden calm will overset
Thy tempest-tossed body. How now, wife?
Have you deliver’d to her our decree?
|
MADONNA CAPULET. — Oui, Messire ; mais elle ne veut
pas de mari, elle, vous remercie. Je voudrais que la sotte
fût mariée à son tombeau !
|
LADY CAPULET.
Ay, sir; but she will none, she gives you thanks.
I would the fool were married to her grave.
|
CAPULET. — Doucement ! donnez -moi Je temps, donnez-moi
Je temps de bien vous comprendre, femme, Comment
est-ce qu’elle dit qu’elle ne veut-pas de mari ? est-ce ;
qu’elle nous remercie ? est-ce qu’elle est fière a ce point ?
est-ce qu’elle : ne s’estime pas heureuse, tout indigne
qu’elle en est, que nous lui ayons trouvé, pour fiance un.
si digne gentilhomme ?
|
CAPULET.
Soft. Take me with you, take me with you, wife.
How, will she none? Doth she not give us thanks?
Is she not proud? Doth she not count her blest,
Unworthy as she is, that we have wrought
So worthy a gentleman to be her bridegroom?
|
JULIETTE. — Je ne suis pas fière, en effet, que Vous
ayez trouvé ce mari, mais je vousen suis reconnaissante :
je ne pourrai jamais être fière de ce que je déteste ; mais
je serai toujours reconnaissante d’une chose odieuse faite
avec intention d’amour.
|
JULIET.
Not proud you have, but thankful that you have.
Proud can I never be of what I hate;
But thankful even for hate that is meant love.
|
CAPULET. — Eh bien, qu’est-ce à dire, qu’est-ce à dire,
Mademoiselle la logicienne? qu’est-ce que-cela signifie ?
Qu’est-ce que ces fière et non fière, et ces je vous remercie
et je ne vous remercie pas ? Mignonne, Mademoiselle, veuillez
ne me donner ni de vos remerciments, ni de vos ;
fiertés, mais préparez vos jolies jambes à se rendre jeudi
prochain, à l’église de Saint-Pierre, avec Paris, ou je t’y
traînerai sur une claie, moi. Qu’est-ce à dire, carogne
chlorotique ! coquine ! figure de suif!
|
CAPULET.
How now, how now, chopp’d logic? What is this?
Proud, and, I thank you, and I thank you not;
And yet not proud. Mistress minion you,
Thank me no thankings, nor proud me no prouds,
But fettle your fine joints ’gainst Thursday next
To go with Paris to Saint Peter’s Church,
Or I will drag thee on a hurdle thither.
Out, you green-sickness carrion! Out, you baggage!
You tallow-face!
|
MADONNA CAPULET. — Fi, fi ! Comment donc ! êtes-vous
fou ?
|
LADY CAPULET.
Fie, fie! What, are you mad?
|
JULIETTE. — Mon bon père, je vous en conjure à genoux,
ayez la patience de m’entendre vous dire un seul
mot.
|
JULIET.
Good father, I beseech you on my knees,
Hear me with patience but to speak a word.
|
CAPULET. — Va te faire pendre, jeune coquine ! désobéissante
drôlesse ! Je t’en avertis, aie soin d’aller à
l’église jeudi, ou ne me regarde jamais plus en face : ne.
parle pas, ne réplique pas, ne me réponds pas ; les
doigts me démangent. Femme, nous nous regardions
comme peu en grâce auprès de Dieu, parce qu’il ne
nous avait envoyé que ce seul enfant ; mais maintenant je
vois que c’était encore un de trop, et qu’en la recevant,
nous avons reçu une malédiction. Qu’elle aille au diable,
la misérable !
|
CAPULET.
Hang thee young baggage, disobedient wretch!
I tell thee what,—get thee to church a Thursday,
Or never after look me in the face.
Speak not, reply not, do not answer me.
My fingers itch. Wife, we scarce thought us blest
That God had lent us but this only child;
But now I see this one is one too much,
And that we have a curse in having her.
Out on her, hilding.
|
LA NOURRICE. — Le Dieu du ciel la bénisse ! Vous avez
tort, Monseigneur, de la traiter ainsi.
|
NURSE.
God in heaven bless her.
You are to blame, my lord, to rate her so.
|
CAPULET. — Et pourquoi cela, Madame la Sagesse ?
Tenez votre langue en bride, ma bonne Madame Prudence ;
allez bredouiller avec vos commères, allez.
|
CAPULET.
And why, my lady wisdom? Hold your tongue,
Good prudence; smatter with your gossips, go.
|
LA NOURRICE. — Je ne dis rien de mal.
|
NURSE.
I speak no treason.
|
CAPULET. — Ah parbleu, je vous demande bien pardon !
|
CAPULET.
O God ye good-en!
|
LA NOURRICE. — Est-ce qu’on ne peut pas dire un
mot ?
|
NURSE.
May not one speak?
|
CAPULET. — Paix, sotte marmotteuse ! allez faire vos
graves réflexions en buvant avec vos commères, nous
n’en avons pas besoin ici.
|
CAPULET.
Peace, you mumbling fool!
Utter your gravity o’er a gossip’s bowl,
For here we need it not.
|
MADONNA CAPULET. — Vous êtes trop vif.
|
LADY CAPULET.
You are too hot.
|
CAPULET. — Hé, sainte hostie ! cela me rend fou. Comment
de jour et de nuit, à toute heure, en tout temps, en
toute circonstance, pendant le travail, pendant le plaisir,
seul, en compagnie, je n’aurai eu qu’une seule pensée, son
mariage ; et maintenant que je lui ai trouvé un gentilhomme
de noble famille, de belle fortune, jeune, de noble éducation,
étoffé comme on dit de toutes sortes d’honorables
qualités, fait comme on désirerait qu’un homme fût fait,
il ire faut entendre : une misérable sotte pleurnicheuse,
une poupée geignante qui fait la petite bouche
devant sa fortune, me répondre « je ne veux pas me marier
à je ne puis aimer » — « je suis trop jeune » — « je vous
en prie, pardonnez-moi ! » — Certes, si vous ne voulez pas
vous marier, je vous pardonnerai : vous irez chercher
pâture où vous voudrez, vous n’habiterez pas avec moi.
Réfléchissez-y, et soyez avertie, je, n’ai pas l’habitude
de plaisanter. Jeudi est proche ; consultez votre cœur et
prenez un parti : si vous êtes mienne, je vous donnerai à
mon ami ; si vous ne.voulez pas être mienne, allez vous
faire pendre, mendiez, crevez de faim, mourez dans les
rues-, car sur mon âme, je ne te reconnaîtrai jamais plus,
et je te réponds que rien de ce qui m’appartient ne te
fera du bien. Compte là-dessus, et fais tes réflexions en
conséquence ; je ne me rétracterai pas. (Il sort.)
|
CAPULET.
God’s bread, it makes me mad!
Day, night, hour, ride, time, work, play,
Alone, in company, still my care hath been
To have her match’d, and having now provided
A gentleman of noble parentage,
Of fair demesnes, youthful, and nobly allied,
Stuff’d, as they say, with honourable parts,
Proportion’d as one’s thought would wish a man,
And then to have a wretched puling fool,
A whining mammet, in her fortune’s tender,
To answer, ‘I’ll not wed, I cannot love,
I am too young, I pray you pardon me.’
But, and you will not wed, I’ll pardon you.
Graze where you will, you shall not house with me.
Look to’t, think on’t, I do not use to jest.
Thursday is near; lay hand on heart, advise.
And you be mine, I’ll give you to my friend;
And you be not, hang, beg, starve, die in the streets,
For by my soul, I’ll ne’er acknowledge thee,
Nor what is mine shall never do thee good.
Trust to’t, bethink you, I’ll not be forsworn.
[Exit.]
|
JULIETTE. — Oh ! n’est-il pas un Dieu compatissant
siégeant sur les nuages pour voir jusqu’au fond de
ma douleur ? Ô ma douce mère, ne me repoussez pas !
Retardez ce mariage d’un mois, d’une semaine, ou sinon
faites mon lit nuptial dans ce sombre monument où dort
Tebaldo.
|
JULIET.
Is there no pity sitting in the clouds,
That sees into the bottom of my grief?
O sweet my mother, cast me not away,
Delay this marriage for a month, a week,
Or, if you do not, make the bridal bed
In that dim monument where Tybalt lies.
|
MADONNA CAPULET. — Ne me parle pas, car je ne dirai
pas un mot : fais ce que tu voudras, car j’en ai fini avec
toi. (Elle sort.)
|
LADY CAPULET.
Talk not to me, for I’ll not speak a word.
Do as thou wilt, for I have done with thee.
[Exit.]
|
JULIETTE. — Ô Dieu ! — Ô nourrice ! comment peut-on
empêcher cela ? Mon époux est sur terre, mon serment est
au ciel ; comment ce serment pourrait-il revenir-sur la
terre, à moins que mon époux ne me l’envoie du ciel
en quittant la terre ? — Aide-moi, conseille-moi. — Hélas !
hélas ! faut-il que le ciel soumette à ses épreuves un être
aussi faible que moi ! — Que dis-tu ? n’as-tu pas une parole
de joie ? Donne-moi quelque moyen de sortir d’embarras,
nourrice.
|
JULIET.
O God! O Nurse, how shall this be prevented?
My husband is on earth, my faith in heaven.
How shall that faith return again to earth,
Unless that husband send it me from heaven
By leaving earth? Comfort me, counsel me.
Alack, alack, that heaven should practise stratagems
Upon so soft a subject as myself.
What say’st thou? Hast thou not a word of joy?
Some comfort, Nurse.
|
LA NOURRICE. — Ma foi, voici ce qu’il faut faire. Roméo
est banni, et il y a l’univers à parier contre rien, qu’il
n’osera jamais venir vous réclamer ou, s’il le fait, il
faudra, que ce soit en se cachant. Puisque les choses sont
dans, l’état où nous les voyons maintenant, je crois que
ce qu’il a de mieux à faire est de vous marier avec le
comte. Oh ! c’est un aimable gentilhomme ! Roméo est un
torchon de vaisselle à côté de lui ; un aigle, Madame, n’a
pas Un œil aussi vert, aussi vif, aussi beau, que celui de
Paris. Malepeste, je vous juge fort. heureuse dans ce
second mariage, car il est fort supérieur au premier ;
d’ailleurs, quand il ne le serait pas, votre premier mari
est mort, où il vaudrait autant qu’il fût mort, puisqu’il ne
vous sert à rien, vous vivant ici.
|
NURSE.
Faith, here it is.
Romeo is banished; and all the world to nothing
That he dares ne’er come back to challenge you.
Or if he do, it needs must be by stealth.
Then, since the case so stands as now it doth,
I think it best you married with the County.
O, he’s a lovely gentleman.
Romeo’s a dishclout to him. An eagle, madam,
Hath not so green, so quick, so fair an eye
As Paris hath. Beshrew my very heart,
I think you are happy in this second match,
For it excels your first: or if it did not,
Your first is dead, or ’twere as good he were,
As living here and you no use of him.
|
JULIETTE. — Parles-tu du fond de ton cœur ?
|
JULIET.
Speakest thou from thy heart?
|
LA NOURRICE. — Et du fond de mon âme-aussi, ou qu’ils
soient tous les deux maudits.
|
NURSE.
And from my soul too,
Or else beshrew them both.
|
JULIETTE. — Amen !
|
JULIET.
Amen.
|
LA NOURRICE. — Quoi ?
|
NURSE.
What?
|
JULIETTE. — Bon, tu m’as merveilleusement consolée.
Rentre, et dis à Madame ma mère, qu’ayant eu le malheur
de déplaire à mon père, je suis sortie pour aller à la
cellule de frère Laurent me confesser et chercher l’absolution.
|
JULIET.
Well, thou hast comforted me marvellous much.
Go in, and tell my lady I am gone,
Having displeas’d my father, to Lawrence’ cell,
To make confession and to be absolv’d.
|
LA NOURRICE. — Pardi, c’est ce que je vais faire, et
c’est sagement agir. (Elle sort.)
|
NURSE.
Marry, I will; and this is wisely done.
[Exit.]
|
JULIETTE. — Ô vieille damnée ! démon très-pervers !
y a-t-il un péché plus grand à me conseiller le parjure,
qu’à déprécier mon Seigneur avec cette même langue qui
l’a tant de fois déclaré au-dessus de toute comparaison ?
Va, donneuse de conseils, toi et mon cœur feront
deux désormais. Je vais aller trouver le frère pour
savoir quel remède il peut, nie donner ; et après cela,
si tout me manque, j’ai moi-même le pouvoir de mourir.
(Elle sort.)
|
JULIET.
Ancient damnation! O most wicked fiend!
Is it more sin to wish me thus forsworn,
Or to dispraise my lord with that same tongue
Which she hath prais’d him with above compare
So many thousand times? Go, counsellor.
Thou and my bosom henceforth shall be twain.
I’ll to the Friar to know his remedy.
If all else fail, myself have power to die.
[Exit.]
|
ACTE IV.
|
ACT IV
|
SCÈNE PREMIÈRE.
|
SCENE I.
|
La cellule du FRÈRE LAURENT.
|
Friar Lawrence’s Cell.
|
Entrent LE FRÈRE LAURENT et PARIS.
|
Enter Friar Lawrence and
Paris.
|
LE FRÈRE LAURENT. — Jeudi, Messire ? le temps est bien court.
|
FRIAR LAWRENCE.
On Thursday, sir? The time is very short.
|
PARIS. — Mon père Capulet le veut ainsi, et je n’ai aucune
envie de modérer son empressement.
|
PARIS.
My father Capulet will have it so;
And I am nothing slow to slack his haste.
|
LE FRÈRE LAURENT. — Vous dites que vous ne connaissez
pas les sentiments de la Dame ; cette conduite est contre
l’usage, je ne la goûte pas
|
FRIAR LAWRENCE.
You say you do not know the lady’s mind.
Uneven is the course; I like it not.
|
PARIS. — Elle pleure immodérément la mort de Tebaldo,
et par conséquent j’ai peu parlé d’amour, car
Vénus ne sourit pas dans une maison en larmes. Mais,
Messire, son père regarde comme dangereux qu’elle laisse
prendre à son chagrin un si grand empire ; et dans sa sagesse,
il hâte notre mariage afin d’arrêter le déluge de ses
larmes : cette douleur, qui a beaucoup trop grandi
dans sa solitude, pourra se dissiper, quand elle sera en
compagnie. Vous connaissez maintenant les raisons de
cette promptitude.
|
PARIS.
Immoderately she weeps for Tybalt’s death,
And therefore have I little talk’d of love;
For Venus smiles not in a house of tears.
Now, sir, her father counts it dangerous
That she do give her sorrow so much sway;
And in his wisdom, hastes our marriage,
To stop the inundation of her tears,
Which, too much minded by herself alone,
May be put from her by society.
Now do you know the reason of this haste.
|
LE FRÈRE LAURENT, à part. — Je voudrais ne pas
connaître les raisons qui exigeraient qu’elle se ralentît.
Voyez, Messire, voici la Dame qui se dirige vers ma
cellule.
|
FRIAR LAWRENCE.
[Aside.] I would I knew not why it should be slow’d.—
Look, sir, here comes the lady toward my cell.
|
Entre JULIETTE.
|
Enter Juliet.
|
PARIS. — Heureuse rencontre, Madame et mon épouse !
|
PARIS.
Happily met, my lady and my wife!
|
JULIETTE. — Ce souhait pourra être bon, Messire, lorsque
je serai mariée.
|
JULIET.
That may be, sir, when I may be a wife.
|
PARIS. — Et il pourra être bon, et il sera bon, jeudi
prochain, ma bien-aimée.
|
PARIS.
That may be, must be, love, on Thursday next.
|
JULIETTE. — Ce qui doit être sera.
|
JULIET.
What must be shall be.
|
LE FRÈRE LAURENT. — C’est un texte certain.
|
FRIAR LAWRENCE.
That’s a certain text.
|
PARIS. — Êtes-vous venue pour vous confesser à ce père ?
|
PARIS.
Come you to make confession to this father?
|
JULIETTE. — Répondre à votre question serait me confesser
à vous ?
|
JULIET.
To answer that, I should confess to you.
|
PARIS. — Ne lui niez pas que vous m’aimez.
|
PARIS.
Do not deny to him that you love me.
|
JULIETTE. — Je vous confesserai à vous que je l’aime.
|
JULIET.
I will confess to you that I love him.
|
PARIS. — Et vous confesserez aussi que vous m’aimez,
j’en suis sûr.
|
PARIS.
So will ye, I am sure, that you love me.
|
JULIETTE. — Si je fais cela, cette confession aura plus
grand prix faite derrière vous qu’en face.
|
JULIET.
If I do so, it will be of more price,
Being spoke behind your back than to your face.
|
PARIS. — Pauvre âme, tes larmes ont fort outragé ton
visage.
|
PARIS.
Poor soul, thy face is much abus’d with tears.
|
JULIETTE. — Les larmes ont’gagné par là une petite
victoire, car il était assez laid déjà avant leur malice.
|
JULIET.
The tears have got small victory by that;
For it was bad enough before their spite.
|
PARIS. — Tu l’outrages plus encore que ne font les
larmes par ce jugement.
|
PARIS.
Thou wrong’st it more than tears with that report.
|
JULIETTE. — Ce qui est la vérité n’est pas une calomnie,
Messire ; et ce que j’ai dit, je l’ai dit à ma face.
|
JULIET.
That is no slander, sir, which is a truth,
And what I spake, I spake it to my face.
|
PARIS. — Ta face est à moi, et tu l’as calomniée.
|
PARIS.
Thy face is mine, and thou hast slander’d it.
|
JULIETTE. — Cela peut bien être, car en effet elle ne
m’appartient pas. — Êtes-Vous de loisir maintenant, mon
révérend père, ou reviendrai-je vous trouver à l’office du
soir?
|
JULIET.
It may be so, for it is not mine own.
Are you at leisure, holy father, now,
Or shall I come to you at evening mass?
|
LE FRÈRE LAURENT. — Je suis de loisir en ce moment,
ma mélancolique fille. — Monseigneur, nous aurions besoin
d’être seuls.
|
FRIAR LAWRENCE.
My leisure serves me, pensive daughter, now.—
My lord, we must entreat the time alone.
|
PARIS. — Dieu défende que je trouble la dévotion ! — Juliette,
jeudi, de bon matin, j’irai vous réveiller. Jusqu’à
ce moment, adieu, et gardez ce respectueux baiser.
(Il sort.)
|
PARIS.
God shield I should disturb devotion!—
Juliet, on Thursday early will I rouse ye,
Till then, adieu; and keep this holy kiss.
[Exit.]
|
JULIETTE. — Oh ! ferme, la porte, et quand tu l’auras
fermée, viens pleurer avec moi : pas, d’espérance, pas de
remède, pas de secours !
|
JULIET.
O shut the door, and when thou hast done so,
Come weep with me, past hope, past cure, past help!
|
LE FRÈRE LAURENT. — Ah ! Juliette, je connais déjà ton
chagrin, et il me tourmente à nie faire perdre la tête :
j’apprends que tu dois et rien ne peut retarder Cet
événement — être mariée jeudi prochain à ce comte.
|
FRIAR LAWRENCE.
O Juliet, I already know thy grief;
It strains me past the compass of my wits.
I hear thou must, and nothing may prorogue it,
On Thursday next be married to this County.
|
JULIETTE. — Ne me dis pas, frère, que tuas appris ce
malheur, si tu ne peux me dire, comment je puis le prévenir :
si, dans ta sagesse, tu ne peux me donner de
secours, en bien, dis-moi seulement que ma résolution
est sagesse, et je vais immédiatement me donner secours
avec ce couteau. Dieu a joint mon cœur à celui de Roméo ;
toi tu as joint nos mains ; et avant que cette main
par toi scellée à Roméo signe un autre contrat, ou que
mon cœur, traîtreusement révolté, se tourne vers un autre,
cette arme-là réduira main et cœur à l’impuissance,
de la mort. Que ta vieille et longue expérience me donne
donc quelque conseil immédiat, ou sinon, vois, ce couteau
meurtrier va décider entre ma situation désespérée et
moi ; il me servira d’arbitre, puisque l’autorité de tes années
et de ta science n’aura pas su m’ouvrir une issue, véritablement
honorable. Ne sois pas si long à parler ; je brûle
de mourir, si ce que tu as à me dire ne me parle pas de
remède.
|
JULIET.
Tell me not, Friar, that thou hear’st of this,
Unless thou tell me how I may prevent it.
If in thy wisdom, thou canst give no help,
Do thou but call my resolution wise,
And with this knife I’ll help it presently.
God join’d my heart and Romeo’s, thou our hands;
And ere this hand, by thee to Romeo’s seal’d,
Shall be the label to another deed,
Or my true heart with treacherous revolt
Turn to another, this shall slay them both.
Therefore, out of thy long-experienc’d time,
Give me some present counsel, or behold
’Twixt my extremes and me this bloody knife
Shall play the empire, arbitrating that
Which the commission of thy years and art
Could to no issue of true honour bring.
Be not so long to speak. I long to die,
If what thou speak’st speak not of remedy.
|
LE FRÈRE LAURENT. — Arrête, ma fille : j’aperçois une
sorte d’espérance qui, pour se réaliser, demande une
exécution aussi désespérée qu’est désespérée l’action que ;
nous voudrions prévenir. Si, plutôt que de te marier au
comte Pâlis, tu as la force de volonté de te tuer loi-même,
il est probable que tu auras le courage d’entreprendre,
pour repousser loin de toi cette honte, une chose qui ressemble
à la mort, toi qui ne crains pas d’affronter la mort
pour échapper à ce que tu redoutes ; si tu as ce courage,
je te donnerai un remède.
|
FRIAR LAWRENCE.
Hold, daughter. I do spy a kind of hope,
Which craves as desperate an execution
As that is desperate which we would prevent.
If, rather than to marry County Paris
Thou hast the strength of will to slay thyself,
Then is it likely thou wilt undertake
A thing like death to chide away this shame,
That cop’st with death himself to scape from it.
And if thou dar’st, I’ll give thee remedy.
|
JULIETTE. — Oh ! plutôt que d’épouser Paris, ordonne-moi
de sauter du haut des remparts dé la tour là-bas, ou de
marcher dans les sentiers où rôdent les voleurs ; ordonne-moi
de me glisser là où se tiennent les serpents ;
enchaîne-moi avec des ours rugissants ; ou enferme-moi de
nuit dans un charnier comble jusqu’au faîte d’os de morts
au cliquetis sec, de membres en putréfaction, et de crânes
jaunes et chauves ; ordonne-moi de descendre dans une
fosse nouvellement creusée, et de m’ensevelir avec un
homme mort sous le même linceul, toutes choses qui,
en les entendant raconter, m’ont souvent fait trembler,
et je les entreprendrai sans trouble et sans hésitation
pour rester l’épouse sans tache de mon doux bien-aimé.
|
JULIET.
O, bid me leap, rather than marry Paris,
From off the battlements of yonder tower,
Or walk in thievish ways, or bid me lurk
Where serpents are. Chain me with roaring bears;
Or hide me nightly in a charnel-house,
O’er-cover’d quite with dead men’s rattling bones,
With reeky shanks and yellow chapless skulls.
Or bid me go into a new-made grave,
And hide me with a dead man in his shroud;
Things that, to hear them told, have made me tremble,
And I will do it without fear or doubt,
To live an unstain’d wife to my sweet love.
|
LE FRÈRE LAURENT. — Tiens bon, alors ; retourne au
logis, sois gaie, consens à épouser Paris. Demain est
mercredi ; demain soir, fais en sorte de coucher seule, ne
laisse pas ta nourrice coucher avec loi dans ta chambre :
prends cette fiole, une fois que tu seras au lit, et bois la
liqueur distillée qu’elle contient : aussitôt à travers toutes
tes veines courra une froide et assoupissante humeur ; ton
pouls ne gardera plus ses mouvements réguliers, mais il
s’arrêtera ; nul souffle, nulle chaleur n’attesteront que tu.
vis ; les roses de tes joues et de tes lèvres se changeront
en couleurs de cendres pâles. ; les rideaux de tes yeux
tomberont, comme ils tombent lorsque la mort éteint la
lumière de la vie ; chacun de tes membres, privé de souplesse
et de liberté, froid, roide, immobile, paraîtra
comme mort : tu resteras quarante-deux heures sous cette
apparence trompeuse d’une mort figée, et ensuite tu te
réveilleras comme d’un agréable sommeil Maintenant,
lorsque le fiancé viendra au matin pour te faire lever
de ton lit, on t’y trouvera morte ; et alors, comme c’est
la coutume de notre pays, vêtue de ta plus belle toilette,
le corps à-découvert sur ta bière, on te portera
à cet ancien caveau, où est ensevelie toute, la race des Capulets.
En même temps, et avant que tu te réveilles, Roméo
recevra avis par mes lettres de notre stratagème ;
il viendra ici : tous deux ensemble nous épierons ton
réveil, et cette même nuit Roméo t’emmènera à Mantoue.
Ce moyen te délivrera de cette honte présente,
si aucune inconstance puérile, ni aucune frayeur de
femmelette, ne font broncher ton courage au moment de
l’exécution.
|
FRIAR LAWRENCE.
Hold then. Go home, be merry, give consent
To marry Paris. Wednesday is tomorrow;
Tomorrow night look that thou lie alone,
Let not thy Nurse lie with thee in thy chamber.
Take thou this vial, being then in bed,
And this distilled liquor drink thou off,
When presently through all thy veins shall run
A cold and drowsy humour; for no pulse
Shall keep his native progress, but surcease.
No warmth, no breath shall testify thou livest,
The roses in thy lips and cheeks shall fade
To paly ashes; thy eyes’ windows fall,
Like death when he shuts up the day of life.
Each part depriv’d of supple government,
Shall stiff and stark and cold appear like death.
And in this borrow’d likeness of shrunk death
Thou shalt continue two and forty hours,
And then awake as from a pleasant sleep.
Now when the bridegroom in the morning comes
To rouse thee from thy bed, there art thou dead.
Then as the manner of our country is,
In thy best robes, uncover’d, on the bier,
Thou shalt be borne to that same ancient vault
Where all the kindred of the Capulets lie.
In the meantime, against thou shalt awake,
Shall Romeo by my letters know our drift,
And hither shall he come, and he and I
Will watch thy waking, and that very night
Shall Romeo bear thee hence to Mantua.
And this shall free thee from this present shame,
If no inconstant toy nor womanish fear
Abate thy valour in the acting it.
|
JULIETTE. — Donne, donne ! Ô ne me parle pas de crainte !
|
JULIET.
Give me, give me! O tell not me of fear!
|
LE FRÈRE LAURENT. — Tiens ; pars, sois forte dans
cette résolution, et heureuse d’ans ses conséquences :
j’enverrai à Mantoue, avec mes lettres pour ton Seigneur,
un frère qui fera toute diligence.
|
FRIAR LAWRENCE.
Hold; get you gone, be strong and prosperous
In this resolve. I’ll send a friar with speed
To Mantua, with my letters to thy lord.
|
JULIETTE. — Amour, donne-moi courage ! et le courage
m’apportera secours. Adieu, cher père ! (Ils sortent.)
|
JULIET.
Love give me strength, and strength shall help afford.
Farewell, dear father.
[Exeunt.]
|
SCÈNE V.
|
SCENE V.
|
La chambre de JULIETTE. JULIETTE est étendue sur son lit.
|
Juliet’s Chamber; Juliet on the bed.
|
Entre LA NOURRICE.
|
Enter Nurse.
|
LA NOURRICE. — Maîtresse ! — Eh, maîtresse ! — Juliette !
— Elle dort solidement, je lui en réponds. — Hé,
agneau !— hé, Madame ! — fi, petite dormeuse ! — Hé,
dis-je, ma chérie ! — Madame ! —mon cher cœur ! — Hé,
fiancée ! — Quoi, pas un mot ? — Vous prenez vos avances
de sommeil maintenant ; dormez pour une semaine, car
la nuit prochaine, le comte Paris est bien décidé à jouer
avec vous une partie qui vous laissera peu dormir. Dieu
me pardonne, bons saints du paradis, comme elle dort !
Il faut absolument que je l’éveille : — Madame, Madame,
Madame ! Oui, laissez le comte vous surprendre dans
votre lit ; il va vous éveiller en sur saut, ma foi : c’est ce
qui va arriver, ma foi ! — Comment, habillée ! et avec vos
parures vous vous êtes donc levée et recouchée ! Il faut
absolument que je vous éveille. Madame ! Madame ! Madame !
— Hélas ! hélas ! — Au secours ! au secours !
Madame est morte ! — Oh ! quel malheur ! pourquoi suis-je née
— Un peu d’eau-de-vie, holà ! — Monseigneur ! Madame !
|
NURSE.
Mistress! What, mistress! Juliet! Fast, I warrant her, she.
Why, lamb, why, lady, fie, you slug-abed!
Why, love, I say! Madam! Sweetheart! Why, bride!
What, not a word? You take your pennyworths now.
Sleep for a week; for the next night, I warrant,
The County Paris hath set up his rest
That you shall rest but little. God forgive me!
Marry and amen. How sound is she asleep!
I needs must wake her. Madam, madam, madam!
Ay, let the County take you in your bed,
He’ll fright you up, i’faith. Will it not be?
What, dress’d, and in your clothes, and down again?
I must needs wake you. Lady! Lady! Lady!
Alas, alas! Help, help! My lady’s dead!
O, well-a-day that ever I was born.
Some aqua vitae, ho! My lord! My lady!
|
Entre MADONNA CAPULET
|
Enter Lady Capulet.
|
MADONNA CAPULET. — Quel est ce bruit ?
|
LADY CAPULET.
What noise is here?
|
LA NOURRICE. — Ô lamentable jour !
|
NURSE.
O lamentable day!
|
MADONNA CAPULET. — Qu’y a-t-il ?
|
LADY CAPULET.
What is the matter?
|
LA NOURRICE. — Regardez, regardez ! Ô malheureux
jour !
|
NURSE.
Look, look! O heavy day!
|
MADONNA CAPULET. — Hélas ! hélas ! — Mon enfant, m’a
vie unique, ranime-toi, rouvre les yeux, ou je vais mourir
avec toi ! — Au secours, au secours ! — appelle du
secours.
|
LADY CAPULET.
O me, O me! My child, my only life.
Revive, look up, or I will die with thee.
Help, help! Call help.
|
Entre CAPULET.
|
Enter Capulet.
|
CAPULET. — Morbleu, faites donc descendre Juliette ;
son époux est venu.
|
CAPULET.
For shame, bring Juliet forth, her lord is come.
|
LA NOURRICE. — Elle est morte, trépassée, elle est
morte ; hélas, malheureux jour !
|
NURSE.
She’s dead, deceas’d, she’s dead; alack the day!
|
MADONNA CAPULET. — Hélas, malheureux jour ! elle est
morte, elle est morte, elle est morte !
|
LADY CAPULET.
Alack the day, she’s dead, she’s dead, she’s dead!
|
CAPULET. — Ah ! laissez-moi la voir : — hélas ! elle est
froide ; son sang s’est arrêté ; ses articulations sont roides :
la vie a depuis longtemps quitté ses lèvres : la mort
est étendue sur elle, comme une gelée hors de saison sur
la plus douce fleur de toute la campagne.
|
CAPULET.
Ha! Let me see her. Out alas! She’s cold,
Her blood is settled and her joints are stiff.
Life and these lips have long been separated.
Death lies on her like an untimely frost
Upon the sweetest flower of all the field.
|
LA NOURRICE. — Ô lamentable jour !
|
NURSE.
O lamentable day!
|
MADONNA CAPULET. — Ô heure malheureuse !
|
LADY CAPULET.
O woful time!
|
CAPULET. — La mort, qui l’a enlevée d’ici pour me
faire gémir, noue ma langue et ne me permet pas de
parler.
|
CAPULET.
Death, that hath ta’en her hence to make me wail,
Ties up my tongue and will not let me speak.
|
Entrent LE FRÈRE LAURENT et PARIS
avec
des MUSICIENS.
|
Enter Friar Lawrence and
Paris with Musicians.
|
LE FRÈRE LAURENT. — Allons, la fiancée est-elle prête
à aller à l’église ?
|
FRIAR LAWRENCE.
Come, is the bride ready to go to church?
|
CAPULET. — Prête à y aller, mais à en revenir, jamais
plus : ô mon fils, la nuit qui précédait ton mariage, le
trépas a couché avec ta fiancée : vois, la voici étendue,
fleur comme elle était, déflorée par lui. Le trépas est
mon gendre, le trépas est mon héritier ; il a épousé ma
fille ! je vais mourir, et lui tout laisser ; vie et biens, tout
cela appartient au trépas.
|
CAPULET.
Ready to go, but never to return.
O son, the night before thy wedding day
Hath death lain with thy bride. There she lies,
Flower as she was, deflowered by him.
Death is my son-in-law, death is my heir;
My daughter he hath wedded. I will die.
And leave him all; life, living, all is death’s.
|
PARIS. — Ai-je donc tant aspiré à voir se lever ce jour
pour qu’il me donnât un pareil spectacle ?
|
PARIS.
Have I thought long to see this morning’s face,
And doth it give me such a sight as this?
|
MADONNA CAPULET. — Ô jour maudit, malheureux,
odieux, lamentable ! Ô heure la plus misérable qu’ait
jamais vue le temps dans le cours de, son éternel pèlerinage !
N’avoir qu’une enfant, une pauvre enfant, une pauvre
enfant chérie, n’avoir qu’elle pour joie, et consolation,
et la cruelle mort vient l’enlever à mes yeux !
|
LADY CAPULET.
Accurs’d, unhappy, wretched, hateful day.
Most miserable hour that e’er time saw
In lasting labour of his pilgrimage.
But one, poor one, one poor and loving child,
But one thing to rejoice and solace in,
And cruel death hath catch’d it from my sight.
|
LA NOURRICE. — Ô malheur ! Ô malheureux, malheureux,
malheureux jour ! Ô jour lamentable ! le plus déplorable
jour que j’aie jamais, jamais contemplé encore !
Ô jour ! ô jour ! ô jour ! ô jour odieux ! Fut-il jamais un
jour si noir que celui-là ! Ô malheureux jour ! ô malheureux
jour
|
NURSE.
O woe! O woeful, woeful, woeful day.
Most lamentable day, most woeful day
That ever, ever, I did yet behold!
O day, O day, O day, O hateful day.
Never was seen so black a day as this.
O woeful day, O woeful day.
|
PARIS. — Trompé, divorcé, outragé, méprisé, assassiné !
Ô très détestable mort, tu m’as trompé et ruiné,
cruelle, cruelle que tu es ! Ô amour ! ô vie ! vie, non,
mais amour au sein de la mort !
|
PARIS.
Beguil’d, divorced, wronged, spited, slain.
Most detestable death, by thee beguil’d,
By cruel, cruel thee quite overthrown.
O love! O life! Not life, but love in death!
|
CAPULET. — Méprisé, dépouillé, haï, martyrisé, tué ! Ô
temps implacable, pourquoi es-tu venu à cette heure assassiner,
assassiner ; notre fête ? — Ô mon enfant ! ô mon
enfant ! mon âme, et non mon enfant ! es-tu donc morte ?
Hélas ! mon enfant, est morte, et avec mon enfant mes joies ;
sont ensevelies !
|
CAPULET.
Despis’d, distressed, hated, martyr’d, kill’d.
Uncomfortable time, why cam’st thou now
To murder, murder our solemnity?
O child! O child! My soul, and not my child,
Dead art thou. Alack, my child is dead,
And with my child my joys are buried.
|
LE FRÈRE LAURENT. — Paix, de grâce, paix ! Le remède
aux choses lamentables n’est pis dans ces lamentations.
Le ciel et vous possédiez en commun cette belle
vierge ; maintenant le ciel l’a tout entière, et son sort
n’en est que plus heureux. Vous ne pouviez pas protéger.
la part que vous aviez d’elle contre la mort ; mais le ciel
conserve la part qu’il avait d’elle dans la vie éternelle. Le
but que vous poursuiviez avant tout était son élévation ;
son élévation était votre ciel à vous : et mainténant,
est-ce que vous allez pleurer parce qu’elle est élevée au-dessus
des nuages, aussi haut que le ciel lui-même ? Oh !
votre amour aime si mal votre enfant, que son bonheur
suprême vous rend fous : celle qui est bien mariée, n’est
pas celle qui vil mariée longtemps ; mais elle est la mieux
mariée, celle qui meurt jeune mariée. Séchez vos larmes,
semez le romarin sur ce beau corps, et selon la coutume,
portez-la à l’église, dans ses plus beaux atours. Quoique,
la folle nature nous invite tous à pleurer, les larmes de la
nature sont cependant un objet de pitié pour la raison.
|
FRIAR LAWRENCE.
Peace, ho, for shame. Confusion’s cure lives not
In these confusions. Heaven and yourself
Had part in this fair maid, now heaven hath all,
And all the better is it for the maid.
Your part in her you could not keep from death,
But heaven keeps his part in eternal life.
The most you sought was her promotion,
For ’twas your heaven she should be advanc’d,
And weep ye now, seeing she is advanc’d
Above the clouds, as high as heaven itself?
O, in this love, you love your child so ill
That you run mad, seeing that she is well.
She’s not well married that lives married long,
But she’s best married that dies married young.
Dry up your tears, and stick your rosemary
On this fair corse, and, as the custom is,
And in her best array bear her to church;
For though fond nature bids us all lament,
Yet nature’s tears are reason’s merriment.
|
CAPULET. — Toutes les choses que nous avions ordonnées
pour la joie, changeant d’office, prendront un caractère
funèbre ; nos instruments sont changés en cloches
mélancoliques, notre fêté nuptiale devient une triste fête
des funérailles ; nos hymnes solennels sont changés en
sombres glas de mort, nos fleurs de fiançailles vont servir
pour un ensevelissement, et toutes choses sont transformées
en leurs contraires.
|
CAPULET.
All things that we ordained festival
Turn from their office to black funeral:
Our instruments to melancholy bells,
Our wedding cheer to a sad burial feast;
Our solemn hymns to sullen dirges change;
Our bridal flowers serve for a buried corse,
And all things change them to the contrary.
|
LE FRÈRE LAURENT. — Rentrez, Messire, — et vous, Madame,
rentrez avec lui ; — allez, vous aussi, Messire Paris ;
— que chacun se prépare à suivre ce beau corps, à son
tombeau : les cieux vous regardent avec courroux pour
quelque péché ; ne les irritez pas davantage en contrariant
leur-souveraine volonté.
(Sortent Capulet, Madonna Capulet, Paris et le Frère.)
|
FRIAR LAWRENCE.
Sir, go you in, and, madam, go with him,
And go, Sir Paris, everyone prepare
To follow this fair corse unto her grave.
The heavens do lower upon you for some ill;
Move them no more by crossing their high will.
[Exeunt Capulet, Lady Capulet, Paris
and Friar.]
|
PREMIER MUSICIEN. — Sur ma foi, nous pouvons fermer
nos flûtes dans leurs étuis, et partir.
|
FIRST MUSICIAN.
Faith, we may put up our pipes and be gone.
|
LA NOURRICE. — Mes honnêtes braves garçons, oui fermez-les,
fermez-les ; car vous le voyez, les choses sont
dans un triste état. (Elle sort.)
|
NURSE.
Honest good fellows, ah, put up, put up,
For well you know this is a pitiful case.
|
PREMIER MUSICIEN. — Oui, sur ma foi, les choses auraient
fort besoin d’être raccommodées.
|
FIRST MUSICIAN.
Ay, by my troth, the case may be amended.
[Exit Nurse.]
|
Entre PIERRE.
|
Enter Peter.
|
PIERRE. — Musiciens, holà, musiciens : l’air de gaieté
du cœur, s’il vous plaît, gaieté du cœur ; si vous voulez
que je revive, jouez-moi gaieté du cœur.
|
PETER.
Musicians, O, musicians, ‘Heart’s ease,’
‘Heart’s ease’, O, and you will have me live, play
‘Heart’s ease.’
|
PREMIER MUSICIEN. — Pourquoi gaieté du cœur ?
|
FIRST MUSICIAN.
Why ‘Heart’s ease’?
|
PIERRE. — Ô musiciens, parce que mon cœur joue de
lui-même, « mon cœur est plein de douleur : » oh, jouez-moi
quelque joyeuse complainte pour me consoler.
|
PETER.
O musicians, because my heart itself plays ‘My heart is
full’. O play me some merry dump to comfort me.
|
PREMIER MUSICIEN. — Nous ne jouerons pas de complainte ;
ce n’est pas l’heure de jouer maintenant.
|
FIRST MUSICIAN.
Not a dump we, ’tis no time to play now.
|
PIERRE. — Vous ne voulez donc pas ?
|
PETER.
You will not then?
|
PREMIER MUSICIEN. — Non.
|
FIRST MUSICIAN.
No.
|
PIERRE. — Alors, je m’en vais vous en donner solidement.
|
PETER.
I will then give it you soundly.
|
PREMIER MUSICIEN. — Que vas-tu nous donner ?
|
FIRST MUSICIAN.
What will you give us?
|
PIERRE. — Pas de l’argent, sur ma foi, mais du violonneux ;
je vous donnerai du ménétrier.
|
PETER.
No money, on my faith, but the gleek! I will give you the
minstrel.
|
PREMIER MUSICIEN. — En ce cas, moi, je vous donnerai
du domestique.
|
FIRST MUSICIAN.
Then will I give you the serving-creature.
|
PIERRE. — En ce cas, je vous appliquerai la rapière du
domestique sur votre caboche. Je ne veux pas de ces anicroches :
je vous donnerai du ré, je vous donnerai du fa ;
notez-vous bien qui je suis ?
|
PETER.
Then will I lay the serving-creature’s dagger on your pate. I will carry
no crotchets. I’ll re you, I’ll fa you. Do you note me?
|
PREMIER MUSICIEN. — Si vous nous donnez du ré, et si
vous nous donnez du fa, c’est vous qui nous notez.
|
FIRST MUSICIAN.
And you re us and fa us, you note us.
|
SECOND MUSICIEN. — Je vous en prie, rengainez votre
rapière et dégainez votre esprit.
|
SECOND MUSICIAN.
Pray you put up your dagger, and put out your wit.
|
PIERRE. — Allons, en garde, c’est mon esprit qui va
vous attaquer ! Je vais rengainer la lame de mon poignard,
et vous battre comme il faut avec la lame de mon
esprit. — Répondez-moi comme des hommes :
Lorsque le chagrin peignant torture le cœur,
Et que les plaintes douloureuses oppressent l’âme ,
Alors la musique avec ses sons d’argent....
Pourquoi sons d’argent ? pourquoi la musique avec ses
sons d’argent ? Que répondez-vous, Simon Chanterelle ?
|
PETER.
Then have at you with my wit. I will dry-beat you with an
iron wit, and put up my iron dagger. Answer me like men.
‘When griping griefs the heart doth wound,
And doleful dumps the mind oppress,
Then music with her silver sound’—
Why ‘silver sound’? Why ‘music with her silver sound’?
What say you, Simon Catling?
|
PREMIER MUSICIEN. — Pardi, Monsieur, parce que l’argent
a un doux son.
|
FIRST MUSICIAN.
Marry, sir, because silver hath a sweet sound.
|
PIERRE. — Joli ! et que dites-vous, vous, Hugues Rebec ?
|
PETER.
Prates. What say you, Hugh Rebeck?
|
SECOND MUSICIEN. — Je dis que la musique a un son
d’argent, parce que les musiciens jouent pour de l’argent.
|
SECOND MUSICIAN.
I say ‘silver sound’ because musicians sound for silver.
|
PIERRE. — Joli aussi ! et vous, que dites-vous, Jacques
du Son ?
|
PETER.
Prates too! What say you, James Soundpost?
|
TROISIÈME MUSICIEN. — Ma foi, je ne sais quoi dire.
|
THIRD MUSICIAN.
Faith, I know not what to say.
|
PIERRE. — Oh, je vous demande pardon ; vous êtes le
chanteur : je parlerai pour vous. Voici : — la musique a
un son d’argent, parce que des gaillards tels que vous ont
rarement de l’or pour jouer :
Alors la musique avec ses sons d’argent
Nous relève avec un prompt secours.
(Il sort en chantant.)
|
PETER.
O, I cry you mercy, you are the singer. I will say for you. It is ‘music
with her silver sound’ because musicians have no gold for sounding.
‘Then music with her silver sound
With speedy help doth lend redress.’
[Exit.]
|
PREMIER MUSICIEN. — Quel drôle infect cela fait !
|
FIRST MUSICIAN.
What a pestilent knave is this same!
|
DEUXIÈME MUSICIEN. — Pendu soit-il, le Pierrot ! Venez,
nous allons rentrer : attendons les pleureurs, et restons
pour le dîner. (Ils sortent.)
|
SECOND MUSICIAN.
Hang him, Jack. Come, we’ll in here, tarry for the mourners, and stay
dinner.
[Exeunt.]
|
ACTE V.
|
ACT V
|
SCÈNE PREMIÈRE.
|
SCENE I.
|
MANTOUE. — Une rue.
|
Mantua. A Street.
|
Entre ROMÉO.
|
Enter Romeo.
|
ROMÉO. — Si je puis croire que les yeux du sommeil
voient juste, mes rêves me présagent que quelque joyeux
événement est proche. Le maître de mon cœur est
gaiement assis sur son trône, et, tout aujourd’hui, un
entrain inaccoutumé n’a cessé, de me soulever de terre
avec des pensées riantes. J’ai rêvé que ma Dame venait et
me trouvait mort (étrange rêve que celui qui permet à un.
homme mort de penser !), et qu’elle a insufflé par ses baisers
une telle vie à travers mes lèvres que je revivais et
que j’étais un empereur. Hélas ! quelle n’est pas-la douceur
de L’amour possédé. lorsque les ombres seules de l’amour
sont si riches en joies !
|
ROMEO.
If I may trust the flattering eye of sleep,
My dreams presage some joyful news at hand.
My bosom’s lord sits lightly in his throne;
And all this day an unaccustom’d spirit
Lifts me above the ground with cheerful thoughts.
I dreamt my lady came and found me dead,—
Strange dream, that gives a dead man leave to think!—
And breath’d such life with kisses in my lips,
That I reviv’d, and was an emperor.
Ah me, how sweet is love itself possess’d,
When but love’s shadows are so rich in joy.
|
Entre BALTHAZAR.
|
Enter Balthasar.
|
ROMÉO. — Des-nouvelles de Vérone ! — Eh bien, qu’y a-t-il,
Balthazar ? Est-ce que tu ne m’as pas apporté des
lettres du frère ? Comment va ma Dame ? mon père va-t-il
bien ? Comment va Madame Juliette ? je te le demande
encore ; car si elle va bien, rien ne va mal.
|
ROMEO.
News from Verona! How now, Balthasar?
Dost thou not bring me letters from the Friar?
How doth my lady? Is my father well?
How fares my Juliet? That I ask again;
For nothing can be ill if she be well.
|
BALTHAZAR. — En ce cas, rien ne va mai, car elle est
bien ; son corps sommeille dans le monument des Capulets,
et la partie immortelle d’elle-même vit avec les anges.
Je l’ai vu déposer dans le caveau de ses ancêtres, et
j’ai fait immédiatement toute, diligence pour venir vous le
dire : oh ! pardonnez-moi de vous apporter ces mauvaises
nouvelles, puisque vous m’avez chargé vous-même de cet
office, Messire.
|
BALTHASAR.
Then she is well, and nothing can be ill.
Her body sleeps in Capel’s monument,
And her immortal part with angels lives.
I saw her laid low in her kindred’s vault,
And presently took post to tell it you.
O pardon me for bringing these ill news,
Since you did leave it for my office, sir.
|
ROMÉO. — En est-il ainsi ? alors, je vous défie, étoiles !
—Tu connais mon logement : procure-moi de l’encre et
du papier, et loue-moi des chevaux de poste ; je partirai
d’ici ce soir.
|
ROMEO.
Is it even so? Then I defy you, stars!
Thou know’st my lodging. Get me ink and paper,
And hire post-horses. I will hence tonight.
|
BALTHAZAR. — Je vous en conjure, Messire, prenez patience ;
votre aspect est pâle et égaré, et me fait craindre
quelque malheur.
|
BALTHASAR.
I do beseech you sir, have patience.
Your looks are pale and wild, and do import
Some misadventure.
|
ROMÉO. — Bah, tu te trompes : laisse-moi, et fais ce que
je t’ordonne de faire. N’as-tu pas de lettres pour moi de
la part du frère ?
|
ROMEO.
Tush, thou art deceiv’d.
Leave me, and do the thing I bid thee do.
Hast thou no letters to me from the Friar?
|
BALTHAZAR. — Non, mon bon Seigneur.
|
BALTHASAR.
No, my good lord.
|
ROMÉO. — Peu importe : pars, et va me louer ces chevaux ;
je te rejoins.immédiatement. (Sort Balthazar.) Bien,
Juliette, je coucherai à tes côtés cette nuit. Voyons les
moyens. — Ô mal ! comme tu es prompt à entrer dans les
pensées dés hommes désespérés ! Je me rappelle un apothicaire,
— il habite dans ces environs, — que j’ai remarqué
dernièrement triant des simples, en vêtements déchirés
et d’une mine sombre : il avait l’air affamé, l’âpre
misère l’avait rongé jusqu’aux os : au plafond de sa pauvre
boutique pendaient une tortue, un alligator empaillé,
et autres peaux de poissons monstrueux ; sur les rayons
étaient placés quelques misérables boites vides, des pots de
terre verts, des vessies, des graines moisies, des restes de
ficelle, de vieux gâteaux de rose, tout cela maigrement
épars, pour faire montre. En remarquant cette pénurie,
je me dis en moi-même, — si un homme avait besoin d’un
poison dont la vente est punie de mort à Mantoue, ici demeure
un misérable manant qui le lui vendrait. Oh ! cette
pensée-là n’a fait que devancer mon besoin présent, et cet
homme besoigneux me vendra le poison. Si j’ai bonne mémoire,
voici là sa maison : comme c’est jour de fête, la boutique
du mendiant est fermée. — Holà, ho ! apothicaire !
|
ROMEO.
No matter. Get thee gone,
And hire those horses. I’ll be with thee straight.
[Exit Balthasar.]
Well, Juliet, I will lie with thee tonight.
Let’s see for means. O mischief thou art swift
To enter in the thoughts of desperate men.
I do remember an apothecary,—
And hereabouts he dwells,—which late I noted
In tatter’d weeds, with overwhelming brows,
Culling of simples, meagre were his looks,
Sharp misery had worn him to the bones;
And in his needy shop a tortoise hung,
An alligator stuff’d, and other skins
Of ill-shaped fishes; and about his shelves
A beggarly account of empty boxes,
Green earthen pots, bladders, and musty seeds,
Remnants of packthread, and old cakes of roses
Were thinly scatter’d, to make up a show.
Noting this penury, to myself I said,
And if a man did need a poison now,
Whose sale is present death in Mantua,
Here lives a caitiff wretch would sell it him.
O, this same thought did but forerun my need,
And this same needy man must sell it me.
As I remember, this should be the house.
Being holiday, the beggar’s shop is shut.
What, ho! Apothecary!
|
Entre L’APOTHICAIRE.
|
Enter Apothecary.
|
L’APOTHICAIRE. — Qui appelle si haut ?
|
APOTHECARY.
Who calls so loud?
|
ROMÉO. — Viens ici, l’ami. — Je vois que tu es pauvre ;
tiens, voilà quarante ducats : procure moi une dose de
poison, un poison si rapide, que dès qu’il se sera répandu
à travers ses veines, le malheureux fatigué de la vie qui
l’aura pris, tombe mort, et que son âme soit renvoyée
de son corps aussi violemment que la poudre rapide, une
fois enflammée, se précipite hors des entrailles du fatal
canon.
|
ROMEO.
Come hither, man. I see that thou art poor.
Hold, there is forty ducats. Let me have
A dram of poison, such soon-speeding gear
As will disperse itself through all the veins,
That the life-weary taker may fall dead,
And that the trunk may be discharg’d of breath
As violently as hasty powder fir’d
Doth hurry from the fatal cannon’s womb.
|
L’APOTHICAIRE. — J’ai de telles, mortelles drogues, mais
il y a peine de mort à Mantoue pour celui qui découvre
qu’il en a.
|
APOTHECARY.
Such mortal drugs I have, but Mantua’s law
Is death to any he that utters them.
|
ROMÉO. — Quoi ! tu es si nu et si misérable, et tu as
peur de mourir ! La famine loge dans tes joues, le besoin
et le malheur jeûnent dans tes yeux, le mépris et la mendicité
pendent sur ton dos, ni le monde, ni les lois du
monde ne te sont amis : le monde ne promulgue pas de
lois qui puissent te faire riche ; par conséquent, cesse d’être
pauvre, viole la loi, et prends cet or.
|
ROMEO.
Art thou so bare and full of wretchedness,
And fear’st to die? Famine is in thy cheeks,
Need and oppression starveth in thine eyes,
Contempt and beggary hangs upon thy back.
The world is not thy friend, nor the world’s law;
The world affords no law to make thee rich;
Then be not poor, but break it and take this.
|
L’APOTHICAIRE. — C’est ma pauvreté qui consent, non
ma volonté.
|
APOTHECARY.
My poverty, but not my will consents.
|
ROMÉO. — Je paye ta pauvreté, et non ta volonté.
|
ROMEO.
I pay thy poverty, and not thy will.
|
L’APOTHICAIRE. — Placez ceci dans n’importe quel liquide
que vous voudrez, et buvez le ; eussiez-vous la
force de vingt hommes, cela vous dépêcherait immédiatement.
|
APOTHECARY.
Put this in any liquid thing you will
And drink it off; and, if you had the strength
Of twenty men, it would despatch you straight.
|
ROMÉO. — Voici ton or ; l’or est pour les âmes des
hommes un pire poison, et qui accomplit plus, de meurtres
dans ce-monde exécrable, que ces pauvres drogues-ci
que tu n’as pas permission de vendre. C’est moi qui te
vends du poison, tu ne m’en as vendu aucun. Adieu :
achète de la nourriture, et tâche de te faire de la chair.
— Viens, cordial, et non poison, viens avec moi au tombeau
de Juliette ; car c’est là que je ferai usage de toi.
(Ils sortent.)
|
ROMEO.
There is thy gold, worse poison to men’s souls,
Doing more murder in this loathsome world
Than these poor compounds that thou mayst not sell.
I sell thee poison, thou hast sold me none.
Farewell, buy food, and get thyself in flesh.
Come, cordial and not poison, go with me
To Juliet’s grave, for there must I use thee.
[Exeunt.]
|
SCÈNE III.
|
SCENE III.
|
Un cimetière. Le monument des CAPULETS.
|
A churchyard; in it a Monument belonging to the Capulets.
|
Entrent PARIS et son PAGE portant des fleurs
et une torche.
|
Enter Paris, and his
Page bearing flowers and a torch.
|
PARIS. — Donne-moi ta torche enfant : pars d’ici, et
tiens-toi à distance ; — cependant, non, éteins-la, car je
ne voudrais pas être vu. Couche-foi tout de ton long sous
ces ifs qui sont là-bas, et pose ton oreille contre la terre
sonore ; le terrain de ce cimetière est tellement ébranlé et
peu solide, tant on, y a creusé de fosses, qu’il ne se peut
qu’on y fasse un pas sans que le bruit t’en arrive : dans ce
cas-là, donne un coup de sifflet, pour me prévenir que tu
entends, quelqu’un qui approche. Donne-moi ces fleurs
fais ce que je te-dis, va.
|
PARIS.
Give me thy torch, boy. Hence and stand aloof.
Yet put it out, for I would not be seen.
Under yond yew tree lay thee all along,
Holding thy ear close to the hollow ground;
So shall no foot upon the churchyard tread,
Being loose, unfirm, with digging up of graves,
But thou shalt hear it. Whistle then to me,
As signal that thou hear’st something approach.
Give me those flowers. Do as I bid thee, go.
|
LE PAGE, à part. — J’ai presque peur de rester seul dans
ce cimetière ; cependant je. vais essayer de faire bonne
contenance. (Il se retire.)
|
PAGE.
[Aside.] I am almost afraid to stand alone
Here in the churchyard; yet I will adventure.
[Retires.]
|
PARIS. — Douce fleur, je sème de fleurs ton lit nuptial,
dont le dais, ô malheur est poussière et pierres ; chaque
nuit, je viendrai l’arroser d’une eau parfumée, ou à son
défaut, des larmes distillées par mes sanglots. Les obsèques
que je veux célébrer pour toi, seront de venir
chaque huit semer ta tombe de fleurs et pleurer. (Le page
siffle.) L’enfant me donne le signal que quelqu’un approche.
Quel est le pied maudit qui foule ce soir ce sentier,
et qui vient ainsi contrarier, mes cérémonies et mes :
rites de, fidèle amour Comment ! avec une torche ! Couvre-moi
de ta cape quelques instants, ô nuit.
(Il se retire.)
|
PARIS.
Sweet flower, with flowers thy bridal bed I strew.
O woe, thy canopy is dust and stones,
Which with sweet water nightly I will dew,
Or wanting that, with tears distill’d by moans.
The obsequies that I for thee will keep,
Nightly shall be to strew thy grave and weep.
[The Page whistles.]
The boy gives warning something doth approach.
What cursed foot wanders this way tonight,
To cross my obsequies and true love’s rite?
What, with a torch! Muffle me, night, awhile.
[Retires.]
|
Entrent ROMÉO et BALTHAZAR avec une torche,
une pioche, etc.
|
Enter Romeo and
Balthasar with a torch, mattock, &c.
|
ROMÉO. — Donne-moi cette pioche et la barre de fier
pour soulever. Tiens prends cette lettre demain, matin
de bonne heure, aie soin de la remettre, à mon Seigneur
et père. Donne-moi là-lumière quelque chose, que tu
entendes ou que tu voies, je t’ordonne sur ta vie de rester
à l’écart et de ne pas m’interrompre dans mes actions.
Si je descends dans ce lit de là mort c’est d’abord, pour
contempler le visage de ma Dame ; mais surtout pour
enlever de sa main morte un précieux anneau, un anneau
auquel je veux donner fin cher emploi ainsi donc
pars, va-t’en : — mais si soupçonneux, tu reviens pour
épier ce que je serai en train de faire, par le ciel, je te
couperai en morceaux, et je sèmerai de tes membres ce
cimetière, affamé d’existences : la situation et les pensées
de mon âme sont frénétiques plus féroces, et bien autrement
inexorables, que les tigres à jeun ou la mer mugissante.
|
ROMEO.
Give me that mattock and the wrenching iron.
Hold, take this letter; early in the morning
See thou deliver it to my lord and father.
Give me the light; upon thy life I charge thee,
Whate’er thou hear’st or seest, stand all aloof
And do not interrupt me in my course.
Why I descend into this bed of death
Is partly to behold my lady’s face,
But chiefly to take thence from her dead finger
A precious ring, a ring that I must use
In dear employment. Therefore hence, be gone.
But if thou jealous dost return to pry
In what I further shall intend to do,
By heaven I will tear thee joint by joint,
And strew this hungry churchyard with thy limbs.
The time and my intents are savage-wild;
More fierce and more inexorable far
Than empty tigers or the roaring sea.
|
BALTHAZAR. — Je vais partir, Messire, et je ne vous
troublerai pas.
|
BALTHASAR.
I will be gone, sir, and not trouble you.
|
ROMÉO. — En cela, lu me montreras ton amitié : prends
ce que voici : vis, et sois heureux ; adieu, mon bon garçon.
|
ROMEO.
So shalt thou show me friendship. Take thou that.
Live, and be prosperous, and farewell, good fellow.
|
BALTHAZAR. — Malgré sa recommandation, je Vais me
cacher aux alentours ; ses regards me font peur, et je me
méfie de ses intentions. (Il se retire.)
|
BALTHASAR.
For all this same, I’ll hide me hereabout.
His looks I fear, and his intents I doubt.
[Retires]
|
ROMÉO. — Détestable bouche, gouffre de mort, qui t’es
gorgé du mets le plus précieux de la terre, voici comment
je force à s’ouvrir tes mâchoires pourries. (Il ouvre
le sépulcre.) En dépit de toi, je veux t’assouvir encore
d’autre nourriture !
|
ROMEO.
Thou detestable maw, thou womb of death,
Gorg’d with the dearest morsel of the earth,
Thus I enforce thy rotten jaws to open,
[Breaking open the door of the monument.]
And in despite, I’ll cram thee with more food.
|
PARIS. — C’est le hautain proscrit Montaigu, celui qui
tua le cousin de ma bien-aimée, laquelle en ressentit un
tel chagrin qu’on suppose que la belle créature en est.
morte ; il est venu ici pour faire subir quelque odieux
outrage aux cadavres. Je m’en vais le saisir. (Il s’avance.)
Arrête ton travail impie, vil Montaigu ! La vengeance
doit-elle donc être poursuivie plus loin que la mort ?
Scélérat condamné, je t’arrête : obéis, et viens avec moi,
car tu dois mourir.
|
PARIS.
This is that banish’d haughty Montague
That murder’d my love’s cousin,—with which grief,
It is supposed, the fair creature died,—
And here is come to do some villanous shame
To the dead bodies. I will apprehend him.
[Advances.]
Stop thy unhallow’d toil, vile Montague.
Can vengeance be pursu’d further than death?
Condemned villain, I do apprehend thee.
Obey, and go with me, for thou must die.
|
ROMÉO. — Oui, je dois mourir en effet, c’est pour cela
que je suis venu ici. — Mon bon et gentil jeune homme,
ne tente pas un homme désespéré : fuis d’ici, et laisse-moi :
pense à ceux qui dorment ici, et que leur pensée
te fasse fuir d’effroi. — Je t’en conjure, jeune homme, né
fais pas tomber un autre péché sur ma tête en me poussant
à la fureur : oh, va-t’en ! Par le ciel, je t’aime plus
que moi-même, car je suis venu ici armé contre moi-même :
ne reste pas, pars ; — vis, et dis plus tard que la
clémence d’un fou frénétique te recommanda de t’enfuir.
|
ROMEO.
I must indeed; and therefore came I hither.
Good gentle youth, tempt not a desperate man.
Fly hence and leave me. Think upon these gone;
Let them affright thee. I beseech thee, youth,
Put not another sin upon my head
By urging me to fury. O be gone.
By heaven I love thee better than myself;
For I come hither arm’d against myself.
Stay not, be gone, live, and hereafter say,
A madman’s mercy bid thee run away.
|
PARIS. — Je brave tes conjurations, et je t’arrête ici
comme un félon.
|
PARIS.
I do defy thy conjuration,
And apprehend thee for a felon here.
|
ROMÉO. — Veux-tu donc me provoquer ? Alors, en
garde, bambin ! (Ils combattent.)
|
ROMEO.
Wilt thou provoke me? Then have at thee, boy!
[They fight.]
|
LE PAGE. — Seigneur ! ils se battent ! je vais aller
appeler la garde. (Il sort. Paris tombe.)
|
PAGE.
O lord, they fight! I will go call the watch.
[Exit.]
|
PARIS. — Oh, je suis tué ! Si tu es charitable, ouvre la
tombe, dépose-moi à-côté de Juliette. (Il meurt.)
|
PARIS.
O, I am slain! [Falls.] If thou be merciful,
Open the tomb, lay me with Juliet.
[Dies.]
|
ROMÉO. — Sur ma foi, je le ferai. Tâchons de reconnaître
son visage. — C’est le parent de Mercutio, le noble
comte Paris ! — Que me disait mon valet, en route, pendant
que mon âme bouleversée dé tempêtes l’écoutait sans
l’entendre ? Je crois qu’il m’a dit que Paris devait être
marié à Juliette ? me l’a-t-il dit ou non ? ou bien ai-je
rêvé la chose ? où bien, suis-je assez fou pour avoir
imaginé la chose tout seul en l’entendant parler de Juliette ?
— Oh ! donne-moi ta main, toi qui fus inscrit avec
moi sur le livre de l’âpre malheur ! Je vais t’ensevelir
dans un glorieux tombeau ; un tombeau ? — on ! non,
jeune homme égorgé, mais un phare ; car Juliette y est
couchée, et sa beauté fait de ce caveau une salle de
fêtes pleine de lumière. Mort, couche-toi ici, enterré par
un homme mort. (Il dépose Paris dans le monument.) Que
de fois les hommes, lorsqu’ils sont sur le point de mourir,
se montrent gais ! C’est ce que leurs gardiens appellent un
éclair avant la mort : oh ! comment puis-je appeler cela un éclair
(a) ? — Ô ma chérie ! ma femme ! la mort qui a sucé
le miel de ton haleine n’a pas eu encore de pouvoir sur ta
beauté : tu n’as pas été conquise ; l’étendard de la beauté est
encore rouge sur tes lèvres et sur tes joues, et le pâle
drapeau de la mort n’y a pas encore été planté. — Tebaldo,
est-ce toi qui es couché dans ton linceul sanglant ? Oh !
quelle plus grande réparation puis-je te faire, que de séparer
de ce monde celui qui fut ton ennemi, au moyen de
cette même main qui a tranché ta jeunesse dans sa fleur ?
Pardonne-moi, cousin ! — Ô chère Juliette, pourquoi es-tu
encore si belle ? Croirai-je que l’immatériel trépas est
amoureux, et que le monstre-maigre et abhorré le garde
dans les ténèbres, pour être sa maîtresse ? Dans cette
crainte, je vais aller habiter avec toi, et jamais plus je ne
quitterai ce palais de sombre nuit. Là, là, je resterai avec
les vers qui sont tes filles de chambre ; là j’établirai mon
lieu éternel de repos, en débarrassant cette chair fatiguée
du monde de la tyrannie des étoiles funestes. — Regardez-la
pour la dernière fois, mes yeux ! Prenez votre dernière
étreinte, mes bras ! El vous, mes lèvres, vous qui êtes les
portes de la respiration scellez d’un baiser loyal un
marché éternel conclu avec la mort rapace ! Viens,
cruel conducteur ; viens, guide repoussant ! Pilote désespéré,
allons, précipite contre les rochers’ qui vont la briser
la barque fatiguée et malade de la tempête ! Je bois à mon
amour ! (Il boit le poison.) Oh, tu es un honnête apothicaire !
tes drogues sont rapides. Je meurs ainsi avec un
baiser. (Il meurt.)
|
ROMEO.
In faith, I will. Let me peruse this face.
Mercutio’s kinsman, noble County Paris!
What said my man, when my betossed soul
Did not attend him as we rode? I think
He told me Paris should have married Juliet.
Said he not so? Or did I dream it so?
Or am I mad, hearing him talk of Juliet,
To think it was so? O, give me thy hand,
One writ with me in sour misfortune’s book.
I’ll bury thee in a triumphant grave.
A grave? O no, a lantern, slaught’red youth,
For here lies Juliet, and her beauty makes
This vault a feasting presence full of light.
Death, lie thou there, by a dead man interr’d.
[Laying Paris
in the monument.]
How oft when men are at the point of death
Have they been merry! Which their keepers call
A lightning before death. O, how may I
Call this a lightning? O my love, my wife,
Death that hath suck’d the honey of thy breath,
Hath had no power yet upon thy beauty.
Thou art not conquer’d. Beauty’s ensign yet
Is crimson in thy lips and in thy cheeks,
And death’s pale flag is not advanced there.
Tybalt, liest thou there in thy bloody sheet?
O, what more favour can I do to thee
Than with that hand that cut thy youth in twain
To sunder his that was thine enemy?
Forgive me, cousin. Ah, dear Juliet,
Why art thou yet so fair? Shall I believe
That unsubstantial death is amorous;
And that the lean abhorred monster keeps
Thee here in dark to be his paramour?
For fear of that I still will stay with thee,
And never from this palace of dim night
Depart again. Here, here will I remain
With worms that are thy chambermaids. O, here
Will I set up my everlasting rest;
And shake the yoke of inauspicious stars
From this world-wearied flesh. Eyes, look your last.
Arms, take your last embrace! And, lips, O you
The doors of breath, seal with a righteous kiss
A dateless bargain to engrossing death.
Come, bitter conduct, come, unsavoury guide.
Thou desperate pilot, now at once run on
The dashing rocks thy sea-sick weary bark.
Here’s to my love! [Drinks.] O true apothecary!
Thy drugs are quick. Thus with a kiss I die.
[Dies.]
|
Entre, de l’autre côté du cimetière, LE
FRÈRE LAURENT
avec une lanterne, un levier et une pioche.
|
Enter, at the other end of the Churchyard,
Friar Lawrence, with a lantern, crow, and spade.
|
LE FRÈRE LAURENT. — Saint François me donne diligence !
Que de fois, cette nuit, mes vieux pieds ont trébuché
aux tombes ! Qui est là ?
|
FRIAR LAWRENCE.
Saint Francis be my speed. How oft tonight
Have my old feet stumbled at graves? Who’s there?
Who is it that consorts, so late, the dead?
|
BALTHAZAR, s’avançant. — Un homme qui.est un ami
et qui vous connaît bien.
|
BALTHASAR.
Here’s one, a friend, and one that knows you well.
|
LE FRÈRE LAURENT. — La bénédiction de Dieu soit avec
loi ! Dis-moi, mon bon ami, quelle est cette torche là-bas
qui prête inutilement sa lumière aux vers et aux crânes
sans yeux ? Autant que je puis le distinguer, elle brûle
dans le monument des Capulets.
|
FRIAR LAWRENCE.
Bliss be upon you. Tell me, good my friend,
What torch is yond that vainly lends his light
To grubs and eyeless skulls? As I discern,
It burneth in the Capels’ monument.
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BALTHAZAR. — Elle y brûle, pieux Messire, et il y a là
mon maître, un homme que vous aimez.
|
BALTHASAR.
It doth so, holy sir, and there’s my master,
One that you love.
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LE FRÈRE LAURENT. — Qui ça ?
|
FRIAR LAWRENCE.
Who is it?
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BALTHAZAR. — Roméo.
|
BALTHASAR.
Romeo.
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LE FRÈRE LAURENT. — Depuis combien de temps est-il là ?
|
FRIAR LAWRENCE.
How long hath he been there?
|
BALTHAZAR. — Depuis une grande demi-heure.
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BALTHASAR.
Full half an hour.
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LEFRÈRE LAURENT. — Viens avec moi au caveau.
|
FRIAR LAWRENCE.
Go with me to the vault.
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BALTHAZAR. — Je n’ose pas, Messire ; mon maître croit
que je suis parti d’ici, et il m’a fait les menaces de mort
les plus formidables, si je restais pour surveiller ses actions.
|
BALTHASAR.
I dare not, sir;
My master knows not but I am gone hence,
And fearfully did menace me with death
If I did stay to look on his intents.
|
LE FRÈRE LAURENT. — Reste alors, j’irai seul : la crainte
s’empare de moi ; oh ! je redoute beaucoup qu’il ne soit
arrivé quelque malheur.
|
FRIAR LAWRENCE.
Stay then, I’ll go alone. Fear comes upon me.
O, much I fear some ill unlucky thing.
|
BALTHAZAR. — Comme je m’étais endormi sous cet if,
ici, j’ai rêvé que mon maître et un autre homme se battaient,
et que mon maître avait tué son adversaire.
|
BALTHASAR.
As I did sleep under this yew tree here,
I dreamt my master and another fought,
And that my master slew him.
|
LE FRÈRE LAURENT, s'approchant du monument. — Roméo !
— Hélas ! hélas ! quel est ce sang qui tache l’entrée
de pierre de ce sépulcre ? Que signifient ces épées sanglantes
et sans maîtres qui sont là, par terre, souillées,
près de ce lieu de paix ! (Il entre dans le monument.) Roméo !
Oh, pâle ! — Qui encore ? quoi ! Paris aussi ? et baigné
dans son sang ? Ah ! quelle heure implacable que celle
qui a été coupable de ce hasard lamentable ! — La Dame
s’agite. (Juliette se réveille.)
|
FRIAR LAWRENCE.
Romeo! [Advances.]
Alack, alack, what blood is this which stains
The stony entrance of this sepulchre?
What mean these masterless and gory swords
To lie discolour’d by this place of peace?
[Enters the monument.]
Romeo! O, pale! Who else? What, Paris too?
And steep’d in blood? Ah what an unkind hour
Is guilty of this lamentable chance?
The lady stirs.
[Juliet wakes and stirs.]
|
JULIETTE. — Ô secourable frère ! où est mon Seigneur ?
je me rappelle bien où je devais me trouver, et m’y voilà :
où est mon Roméo ? (On entend du bruit.)
|
JULIET.
O comfortable Friar, where is my lord?
I do remember well where I should be,
And there I am. Where is my Romeo?
[Noise within.]
|
LE FRÈRE LAURENT. — J’entends du bruit. — Dame,
sors de cet autre de mort, de contagion, de sommeil contre
nature : un pouvoir trop grand pour que nous puissions
lui résister a traversé nos desseins. Partons, partons
d’ici : ton époux est là couché mort sur ton sein, et Paris
aussi : viens, je te placerai dans-un couvent de pieuses
nonnes : ne perds pas de temps à m’interroger, car la
garde arrive : allons, viens, ma bonne Juliette ; (nouveau
bruit) je n’ose pas rester plus longtemps.
|
FRIAR LAWRENCE.
I hear some noise. Lady, come from that nest
Of death, contagion, and unnatural sleep.
A greater power than we can contradict
Hath thwarted our intents. Come, come away.
Thy husband in thy bosom there lies dead;
And Paris too. Come, I’ll dispose of thee
Among a sisterhood of holy nuns.
Stay not to question, for the watch is coming.
Come, go, good Juliet. I dare no longer stay.
|
JULIETTE. — Va, pars d’ici toi, car moi je ne m’en irai
pas. (Sort le frère Laurent.) Qu’y a-t-il là ? une coupe,
serrée par la main de mon fidèle bien-aimé ? C’est le poison,
je le vois, qui a mis prématurément fin à ses jours.
méchant ! il a tout bu, et ne m’en a pas laissé par amitié
une seule goutte pour, me venir en aide après lui ! Je
vais baiser tes lèvres ; peut-être y a-t-il encore assez de
poison pour me faire mourir en y goûtant le cordial du
baiser. (Elle l’embrasse.) Tes lèvres sont chaudes !
|
JULIET.
Go, get thee hence, for I will not away.
[Exit Friar Lawrence.]
What’s here? A cup clos’d in my true love’s hand?
Poison, I see, hath been his timeless end.
O churl. Drink all, and left no friendly drop
To help me after? I will kiss thy lips.
Haply some poison yet doth hang on them,
To make me die with a restorative.
[Kisses him.]
Thy lips are warm!
|
PREMIER GARDE, de l’intérieur. — Conduis-nous, petit ?
de quel côté c’est-il ?
|
FIRST WATCH.
[Within.] Lead, boy. Which way?
|
JULIETTE. — Oui-da, du bruit ? en ce cas, je vais me
dépêcher. Ô poignard qui es là bien à point ! (Elle enlève
le poignard de Roméo.) Voici ton fourreau (elle se poignarde) ;
rouille-toi là, et permets-moi de mourir.
(Elle tombe sur le corps de Roméo, et meurt.)
|
JULIET.
Yea, noise? Then I’ll be brief. O happy dagger.
[Snatching Romeo’s
dagger.]
This is thy sheath. [stabs herself] There rest, and let me die.
[Falls on Romeo’s
body and dies.]
|
Entre LA GARDE avec LE PAGE
DE PARIS.
|
Enter Watch with the
Page of Paris.
|
LE PAGE. — Voici la place ; là, où la torche brûle.
|
PAGE.
This is the place. There, where the torch doth burn.
|
PREMIER GARDE. — La place est sanglante ; cherchez
dans tout le cimetière ; allez, quelques-uns d’entre vous,
et arrêtez tous ceux que vous trouverez. (Sortent quelques
hommes de la garde.) Quel spectacle lamentable ! là gît
le comte assassiné ; et Juliette qui saigne ; Juliette qui depuis
deux jours était enterrée, elle est chaude et nouvellement
morte. Allez, avertisses, le prince, courez chez les
Capulets, réveillez les Montaigus, que d’autres fassent les
recherches. (Sortent quelques hommes de la garde.) Nous
voyons, bien le terrain où les victimes de ces malheurs
sont étendues ; mais quant au terrain moral d’où sont sortis
tous ces lamentables malheurs, nous ne pouvons le
découvrir sans témoignages.
|
FIRST WATCH.
The ground is bloody. Search about the churchyard.
Go, some of you, whoe’er you find attach.
[Exeunt some of the Watch.]
Pitiful sight! Here lies the County slain,
And Juliet bleeding, warm, and newly dead,
Who here hath lain this two days buried.
Go tell the Prince; run to the Capulets.
Raise up the Montagues, some others search.
[Exeunt others of the Watch.]
We see the ground whereon these woes do lie,
But the true ground of all these piteous woes
We cannot without circumstance descry.
|
Rentrent quelques hommes de la garde avec BALTHAZAR.
|
Re-enter some of the Watch with
Balthasar.
|
SECOND GARDE. — Voici le valet de Roméo ; nous l’avons
trouvé dans le cimetière.
|
SECOND WATCH.
Here’s Romeo’s man. We found him in the churchyard.
|
PREMIER GARDE. — Tenez-le en sûreté jusqu’à ce que
le prince soit arrivé.
|
FIRST WATCH.
Hold him in safety till the Prince come hither.
|
Rentrent d’autres hommes de la garde avec LE
FRÈRE LAURENT.
|
Re-enter others of the Watch with
Friar Lawrence.
|
TROISIÈME GARDE. — Voici un frère qui tremblé, soupire,
et pleuré : nous lui avons pris cette pioche et ce levier
qu’il portait avec lui, comme il sortait de ce côté du
cimetière.
|
THIRD WATCH. Here is a Friar that trembles, sighs, and weeps.
We took this mattock and this spade from him
As he was coming from this churchyard side.
|
PREMIER GARDE. — Grave incrimination : gardez aussi
le frère.
|
FIRST WATCH.
A great suspicion. Stay the Friar too.
|
Entrent LE PRINCE et les gens de sa
suite.
|
Enter the Prince and
Attendants.
|
LE PRINCE. — Quel est le malheur levé de si bonne
heure qui tire notre personne de notre repos du matin ?
|
PRINCE.
What misadventure is so early up,
That calls our person from our morning’s rest?
|
Entrent CAPULET, MADONNA CAPULET, et
autres.
|
Enter Capulet, Lady Capulet
and others.
|
CAPULET. — Quel peut être le motif qui leur fait pousser
de tels cris à travers la ville ?
|
CAPULET.
What should it be that they so shriek abroad?
|
MADONNA CAPULET. — Le peuple crie dans les rues, les
uns Roméo, d’autres Juliette, et d’autres Paris, et tous
courent en poussant des clameurs vers notre monument.
|
LADY CAPULET.
O the people in the street cry Romeo,
Some Juliet, and some Paris, and all run
With open outcry toward our monument.
|
LE PRINCE. — Quel est donc le sujet de cette alarme
qui perce nos oreilles ?
|
PRINCE.
What fear is this which startles in our ears?
|
PREMIER GARDE. — Mon Souverain, ici gît assassiné le
comte Paris ; Roméo est mort, et Juliette, qui était déjà
morte, a été tuée tout récemment, car elle est encore
chaude.
|
FIRST WATCH.
Sovereign, here lies the County Paris slain,
And Romeo dead, and Juliet, dead before,
Warm and new kill’d.
|
LE PRINCE. — Faites des perquisitions, interrogez, et
sachez comment cet odieux massacre s’est produit.
|
PRINCE.
Search, seek, and know how this foul murder comes.
|
PREMIER GARDE. — Il y a ici un moine ainsi que le
valet de Roméo assassiné ; nous les avons trouvés avec
les instruments nécessaires pour ouvrir les tombés de ces
morts.
|
FIRST WATCH.
Here is a Friar, and slaughter’d Romeo’s man,
With instruments upon them fit to open
These dead men’s tombs.
|
CAPULET. — Ô ciel ! femme ! vois.comme notre fille
saigne ! ce poignard s’est trompé de place, car sa gaine
est vide à la ceinture de Montaigu, et il s’est choisi par
erreur un fourreau dans le sein de ma fille !
|
CAPULET.
O heaven! O wife, look how our daughter bleeds!
This dagger hath mista’en, for lo, his house
Is empty on the back of Montague,
And it mis-sheathed in my daughter’s bosom.
|
MADONNA CAPULET. — Hélas ! ce spectacle de mort est
comme une cloche qui’ sonne à ma vieillesse le départ
pour la tombe.
|
LADY CAPULET.
O me! This sight of death is as a bell
That warns my old age to a sepulchre.
|
Entrent MONTAIGU et autres.
|
Enter Montague and others.
|
LE PRINCE. — Viens, Montaigu ; car tu t’es levé de
bonne heure, pour voir ton fils et ton héritier qui s’est
couché de meilleure heure encore.
|
PRINCE.
Come, Montague, for thou art early up,
To see thy son and heir more early down.
|
MONTAIGU. — Hélas ! mon Suzerain, ma femme est
morte cette nuit ; la douleur que lui a causée l’exil de mon
fils a éteint son souffle : quel nouveau malheur conspire
contre ma vieillesse ?
|
MONTAGUE.
Alas, my liege, my wife is dead tonight.
Grief of my son’s exile hath stopp’d her breath.
What further woe conspires against mine age?
|
LE PRINCE. — Regarde, et tu verras.
|
PRINCE.
Look, and thou shalt see.
|
MONTAIGU. — Ô enfant impoli ! que signifient ces manières
qui t’ont fait prendre le pas sur ton père pour aller
au tombeau ?
|
MONTAGUE.
O thou untaught! What manners is in this,
To press before thy father to a grave?
|
LE PRINCE. — Imposez un instant silence à vos douleurs,
jusqu’à ce que nous ayons éclairci. ces faits obscurs,
et découvert leur source, leur origine, leur véritable
principe ; puis ensuite je consentirai à être le capitaine
de vos douleurs, et à marcher à votre tête même jusqu’au
trépas mais pour le moment, suspendez vos plaintes, et
que le malheur se fasse l’esclave de la patience. Faites
avancer les personnes soupçonnées.
|
PRINCE.
Seal up the mouth of outrage for a while,
Till we can clear these ambiguities,
And know their spring, their head, their true descent,
And then will I be general of your woes,
And lead you even to death. Meantime forbear,
And let mischance be slave to patience.
Bring forth the parties of suspicion.
|
LE FRÈRE LAURENT. — Je suis le plus important des
deux, celui qui a le moins de forces pour commettre
un tel effroyable massacre, et cependant le plus soupçonné
de l’avoir commis, tant les circonstances de temps
et de lieu déposent- contre moi ; me voici devant, vous
prêt à accuser et à disculper ma personne condamnée et
excusée.
|
FRIAR LAWRENCE.
I am the greatest, able to do least,
Yet most suspected, as the time and place
Doth make against me, of this direful murder.
And here I stand, both to impeach and purge
Myself condemned and myself excus’d.
|
LE PRINCE. — Eh bien, dis-nous sans l’arrêter ce que
tu sais de cette catastrophe.
|
PRINCE.
Then say at once what thou dost know in this.
|
LE FRÈRE LAURENT. — Je serai bref, car le peu de
souffle qui me reste n’est pas suffisant pour me permettre
d’être ennuyeux. Roméo, que voici mort, était le
mari de cette Juliette ; elle, que voici morte, était l’épouse
fidèle de ce Roméo : je les avais mariés, et le jour
de leur mariage secret fut le jour même où périt Tebaldo,
dont la mort intempestive bannit de cette ville le
nouvel époux ; c’était pour lui, et non pour Tebaldo, que
Juliette se consumait. Vous, pour repousser d’elle ces
assauts de la douleur, vous la fiançâtes, et vous vouliez
la marier par force au comte Paris : alors, elle vint me
trouver, et avec une physionomie égarée m’ordonna de
lui trouver un moyen de la débarrasser de ce second
mariage, sans quoi elle me menaça de se tuer dans ma
cellule. Alors je lui donnai une potion narcotique dont
mon art m’avait fait reconnaître la puissance, potion qui
eut l’effet que j’en attendais, car elle lui créa l’apparence
de la mort : en même temps j’écrivis à Roméo qu’il eût à
se rendre ici pendant cette fatale nuit pour m’aider à la
retirer de sa tombe empruntée, car cette nuit était l’époque
où la force de la potion devait cesser d’opérer.
Mais celui qui portait ma lettre, le frère Jean, fut arrêté
par accident, et hier soir il est revenu en me la
rapportant : alors, moi seul, je suis venu en ce lieu, à
l’heure précise de son réveil, pour la retirer du caveau
de ses ancêtres, avec l’intention de la garder secrètement
dans ma cellule, jusqu’à ce que je pusse l’envoyer sans
inconvénients à Roméo : mais lorsque je suis arrivé, —
quelques minutes avant l’instant de son réveil, — j’ai
trouvé gisants sous le coup d’une mort fatale, le noble
Paris et le fidèle Roméo. Elle s’est éveillée ; je l’ai suppliée
de s’enfuir et de supporter avec patience cette
oeuvre du ciel : mais à ce moment un bruit m’a fait
m’éloigner de la tombe ; elle, en proie à un excessif
désespoir, n’a pas voulu venir avec moi, et elle s’est fait
semble-t-il, violence à elle-même. Voilà tout ce que je
sais ; sa nourrice a connaissance du mariage : et si quelque
chose en tout cela doit retomber à ma charge, que
la rigueur de la plus sévère de nos lois sacrifie ma vieille
existence, et l’enlève ainsi quelques heures avant son
terme naturel.
|
FRIAR LAWRENCE.
I will be brief, for my short date of breath
Is not so long as is a tedious tale.
Romeo, there dead, was husband to that Juliet,
And she, there dead, that Romeo’s faithful wife.
I married them; and their stol’n marriage day
Was Tybalt’s doomsday, whose untimely death
Banish’d the new-made bridegroom from this city;
For whom, and not for Tybalt, Juliet pin’d.
You, to remove that siege of grief from her,
Betroth’d, and would have married her perforce
To County Paris. Then comes she to me,
And with wild looks, bid me devise some means
To rid her from this second marriage,
Or in my cell there would she kill herself.
Then gave I her, so tutored by my art,
A sleeping potion, which so took effect
As I intended, for it wrought on her
The form of death. Meantime I writ to Romeo
That he should hither come as this dire night
To help to take her from her borrow’d grave,
Being the time the potion’s force should cease.
But he which bore my letter, Friar John,
Was stay’d by accident; and yesternight
Return’d my letter back. Then all alone
At the prefixed hour of her waking
Came I to take her from her kindred’s vault,
Meaning to keep her closely at my cell
Till I conveniently could send to Romeo.
But when I came, some minute ere the time
Of her awaking, here untimely lay
The noble Paris and true Romeo dead.
She wakes; and I entreated her come forth
And bear this work of heaven with patience.
But then a noise did scare me from the tomb;
And she, too desperate, would not go with me,
But, as it seems, did violence on herself.
All this I know; and to the marriage
Her Nurse is privy. And if ought in this
Miscarried by my fault, let my old life
Be sacrific’d, some hour before his time,
Unto the rigour of severest law.
|
LE PRINCE. — Nous t’avons toujours connu pour un
saint homme. — Où est le valet de Roméo ? Qu’a-t-il à dire
en cette affaire ?
|
PRINCE.
We still have known thee for a holy man.
Where’s Romeo’s man? What can he say to this?
|
BALTHAZAR. — J'apportai à mon maître la nouvelle de
la mort de Juliette, et alors il est venu en poste de Mantoue,
à ce lieu-ci, à ce monument. Il m’ordonna de donner
de bon matin cette lettre à son père, et il entra dans le
caveau en me menaçant de mort, si je ne m’éloignais pas
en l’y laissant seul.
|
BALTHASAR.
I brought my master news of Juliet’s death,
And then in post he came from Mantua
To this same place, to this same monument.
This letter he early bid me give his father,
And threaten’d me with death, going in the vault,
If I departed not, and left him there.
|
LE PRINCE. — Donne-moi la lettre, je vais la lire. — Où
est le page du comte qui est allé chercher la garde ? —
Maraud, que faisait voire maître en ce lieu ?
|
PRINCE.
Give me the letter, I will look on it.
Where is the County’s Page that rais’d the watch?
Sirrah, what made your master in this place?
|
LE PAGE. — Il était venu pour semer de fleurs le tombeau
de sa Dame ; il m’ordonna de me tenir à l’écart, ce
que je fis ; puis, un instant après, est venu quelqu’un avec
une lumière pour ouvrir la tombe ; mon maître, de propos
en propos, a fini par tirer l’épée contre lui, et alors
je me suis enfui pour aller chercher la gardé.
|
PAGE.
He came with flowers to strew his lady’s grave,
And bid me stand aloof, and so I did.
Anon comes one with light to ope the tomb,
And by and by my master drew on him,
And then I ran away to call the watch.
|
LE PRINCE. — Cette lettre témoigne pleinement de la
vérité du récit du moine ; elle raconte les péripéties de leur
amour, et parle de la nouvelle de la mort de Juliette : il
écrit qu’il a acheté du poison d’un pauvre apothicaire, et
qu’ainsi muni, il s’est rendu à ce caveau pour mourir,
et se coucher auprès de Juliette. — Où sont ces ennemis ?
— Capulet ! Montaigu ! voyez quelle malédiction pèse sur
votre haine, puisque le ciel a trouvé le moyen de tuer
votre bonheur par l’amour même ! Et moi, pour avoir
trop fermé les yeux sur vos discordes, j’ai perdu deux de
mes parents : tous sont punis.
|
PRINCE.
This letter doth make good the Friar’s words,
Their course of love, the tidings of her death.
And here he writes that he did buy a poison
Of a poor ’pothecary, and therewithal
Came to this vault to die, and lie with Juliet.
Where be these enemies? Capulet, Montague,
See what a scourge is laid upon your hate,
That heaven finds means to kill your joys with love!
And I, for winking at your discords too,
Have lost a brace of kinsmen. All are punish’d.
|
CAPULET. — Ô frère Montaigu ! donne-moi ta main ;
cette étreinte est le douaire de ma fille, car je ne puis
demander plus.
|
CAPULET.
O brother Montague, give me thy hand.
This is my daughter’s jointure, for no more
Can I demand.
|
MONTAIGU. — Mais je puis te donner davantage : car je
ferai dresser à ta fille une statue en or pur, afin que tant
que Vérone sera connue sous ce nom, nulle imagé n’y
soit tenue en aussi haute admiration que celle de la loyale
et fidèle Juliette.
|
MONTAGUE.
But I can give thee more,
For I will raise her statue in pure gold,
That whiles Verona by that name is known,
There shall no figure at such rate be set
As that of true and faithful Juliet.
|
CAPULET. — Roméo sera couché près de sa Dame sous
une forme aussi riche que la sienne : pauvres holocaustes
de notre inimitié !
|
CAPULET.
As rich shall Romeo’s by his lady’s lie,
Poor sacrifices of our enmity.
|
LE PRINCE. — Cette matinée apporte avec elle une
paix lugubre ; le soleil, par chagrin, n’ose pas montrer
sa tête. Partons d’ici pour nous entretenir plus longuement
de ces tristes événements ; quelques-uns seront pardonnés
et quelques autres punis ; car jamais il n’y eut
histoire plus lamentable que celle de Juliette et de son
Roméo. (Ils sortent.)
|
PRINCE.
A glooming peace this morning with it brings;
The sun for sorrow will not show his head.
Go hence, to have more talk of these sad things.
Some shall be pardon’d, and some punished,
For never was a story of more woe
Than this of Juliet and her Romeo.
[Exeunt.]
|