Dracula |
Dracula |
de Bram Stoker |
by Bram Stoker |
traduction de Ève et Lucie Paul-Margueritte
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1897 |
Chapitre IX |
Chapter IX |
Lettre de Mina Harker À Lucy Westenra |
Mina Murray's Journal |
Letter, Mina Harker to Lucy Westenra. |
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Budapest, 24 août |
"Buda-Pesth, 24 August. |
« Ma très chère Lucy, « Je sais que tu es impatiente d’apprendre tout ce qui s’est passé depuis que nous nous sommes quittées à la gare de Whitby. Eh bien ! arrivée à Hull, j’ai pris le bateau pour Hambourg et, là, le train qui m’a amenée ici. C’est à peine si je me souviens des détails de mon voyage ; comme je savais que j’allais retrouver Jonathan et que j’aurais à le soigner, à le veiller, je ne songeais qu’à une chose : dormir le plus possible… Je trouvai un Jonathan maigre, pâle et apparemment dans un grand état de faiblesse. Il n’avait plus dans les yeux ce regard résolu, ni sur les traits cette calme maîtrise dont je t’ai si souvent parlé. Il n’est plus que l’ombre de lui-même, il ne se rappelle plus rien de ce qui lui est arrivé ces derniers temps… du moins, c’est ce qu’il veut me faire croire et pour rien au monde, je ne voudrais l’interroger à ce propos. Il a reçu un choc vraiment terrible, et j’ai bien peur que, si la mémoire lui en revenait, son cerveau ne résiste pas à cette nouvelle épreuve. Sœur Agatha, excellente créature et infirmière née, me répète que, dans son délire, il a parlé de choses absolument effrayantes. J’aurais voulu qu’elle me donnât des détails, mais, en se signant, elle m’a répondu que c’était impossible, que les propos tenus par un malade en délire étaient le secret de Dieu et que si, par sa vocation même, une infirmière est bien obligée de les entendre, elle doit respecter ces secrets. Le lendemain, pourtant, devinant à quel point j’étais préoccupée, d’elle-même elle me reparla de cela : « — Tout ce que je puis vous dire, fit-elle, c’est que, à aucun moment, il n’a parlé d’une faute qu’il aurait commise. Et vous, qui devez bientôt être sa femme, n’êtes nullement en cause. Il ne vous a pas oubliée, et il n’a pas oublié tout ce qu’il vous doit. Ses angoisses provenaient de choses si terribles qu’aucun être humain n’aurait pu les apaiser. « Sans doute la bonne âme craignait-elle que je fusse jalouse en pensant que mon pauvre chéri était tombé amoureux d’une autre femme ! Moi, jalouse d’une femme dont mon pauvre chéri serait tombé amoureux ! Jalouse ! Moi qui suis si confiante en l’amour de Jonathan ! Et pourtant, ma chère, laisse-moi te dire comme j’ai été tout de même rassurée en apprenant qu’aucune femme n’était à l’origine de sa fièvre cérébrale. Je t’écris, assise à son chevet, et je le regarde à tout moment pendant qu’il dort… Il s’éveille ! |
"My dearest Lucy,— "I know you will be anxious to hear all that has happened since we parted at the railway station at Whitby. Well, my dear, I got to Hull all right, and caught the boat to Hamburg, and then the train on here. I feel that I can hardly recall anything of the journey, except that I knew I was coming to Jonathan, and, that as I should have to do some nursing, I had better get all the sleep I could. . . . I found my dear one, oh, so thin and pale and weak-looking. All the resolution has gone out of his dear eyes, and that quiet dignity which I told you was in his face has vanished. He is only a wreck of himself, and he does not remember anything that has happened to him for a long time past. At least, he wants me to believe so, and I shall never ask. He has had some terrible shock, and I fear it might tax his poor brain if he were to try to recall it. Sister Agatha, who is a good creature and a born nurse, tells me that he raved of dreadful things whilst he was off his head. I wanted her to tell me what they were; but she would only cross herself, and say she would never tell; that the ravings of the sick were the secrets of God, and that if a nurse through her vocation should hear them, she should respect her trust. She is a sweet, good soul, and the next day, when she saw I was troubled, she opened up the subject again, and after saying that she could never mention what my poor dear raved about, added: 'I can tell you this much, my dear: that it was not about anything which he has done wrong himself; and you, as his wife to be, have no cause to be concerned. He has not forgotten you or what he owes to you. His fear was of great and terrible things, which no mortal can treat of. I do believe the dear soul thought I might be jealous lest my poor dear should have fallen in love with any other girl. The idea of my being jealous about Jonathan! And yet, my dear, let me whisper, I felt a thrill of joy through me when I knew that no other woman was a cause of trouble. I am now sitting by his bedside, where I can see his face while he sleeps. He is waking! . . . |
« Éveillé, il m’a demandé son veston et dans une des poches il prit son calepin. Je fus sur le point de le supplier de me laisser lire ses notes — car je savais que j’y aurais trouvé quelques indications au sujet de sa maladie — mais je crois qu’il a saisi ma pensée dans mon regard, car il m’a priée d’aller à la fenêtre : il voulait être seul un moment. Bientôt, il m’a rappelée, et quand je me suis approchée de son lit, la main posée sur son calepin, il me dit d’un ton très grave : |
"When he woke he asked me for his coat, as he wanted to get something from the pocket; I asked Sister Agatha, and she brought all his things. I saw that amongst them was his notebook, and was going to ask him to let me look at it—for I knew then that I might find some clue to his trouble—but I suppose he must have seen my wish in my eyes, for he sent me over to the window, saying he wanted to be quite alone for a moment. Then he called me back, and when I came he had his hand over the note-book, and he said to me very solemnly:— |
« — Wilhelmina — oui, ce qu’il avait à me confier devait être très sérieux, car c’était la première fois qu’il me donnait mon vrai nom depuis le jour où il m’avait demandée en mariage — Wilhelmina, ma chérie, tu sais ce que je pense de la confiance nécessaire entre une femme et son mari. Ils ne doivent rien se cacher, n’avoir aucun secret l’un envers l’autre. Je t’avoue donc que j’ai reçu un grand choc et que, maintenant, lorsque j’essaye de comprendre ce qui m’est arrivé, une sorte de vertige me gagne, de sorte que je ne sais plus si cela s’est réellement passé ou si ce n’était qu’un rêve. On t’a dit que j’avais eu une fièvre cérébrale, ce qui équivaut à de la folie. Le secret de ce qui m’est arrivé est enfermé dans ces pages, mais je ne veux pas le connaître. Je veux que ma vie, avec notre mariage, reparte de zéro (car, ma chère, nous allons nous marier ici, dès que toutes les formalités seront remplies). Veux-tu, Wilhelmina, partager mon ignorance ? Voici mon calepin. Prends-le, garde-le et, si tu en as envie, lis tout ce que j’y ai écrit, mais ne m’en parle jamais, je ne veux pas me souvenir de cette période… À moins que quelque grave devoir m’oblige à y revenir, endormi ou éveillé, fou ou sain d’esprit. « Il retomba, épuisé ; en l’embrassant, je glissai le petit carnet sous son oreiller. Sœur Agatha a bien voulu aller de ma part chez la Mère Supérieure pour la prier de faire en sorte que notre mariage ait lieu cet après-midi. J’attends sa réponse… |
"'Wilhelmina'—I knew then that he was in deadly earnest, for he has never called me by that name since he asked me to marry him—'you know, dear, my ideas of the trust between husband and wife: there should be no secret, no concealment. I have had a great shock, and when I try to think of what it is I feel my head spin round, and I do not know if it was all real or the dreaming of a madman. You know I have had brain fever, and that is to be mad. The secret is here, and I do not want to know it. I want to take up my life here, with our marriage.' For, my dear, we had decided to be married as soon as the formalities are complete. 'Are you willing, Wilhelmina, to share my ignorance? Here is the book. Take it and keep it, read it if you will, but never let me know; unless, indeed, some solemn duty should come upon me to go back to the bitter hours, asleep or awake, sane or mad, recorded here.' He fell back exhausted, and I put the book under his pillow, and kissed him. I have asked Sister Agatha to beg the Superior to let our wedding be this afternoon, and am waiting her reply. . . . |
« Elle est revenue et m’a dit que l’on était allé chercher l’aumônier de l’Église anglicane. Dans une heure, nous serons mariés, ou plutôt, dès que Jonathan s’éveillera… |
"She has come and told me that the chaplain of the English mission church has been sent for. We are to be married in an hour, or as soon after as Jonathan awakes. . . . |
« Lucy, les heures ont passé depuis que j’ai posé ma plume… L’instant m’a paru grave, et maintenant je me sens tellement heureuse ! Quand Jonathan s’est éveillé, tout était prêt et, appuyé sur les oreillers, il s’est assis dans son lit. C’est d’un ton résolu et ferme qu’il a prononcé le « oui ». Pour moi, je pouvais à peine parler ; j’avais le cœur si gros qu’il me semblait que le moindre mot m’étoufferait. Les religieuses sont si dévouées ! Dieu veuille que je ne les oublie jamais, et que je n’oublie jamais non plus les lourdes mais si douces responsabilités que j’ai prises ! Il faut maintenant que je te parle de mon cadeau de noces. Quand l’aumônier et les sœurs m’eurent laissée seule avec mon mari — Oh ! Lucy, c’est la première fois que j’écris ces mots : mon mari — je pris le calepin sous son oreiller, l’enveloppai d’une feuille de papier blanc, liai le tout d’un petit ruban bleu pâle, et scellai le nœud que je cachetai à l’aide de cire et en me servant, comme cachet, de mon alliance. Puis j’y déposai un baiser et dis à mon mari que je garderais toujours ainsi ce petit paquet, qu’il serait pour nous, notre vie durant, le signe extérieur de notre confiance réciproque ; que je ne l’ouvrirais jamais, à moins que ce ne fût dans son intérêt à lui, ou pour obéir à une impérieuse nécessité. Il me prit la main… Oh ! Lucy, c’était la première fois qu’il prenait la main de sa femme… Il me répondit que semblable promesse était la chose qui lui tenait le plus au cœur et que, pour en être digne, il consentirait, s’il le fallait, à revivre tout le passé. Le pauvre garçon voulait assurément dire une partie du passé, mais il est encore incapable d’évaluer le temps écoulé, et je ne m’étonnerais pas si, pendant quelque temps, il confondait non seulement les mois, mais les années. |
"Lucy, the time has come and gone. I feel very solemn, but very, very happy. Jonathan woke a little after the hour, and all was ready, and he sat up in bed, propped up with pillows. He answered his 'I will' firmly and strongly. I could hardly speak; my heart was so full that even those words seemed to choke me. The dear sisters were so kind. Please God, I shall never, never forget them, nor the grave and sweet responsibilities I have taken upon me. I must tell you of my wedding present. When the chaplain and the sisters had left me alone with my husband—oh, Lucy, it is the first time I have written the words my husband'—left me alone with my husband, I took the book from under his pillow, and wrapped it up in white paper, and tied it with a little bit of pale blue ribbon which was round my neck, and sealed it over the knot with sealing-wax, and for my seal I used my wedding ring. Then I kissed it and showed it to my husband, and told him that I would keep it so, and then it would be an outward and visible sign for us all our lives that we trusted each other; that I would never open it unless it were for his own dear sake or for the sake of some stern duty. Then he took my hand in his, and oh, Lucy, it was the first time he took his wife's hand, and said it was the dearest thing in all the wide world, and that he would go through all the past again to win it, if need be. The poor dear meant to have said a part of the past, but he cannot think of time yet, and I shall not wonder if at first he mixes up not only the month, but the year. |
« Qu’aurais-je pu lui répliquer ? Je me contentai de lui murmurer que j’étais la femme le plus heureuse du monde, que je n’avais rien d’autre à lui donner que moi-même, ma vie, ma foi, mon amour et mes devoirs envers lui. Puis, quand il m’embrassa et m’attira à lui de ses mains maigres et sans force, j’eus l’impression que nous échangions à nouveau une promesse solennelle. |
"Well, my dear, what could I say? I could only tell him that I was the happiest woman in all the wide world, and that I had nothing to give him except myself, my life, and my trust, and that with these went my love and duty for all the days of my life. And, my dear, when he kissed me, and drew me to him with his poor weak hands, it was like a very solemn pledge between us. . . . |
« Ma chère Lucy, sais-tu pourquoi je te raconte tout ceci ? Non seulement parce que cela m’est doux, tu le devines, mais parce que tu as toujours été ma plus grande amie… Et que tu le resteras ! J’ai considéré comme un privilège d’être ton amie et un peu ton guide quand tu es sortie de l’école pour te préparer à la vie. Je voudrais maintenant te prouver, grâce à l’exemple que je puis être pour toi, à quoi l’on peut aboutir avec de la patience, de l’endurance, afin que, mariée à ton tour, tu sois aussi heureuse que je le suis maintenant. Ma chérie, plaise à Dieu que ton existence soit ce qu’elle promet : un long jour ensoleillé, sans vent, sans devoir négligé, sans méfiance aucune. Je ne te souhaiterai pas de n’avoir jamais de peine, cela est impossible ; mais, encore une fois, j’espère que tu seras toujours aussi heureuse que je le suis maintenant. Au revoir, ma chérie. Je vais mettre immédiatement cette lettre à la poste, et je t’écrirai encore bientôt. Je dois te quitter, car Jonathan s’éveille… Il faut que je demande à mon mari s’il n’a besoin de rien… « Ton amie de toujours, « Mina HARKER. » |
"Lucy dear, do you know why I tell you all this? It is not only because it is all sweet to me, but because you have been, and are, very dear to me. It was my privilege to be your friend and guide when you came from the schoolroom to prepare for the world of life. I want you to see now, and with the eyes of a very happy wife, whither duty has led me; so that in your own married life you too may be all happy as I am. My dear, please Almighty God, your life may be all it promises: a long day of sunshine, with no harsh wind, no forgetting duty, no distrust. I must not wish you no pain, for that can never be; but I do hope you will be always as happy as I am now. Good-bye, my dear. I shall post this at once, and, perhaps, write you very soon again. I must stop, for Jonathan is waking—I must attend to my husband! "Your ever-loving
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« Ma très chère Mina, « Des océans d’amitié, des millions de baisers, et que tu sois bientôt chez toi dans ta maison, avec ton mari ! Si vous pouviez revenir assez tôt encore en Angleterre, vous viendrez passer quelques jours ici, à Whitby. L’air vif ferait le plus grand bien à Jonathan ; pour moi, il m’a complètement remise ; j’ai un appétit d’ogre, je me sens pleine de vitalité, et je dors très bien. Tu te réjouiras d’apprendre, je crois, que je ne me promène plus tout endormie. Je pense qu’il y a bien une semaine que je n’ai plus quitté un lit : c’est à dire pendant la nuit ! Arthur prétend que j’ai grossi. À propos, j’oublie de te dire qu’Arthur est ici. Nous faisons des promenades à pied ou en voiture, nous montons à cheval, nous ramons, nous jouons au tennis, et nous allons à la pêche ensemble. Je l’aime plus que jamais. Il me dit que, lui aussi, il m’aime toujours davantage ; mais j’en doute car, au début, il me disait qu’il ne pourrait pas m’aimer plus qu’il ne le faisait alors… Le voilà qui m’appelle… Aussi je te quitte. « Toute l’amitié de ta Lucy. « P.S. Maman t’envoie ses meilleures pensées. Elle me semble aller un peu mieux. « P.P.S. Nous nous marions le 28 septembre. » |
Letter, Lucy Westenra to Mina Marker. "Whitby, 30 August. "My dearest Mina,— "Oceans of love and millions of kisses, and may you soon be in your own home with your husband. I wish you could be coming home soon enough to stay with us here. The strong air would soon restore Jonathan; it has quite restored me. I have an appetite like a cormorant, am full of life, and sleep well. You will be glad to know that I have quite given up walking in my sleep. I think I have not stirred out of my bed for a week, that is when I once got into it at night. Arthur says I am getting fat. By the way, I forgot to tell you that Arthur is here. We have such walks and drives, and rides, and rowing, and tennis, and fishing together; and I love him more than ever. He tells me that he loves me more, but I doubt that, for at first he told me that he couldn't love me more than he did then. But this is nonsense. There he is, calling to me. So no more just at present from your loving "Lucy. "P. S.—Mother sends her love. She seems better, poor dear. "P. P. S.—We are to be married on 28 September." |
Le cas de Renfield devient de plus en plus intéressant. Il a maintenant de longues périodes de calme, mais pendant quelques jours, après sa dernière crise, il n’a pas cessé d’être violent. Puis un soir, comme la lune se levait, il s’apaisa et murmura plusieurs fois à lui-même : — Maintenant, je peux attendre… Je peux attendre… Le surveillant est venu me prévenir, et je suis descendu immédiatement me rendre compte de ce qui se passait réellement. Renfield, toujours enfermé dans le cabanon et portant la camisole de force, n’avait plus son air de fureur, et ses yeux avaient retrouvé un peu de leur douceur suppliante, j’allais presque dire obséquieuse. J’ordonnai qu’on le libérât. Le personnel hésita mais, finalement, m’obéit. Chose étrange, le malade comprit parfaitement cette méfiance des surveillants car, s’approchant de moi, il me murmura à l’oreille, cependant qu’il les regardait à la dérobée : |
Dr. Seward's Diary. 20 August.—The case of Renfield grows even more interesting. He has now so far quieted that there are spells of cessation from his passion. For the first week after his atttack he was perpetually violent. Then one night, just as the moon rose, he grew quiet, and kept murmuring to himself: "Now I can wait; now I can wait." The attendant came to tell me, so I ran down at once to have a look at him. He was still in the strait-waistcoat and in the padded room, but the suffused look had gone from his face, and his eyes had something of their old pleading —I might almost say, "cringing"—softness. I was satisfied with his present condition, and directed him to be relieved. The attendants hesitated, but finally carried out my wishes without protest. It was a strange thing that the patient had humour enough to see their distrust, for, coming close to me, he said in a whisper, all the while looking furtively at them:— |
— Ils pensent sans doute que je veux vous blesser ! Moi, vous blesser ! Les idiots ! |
"They think I could hurt you! Fancy me hurting you! The fools!" |
Il y avait somme toute quelque chose de rassurant à constater c’est que, même dans l’esprit de ce malheureux, j’étais différent de mes subalternes ; toutefois, je suivais mal sa pensée. Devais-je comprendre que j’ai quelque chose de commun avec lui de sorte que, pourrait-on dire, nous soyons, lui et moi, du même bord ? Ou bien attend-il de moi tel bienfait qu’il me juge un allié indispensable ? Je vais essayer d’y voir plus clair. Ce soir, en tout cas, il refuse de parler. Il ne se laisse même pas tenter quand on lui offre un chaton ou même un chat adulte. Il se contente de répondre : — Les chats ne m’intéressent plus. En ce moment, vraiment, d’autres choses me préoccupent, et je peux attendre… Je peux attendre… |
It was soothing, somehow, to the feelings to find myself dissociated even in the mind of this poor madman from the others; but all the same I do not follow his thought. Am I to take it that I have anything in common with him, so that we are, as it were, to stand together; or has he to gain from me some good so stupendous that my well-being is needful to him? I must find out later on. To-night he will not speak. Even the offer of a kitten or even a full-grown cat will not tempt him. He will only say: "I don't take any stock in cats. I have more to think of now, and I can wait; I can wait." |
Le surveillant me dit que, une fois que je fus sortis de la chambre, il est resté calme jusqu’à l’aube, puis qu’il s’est mis peu à peu à s’agiter, et cette crise est devenue si violente qu’il a fini par s’évanouir et est resté dans une sorte de coma… |
After a while I left him. The attendant tells me that he was quiet until just before dawn, and that then he began to get uneasy, and at length violent, until at last he fell into a paroxysm which exhausted him so that he swooned into a sort of coma. |
Voilà trois nuits que la même chose s’est reproduite… Des crises violentes pendant la journée, puis de longues heures de calme pendant la nuit. Il me faut trouver la raison de ces répits qui suivent régulièrement les crises. Peut-être notre homme est-il sujet à quelque influence. Si c’était vrai ! Ce soir, nous jouerons esprits sains contre esprits malades. L’autre jour, Renfield s’est échappé malgré notre surveillance ; ce soir, nous l’aiderons à s’échapper. Nous lui donnerons sa chance et les gardiens seront prêts à le suivre, éventuellement… |
. . . Three nights has the same thing happened—violent all day then quiet from moonrise to sunrise. I wish I could get some clue to the cause. It would almost seem as if there was some influence which came and went. Happy thought! We shall to-night play sane wits against mad ones. He escaped before without our help; to-night he shall escape with it. We shall give him a chance, and have the men ready to follow in case they are required. . . . |
« C’est toujours l’inattendu qui arrive. » Comme Disraeli avait raison ! Quand notre oiseau trouva sa cage ouverte, il ne voulut pas s’envoler, de sorte que tous les arrangements que nous avions pris ne servirent à rien ! Cependant une chose est prouvée : les périodes de calme durent quelque temps. Désormais, nous le laisserons libre quelques heures chaque jour. J’ai dit au surveillant de nuit de ne le mettre au cabanon, quand il est paisible, qu’une heure seulement avant le lever du soleil. Il jouira physiquement de cette liberté relative, même si son esprit est incapable de l’apprécier. Mais on m’appelle !… De nouveau, ce à quoi je ne m’attendais pas : le malade s’est échappé, une fois de plus. |
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Même jour, un peu plus tard Une autre aventure, ce soir… Renfield a attendu que le surveillant soit entré dans la chambre, puis il a profité d’un moment où l’autre était occupé pour se précipiter dans le corridor. J’ai donné l’ordre aux gardiens de le suivre. Comme la première fois, il s’est dirigé vers la maison inhabitée et nous l’avons encore trouvé appuyé contre la porte de la vieille chapelle. Quand il m’a vu accompagné du gardien, il s’est mis dans une colère extrême, et si mes hommes ne l’avaient pas empoigné à temps, je crois qu’il aurait tenté de me tuer. Tandis que nous le tenions, soudain il est encore devenu plus violent mais, presque aussitôt, il s’est calmé ; cela ma parut fort étrange et, instinctivement, j’ai regardé autour de nous, d’ailleurs sans rien apercevoir. Alors, j’ai suivi ses regards ; mais, de nouveau, je n’ai rien pu distinguer dans le ciel où la lune brillait, si ce n’est une grosse chauve-souris qui volait vers l’ouest, silencieuse et pareille à un fantôme. Les chauves-souris souvent s’amusent, dirait-on, à passer et repasser au même endroit, mais celle-ci semblait se diriger vers un but bien défini. De plus en plus calme, Renfield nous dit bientôt : |
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— Inutile de me tenir ; je peux retourner seul, et tranquillement ! En effet, nous rentrâmes sans la moindre difficulté, mais ce calme, chez mon malade, ne me dit rien qui vaille, et je ne dois pas oublier ce qui vient de se passer… |
"You needn't tie me; I shall go quietly!" Without trouble we came back to the house. I feel there is something ominous in his calm, and shall not forget this night. . . . |
Comme Mina, je vais tenir un journal. Puis, lorsque nous serons à nouveau ensemble, nous parlerons longuement de tout ce que j’aurai noté ici. Mais quand sera-ce ? Que n’est-elle ici maintenant, car je me sens si malheureuse ! La nuit dernière, j’ai eu l’impression de refaire les rêves que je faisais à Whitby ; peut-être est-ce à cause du changement d’air, ou parce que je suis revenue à la maison… Le plus terrible, c’est que je ne me rappelle rien… Mais j’ai continuellement peur, sans pourtant savoir de quoi. Et je me sens si faible, comme épuisée… Quand Arthur est venu déjeuner avec nous, il a parut tout triste en me voyant, et je n’ai même pas eu le courage de m’efforcer d’être gaie. Je me demande s’il ne me serait pas possible de partager la chambre de maman, cette nuit. J’y dormirais tranquille. Je trouverai un prétexte pour le lui demander. |
Lucy Westenra's Diary Hillingham, 24 August.—I must imitate Mina, and keep writing things down. Then we can have long talks when we do meet. I wonder when it will be. I wish she were with me again, for I feel so unhappy. Last night I seemed to be dreaming again just as I was at Whitby. Perhaps it is the change of air, or getting home again. It is all dark and horrid to me, for I can remember nothing; but I am full of vague fear, and I feel so weak and worn out. When Arthur came to lunch he looked quite grieved when he saw me, and I hadn't the spirit to try to be cheerful. I wonder if I could sleep in mother's room to-night. I shall make an excuse and try. |
Encore une mauvaise nuit. Ma proposition n’a pas semblé plaire à maman. Elle-même n’est pas très bien, et sans doute craint-elle de m’importuner souvent si nous dormons dans la même chambre. J’ai donc essayé de ne pas céder au sommeil et j’y ai réussi quelque temps, mais les douze coups de minuit m’éveillèrent : je m’étais donc endormie malgré tout ! Il me semble qu’on grattait à la fenêtre, ou bien était-ce un plutôt un battement d’ailes ? Mais je n’y pris point garde et, comme je ne me souviens de rien d’autre, je suppose que je me rendormis aussitôt. De nouveaux cauchemars. Si je pouvais me le rappeler… Ce matin encore, je suis horriblement faible ! Mon visage est d’une pâleur effrayante, et j’ai mal à la gorge… Je crois aussi que j’ai quelque chose aux poumons ; je respire souvent avec difficulté. J’essayerai de me montrer un peu plus joyeuse devant Arthur, sinon il sera de nouveau très malheureux. |
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« Mon cher Jack, « Je voudrais vous demander un service. Lucy est malade, non pas d’une maladie bien précise, mais elle a très mauvaise mine, et son état empire de jour en jour. Je lui ai demandé à elle-même de quoi elle souffrait, et non pas à sa mère, car il serait fatal pour la pauvre dame de l’inquiéter au sujet de Lucy. « Mrs Westenra m’a confié qu’elle n’avait plus longtemps à vivre, mais que Lucy n’en sait rien encore. Je suis certain pourtant que ma pauvre chérie, quoiqu’elle me dise le contraire, se tracasse à propos de l’une ou l’autre chose que j’ignore. Je suis fort inquiet ; la regarder est maintenant pour moi devenu une souffrance. Je lui ai dit que je vous demanderais de venir la voir et finalement, elle y a consenti. Ce sera bien pénible pour vous, mon vieil ami, je le sais, mais il s’agit de sa santé — n’est-ce pas ? — et nous ne devons pas hésiter à agir. Voulez-vous venir déjeuner demain à deux heures à Hillingham ? De cette façon, nous n’éveillerons aucun soupçon chez Mrs Westenra : après le déjeuner, Lucy s’arrangera pour être un moment seule avec vous. Moi, je viendrai à l’heure du thé, puis nous repartirons ensemble. « Encore une fois, je suis fou d’inquiétude et j’ai hâte de savoir ce que vous penserez de son état. Venez sans faute ! « Arthur. » |
Letter, Arthur Holmwood to Dr. Seward. "Albemarle Hotel, 31 August.
"I want you to do me a favour. Lucy is ill; that is, she has no special disease, but she looks awful, and is getting worse every day. I have asked her if there is any cause; I do not dare to ask her mother, for to disturb the poor lady's mind about her daughter in her present state of health would be fatal. Mrs. Westenra has confided to me that her doom is spoken—disease of the heart—though poor Lucy does not know it yet. I am sure that there is something preying on my dear girl's mind. I am almost distracted when I think of her; to look at her gives me a pang. I told her I should ask you to see her, and though she demurred at first—I know why, old fellow—she finally consented. It will be a painful task for you, I know, old friend, but it is for her sake, and I must not hesitate to ask, or you to act. You are to come to lunch at Hillingham to-morrow, two o'clock, so as not to arouse any suspicion in Mrs. Westenra, and after lunch Lucy will take an opportunity of being alone with you. I shall come in for tea, and we can go away together; I am filled with anxiety, and want to consult with you alone as soon as I can after you have seen her. Do not fail! "Arthur." |
« Appelé au chevet de père, plus mal. Lettre suit. Écrivez-moi longuement, ce soir, à Ring. Télégraphiez si nécessaire. Art. » |
Telegram, Arthur Holmwood to Seward. "1 September. "Am summoned to see my father, who is worse. Am writing. Write me fully by to-night's post to Ring. Wire me if necessary." |
« Mon vieil ami, « Laissez-moi vous dire tout de suite que, selon moi, Miss Westenra n’est atteinte d’aucun trouble fonctionnel, d’aucune maladie. Pourtant, j’ai été terriblement frappé au moment où je l’ai revue. Hélas ! Elle n’est plus du tout ce qu’elle était à notre dernière rencontre. Bien entendu, il ne faut pas oublier que je n’ai pas pu l’examiner comme je l’aurais voulu : notre amitié même rendait la chose assez difficile. Je vais vous dire exactement comment ma visite s’est passée et, de ces explications, vous tirerez vous-même vos conclusions. Alors seulement, je vous mettrai au courant de ce que j’ai déjà fait et de ce que, maintenant, je propose de faire. |
Letter from Dr. Seward to Arthur Holmwood. "2 September, "My dear old fellow,— "With regard to Miss Westenra's health I hasten to let you know at once that in my opinion there is not any functional disturbance or any malady that I know of. At the same time, I am not by any means satisfied with her appearance; she is woefully different from what she was when I saw her last. Of course you must bear in mind that I did not have full opportunity of examination such as I should wish; our very friendship makes a little difficulty which not even medical science or custom can bridge over. I had better tell you exactly what happened, leaving you to draw, in a measure, your own conclusions. I shall then say what I have done and propose doing. |
« Quand je suis arrivé à Hillingham, Miss Westenra m’a paru d’une humeur enjouée. Sa mère se trouvait près d’elle, et il ne m’a pas fallu longtemps pour comprendre qu’elle faisait l’impossible pour dissimuler son véritable état afin de ne pas l’inquiéter. Car je ne doute pas qu’elle devine, si même personne ne lui en a parlé, combien la prudence est nécessaire à l’égard de Mrs Westenra. Je déjeunai avec ces dames, et comme, tous trois, nous nous efforçâmes de nous montrer fort gais, cet effort eut sa récompense : nous passâmes une bonne heure au moins à nous amuser réellement. Puis, Mrs Westenra monta se reposer, et je restai seul avec Lucy. Jusqu’au moment où nous fûmes passés dans son boudoir, elle feignit cette humeur joyeuse, car les servantes ne cessaient d’aller et venir. Mais aussitôt la porte refermée, elle laissa tomber le masque et, s’affalant dans un fauteuil, elle soupira et de la main se couvrit les yeux. Je lui demandai alors de quoi elle souffrait. |
"I found Miss Westenra in seemingly gay spirits. Her mother was present, and in a few seconds I made up my mind that she was trying all she knew to mislead her mother and prevent her from being anxious. I have no doubt she guesses, if she does not know, what need of caution there is. We lunched alone, and as we all exerted ourselves to be cheerful, we got, as some kind of reward for our labours, some real cheerfulness amongst us. Then Mrs. Westenra went to lie down, and Lucy was left with me. We went into her boudoir, and till we got there her gaiety remained, for the servants were coming and going. As soon as the door was closed, however, the mask fell from her face, and she sank down into a chair with a great sigh, and hid her eyes with her hand. When I saw that her high spirits had failed, I at once took advantage of her reaction to make a diagnosis. She said to me very sweetly:— |
« — Si vous saviez comme j’aime peu parler de moi ! s’écria-t-elle. « Je lui rappelai que le secret des confidences faites à un médecin est considéré comme inviolable, mais je lui avouai toutefois que vous m’aviez dit votre inquiétude à son sujet. « Elle saisit immédiatement la situation et, en quelques mots, me laissa le champ libre. « — Dites à Arthur tout ce que vous voulez. Si j’ai du chagrin, ce n’est pas pour moi, mais pour lui ! |
"'I cannot tell you how I loathe talking about myself.' I reminded her that a doctor's confidence was sacred, but that you were grievously anxious about her. She caught on to my meaning at once, and settled that matter in a word. 'Tell Arthur everything you choose. I do not care for myself, but all for him!' So I am quite free. |
« C’est pourquoi je vous fais part de mes impressions. Je vis tout de suite qu’elle était anémique, quoiqu’elle ne présente aucun des signes propres à cette maladie. De plus, par un heureux hasard, je pus examiner la qualité de son sang, car un moment après, elle se blessa légèrement à la main en ouvrant la fenêtre. Rien de grave, bien sûr, mais j’eus ainsi l’occasion de recueillir quelques gouttes de sang que j’ai ensuite analysées. Cette analyse donne un très bon résultat. D’autre part, je ne vois aucun symptôme inquiétant. Néanmoins, comme cet état anémique est évidemment le résultat d’une cause bien déterminée, je conclus que cette cause doit être d’ordre mental. Miss Westenra se plaint d’une certaine difficulté à respirer, d’un sommeil lourd, comme léthargique, souvent accompagné d’affreux cauchemars dont, pourtant, sa mémoire ne garde pas le détail. Elle me dit, enfant, elle était sujette à des crises de somnambulisme et que, à Whitby, cet été, ces crises l’ont de nouveau saisie et que même, une nuit, elle est sortie de l’hôtel, endormie, et est montée sur la falaise où Miss Murray l’a retrouvée ; mais elle m’assure que, ces derniers temps, elle a passé des nuits tranquilles. « Comme je ne sais trop ce qu’il faut penser de tout cela, j’ai fait ce qu’il me semblait le plus indiqué : j’ai écrit à mon vieil ami et maître, le professeur Van Helsing, d’Amsterdam, grand spécialiste des maladies de ce genre. Je l’ai prié de venir voir la patiente et, comme vous me dites dans votre dernière lettre que vous prenez tous les frais à votre charge, je lui ai parlé de vous en précisant que vous êtes le fiancé de Miss Westenra. Ceci, mon cher Art, parce que vous en avez exprimé le désir, car je serai toujours fier et heureux d’aider Miss Westenra autant que je le puis. « Quant à Van Helsing, j’en suis certain, il ferait tout pour moi — pour des raisons personnelles — de sorte que, peu importe en quelle qualité il vienne ici, il nous faudra nous en remettre à toutes ses décisions. Il peut, en certaines circonstances, paraître despotique, mais cela tient au fait que, mieux que personne, il sait ce dont il parle. C’est en même temps un philosophe et un métaphysicien, réellement un des plus grands savants de notre époque. C’est, je crois, un esprit ouvert à toutes les possibilités. De plus, il a des nerfs inébranlables, un tempérament de fer, une volonté résolue et qui va toujours au but qu’elle s’est proposé, un empire admirable sur lui-même, et enfin une bonté sans limite, telles sont les qualités dont il est pourvu et qu’il met en pratique dans le noble travail qu’il accomplit pour le bien de l’humanité. « Je vous dis tout ceci pour que vous compreniez pourquoi j’ai une telle confiance en lui. Je lui ai demandé de venir toutes affaires cessantes. Et je reverrai demain Miss Westenra, mais pas chez elle, car je ne voudrais pas inquiéter sa mère par des visites trop fréquentes. « Bien à vous, « John Seward. » |
"I could easily see that she is somewhat bloodless, but I could not see the usual anaemic signs, and by a chance I was actually able to test the quality of her blood, for in opening a window which was stiff a cord gave way, and she cut her hand slightly with broken glass. It was a slight matter in itself, but it gave me an evident chance, and I secured a few drops of the blood and have analysed them. The qualitative analysis gives a quite normal condition, and shows, I should infer, in itself a vigorous state of health. In other physical matters I was quite satisfied that there is no need for anxiety; but as there must be a cause somewhere, I have come to the conclusion that it must be something mental. She complains of difficulty in breathing satisfactorily at times, and of heavy, lethargic sleep, with dreams that frighten her, but regarding which she can remember nothing. She says that as a child she used to walk in her sleep, and that when in Whitby the habit came back, and that once she walked out in the night and went to East Cliff, where Miss Murray found her; but she assures me that of late the habit has not returned. I am in doubt, and so have done the best thing I know of; I have written to my old friend and master, Professor Van Helsing, of Amsterdam, who knows as much about obscure diseases as any one in the world. I have asked him to come over, and as you told me that all things were to be at your charge, I have mentioned to him who you are and your relations to Miss Westenra. This, my dear fellow, is in obedience to your wishes, for I am only too proud and happy to do anything I can for her. Van Helsing would, I know, do anything for me for a personal reason, so, no matter on what ground he comes, we must accept his wishes. He is a seemingly arbitrary man, but this is because he knows what he is talking about better than any one else. He is a philosopher and a metaphysician, and one of the most advanced scientists of his day; and he has, I believe, an absolutely open mind. This, with an iron nerve, a temper of the ice-brook, an indomitable resolution, self-command, and toleration exalted from virtues to blessings, and the kindliest and truest heart that beats—these form his equipment for the noble work that he is doing for mankind—work both in theory and practice, for his views are as wide as his all-embracing sympathy. I tell you these facts that you may know why I have such confidence in him. I have asked him to come at once. I shall see Miss Westenra to-morrow again. She is to meet me at the Stores, so that I may not alarm her mother by too early a repetition of my call. "Yours always, |
« Mon cher ami, « Je reçois votre lettre, et j’arrive ! Je puis parfaitement partir sans attendre, aucun malade n’ayant besoin de moi pendant un jour ou deux. Je les plaindrais s’il en était autrement, car rien ne pourrait m’empêcher d’aller vers mon ami qui m’appelle pour assister ceux qui lui sont chers. Dites à ce jeune homme que le jour où vous vous êtes précipité pour sucer le poison qui menaçait d’envenimer la blessure, faite par le couteau que, dans un geste maladroit, notre autre ami avait glissé, vous avez donné à ce jeune homme, et plus qu’il ne le supposera jamais, le droit de recourir à mes soins ; et vous-même vous êtes mis en droit de demander ces jours pour lui, et cela sans qu’intervienne le moins du monde l’importance de sa fortune. Mais que ce soit un de vos amis que j’aide, ce m’est un plaisir d’autant plus grand. Ayez la bonté de me retenir un appartement au Grand Hôtel de l’Est, proche de la demeure de notre malade, et prévenez la jeune demoiselle que nous la verrons demain matin, car il se peut tout de même que je doive revenir ici demain soir. Mais, s’il le fallait, je retournerais à Londres dans trois jours et je pourrais alors y rester plus longtemps. Au revoir, mon ami ! « Van Helsing. » |
Letter, Abraham Van Helsing, M. D., D. Ph., D. Lit., etc., etc., to Dr. Seward. "2 September. "My good Friend,— "When I have received your letter I am already coming to you. By good fortune I can leave just at once, without wrong to any of those who have trusted me. Were fortune other, then it were bad for those who have trusted, for I come to my friend when he call me to aid those he holds dear. Tell your friend that when that time you suck from my wound so swiftly the poison of the gangrene from that knife that our other friend, too nervous, let slip, you did more for him when he wants my aids and you call for them than all his great fortune could do. But it is pleasure added to do for him, your friend; it is to you that I come. Have then rooms for me at the Great Eastern Hotel, so that I may be near to hand, and please it so arrange that we may see the young lady not too late on tomorrow, for it is likely that I may have to return here that night. But if need be I shall come again in three days, and stay longer if it must. Till then good-bye, my friend John. "Van Helsing." |
« Mon cher Art, « Van Helsing est venu et reparti. Il m’a accompagné à Hilligham. Mrs Westenra déjeunant dehors, nous fûmes donc seuls avec Lucy. Van Helsing l’a examinée très sérieusement. Il doit me faire part de son diagnostic car, naturellement, je n’ai pas assisté à tout l’examen. Je crois, toutefois, qu’il est inquiet, mais il m’a dit qu’il devait d’abord beaucoup réfléchir et chercher. Quand je lui ai parlé de notre amitié et de la confiance que vous me témoignez en cette affaire, il m’a répondu : « — Il faut absolument qu’il sache tout ce que vous pensez, et tout ce que je pense, moi, pour autant que vous deviniez mes pensées… Non, je ne plaisante pas ; il s’agit d’une question de vie ou de mort, et peut-être d’autre chose encore… « Je le priai de s’expliquer davantage, car il avait prononcé ces mots sur un ton des plus graves. Cela se passait à notre retour en ville ; nous prenions une tasse de thé avant son départ pour Amsterdam. Mais j’eus beau le questionner, il ne voulut rien me dire d’autre. Ne m’en veuillez pas, Art ! Ce silence, chez lui, montre qu’il pense à la malade, qu’il étudie minutieusement le cas, qu’il cherche, en faisant appel à toute sa science. Il parlera plus clairement quand il saura ce qu’il doit savoir, soyez-en certain. Je lui ai donc dit que je me bornerais à vous raconter notre visite, exactement comme si je rédigeais un article spécial pour la Daily Telegraph ; mais sans paraître m’écouter, il a fait la remarque que l’air, à Londres, n’était plus aussi chargé de suie qu’au temps où il était étudiant. Je recevrai vraisemblablement son rapport demain ; en tout cas, j’attends une lettre. |
Letter, Dr. Seward to Hon. Arthur Holmwood. 3 September. "My dear Art,— "Van Helsing has come and gone. He came on with me to Hillingham, and found that, by Lucy's discretion, her mother was lunching out, so that we were alone with her. Van Helsing made a very careful examination of the patient. He is to report to me, and I shall advise you, for of course I was not present all the time. He is, I fear, much concerned, but says he must think. When I told him of our friendship and how you trust to me in the matter, he said: 'You must tell him all you think. Tell him what I think, if you can guess it, if you will. Nay, I am not jesting. This is no jest, but life and death, perhaps more.' I asked what he meant by that, for he was very serious. This was when we had come back to town, and he was having a cup of tea before starting on his return to Amsterdam. He would not give me any further clue. You must not be angry with me, Art, because his very reticence means that all his brains are working for her good. He will speak plainly enough when the time comes, be sure. So I told him I would simply write an account of our visit, just as if I were doing a descriptive special article for The Daily Telegraph. He seemed not to notice, but remarked that the smuts in London were not quite so bad as they used to be when he was a student here. I am to get his report tomorrow if he can possibly make it. In any case I am to have a letter. |
« Bon. Maintenant, notre visite. Lucy était plus gaie que le premier jour où je l’avais vue, et sa mine certainement meilleure. Elle ne regardait plus de ces yeux qui vous avaient tant effrayé, et elle respirait normalement. Envers le professeur (comme d’ailleurs envers tous ceux qui l’approchent) elle fut très aimable, et elle s’efforça de paraître très naturelle devant lui, encore que, pour y parvenir, la pauvre dut visiblement lutter contre elle-même. Van Helsing, je pense, le remarqua comme moi, car je vis qu’il lui jetait, sous ses sourcils en broussailles, le coup d’œil rapide et pénétrant que je connais depuis si longtemps. Il bavarda de choses et d’autres, sauf de nous-mêmes et de maladies, et il mettait dans ses propos tant de bonne humeur que, bientôt, chez Lucy, ce qui jusque-là n’avait été que feinte se changea en une gaieté réelle. Alors, continuant apparemment la même conversation, doucement, il en vint à faire allusion à l’objet de sa visite : |
"Well, as to the visit. Lucy was more cheerful than on the day I first saw her, and certainly looked better. She had lost something of the ghastly look that so upset you, and her breathing was normal. She was very sweet to the professor (as she always is), and tried to make him feel at ease; though I could see that the poor girl was making a hard struggle for it. I believe Van Helsing saw it, too, for I saw the quick look under his bushy brows that I knew of old. Then he began to chat of all things except ourselves and diseases and with such an infinite geniality that I could see poor Lucy's pretense of animation merge into reality. Then, without any seeming change, he brought the conversation gently round to his visit, and suavely said:— |
« — Ma chère demoiselle, déclara-t-il, le si grand plaisir de venir vous voir m’est donné uniquement parce que l’on a pour vous un très grand amour. Et cela est tellement précieux, croyez-moi ! On m’a dit que vous étiez très pâle et fort abattue. J’ai répondu : « Pftt… » Il fit, à mon adresse un léger mouvement de la main. Et nous allons, vous et moi, leur prouver à tous deux qu’ils ont tort. Comment peut-il — et il me désigna du même regard et du même geste dont il m’avait désigné, dans sa classe, un jour, lors d’un incident qu’il ne manquait jamais de me rappeler — comment pourrait-il connaître quelque chose aux jeunes demoiselles ? Il doit s’occuper de ses malades, les soigner, leur faire retrouver le bonheur et les rendre à ceux qui les aiment. Certes, ce n’est pas rien ; mais la récompense de nos efforts, justement, c’est d’être à même de rendre aux malades, avec la guérison, le bonheur. Quant aux jeunes demoiselles ! Il n’a ni femme ni fille, et les jeunes filles ne se confient pas aux jeunes gens, mais aux vieux messieurs comme moi qui ont, au cours de leur vie, vu tant de souffrances autour d’eux, si même ils n’en ont pas connu eux-mêmes, et qui en ont pénétré les causes. Aussi, ma chère amie, nous allons l’envoyer fumer une cigarette au jardin, pendant que nous bavarderons ensemble quelques instants. « J’obéis aussitôt et j’allai me promener autour de la maison. Van Helsing ne fut pas long à m’appeler par la fenêtre. Lorsqu’il m’eut rejoint, il m’expliqua : « — Je l’ai très bien examinée, mais je ne trouve aucune déficience fonctionnelle. Comme vous, je pense qu’elle a dû perdre beaucoup de sang, qu’elle a perdu, vous m’entendez, car il est certain qu’elle n’en perd plus pour le moment. Toutefois, il n’existe non plus chez elle aucun symptôme d’anémie. Je lui ai demandé de m’envoyer la femme de chambre à qui je voudrais poser une ou deux questions afin d’être renseigné le plus exactement possible. Mais je sais déjà ce que cette servante me répondra… Et pourtant, il y a une cause à cet état maladif. Il existe toujours une cause à tout. Je vais donc retourner à Amsterdam, et réfléchir. Vous me télégraphierez chaque jour et, si cela est nécessaire, je reviendrai. Cette maladie — car, de toute façon, il s’agit d’une maladie — m’intéresse beaucoup, de même que cette charmante demoiselle. Oui, elle est vraiment charmante, et je reviendrais volontiers pour elle seule, même si vous n’étiez pas là et si elle n’était pas malade. |
"'My dear young miss, I have the so great pleasure because you are so much beloved. That is much, my dear, ever were there that which I do not see. They told me you were down in the spirit, and that you were of a ghastly pale. To them I say: "Pouf!"' And he snapped his fingers at me and went on: 'But you and I shall show them how wrong they are. How can he'—and he pointed at me with the same look and gesture as that with which once he pointed me out to his class, on, or rather after, a particular occasion which he never fails to remind me of—'know anything of a young ladies? He has his madams to play with, and to bring them back to happiness, and to those that love them. It is much to do, and, oh, but there are rewards, in that we can bestow such happiness. But the young ladies! He has no wife nor daughter, and the young do not tell themselves to the young, but to the old, like me, who have known so many sorrows and the causes of them. So, my dear, we will send him away to smoke the cigarette in the garden, whiles you and I have little talk all to ourselves.' I took the hint, and strolled about, and presently the professor came to the window and called me in. He looked grave, but said: 'I have made careful examination, but there is no functional cause. With you I agree that there has been much blood lost; it has been, but is not. But the conditions of her are in no way anæmic. I have asked her to send me her maid, that I may ask just one or two question, that so I may not chance to miss nothing. I know well what she will say. And yet there is cause; there is always cause for everything. I must go back home and think. You must send to me the telegram every day; and if there be cause I shall come again. The disease—for not to be all well is a disease—interest me, and the sweet young dear, she interest me too. She charm me, and for her, if not for you or disease, I come.' |
« Je vous le répète, il n’a pas voulu m’en dire davantage, même lorsque je fus seul avec lui. Maintenant, Art, vous en savez autant que moi. Ayez confiance en moi, je surveillerai de près notre chère malade. J’espère que votre père va mieux. Je me mets à votre place : cela doit être terrible de savoir en danger les deux êtres qui vous sont les plus chers au monde ! Je comprends parfaitement le sentiment du devoir qui vous fait rester auprès de votre père, mais si l’état de Lucy s’aggravait, je vous écrirais de revenir tout de suite ; donc, si vous ne recevez pas de mes nouvelles, ne soyez tout de même pas trop inquiet. » |
"As I tell you, he would not say a word more, even when we were alone. And so now. Art, you know all I know. I shall keep stern watch. I trust your poor father is rallying. It must be a terrible thing to you, my dear old fellow, to be placed in such a position between two people who are both so dear to you. I know your idea of duty to your father, and you are right to stick to it; but, if need be, I shall send you word to come at once to Lucy; so do not be over-anxious unless you hear from me." |
Notre malade zoophage est de plus en plus intéressant à observer. Il n’a plus eu qu’une seule crise — hier à midi. Un peu avant que sonnent les douze coups, il devint agité. Reconnaissant le mal aux symptômes habituels, le surveillant fit aussitôt demander de l’aide. Heureusement, on arriva immédiatement car, alors que midi sonnait, le malade entra dans une telle fureur que les hommes n’eurent pas trop de toutes leurs forces pour le maintenir. Au bout de cinq minutes, toutefois, il commença à se calmer, et finalement, tomba dans un état de mélancolie qui dure encore. Le surveillant me dit qu’au paroxysme de la crise, il poussait des cris effrayants. J’eus fort à faire quand j’allai le voir, et, de plus, j’eus à m’occuper d’autres malades que ses cris avaient plongés à leur tour dans un véritable état d’épouvante ! Ce qui ne m’étonne nullement, car ces cris m’ont paru insupportables à moi-même, qui me trouvais pourtant loin du cabanon. C’est maintenant l’heure du dîner pour les pensionnaires ; mais Renfield reste à bouder dans un coin tout en ruminant quelques idées, dirait-on. Je n’y comprends rien. |
Dr. Seward's Diary. 4 September.—Zoöphagous patient still keeps up our interest in him. He had only one outburst and that was yesterday at an unusual time. Just before the stroke of noon he began to grow restless. The attendant knew the symptoms, and at once summoned aid. Fortunately the men came at a run, and were just in time, for at the stroke of noon he became so violent that it took all their strength to hold him. In about five minutes, however, he began to get more and more quiet, and finally sank into a sort of melancholy, in which state he has remained up to now. The attendant tells me that his screams whilst in the paroxysm were really appalling; I found my hands full when I got in, attending to some of the other patients who were frightened by him. Indeed, I can quite understand the effect, for the sounds disturbed even me, though I was some distance away. It is now after the dinner-hour of the asylum, and as yet my patient sits in a corner brooding, with a dull, sullen, woe-begone look in his face, which seems rather to indicate than to show something directly. I cannot quite understand it. |
Un peu plus tard Autre changement chez mon malade. À cinq heures, je suis retourné le voir ; il m’a semblé très content de son sort. Il attrapait des mouches et les mangeait, et il notait chacune de ses captures en faisant, à l’aide d’un de ses ongles, une marque sur le chambranle de la porte. Quand il me vit, il vint vers moi en s’excusant de sa mauvaise conduite et il me demanda, me supplia presque, de le faire ramener dans sa chambre où il pourrait de nouveau écrire dans son calepin. Je crus bien faire de lui passer ce caprice. Pour le moment, il est donc dans sa chambre dont il a ouvert la fenêtre. Il a éparpillé le sucre de son thé sur le rebord extérieur, et il prend des mouches en grande quantité. Mais, cette fois, il ne mange pas ; il se contente de les mettre dans une boîte, ainsi qu’il faisait auparavant, et déjà il examine les coins de sa chambre, à la recherche d’une araignée. J’ai tenté de le faire parler des jours qu’il vient de passer, car le moindre fil conducteur de ses pensées m’eût aidé considérablement dans mon travail. Mais rien ne le fit sortir de son silence. Un instant il parut très triste et dit alors tout bas, d’une voix à peine perceptible, comme s’adressant plus à lui-même qu’à moi : |
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— C’est fini ! C’est fini ! Il m’a abandonné ! Maintenant, je ne dois plus rien espérer, à moins d’agir moi-même. Puis, se tournant vers moi d’un air résolu, il reprit : — Docteur, voulez-vous être très bon pour moi ? Demandez que l’on m’apporte encore un peu de sucre. Je crois que cela me fera du bien. |
"All over! all over! He has deserted me. No hope for me now unless I do it for myself!" Then suddenly turning to me in a resolute way, he said: "Doctor, won't you be very good to me and let me have a little more sugar? I think it would be good for me." |
— Et les mouches ? |
"And the flies?" I said. |
— Bien sûr, les mouches l’aiment, elles aussi, et, moi, j’aime les mouches ; voilà pourquoi j’aime le sucre. Et il y a des gens assez ignorants pour croire que les fous ne peuvent pas lier l’une à l’autre plusieurs idées ! Je lui fis donc apporter une double ration de sucre, et c’est un homme très heureux que je quittai. |
"Yes! The flies like it, too, and I like the flies; therefore I like it." And there are people who know so little as to think that madmen do not argue. I procured him a double supply, and left him as happy a man as, I suppose, any in the world. I wish I could fathom his mind. |
Minuit Nouveau changement chez Renfield. Je revenais de chez Miss Westenra, que j’avais trouvée beaucoup mieux, et je m’étais arrêté sur le seuil de l’établissement, désireux de contempler encore un peu le soleil couchant quand je l’entendis qui hurlait à nouveau, et d’autant plus distinctement que sa chambre se trouve en façade. Ce ne fut pas sans un serrement de cœur que je me détournai du spectacle admirable qu’offrait le soleil couchant illuminant Londres comme à travers une brume teinté d’or, pour me retrouver devant cette façade de pierre, triste et d’aspect sévère, qui cache tant de misère humaine. J’arrivai dans la chambre de Renfield au moment même où, de sa fenêtre, je pus voir le soleil sombrant derrière l’horizon. Depuis quelques minutes déjà, la fureur de mon malade se calmait peu à peu, mais à l’instant précis où le disque rouge disparut, il glissa d’entre les mains qui le retenaient et tomba, telle une masse inerte, sur le plancher. Il est étonnant de voir à quel point nos malades peuvent soudain recouvrer la raison (même si ce n’est que passagèrement) car, en l’espace de quelques minutes, celui-ci se releva très tranquillement et regarda autour de lui. Je fis comprendre aux surveillants qu’ils devaient le laisser agir à sa guise, car je voulais voir ce qui allait se passer. Il se dirigea immédiatement vers la fenêtre et fit disparaître le peu de sucre qui restait sur la pierre ; puis il prit la boîte où il enfermait ses mouches, laissa les mouches s’envoler et jeta la boîte ; enfin, ferma la fenêtre et revint s’asseoir sur son lit. — Vous ne voulez donc plus de mouches ? lui demandai-je. |
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— Non, répondit-il, ces bestioles de rien du tout, j’en ai assez ! Que ne puis-je, vraiment, saisir la cause de ses crises ! Attention ! Peut-être en trouverions-nous la véritable raison si nous savions pourquoi, aujourd’hui, sa fureur a atteint un point extrême à midi juste, puis au soleil couchant. Faut-il penser que le soleil a une influence maligne qui, à certains moments, affecte certaines natures, comme la lune, parfois, en affecte d’autres ? Nous verrons. |
"No," said he; "I am sick of all that rubbish!" He certainly is a wonderfully interesting study. I wish I could get some glimpse of his mind or of the cause of his sudden passion. Stop; there may be a clue after all, if we can find why to-day his paroxysms came on at high noon and at sunset. Can it be that there is a malign influence of the sun at periods which affects certain natures—as at times the moon does others? We shall see. |
« Malade beaucoup mieux aujourd’hui. » |
Telegram, Seward, London, to Van Helsing, Amsterdam.
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« Malade de mieux en mieux. Appétit excellent, sommeil naturel, bonne humeur, couleurs reviennent. » |
Telegram, Seward, London, to Van Helsing, Amsterdam,
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« Sérieuse aggravation. Venez immédiatement, sans perdre une heure. |
Telegram, Seward, London, to Van Helsing, Amsterdam.
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« J.S. » |
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